Texte intégral
Le FIGARO le 9 avril 1998
La crise politique que traverse notre pays est profonde durable. Elle n'est pas liée seulement aux élections régionales. Elle ne se résume pas seulement à la question du Front national. Elle ne touche pas simplement les partis d'opposition ni même le seul monde politiques.
C'est à l’évidence la fin d'une époque Cette époque aura duré quarante ans. Elle aura permis à la Ve République de répondre aux grandes difficultés qu'elle a connues : la guerre d'Algérie, la révolte de Mai 1968, les élargissements du marché commun, les cohabitations.
Maintenir l'unité.
Nous sommes désormais devant une période nouvelle. Le désarroi politique et la détresse sociale se conjuguent. Le vieillissement de nos institutions nous éloigne des débats politiques et surtout des réformes que connaissent tous nos voisins. Le manque de sang-froid d'un monde politique congestionné par la centralisation ne fait que traduire chez certains une conception patrimoniale du pouvoir qui donne à ceux qui le détiennent le sentiment étrange que l'on n'a pas le droit de le leur retirer... La progression parallèle de la pauvreté et de l'assistance qui tente- en vain – d'y répondre, déroute les jeunes, trouble les plus audacieux de nos compatriotes.
Je le concède, sans aveuglement, ni mélancolie : l'UDF est au cœur de cette tourmente. Si je m'efforce d'en maintenir l'unité c'est que je considère qu'elle est indispensable à l'équilibre politique de notre pays comme de la réussite d'une alternance à venir.
Plus européenne que d'autres, la confédération n'a pas renoncé à présenter comme son ambition première la construction politique de notre continent au moment même où tout le monde s'en éloigne.
Plus libérale que d'autres notre famille de pensée n'a pas renoncé à faire que l’État se retire des secteurs dans lesquels il a révélé son impuissance, au moment même où sa légitime autorité est recherchée par nos concitoyens.
Plus décentralisatrice que d'autres UDF souhaite un vaste et profond mouvement institutionnel qui redonnerait aux Français, là où ils vivent la maîtrise directe de leurs propres affaires.
Faut-il donc étonner qu'elle subisse aujourd'hui plus que d’autres, les tensions qui traversent la société tout entière ?
Parmi ces tensions figure celle que le Front national cultives, entretient et enrichit chaque jour de ses provocations. Nous devons y répondre avec la plus grande clarté : l’extrême droite n'est pas le prolongement de la droite. C'est parce que certains l'ont oublié que nous sommes aujourd'hui devant des glissements de terrains qui ébranlent tout l'édifice de la représentation politique.
L'UDF, bien loin de s'engager dans cette direction qui oublierait les racines communes des deux grands mouvements totalitaires du XXI siècle doit construire aujourd'hui l'alternative moderne, ouverte et généreuse, au socialisme français dont on voit bien qu’il séduit plus qu'il ne gouverne.
A nos partenaires du RPR.
Nous disons aux responsables socialistes (si le mot de responsable a encore un sens) qu’ils ont été, dans ces derniers mois, les artisans constants - et probablement conscients de la progression de l'extrémisme.
Nous leur disons que malgré les défilés et les bûchers, nous préparons, par les convictions personnaliste et humanistes qui sont les nôtres; la société libérale, décentralisée et responsable que la droite française à le devoir de proposer au pays.
Nous leur disons que dans cette période nouvelle où s'exerce la fascination des identités, l'UDF entend poursuivre un objectif de rassemblement, de réconciliation et d'ouverture de la droite libérale.
Si nos partenaires du RPR souhaitent le développement d'une compétition électorale, généralisée, dont il faudrait par ailleurs démontrer l’efficacité, parlons-en, écoutons-nous et respectons-nous !
Je propose, pour ma part, que se réunissent ensemble pour examiner les conclusions, que nous tirons de cette crise les deux bureaux politiques de l'UDF et du RPR et qu'ensuite chaque famille fasse en sorte que le terrain, la base, les militants et les élus expriment ce qu'il ressentent comme nécessaire.
Ce n'est qu'à partir de cette consultation que nous pourrons mesurer ce qui nous est commun, ce qui nous sépare et ce que nous sommes capables de faire ensemble.
Le FIGARO le 1er avril 1998
Q - Si l'UDF est dans la « tourmente », son président est jugé affaibli. Vous avez voulu mener la bataille régionale on Provence-Alpes-Côte d'Azur et faire de votre combat contre le FN un combat exemplaire. Vous avez échoué...
François LÉOTARD. - J'ai été l'un des rares dirigeants à m'engager totalement dans cette bataille des régionales. Et sur un thème clair vis-à-vis du FN. II. serait paradoxal qu’ils m’en soient faits grief au moment où j'essaie d'éviter que l'opposition ne se morcelle davantage.
Q - Ne regrettez-vous rien ?
- Si c'était à refaire, je le referais. Et notamment à travers la stricte parité hommes femmes sur ma liste. Sans doute ai-je sous-estimé ce que représentait la tentation de la proportionnelle dans certains esprits faibles. Le jeu qu'ont joué certains petits chefs nous a fait perdre autour de six points, ce qui est considérable. S'il n'y avait pas eu ces défections soigneusement organisées, ces petites trahisons, j'aurais été en tête. Bien sûr, c'est une défaite. Mais, dans une région où, dans certains endroits, le FN dépasse les 30 %, il est particulièrement difficile de faire exister une droite libérale dont je continue à penser qu'elle est seule en mesure d'empêcher la violence Politique. Mais je préfère cette défaite au déshonneur que certains semblent accepter, par une conception patrimoniale qu'ils ont du pouvoir. Ce n'est pas la défaite qui est un déshonneur, c'est le déshonneur de manquer à ses engagements, à son projet qui est une défaite ! Ne pas accepter une défaite, c'est avoir une curieuse conception de la vie démocratique. Le trouble que nous connaissons vient de ce refus délibéré d'un certain nombre d'élus de se soumettre à la règle du suffrage universel à la règle élémentaire de l'institution qu'ils doivent servir
Refuser une majorité relative sous prétexte qu'elle est relative; c'est se mettre en situation d'intégrisme politique.
Q - Ce refus vient de personnalités non négligeables de l'UDF. Quoi que vous fassiez, leur attitude ne va-t-elle pas peser durablement sur la famille libérale ?
- Je suis très peine de voir que, dans ma famille politique, certains acceptent l'idée que l'extrême droite puisse être le prolongement de la droite, alors qu'elle est à des années, lumière de ce que nous sommes et de ce que devraient être les libéraux. L'apparition de ce mouvement en France, dont les dirigeants, les thèmes, le comportement, sont dangereux, est redoutable pour notre pays. Je n'ai aucune raison de changer d'analyse. Si ma propre famille politique en avait une autre, je ne resterais pas dans cette famille. C'est clair. Mais qu'il y ait un débat sur l'attitude à avoir vis-à-vis du FN est une évidence. Ce sont des questions qui se posent dans toutes les familles politiques, y compris à gauche. Ce qu'il faut, c'est les trancher. Et, après, s'en tenir aux décisions prises: Il faut pour cela un minimum de discipline. Et dans le futur, sans doute, en faudra-t-il un peu plus.
Q - Êtes-vous optimiste sur l'avenir de l'UDE ?
Peut-on bâtir quelque chose de nouveau qui ne rassemble pas à ce « magma » quelquefois décrit ?
J'ai toujours partagé l'objectif initial de Valéry Giscard d'Estaing, en 1978 : faire en sorte qu'existe entre les trois plus vieilles familles de la vie politique française, libérale, démocrate-chrétienne et radicale, un pacte de cohésion et d'action politique. Ce pacte a-t-il des raisons d'être rompu ? Je ne le crois pas.
Q - Êtes-vous prêt à tout pour que ce pacte ne soit pas rompu ?
- Qu'allez-vous proposer ce matin au bureau politique de l'UDF ?
Je propose au bureau politique de l'UDF de servir de cadre de transition à l'émergence d'une formation unique, profondément renouvelée, qui rassemblera les libéraux, les centristes, les radicaux et, au-delà, beaucoup de nos concitoyens, sur trois questions simples:
Q - Voulez-vous une famille unique qui se substituerait à l'actuelle confédération à cinq composantes ?
- Sur quel mode d'organisation ?
Je souhaiterais qu'elle favorise la région comme structure de base en acceptant les courants.
Q - Pour quelle stratégie politique ?
Une stratégie s'appliquant à exprimer une alternative à la politique de la gauche et refusant tout compromis avec le Front national.
Ce sont au fond ces trois questions qui sont aujourd'hui posées. Il faudra dans le même temps reformuler complètement les thèmes qui sont les nôtres.
Q - Vous posez ces questions au bureau politique. Et après ?
- J'attends un accord du bureau politique de l'UDF pour que ces questions soient posées aux cent mille militants recensés sur le fichier unique de la confédération.
Q Comment seront consultés ces militants, et selon quel calendrier ?
- Cette consultation doit être organisée avant l'été. Sous forme référendaire, avec des réponses écrites vérifiables, avec photocopie de la carte d'identité: En septembre, nous procéderons à des élections, à tous les niveaux pour élire l'ensemble des responsables de ce nouveau parti, définir les critères selon lesquels seront constitués les courants à partir du nombre de fédérations ou de parlementaires et adopter de nouveaux statuts avant le 30 septembre..
Q - N'est-ce pas un processus un peu long ?
- Long ? Si j'obtenais le feu vert du bureau politique, la consultation pourrait être achevée à la fin de mai. Je vous ferai remarquer que personne n'a depuis vingt ans signé un décret de dissolution d'un parti, quel qu'il soit.
Q - Et si vous n'avez pas le feu vert ?
- Je ne veux préjuger de rien. Mais, s'il y avait une volonté de rupture, j'en prendrais acte. Entre le statu quo et la rupture, l'un et l'autre insupportables, il y a vraiment de l'espace pour une véritable refondation.
Q - Mais Valéry Giscard d'Estaing s'est peut-être trompé d'objectif en voulant rassembler dans une formation du centre des familles qui semblent avoir le plus grand mal à vivre ensemble.
- Je continue à considérer comme pertinentes les analyses de René Rémond sur les droites françaises. Il y a une droite étatiste, centralisatrice, nationaliste, et une droite orléaniste, modérée, libérale, aujourd'hui européenne. Celle-ci se retrouve sur un certain nombre de convictions, de critères : l'économie de marché, la décentralisation et l'Europe. Probablement, les trois plus importants aujourd'hui, même s'ils sont parfois récusés par une partie des Français.
Q - Pourtant, dès que les libéraux entendent le mot centre, ils sont prêts à fuir !
- Je préfère utiliser les termes de démocratie chrétienne, d'humanisme libéral ou: de personnalisme, qui ont des racines très anciennes. Il n'est pas facile d'utiliser un mot qui appartient au langage de la géométrie avec des Institutions politiques qui depuis 1958 empêchent tout centre d'exister. Nous avons des institutions très marquées par la bipolarité. Adaptons-nous à ces institutions, ou changeons les institutions !
J'essaie de maintenir un principe de bon sens, qu'il vaut mieux être politiquement et électoralement rassemblé plutôt qu'en situation d'affrontement
Q - Quitte à devenir une « balise qui n'émet plus de signaux » ?
- La dissolution, comme la défaite qui l'a suivie, a été un véritable traumatisme. Personne ne s'en est vraiment remis je suis très étonné que l'on dise, que l'UDF est seule en crise, La vraie crise est celle de nos institutions. Elle: touche l'ensemble du système représentatif. Dans d'autres familles politiques, la crise est aussi profonde. Mais il est vrai que, depuis la dissolution, chacune des deux grandes familles qui composent l'UDF a affirmé son identité plutôt que sa communauté de vues avec l'autre. Ce que je souhaite c'est que l'on mette ensemble un terme à cette période. En finir avec le traumatisme de la dissolution et le prurit identitaire qui veut distinguer et, qui, en fait, affaiblit.
Q - Ne vous sentez-vous pas atteint par ce prurit ?
- Mon rôle est de réunit Set de rassembler. Je veux d'autant plus le faire que, à l'heure qu'il est, l'UDF reste la première force territoriale du pays, on termes de régions et de départements. Avant le RPR avant le PS !
Q - Avec tous ses exclus ?
- Sans eux. Elle dirige trente-deux départements, le PS vingt-cinq et le RPR vingt-quatre. Elle préside sept régions : l'Alsace, l'Auvergne, la Lorraine, la Basse-Normandie, la Corse, Poitou-Charentes, la Franche-Comté. On est loin d'avoir démérité. Après cela je veux bien que l'on dise que l'UDF est morte ! Le procès est un peu rapide
Ce qui a provoqué la crise, ce ne sont pas les résultats du 15 mars. C'est, après le manque de sang-froid, la confusion des valeurs, le refus du suffrage universel, la nervosité de certains élus.
Q - Vous avez évoqué les convictions communes aux familles de l'UDF. Pourtant lors des dernières élections, on a, par exemple, peu entendu le message de l'UDF sur la décentralisation.
-C'est faux. J'ai fait ma campagne en Provence sur ce thème, avec des propositions très concrètes, notamment sur la sécurité. D'autres l'ont fait. C'est la famille dans laquelle cela a été le plus exprimé. Ce qui a empêché peut-être que cette voix soit davantage entendue, c'est que nous avons fait cause commune avec des partenaires qui sont, de par leur histoire et leur culture moins attachés que nous à cette évolution
Q - Était-ce une erreur ?
- On s'aperçoit que, quand il y a liste commune ou candidature commune, une partie du message est effacée.
Q - Donc vous rejoindriez Philippe Séguin en choisissant à l'avenir des primaires...
Je ne suis pas pour une généralisation systématique des primaires. Faisons-le là où c'est utile, et là seulement. Je doute de l'efficacité d'une telle décision si elle est générale. Mais je considère que, depuis 1993, la fusion des messages a conduit à un certain affaiblissement de ces messages. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille systématiquement faire chambre à part. Le mode de scrutin déterminera en partie l'organisation partisane.
Q - François Bayrou déplore notamment que l'UDF n'ait pas de véritable projet de société. Vous aussi ?
Cela fait des années, que j'essaie de défendre l'idée d'un libéralisme, humaniste qui, ne soit pas simplement de l’économisme. Je suis tout à fait convaincu qu'une partie de la lassitude devant les discours : des hommes politiques viennent du fait qu'ils se sont enfermés dans une logique purement économique. Alors, que la noblesse du mandat politique est d'exprimer une réflexion sur l'homme, sur la société qui l'accueille, sur son éducation, sur son destin et sa culture.
Q - Les libéraux ne se sont-ils pas enfermés dans un discours purement économique ?
- C'est un travers des libéraux français de réduire leur message, leur engagement politique, a sa dimension économique. Il est récent: Ce n'était pas le cas au XVIIe siècle, ce n’était pas le cas au XIX siècle. Pourtant, la question des libertés reste centrale Elle porte sur le rôle de l’État, sur les médias, sur l'éthique, sur la philosophie politique elle-même... Ce n'est pas un sujet clos, derrière nous, même si nous avons le sentiment de vivre dans un monde libre. Sur tous ces sujets, la confrontation entre libéraux et personnalistes, à l'intérieur d'un même mouvement, peut-être féconde et permettre d'aboutir à un projet très moderne.
Q - Vous avez le sentiment d'avoir été moderne, et de ne plus l'être...
- Dans beaucoup de domaines, l'UDF a imprimé sa marque, durablement. Si vous reprenez les trois sujets que j'ai évoqués - la décentralisation, l’économie de marché, l'Europe -, la diffusion de nos idées dans l'ensemble des familles de pensée française a été grande, mais elle a fini par priver UDF de sa spécificité, C'est la parabole du grain. I1 était enfoui dans le sol, la généré des arbres, des fruits, Prenez la monnaie européenne, la privatisation du secteur public, la liberté des prix, l'indépendance de la Banque de France, la liberté de la télévision, la dérégulation des Télécom, de l'énergie. Nous avons été les premiers à les défendre... Ce qui était taxé alors d'ultralibéralisme, de provocation, est devenu banalité une douzaine d'années plus tard, je ne suis pas du tout amer sur le bilan.
Q - Mais, aujourd'hui, n'êtes-vous pas à sec, privé d'un fonds qui s'est largement diffusé ?
- La décentralisation, l'Europe, ce sont des sujets extra ordinairement complexes. Bien heureux ceux qui ont des réponses toutes faites, toujours, quand le monde change autour d'eux... J'ai le sentiment que nous pouvons continuer à faire évoluer le pays et que nous ne sommes pas à sec. Prenons des exemples très concrets. Je suis convaincu qu'il faudra privatiser une autre chaîne publique. Je suis convaincu qu'il faut plus de banques publiques. Qu'il faut privatiser complètement Air France...
Q - Et vous souhaitez une France fédérale ?
- Je me souviens d'avoir parlé d'une France fédérale: avec une volonté très précise de faire bouger les choses. Regardez ce qu'ont fait les Britanniques cet été ils ont accordé des pouvoirs politiques très importants à l’Écosse et au pays de Galles... Même si la situation historique n'est pas la même, nous sommes en France, en dessous, et à l'écart de ce que font tous nos voisins en ce domaine. L'Espagne a donné a deux de ses régions la totalité des ressources prélevées sur le territoire régional, à charger pour elles d'en reverser une partie à l’État.
Q - Êtes-vous pour la suppression des départements ?
- Je suis pour des communautés de districts qui permet : traient d'augmenter la capacité : d'Investissement des communes et pour des pouvoirs nouveaux accordés aux régions en transférant vers elles une partie de la fiscalité départe mentale. La région n'est ni trop grande pour les petites questions ni trop petite pour les grandes questions. Aux communes, les équipements de proximité Aux régions, les grands équipements structurants. Au milieu le reste, l'aide sociale : les départements, aujourd’hui, financent des équipements lourds, avec des clefs de financement incompréhensibles. Il faut que l'on aille vers des régions et des communes plus fortes. Que l'on permette par exemple, aux régions de contracter, de façon plus audacieuse, avec leurs voisines européennes car il n'y a plus aucune menace sur la cohésion nationale. Je souhaite enfin que l'on bascule une partie des pouvoirs non régaliens de l’État vers les régions. Et que l'on puisse développer une perspective fédérale qui s'accommoderait très bien d'un régime présidentiel. La République est une, mais elle peut être divisible. Dire que la res publica, « la chose publique » est divisible, c'est constater simple ment que nous avons devant nous des questions d'intérêt national régional ou communal, selon les cas. La nation est une entité trop précieuse pour se trouver congestionnée à la moindre crise.
Les élections européennes vont arriver très vite. C'est un combat que vous aimeriez mener, dit-on.
Laissez dire. En tout cas, je trouve que le débat européen est très important, et je crains, qu'un certain nombre de responsables nationaux ne nous disent le contraire. Comme aux régionales. Je suis pour une Europe politique. Construite politiquement, avec une autorité politique dans les domaines de la défense et de la politique étrangère. Et je: suis, depuis le début, favorable à l'euro. Il y a là un vrai débat politique pour les mois, qui viennent M. Le Pen vient de déclarer la guerre à l'euro. Il sera avec M. Hue et M. de Villiers. Très bien. On veut des clivages politiques. Il y, en aura | Quand on parle de pensée unique, cela me fait rire ! La pensée unique, aujourd'hui, est plutôt antieuropéenne.
Jacques Chirac et Lionel Jospin ont ouvert le chantier de la modernisation de la vie politique.
Q - Pensez-vous qu'il aboutira à de grands bouleversements ?
J'ai peur que l'on n’aille pas assez loin. En période de cohabitation, on ne voudra pas traiter du quinquennat du référendum, et pas davantage du droit de dissolution que va retrouver le président de la République. Si on se contente de changer un mode de scrutin pour répondre à la crise des régions, ce n'est pas suffisant. On sera de nouveau en dessous des enjeux formidables de cette fin de siècle. Il faudrait s'efforcer en outre de ne plus changer de mode de scrutin à chaque alternance. Il faut qu'il y ait une certaine forme de pérennisation et d'harmonisation des modes de scrutin. Les dernières élections régionales ont montré que le scrutin proportionnel était le scrutin de l'impuissance. Ayons le courage de retenir le majoritaire, un seul tour qui réduirait la tentation constante des Français de choisir, en période de crise, les: partis qui ne sont pas des partis de gouvernement.
Plus fondamentalement, je suis convaincu qu'on est devant une certaine sclérose de nos institutions, il faudra bien que l'on fasse un choix entre le régime parlementaire et le régime présidentiel. Nous avons aujourd'hui l’inconvénient des deux et l'avantage d'aucun. Ma préférence va au régime présidentiel parce que je pense qu'il est - ce n'est qu'un paradoxe apparent - le plus à même de protéger les libertés. Ce débat ne fait que commencer : L'affaiblissement de la fonction présidentielle du fait des cohabitations, la déréliction du Parlement; le peu de pouvoir des autorités décentralisées, sont les manifestations de cette sclérose. Il doit être possible, avec des amendements continus et progressifs apportés à la Constitution, de présidentialiser notre régime.
Q - Pourquoi envisagez-vous déjà une démarche commune avec le RPR alors que l'UDF est en pointillé ?
Parce que je crois que l'avenir est aux grands en sembles. Il faut arriver à concilier revendication identitaire et revendication d'efficacité. La première permet d'être reconnu. La seconde permet d'être entendu. Il est important, dans la période troublée que nous connaissons, de garder avec nos amis gaullistes une relation de confiance et une relation de partenariat politique forte sinon, nous prenons le risque de laisser aux extrêmes la décision. Que chacun retrouve ses racines mais que, le moment venu, le combat politique soit commun. Je ne suis pas sûr que les Français veuillent aujourd'hui, à quatre ans d'une élection présidentielle cette dispute généralisée, cette querelle des mots, des personnes et des projets.