Texte intégral
RMC - jeudi 3 octobre 1996
P. Lapousterle : En avril 1995, il n’y a pas si longtemps, après le premier tour des élections présidentielles, vous avez appelé à voter J. Chirac. Quel est votre sentiment seize mois après ? Le referiez-vous ou le regrettez-vous ?
P. de Villiers : Ce que je regrette, c'est que les gens n'aient pas voté pour moi !
P. Lapousterle : Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Ça, je le savais, tout le monde le savait !
P. de Villiers : Je vais vous faire un petit rappel historique. Moi, je me suis présenté à l'élection présidentielle il y a seize mois en faisant campagne sur deux thèmes : une rupture nette et claire avec la politique européenne de la monnaie unique pour mener un vrai combat pour l'emploi et un pacte d'honnêteté et de sécurité publique pour redonner confiance aux Français sur la vie politique. Ces deux questions que je posais étaient d'actualité. C'est le moins que l'on puisse dire. Elles sont encore d'actualité. J'ai entendu J. Chirac parler de la rupture avec la pensée unique et au soir du premier tour, j'ai demandé à 1,4 million de Français, qui avaient voté pour moi, de se reporter sur lui. C'est juste l'écart entre lui et L. Jospin. Pour répondre à votre question, aujourd'hui j'adresse au président de la République un message de grande déception parce que le président de la République se trouve aujourd'hui en porte-à-faux avec tous les engagements de sa campagne. Il n'y a pas eu de rupture avec la pensée unique. Il n'y a pas eu de rupture avec le socialisme. On attendait une autre politique de la famille, de l'école, une autre politique européenne, une autre politique de baisse des impôts, de libération de l'initiative.
P. Lapousterle : Qu'elles sont vos relations avec lui en ce moment ?
P. de Villiers : Je n'ai pas de relations.
P. Lapousterle : Vous le voyez ?
P. de Villiers : Non.
P. Lapousterle : Vous ne le voyez pas. Vis-à-vis d'A. Juppé, qui a obtenu hier à l'Assemblée nationale 464 voix contre 100, vous êtes extrêmement sévère. Est-ce que vous pensez qu'il s'agit là d'une possibilité d'un nouveau souffle après ce vote massif ?
P. de Villiers : Ce n'est pas sérieux. Le porte-parole du Mouvement pour la France a d'ailleurs voté contre la confiance, parce que la question de confiance est « Est-ce que vous avez confiance ? ». Moi, je n'ai pas confiance au moment où A. Juppé est censuré dans le pays. Ce n'est pas une question d'homme d'ailleurs, c'est une question de ligne politique. Il n'y a pas de volonté politique et il n'y a pas de vision politique. Certes, ce sont les administrations qui gouvernent comme jamais en France aujourd'hui mais il n'y a pas de vision politique, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de vision française. Au moment où la France est en train de perdre son identité et sa souveraineté avec le problème de l'Europe et le problème de l'immigration, les hommes politiques semblent se résigner à l'effacement de la France. Et cela, je ne l'accepte pas. C'est la raison pour laquelle je ne me sens pas solidaire avec cette majorité. Et c'est la raison pour laquelle le Mouvement pour la France accueille tous les déçus de la majorité, tous les déçus de l'élection présidentielle et tous ceux qui ne veulent pas du retour au socialisme et qui veulent autre chose dans la sérénité et dans la fermeté.
P. Lapousterle : Ce que les Français reprochent essentiellement au gouvernement actuel, ce sont les prélèvements qui ont été très importants depuis qu'A. Juppé est au pouvoir. Est-ce qu'il ne fallait pas quand même mettre un peu d'ordre dans les finances publiques, c'est-à-dire arrêter de dépenser beaucoup plus que ce que l'on avait ? Et excluez-vous que, finalement, au bout du compte, ces efforts aient un jour un résultat ?
P. de Villiers : Il est évident que ce qu'a fait A. Juppé, cela a consisté à gripper tous les moteurs puisqu'il a fait une ponction de 130 milliards d'impôts supplémentaires. C'était une politique typiquement socialiste ! On attendait tout à fait le contraire. Quant à la baisse récente des impôts, elle n'est pas sérieuse puisqu'elle est plus que largement compensée par d'autres hausses d'impôt Quand on regarde ce qui se passe dans tous les autres grands pays, ce qui avait été dit par J. Chirac pendant la campagne présidentielle n'a pas été fait. La libération de l'initiative, cela veut dire la fin de la paperasse, cela veut dire la fin de la bureaucratie et cela veut dire restituer le pouvoir aux gens qui sont à Paris et qui sont nos gouvernants. Aujourd'hui, le pouvoir est un petit peu à Bruxelles, il est beaucoup à Francfort pour la politique monétaire, il est un petit peu au Gatt, il n'est plus du tout à Paris. Et puis, quand il est à Paris, il est dans les mains des technocrates des ministères qui pondent en permanence des observatoires, des règlements supplémentaires, des inspections du travail qui font que quelqu'un qui veut créer aujourd'hui n'a plus envie de créer en France. Et ça, c'est dramatique pour l'emploi. Le grand échec d'A. Juppé, c'est le chiffre du chômage du mois dernier. C'est 1 000 chômeurs, par jour, supplémentaires. On attendait autre chose, on attendait une autre politique. Moi, je veux une autre politique de l'immigration.
P. Lapousterle : C'est 2 000 chômeurs par jour.
P. de Villiers : Oui, maintenant 2 000.
P. Lapousterle : Vous disiez que ce n'est pas une question d'homme tout à l'heure mais si P. Séguin, avec qui vous aviez fait une campagne anti-Maastricht à l'époque, devenait Premier ministre, vous pensez que ce serait intéressant ?
P. de Villiers : P. Séguin ? Depuis, il est allé en Allemagne, à Aix-la-Chapelle, expliquer qu'il était pour la monnaie unique. Donc ce n'est pas une question d'homme mais une question de convictions, de ligne politique. En 1958, quand le général de Gaulle est arrivé, il a dit qu'il fallait lutter contre l'endettement, contre les déficits, qu'il fallait faire des efforts et il a ajouté que c'était pour restaurer les conditions de l'indépendance nationale. Or aujourd'hui, on nous dit qu'il faut lutter contre les déficits, qu'il faut faire des efforts mais pourquoi ? Pour effacer la France. Donc, cela ne peut pas marcher.
P. Lapousterle : Mais non, la rigueur n'a rien avoir avec cela !
P. de Villiers : La politique de la monnaie unique n'a aucun sens dans la mesure où elle conduit à plus de chômage et à l'abdication de nos libertés. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est un gouvernement qui gouverne et qui traite les problèmes de la France, les problèmes de l'école, les problèmes de la violence, les problèmes de la sécurité, le problème de la corruption aussi. Je me suis battu contre la corruption des socialistes et ce n'est pas pour retrouver ce que l'on trouve en ce moment. Vous avez vu ce qui traîne dans les journaux. Un député assassiné, on soupçonne dans le Var... C'est épouvantable ce qui se passe et on ne fait rien ? Mais c'est tout le milieu politique qui est en cause maintenant ! Donc, moi, je suis en colère et j'appelle les Français à l'être aussi, mais dans la sérénité parce que cela ne sert à rien de tout casser.
P. Lapousterle : Vous êtes en colère comme J.-M. Le Pen ?
P. de Villiers : Je m'attendais à ceci. La réaction de Monsieur Toubon et de Monsieur Juppé au propos de Monsieur Le Pen, qui est un propos choquant sur l'inégalité des races, a été une réaction parfaitement nulle. Cette loi antiraciste consiste à brider les pensées, les arrière-pensées et les opinions. Ce n'est pas comme cela qu'on résoudra les problèmes. La grande loi à faire aujourd'hui est une loi sur l'immigration pour une politique d'immigration zéro. Tant que l'on ne résoudra pas les grands problèmes de la France, le mécontentement s'accroitra et les gens iront là où ça proteste le plus.
P. Lapousterle : Quand vous allez présenter tous vos candidats dans les circonscriptions aux prochaines élections législatives P. de Villiers, ils seront dans la majorité ou contre la majorité ?
P. de Villiers : Ils seront à côté de la majorité naturellement, puisqu'il n'est pas question pour nous d'être solidaires d'une majorité qui se traine et qui échoue. La majorité est comme un canard sans tête, elle continue d'avancer, elle donne l'illusion de la vie.
Polémiques - France 2 - dimanche 6 octobre 1996
Polémiques avec la participation de Philippe de Villiers, Paul Guilbert, Isabelle Sebach, Didier Lerouge, Alain Gest, Marc Bromberg, Martine David, Alain Tizzioli, Bernard Filaire
Mme Cotta : Bonjour.
Le procès de la scientologie se déroule depuis une semaine à Lyon. 23 membres ou anciens membres de l'Église française de la Scientologie passent en effet devant le tribunal correctionnel.
Au-delà de la scientologie, le procès pose le problème des sectes, problème international, bien sûr, mais jugé en France assez grave pour susciter des inquiétudes non seulement chez les parents de certains enfants traditionnellement touchés par le prosélytisme des sectes, mais aussi dans les milieux politiques, juridiques et associatifs. Nous y reviendrons dans la deuxième partie de cette émission, avec des invités nombreux et variés.
Tout de suite, nous retrouvons Philippe de Villiers que j'interrogerai avec mon confrère Paul Guilbert du FIGARO.
Philippe de Villiers, bonjour.
M. de Villiers : Bonjour.
Mme Cotta : Vous avez réuni, hier, le Conseil national de votre mouvement. Vous avez violemment critiqué Alain Juppé et annoncé que vous ne vouliez pas d'une Majorité qui se renie. Alors, je vous pose carrément la question : « Appartenez-vous toujours à la Majorité ou faites-vous sécession ? ».
M. de Villiers : Je ne me reconnais pas dans cette Majorité qui s'est reniée, qui échoue...
Mme Cotta : …vous ne vous y reconnaissez pas mais est-ce que vous y êtes ?
M. de Villiers : Non. Je ne me sens pas solidaire de ce qui a été fait depuis 16 mois, et peut-être je peux expliquer pourquoi ?
Mme Cotta : Faites.
M. de Villiers : J'ai été candidat à l'élection présidentielle, Michèle Cotta, vous vous en souvenez, il y a 16 mois, en faisant campagne sur deux idées qui me paraissaient vitales pour notre pays :
- première idée : la rupture claire, nette avec la politique européenne de la monnaie unique pour relancer le combat sur l'emploi ;
- deuxième idée : un pacte d'honnêteté et de sécurité publique.
J'ai entendu, dans les derniers moments, Jacques Chirac faire campagne sur le thème suivant : « Je romprai avec la pensée unique », et j'ai donc immédiatement…
Mme Cotta : ... il n'a jamais dit : « avec la monnaie unique » ?
M. de Villiers : ... avec la pensée unique. Et tout le monde entendait par là ce qu'il voulait bien entendre. En tout cas beaucoup de Français comprenaient qu'il y aurait une évolution, voire un changement radical, en tout cas une rupture avec le socialisme. Et puis, depuis, il ne s'est rien passé. Il n'y a pas eu de rupture avec la pensée unique. Il n'y a pas eu de rupture avec le socialisme.
M. Guilbert : Mais comment pouvez-vous vous proclamer un déçu du chiraquisme ? Le candidat n'a jamais dit qu'il ne ferait pas l'Europe, bien au contraire ? Donc, il y avait entre lui et vous, au départ, une sorte de contradiction. Comment pouvez-vous être déçu par un homme qui tient son engagement sur l'Europe ?
M. de Villiers : Je vais vous dire ce que je pense de Jacques Chirac pour vous répondre.
M. Guilbert : Oui.
M. de Villiers : Je crois que sa personne passe bien, mais son discours ne passe plus. Cette espèce d'incantation...
M. Guilbert : Il faut qu'il soit muet, alors ?
M. de Villiers : … sur la monnaie unique est, pour moi, la forme la plus achevée de démoralisation, dans la mesure où elle laisse les Français partagés entre l'abdication et la révolte. Et l'on voit bien aujourd'hui que la marche forcée à la monnaie unique, qui tient lieu d'une ligne politique de la France, conduit au chômage et à l'abdication de toutes les libertés du peuple français.
Donc, je propose autre chose et je dis au président de la République qui est là pour 7 ans : « Changez de politique ».
Mme Cotta : Je voudrais que l'on reste un peu sur cette déception, parce qu'enfin le gouvernement a baissé les impôts, il a réformé et il réformera sans doute plus encore la Sécurité sociale, il a changé le statut de France Télécom et privatisé en partie France Télécom. Sur tous ces points, vous ne pouvez pas être en désaccord ? Vous pouvez trouver que cela ne va pas assez loin comme la baisse des impôts, mais voulez-vous rompre définitivement sur des thèmes de ce genre, qui reflètent largement votre...
M. de Villiers : … Je pourrais prendre tout ce que vous avez dit, en disant : « Ça, c'est bien, France Télécom, la baisse des impôts... », personne n'est contre le beau temps plutôt que le mauvais temps ! Mais vous savez bien que pour la baisse des impôts, deux jours après avoir annoncé une baisse des impôts de 25 milliards, on a appris par Monsieur Arthuis que c'était simplement 13 milliards, et puis trois jours après que c'était plus que largement compensé par les impôts locaux.
Mais je voudrais prendre un petit peu de hauteur sur le Gouvernement Juppé et sur celui qui, aujourd'hui, en est solidaire et qui est en première ligne : Jacques Chirac.
Ce que je reproche à nos gouvernants successifs, y compris ceux-là, c'est de ne pas rompre avec le socialisme, par exemple sur l'école, sur l'immigration, sur l'immense problème de la corruption, sur la famille…
Mme Cotta : … on va reparler de la corruption…
M. de Villiers : … mais plus grave encore, de manquer de volonté politique et de vision politique. De volonté politique : les Français ont le sentiment, tous les jours, que ce sont les administrations qui nous gouvernent et qui, donc, nous prélèvent.
M. Guilbert : Vous souhaitez un changement de Premier ministre ?
Le demandez-vous clairement, cela, par exemple ?
M. de Villiers : Je ne le demande pas. Ce n'est pas une question d'homme. Si ce n'était qu'une question d'homme, ce serait une querelle de bas étage, une querelle politicienne...
Mme Cotta : Vous demandez un changement de cap ?
M. de Villiers : C'est un changement de cap, un changement de ligne politique.
M. Guilbert : Avec les mêmes hommes ?
M. de Villiers : Mais peu importe ! les hommes suivent. Ce n'est pas une question d'homme, Paul Guilbert, ce n'est pas une question technique, c'est une question hautement politique. C'est pourquoi je pense que Jacques Chirac est désormais en première ligne et que, de plus en plus souvent, désormais, les Français vont se tourner vers lui pour lui dire ceci : « Vous nous demandez de lutter contre les déficits, de faire des efforts, pour quoi faire ? Si c'est pour abolir la France, alors non. Si c'est pour rétablir les conditions de son indépendance, de sa grandeur, alors oui ».
M. Guilbert : Enfin dire au Président : « Si c'est pour abolir la France... », vous demandez à Jacques Chirac qu'il se change complètement lui-même. En fait, c'est le Président. Vous voulez changer le Président ?
Non, vous ne croyez pas ? Vous ne voulez pas changer le Président ?
M. de Villiers : Ne soyez pas excessif dans votre question...
Mme Cotta : Soyez excessif dans vos réponses, alors !
M. de Villiers : ... vous me pousseriez à l'être dans la réponse, ce qui n'est pas le cas.
La personne de Jacques Chirac : le Français adhère à sa simplicité, à son sens du contact, à une certaine volonté, à grandes enjambées, d'aller dans le monde entier faire entendre la voix de la France, mais on ne peut pas en même temps s'engager dans un système qui nie la souveraineté de la France. Et ce que je conteste radicalement, complètement, fondamentalement, c'est une politique qui, aujourd'hui, fait que l'on a l'impression que les hommes politiques acceptent, se résignent à l'effacement de la France, au moment où elle est en train de perdre son identité et sa souveraineté.
Alors, je vais vous dire ce que je propose...
Mme Cotta : Philippe de Villiers, concrètement, vous demandez que le franc français décroche du mark, qu'il ne soit pas lié. Donc, c'est cela que vous demandez concrètement ? C'est cela que vous attendez ?
M. de Villiers : Ce que je demande, on va prendre une énumération de choses que l'on pourrait faire demain matin :
- premièrement, faire flotter le franc plutôt que de vouloir à tout prix faire une Europe fédérale dans laquelle la France sera un actionnaire minoritaire ;
- deuxièmement, protéger toutes nos entreprises et réindustrialiser la France, après tous les Américains se protègent, les Japonais...
Mme Cotta : Personne n'est contre ?
M. de Villiers : … Bien sûr, sauf l'Europe, sauf la Commission de Bruxelles puisque l'espace économique européen est le seul au monde, Michèle Cotta, qui ne soit pas protégé.
- troisièmement, baisser vraiment les dépenses publiques comme cela se fait en Allemagne, en Italie, en Angleterre, dans tous les pays du monde, sauf en France, pour pouvoir baisser les impôts ;
- et puis lutter contre la corruption. J'espère qu'on en parlera dans quelques instants…
Mme Cotta : … on y reviendra effectivement.
M. de Villiers : ... et avoir une véritable politique d'immigration zéro.
Regardez en ce moment le comportement de Monsieur Juppé et de Monsieur Toubon : cela consiste à mettre Monsieur Le Pen au centre de la vie politique française. Mais que devrions-nous faire en ce moment ? C'est une grande loi sur l'immigration zéro pour que les reconduites à la frontière soient exécutées, pour qu'il y ait des contrôles d'identité sur les lieux publics, pour qu'il n'y ait plus de droits sociaux pour ceux qui ne reconnaissent pas notre droit, c'est-à-dire pour les immigrants qui se trouvent en situation illégale. Que les Français aient le sentiment que nos gouvernants gouvernent. Comme dirait le Général de Gaulle : « Les étudiants sont faits pour étudier et les gouvernants pour gouverner ». On n'a pas l'impression d'être gouvernés.
Mme Cotta : Philippe de Villiers, quelle est votre stratégie - vous parlez vous-même du Front national - avec trois hommes dans la vie politique française : Charles Pasqua, Alain Madelin, Jean-Marie Le Pen ?
Union avec certains pour s'opposer à l'autre, Jean-Marie Le Pen ? Et comment ?
M. Guilbert : Vous chassez sur les mêmes terres, en gros ?
M. de Villiers : Je ne chasse pas. J'essaie, en conscience, de voir quel est l'intérêt national et je prends le risque de mes convictions plutôt que de chercher à faire carrière. Donc, je ne cherche pas à faire des alliances. Ce n'est pas un dîner de têtes, la politique. Ce n'est pas un « chamboule tout » non plus, donc je ne vais pas vous désigner ceux avec lesquels je vais m'allier, ceux contre lesquels je veux m'allier...
Mme Cotta : Avec Alain Madelin, vous êtes proche quand même ?
M. de Villiers : ... Je ne suis pas un satellite ou une béquille.
Alors, vous parlez d'Alain Madelin. Alain Madelin, c'est un peu comme Pénélope : le jour, il censure le Gouvernement et, la nuit, il vote la confiance. Alors quelle est sa crédibilité ? Et puis je ne suis pas d'accord quand il demande un statut pour les mariages homosexuels et la dépénalisation de la drogue. Et puis je ne suis pas d'accord avec lui sur la monnaie unique, voilà !
Bien sûr, on peut s'allier, mais c'est politicien. Cela n'a aucun sens.
Mme Cotta : Charles Pasqua ?
M. de Villiers : Charles Pasqua, je suis d'accord avec lui sur une idée essentielle qui est l'idée gaulliste de l'indépendance nationale. Voilà, tout le reste est accessoire.
M. Guilbert : Et Le Pen ?
M. de Villiers : Je pense que Charles Pasqua ne franchira pas le Rubicon, c'est-à-dire que si Charles Pasqua allait jusqu'au bout, et je l'invite à le faire d'ailleurs, il mettrait des candidats aux élections législatives qui défendraient cette idée de l'indépendance nationale.
M. Guilbert : Et vous voulez « piquer » des électeurs à Le Pen ? Lui en prendre, je veux dire ?
M. de Villiers : Vous savez ce qu'est un électeur de Le Pen ? C'est un gars du C.D.S. qui s'est fait cambrioler quatre fois !
Mme Cotta : Expliquez-vous quand même ?
M. de Villiers : La première fois, il va au R.P.R. ; la deuxième fois, il va au M.P.F. et puis la troisième et la quatrième fois, il va au Front national.
En d'autres termes, quoi que l'on pense de Monsieur Le Pen par ailleurs, et je vais répondre à votre question, il faut bien voir que les gens qui vont au Front national, sont des déçus de la Majorité, et que le premier pourvoyeur de Monsieur Le Pen, c'est Juppé, parce qu'il fabrique tous les jours des déçus de la Majorité.
Quant à Monsieur Le Pen lui-même, je vous dirai tout simplement : « Je crois à l'égalité des races ».
Je vais vous donner un autre exemple de ma différence - et c'est essentiel en politique - : « La Majorité ne fait rien sur la question grave de la corruption, rien. » Au contraire, on nous prépare un projet de loi qui interdirait aux journalistes de divulguer des affaires, et l'on nous prépare une amnistie. Donc, la Majorité ne fait rien. Donc, je ne peux pas être d'accord avec cela !
Et Monsieur Le Pen, que dit-il ? « Tous pourris ». Je ne peux pas être d'accord avec cela.
Je dis : « Il faut très vite qu'on en finisse ». Et je m'adresse au président de la République qui est le président du Conseil supérieur de la magistrature pour que l'on fasse la vérité sur les affaires, y compris sur les assassinats de députés, avec enquêtes bâclées, pour que l'on en finisse avec la corruption. C'est comme cela que je me suis fait connaître des Français contre la gauche.
Eh bien, maintenant, je m'aperçois qu'à droite il y a des choses épouvantables qui se passent. Je suis ulcéré et révolté comme beaucoup de Français.
Mme Cotta : Philippe de Villiers, restons sur le Front national, si vous voulez bien ! Est-ce que vous ressentez - on parlera du reste après - le Mouvement pour la France comme une alternative au Front national ?
M. de Villiers : Oui. Je dirai ceci : « Entre une Majorité qui se traîne et qui s'abîme et un Front national qui proteste, il y a la place, une large place pour un mouvement qui propose des réponses sur le chômage, sur l'insécurité, sur la corruption, sur l'immigration, sur l'école, sur la famille. On n'a rien fait. Donc, forcément il y a des déçus.
Alors, je dis à tous les déçus, aux médecins victimes du plan Juppé...
Mme Cotta : … n'allez pas au Front national, mais chez moi ?
M. Guilbert : N'allez pas au Front national. Et aux législatives, qu'allez-vous faire ?
Mme Cotta : D'abord, est-ce que vous croyez qu'elles seront anticipées ?
M. de Villiers : Je ne sais pas ! Je ne suis pas sûr que le Président…
M. Guilbert : Vous souhaitez une dissolution maintenant ?
M. de Villiers : Je souhaite que la France marche. Je souhaite en appeler à tous ceux qui sont déçus par la Majorité mais qui ne veulent pas du retour des socialistes et qui veulent faire bouger la France…
M. Guilbert : Donc vous allez présenter combien de candidats ?
M. de Villiers : Partout.
M. Guilbert : Partout ? Contre le Front national ? Contre la Majorité ?
M. de Villiers : ... mais à côté.
Mme Cotta : Et contre le Parti socialiste, accessoirement ?
M. de Villiers : À partir du moment où l'on ne se reconnaît pas dans la politique qui est faite, et que l'on propose un autre projet avec une volonté politique qui remette les administrations à leur place, par exemple les technocrates des ministères à leur place, les eurocrates de Bruxelles à leur place, les banquiers de Francfort à leur place, avec une vraie vision française qui consiste à dire : « Il faut que demain la France, à nouveau, soit maîtresse de son destin », il y aura des candidats qui défendront cela !...
Mme Cotta : Même si elle est toute seule ?
M. de Villiers : Non, l'Europe des Nations, ce que nous n'avons cessé de dire. L'expression est du Général de Gaulle. Il ne faut pas dire que ceux qui sont contre la monnaie unique, sont contre l'Europe. Au contraire ! Je dirais même que l'on va s'apercevoir, dans les mois qui viennent, que ce sont les prophètes de la monnaie unique, qui nous précipitent dans l'abdication et le chômage.
Mme Cotta : Vous croyez que la monnaie unique se fera dans les délais prévus, ou vous n'y croyez pas ?
M. de Villiers : Ça, je ne peux pas vous le dire. Mais ce que je sais, c’est que…
M. Guilbert : Malgré vous, en tout cas ?
M. de Villiers : Oui, malgré les Français ! Parce que s'il y avait un référendum maintenant, le compte serait bon. Mais ce que je vais vous dire d'important pour le calendrier de Jacques Chirac et d'Alain Juppé, c'est qu'ils savent très bien que le choix des pays irréversiblement liés par la monnaie unique se fera en mars 1998. C'est la raison pour laquelle je dis au président de la République : « Faites donc un référendum le plus vite possible sur la question de l'Europe plutôt que d'attendre mars 1998, sinon les élections législatives tiendront lieu de référendum sur le chômage, donc sur la monnaie unique, donc sur le destin de la France ».
M. Guilbert : L'autre sujet, dont vous parliez, qui est en gros les affaires de corruption, qui vous hérissent, actuellement il y a un rapport qui fait grand bruit, qui a été commandé par le garde des Sceaux, ce qu'on appelle le rapport Rassat, qui recommande, en particulier, de renforcer le secret de l'instruction.
Le secret de l'instruction, vous êtes partisan de le renforcer, de l'ouvrir un peu, avec des fenêtres comme l'on dit, ou de le supprimer carrément ?
M. de Villiers : Quand il s'agit d'affaires politiques, lorsqu'il s'agit des puissants, je ne suis pas partisan du secret de l'instruction, à moins que l'on nous donne la preuve définitive, ce qui n'est certes pas le cas, qui est l'indépendance de la Justice. Mais tant qu'il n'y a pas l'indépendance de la Justice, ce serait trop facile de mettre les puissants, en particulier les hommes politiques, à l'abri de toute forme de divulgation dans la presse.
Je vais vous dire, sur la corruption…
M. Guilbert : Non, mais sur le secret ?
Mme Cotta : Sur le secret d'instruction ?
M. Guilbert : Vous êtes prêt à demander sa suppression ?
M. de Villiers : Non, non...
M. Guilbert : Je n'ai pas compris ?
M. de Villiers : Je suis pour le système actuel qui permet à la presse de parler des affaires dans…
Mme Cotta : En principe ce n'est pas autorisé ?
M. de Villiers : … les conditions…
Mme Cotta : On reste dans l'hypocrisie. Chacun se débrouille.
M. de Villiers : Tant qu'il n'y a pas l'indépendance de la Justice, laissons les choses en l'état, parce que rien ne serait pire - c'est ce que les Socialistes ont cherché à faire - que de donner le sentiment, que donne en ce moment le Gouvernement, que de vouloir museler, bâillonner ou brider la presse. Je suis contre la censure. Je suis révolté par l'idée d'une nouvelle amnistie des affaires en cours, c'est ce qu'on fait les Socialistes. Alors, ne recommençons pas !
Je suis pour la suppression de toutes les immunités parlementaires. C'est quand même incroyable que Tapie coure encore ! Quelqu'un qui vole un œuf, est mis en prison. Quelqu'un qui vole un bœuf, son risque, c'est de terminer tête d'affiche au Festival de Cannes. Remarquez, il retrouverait Mouillaud, mais, enfin, ce n'est quand même pas suffisant !
Mme Cotta : Philippe de Villiers, on parle de changer la définition de l'abus de biens sociaux - la fameuse A.B.S. -, est-ce que vous considérez que c'est une amnistie déguisée ? Êtes-vous contre tout projet de modification de l'abus de biens sociaux ? Ce sera ma dernière question.
M. de Villiers : C'est naturellement une amnistie déguisée, naturellement ! Il y a beaucoup d'affaires en ce moment qui courent sur les hommes politiques. Alors pourquoi tout à coup on veut redéfinir l'abus de bien social ? Mais la législation est très bien comme cela ! Laissons-la telle qu'elle est, et surtout ne prenons pas le risque, que les hommes politiques ne prennent pas le risque que ce soit tout le milieu politique qui soit ensuite éclaboussé et suspecté.
Je ne supporte pas le « tous pourris », mais je ne supporte pas non plus les complicités du monde politique, le silence du monde politique sur la grave question de la corruption.
Mme Cotta : Philippe de Villiers, nous passons à la deuxième partie de cette émission, sur les sectes.
Vous avez un avis sur les sectes, un avis motivé ?
M. de Villiers : Un avis motivé, oui. Je suis, comme beaucoup de Français, affolé par le développement des sectes, et je pense qu'il faut les traquer de manière impitoyable.
Je crois que le député Alain Gest, qui a fait un excellent rapport sur la question, dit très bien que le dispositif législatif et réglementaire actuel suffit.
Ce qui fait la différence entre une secte et une église : on juge l’arbre à ses fruits.
Mme Cotta : Alors, justement, nous allons en parler : les sectes en France.
Le procès de 23 membres ou anciens membres de l'Église de Scientologie se déroule en ce moment à Lyon. Ils sont notamment poursuivis pour exercice illégal de la médecine, et l'un d'entre eux, Jean-Jacques Mazié, ancien président de la branche lyonnaise de la secte, pour avoir poussé involontairement un adepte au suicide.
Sur ce plateau :
Alain Gest auquel vous venez de faire allusion, Monsieur de Villiers et Martine David qui, tous deux, ont animé et participé à la commission d'enquête parlementaire sur les sectes, qui a élaboré un rapport sur les sectes en France en décembre dernier. Cette commission, vous la présidiez, Alain Gest, et, vous, Martine David, vous y participiez.
Deux témoins qui sont passés par les sectes, qui en ont gardé des souvenirs, il faut bien le dire, plus malheureux qu'heureux :
Isabelle Sebagh, ancienne adepte de la secte ISO-ZEN, qui vient de publier L'ADEPTE, 7 ans dans l'enfer d'une secte.
Didier Lerouge, ancien adepte de l'Église de scientologie.
Le journaliste-écrivain, Bernard Filaire, qui publie dans 15 jours un livre « Bonheur mortel », chez Stock.
Ainsi que le porte-parole de l'Église de scientologie en France, Marc Bromberg et Alain Tizzioli, qui est à vos côtés, qui est le responsable des relations publiques de l'Église de scientologie.
On va essayer, si vous voulez bien, de ne pas parler uniquement de l'Église de scientologie, parce que je ne veux pas parler du procès qui se déroule en ce moment, mais, enfin, plus largement, nous parlerons des sectes en France.
Le rappel de Jean-Michel Mercurol :
Reportage :
Le drame de la secte du Table Solaire : 53 morts carbonisés.
Gilbert Bourdin, le gourou du Mandarom, incarcéré après une plainte pour viol.
Plus de 170 sectes répertoriées en France, 160 000 adeptes, 100 000 sympathisants. Une estimation seulement.
Les sectes s'infiltrent partout, organismes, entreprises. Multiformes, elles se présentent, ici, comme associations, là, comme églises. Toutes, apparemment, ne développent pas des pratiques illégales mais certaines peuvent conduire à la mort programmée de leurs fidèles. Bien qu'il soit difficile de définir le phénomène sectaire, cela commence toujours, au moins, par l'embrigadement des esprits.
Denise - ex adepte de la secte Acropole - : on vous culpabilise, on vous manipule, et puis quelque part on vous laisse croire que vous êtes consentante, mais, en fait, on capte votre consentement et l'on vous oriente en permanence.
Journaliste : De plus en plus nombreuses, les sectes sont aussi de plus en plus combattues : escroquerie, exercice illégal de la médecine, abandons d'enfants, extorsion de fonds, les procédures se multiplient mais n'aboutissent pas toutes. Les sectes savent se défendre. Pourtant certains gourous n'hésitent pas à ériger le viol d'enfants en rites initiatiques.
Béatrice - ex adepte Methenitha : Quand il a voulu coucher avec moi, il est venu sans demander si je voulais ou pas.
Journaliste : Vous aviez 12 ans ?
Béatrice : La première fois, j'avais encore 11 ans.
Nicolas - ex-adepte de la Famille d'amour : Je devais initier un enfant à une vie…
Journaliste : Vous voulez dire : avoir une relation sexuelle ?
Nicolas : Voilà.
Journaliste : Avec un enfant de quel âge ?
Nicolas : Je ne sais pas. Il devait avoir 7 ans.
Journaliste : Mais en dehors de ces pratiques, condamnées quand elles ne restent pas secrètes, la répression des sectes se heurte à l'exercice de la libre association et à la liberté de conscience.
Difficile chemin pour la démocratie qui doit tout à la fois protéger les libertés, les individus et poursuivre les dérives sectaires.
Mme Cotta : Isabelle Sebagh, votre témoignage important : vous aviez 17 ans, vous aviez déjà fait plusieurs fugues, et, sur votre chemin, vous avez trouvé une secte. Quel a été votre cheminement intérieur ? Pourquoi y êtes-vous entrée ? Pourquoi en êtes-vous partie ?
Isabelle Sebagh : En fait, j'y suis entrée sans savoir que j'entrais dans une secte, bien évidemment, sinon je n'y serais pas rentrée. J'ai réalisé que c'était une secte le jour où j'ai décidé d'en sortir, vu que j'étais enfermée, je dirais mentalement et physiquement, dans une pseudo-association humanitaire. Finalement, c'était une secte dans la mesure où l'on n'avait plus d'individualité, ni de personnalité. On devait fonctionner suivant le modèle du gourou.
Mme Cotta : Vous l'avez perdue comme cela, votre individualité ?
Isabelle Sebagh : C'est une technique, je crois. Cela s'appelle la manipulation mentale. Il serait temps que l'on puisse prouver ce genre de choses, je crois ! Le problème est là, c'est-à-dire que l'on vous amène progressivement à vous couper complètement de tout le reste de votre vie, de vous-même...
Mme Cotta : C'est parce que vous étiez fragile ? Parce que vous vous sentiez fragile ? Ou parce que vous étiez déstructurée, déjà ?
Isabelle Sebagh : Oui, j'étais fragile à 17 ans, c'est vrai ! Mais la secte a continué de me fragiliser.
Mme Cotta : Alors quels sont les éléments du phénomène sectaire, je vais demander cela à Didier Lerouge qui est passé par une secte aussi, est-ce l'existence d'un chef spirituel ? Est-ce la déstabilisation mentale, la rupture avec le milieu familial ? Qu'est-ce qui définit pour vous la manipulation mentale et le phénomène sectaire ?
Didier Lerouge : La manipulation mentale existe à partir du moment où l'on oblige quelqu'un à participer à des exercices et à dépenser, de ce fait, de plus en plus d'argent au point de vous amener à la ruine.
C'est sûr qu'au moment où l'on rencontre une secte, on est forcément affaibli psychologiquement suite à divers problèmes que l'on peut avoir dans sa vie. Et c'est cela qui est odieux, c'est que la secte est toujours là au bon moment - si je puis dire - pour, justement, vous mettre davantage dans une situation d'échec et profiter de cet échec pour vous amener à dépenser de l'argent... En fait, on vous rend coupable. Sans arrêt on vous rend coupable et l'on vous dit : « Il faut continuer, plus tu vas continuer, plus tu te débarrasseras de ces problèmes ».
Mme Cotta : Vous racontez dans votre livre que vous avez fait une tentative de suicide au début ?
Isabelle Sebagh : Au début, oui.
Mme Cotta : Donc, était-ce une tentative de suicide parce que vous ne supportiez pas la vie que vous aviez avant ? Ou une tentative de suicide parce que vous ne supportiez pas la vie de la secte ?
Isabelle Sebagh : Oui, une tentative de suicide parce que j'ai quitté mes parents, j'ai quitté ma famille, j'ai tout quitté, donnant ma confiance au gourou, à la secte, et je me suis rendu compte que ce n'était pas cela, et, là, c'était très dur parce que je me retrouvais seule. Seule, parce que les gens de l'extérieur de la secte étaient incapables d'entendre ce que j'avais à dire et ce que j'avais déjà vécu, et seule aussi, parce que, à l'intérieur de la secte, on m'isolait. Donc, je crois que les adeptes sont un peu sur une tranche, comme cela, sur le fil du rasoir. C'est très dur à vivre.
Mme Cotta : Alors, vous deux, Alain Gest, Martine David, qui avez participé à la commission parlementaire, à quoi vous êtes-vous attaqués et, finalement, vous démontrez qu'il est très difficile de définir une secte ? Au fond, il y a autant de sectes différentes, mais c'est très difficile de définir un concept global de sectes, non ?
Alain Gest, député U.D.F. de la Somme : C'est vrai que nous avons eu des difficultés à donner une définition très juridique des choses, et c'est souvent le problème que l'on rencontre. Par contre, nous avons établi un certain nombre de critères qui sont repris, de manière plus ou moins proche, d'ailleurs, par des gens qui se sont attaqués à ce problème depuis très longtemps, et que ces critères font apparaître systématiquement les problèmes de déstabilisation mentale que l'on vient d'évoquer, les problèmes d'exigence financière exorbitante. Ce n'est pas étonnant d'ailleurs que certains procès actuels portent essentiellement sur des problèmes d'escroquerie financière. Vous avez aussi des problèmes juridiques, de démêlés judiciaires à n'en plus pouvoir.
On dit souvent que l'Église de scientologie, c'est le premier procès - on entend souvent cela dans la presse -, il y a quand même eu d'autres affaires avant, moins importantes certes, mais il y en a eu d'autres. Et puis il y a des problèmes aussi d'infiltrations, car les recrutements des sectes, contrairement à ce nous imaginions peut-être au début de nos travaux, se font surtout dans des catégories socio-professionnelles relativement élevées, des personnes qui ont des moyens intellectuels et financiers, ce qui nous ramène évidemment à l'aspect financier des choses. Et donc ces personnes-là peuvent être infiltrées un petit peu partout, dans la société, à des postes de responsabilité publique ou privée.
Mme Cotta : On y reviendra sur cet aspect financier. Mais en restant sur l'aspect intellectuel et spirituel, Marc Bromberg, l'Église de scientologie se veut une Église, mais comment est-ce compatible avec cette phrase que j'ai trouvée dans un bulletin technique de la scientologie, qui est écrite par Renu Barde - je l'ai en anglais, je pense qu'on peut la traduire assez facilement - : « La scientologie a ouvert les portes d'un monde meilleur. Ce n'est pas une psychothérapie, ce n'est une religion, c'est un savoir ». Alors, qu'est-ce que c'est la scientologie ? Et vous sentez-vous, vous, la scientologie, comparable à certaines autres sectes critiquées largement par ailleurs ?
Marc Bromberg (porte-parole de l'Église de scientologie) : Premièrement j'aimerais savoir d'où sort ce texte ? J'aimerais bien avoir les références. Mais le problème n'est pas tellement là, nous n'allons pas discuter de points de théologie...
Mme Cotta : Je vous la donne, je l'ai là.
Marc Bromberg : Ah ! c'est très bien. Merci. Nous n'allons pas discuter de points de théologie, mais je pense que vous avez annoncé la couleur d'entrée de jeu, Madame Cotta. Vous avez dit : « Il y a le procès de la scientologie, donc on va parler des sectes ». Or, en fait, on parle de la scientologie, et actuellement c'est le procès de la scientologie à travers un certain nombre de prévenus, et je tiens à déclarer que cette espèce d'amalgame qui fait preuve d'une espèce d'indigence intellectuelle que l'on a vue au sein de cette commission parlementaire qui n'a pas été fichue de définir le mot « secte », alors qu'elle prétend légiférer sur les sectes.
Martine David : Non, non...
Marc Bromberg : Permettez-moi, Madame, je vous en prie ! Je représente ici des millions de scientologues et je voudrais pouvoir m'exprimer puisque vous avez des tas d'autres gens...
Alain Tizzioli : Attendez, on ne vous a pas interrompue, donc n'interrompez pas Monsieur Bromberg.
Mme Cotta : Nous sommes là pour parler de tout.
Marc Bromberg : Cette espèce d'amalgame qui veut assimiler une secte à une autre, cela signifie quoi ? Cela signifie que quand Monsieur Gest dit qu'il a repris un certain nombre de critères, etc., ce qu'il ne dit pas c'est qu'il s'est adressé, étant donné qu'il a constaté, en tant que Président, que sa commission était dans l'incapacité de définir ce pour quoi elle s'était réunie, aux Renseignements généraux, c'est-à-dire à la police politique. Et nous avons maintenant la police politique - laissez-moi terminer, je vous en prie - qui a défini 10 critères - évidemment vous ne pouvez pas imaginer que la police politique ne va pas aller dans le sens de l'accusation, parce que c'est une police, parce qu'elle est au service de l'État - et, sur ces 10 critères, un seul suffit, et j'en aurai terminé, pour dire que c'est une secte. Et en dehors de cela, il n'y en a que deux qui sont répréhensibles par la loi.
Donc je dis que cette commission, qui n'a pas interrogé un seul sociologue, un seul professeur d'université - regardez la page 6 de votre rapport - un seul théologien, a uniquement interrogé d'anciens membres, des membres de l'A.D.F.I. qui est la secte anti-sectes, et que cette commission est nulle et non advenue parce qu'elle a fait un travail indigent sur le plan de la pauvreté intellectuelle et sur le plan des résultats.
Nous sommes une religion. Nous avons des millions des membres, et nous restons une religion.
Mme Cotta : Martine David, que répondez-vous à Monsieur Bromberg ?
Martine David, députée PS du Rhône : Je réponds, d'une part, qu'il démarre de quelque chose de faux : justement nous avons souhaité qu'il n'y ait pas de législation anti-sectes. C'était d'entrée pour souhaiter que nous ne portions pas atteinte au fait religieux dans ce pays, qui existe : il y a une loi de 1905 qui organise les choses entre l'État et l'Église, et puis il y a aussi une législation qui fait qu'en France on a la liberté de s'associer, de se réunir, la liberté de penser.
Donc, nous avons conclu que, d'une part, il nous était difficile, sauf en retenant les critères de dangerosité qu'évoquait Alain Gest tout à l’heure…
Marc Bromberg : … les Renseignements généraux.
Martine David : ... de définir très exactement le mot « secte ». À partir de là, une législation précise, non. Pourquoi ? Parce que nous savons que, à la fois le code pénal, le nouveau code pénal et un certain nombre d'autres dans l'arsenal législatif, droit fiscal, droit du travail, droit de la sécurité sociale, nous permettent aujourd'hui de juger toutes les déviances des sectes.
Mme Cotta : Justement, vous parlez de déviances, donc vous considérez qu'une secte peut ne pas être condamnable mais qu'elle peut l'être à certains moments, et notamment quand il y a des déviances ! Mais y-a-t-il toujours des déviances ?
Martine David : D'ailleurs, nous le décrivons dans le rapport. On dit bien que, dans les 172 sectes environ recensées en France, et puis quelques filiales, il y a des « doux dingues », mais malheureusement à côté de ces « doux dingues » qui représentent très peu de gens, il y a une quarantaine d'autres organisations qui sont, effectivement, des sectes qui pratiquent et qui mettent en application un certain nombre de critères de dangerosité, qui sont établis fermement.
Marc Bromberg : Vous n'avez pas défini le mot « secte ».
Mme Cotta : Les critères de dangerosité, Alain Gest, c'est quoi ?
Alain Gest : Il y en a une dizaine, effectivement, qui ont été évoqués pendant les travaux de la commission à partir du travail, c'est vrai, des Renseignements généraux, mais ce n'est pas pour autant que c'est un mauvais travail.
Marc Bromberg : C'est un travail de police politique, Monsieur Gest.
Alain Gest : Par ailleurs plein de spécialistes se sont penchés sur le problème. J'entendais il n'y a pas si longtemps Monseigneur Vernet, qui est le porte-parole, sur ce sujet, de l'Église catholique, qui évoque aussi des critères qui sont assez proches de ceux que nous avons évoqués et qui, c'est vrai, ne se retrouvent pas toujours cumulés dans toutes les sectes.
Mais, pour autant, le grand débat dans lequel on essaie toujours de nous amener, c'est de dire : nous ne sommes pas une secte. Nous sommes un nouveau mouvement religieux. Nous sommes une religion…
Mme Cotta : Ça, vous n'y croyez pas ?
Alain Gest : Je vais vous donner un seul exemple : connaissez-vous une religion dont la doctrine peut vous présenter ce genre de choses ?
Je me permets de lire - cela va aller très vite - : « quand vous quittez une position de puissance, payez immédiatement toutes vos obligations, déléguez le pouvoir à tous vos amis, et partez, armé jusqu'aux dents, avec les moyens de faire chanter tous vos anciens rivaux, des fonds illimités sur votre compte privé, des adresses de tueurs à gage expérimentés, allez vivre en Bulgarie et soudoyés la police ». C'est extrait de « Introduction à la sociologie » de Monsieur Renu Barde.
Didier Lerouge : C'est un livre que j'ai acheté en scientologie. Cela faisait partie de mes cours.
Mme Cotta : Quand vous avez quitté la scientologie, vous avez engagé des tueurs à gage, non ?
Didier Lerouge : Non.
Marc Bromberg : Je peux confirmer qu'il s'agit en fait d'une conférence du fondateur Renu Barde, qui a été reprise. Mais ce qu'il faut savoir, quand on étudie Renu Barde, c'est que, dans ses conférences, il fait preuve d'énormément d'humour... et qu'effectivement... oui, je sais très bien que l'humour n'est la chose que vous possédez... Il fait preuve d'énormément d'humour. Mais quand on cite un texte hors de son contexte, on peut effectivement lui faire dire n'importe quoi !
J'observe simplement que, sur le plan de la légalité, seuls, dans les 10 critères, deux sont répréhensibles : le trouble à l'ordre public et l'atteinte à l'intégrité physique.
Tout le reste est le fait que nous nageons en plein arbitraire...
Martine David : Non, non.
Marc Bromberg : Je dois vous dire, Madame, que, personnellement, et j'ai discuté avec un certain nombre de gens, et notamment des gens qui ne sont pas scientologues et qui m'arrêtent dans la rue, et qui me disent : « C'est vrai, nous sommes entrés de plain-pied dans l'arbitraire. On veut détruire un esprit religieux qui sort du statuquo. »
Nous sommes une religion du 20e siècle, et c'est un procès en sorcellerie, c'est un procès en hérésie pour lequel je suis en train de défendre des millions de scientologues.
Vous n'avez pas interrogé un seul membre, vous comprenez. On interroge les anciens membres. Mais où sont les membres ?
Mme Cotta : Je considère que vous en êtes. Je considère que vous êtes un membre.
Marc Bromberg : Je suis dirigeant, donc je peux être partial. Où sont les millions de membres de la scientologie qui diraient ce qu'ils sont : qu'ils sont heureux et que la scientologie leur a apporté beaucoup et que c'est leur religion. Je les cherche encore. Personne ne les interroge jamais. Surtout pas la commission.
Mme Cotta : Didier Lerouge, Isabelle Sebagh, que répondez-vous ?
Didier Lerouge : Je me fais le porte-parole des victimes de la scientologie. Il y a peut-être des millions de scientologues, heureux ? Cela les regarde ! Mais il y a aussi des milliers de gens qui sortent de la scientologie et qui sont complètement ruinés, qui n'osent même pas en parler parce qu'ils subissent...
Alain Tizzioli : Ce n'est pas vrai. Vous êtes un menteur, Monsieur Lerouge...
Didier Lerouge : ... des pressions.
Alain Tizzioli : … Vous êtes un affabulateur.
Didier Lerouge : Mais c'est toujours votre discours, Monsieur Tizzioli.
Alain Tizzioli : Je connais très bien votre histoire, vous êtes un menteur.
Didier Lerouge : Mais, bien sûr ! Bien sûr !
Mme Cotta : Qu'est-ce qui s'est passé entre vous ?
Didier Lerouge : Je suis un menteur ! Voilà la religion de la scientologie, voilà l'humour de Renu Barde. Alors, avec cela, si je suis un menteur ?
Alain Tizzioli : C'est quoi, cela, c'est une image d'un rite religieux et d'un costume religieux.
Didier Lerouge : C'est un rite religieux de la scientologie.
Alain Tizzioli : Monsieur Lerouge, votre histoire ne tient pas debout parce que ce que vous ne dites jamais, c'est que l'on vous a remboursé jusqu'au dernier centime.
Didier Lerouge : Non, c'est faux.
Alain Tizzioli : Vous n'avez jamais eu le courage de le dire en face.
Moi, je vous le dis en face. On est sur le même plateau...
Didier Lerouge : Il y a une procédure judiciaire actuellement...
Alain Tizzioli : Sans blague ?
Didier Lerouge : Mon dossier a été amené au juge, et la procédure est en cours, et l'on verra le résultat.
Mme Cotta : Est-ce que les sectes sont un problème financier ? Est-ce que les sectes sont des puissances financières ? Le Centre contre la manipulation mentale dit que 25 % du salaire mensuel de quelqu'un sont versés pour la méditation transcendale, par exemple.
Sur ce sujet, les sectes et l'argent, le point de Jean-Michel Mercurol, et puis on reprendra cette conversation.
Reportage.
Témoignage : La principale source de revenus du Mandarom est le pillage systématique des disciples.
Témoignage (ex-adepte de l'Église de scientologie) : Ils m'ont dit : « Vous devez bien avoir quelques économies ? » Alors je leur ai dit : « Oui, mais je n'en ai pas beaucoup. Tout ce que j'ai, je vous le donne, là ».
Témoignage (ex-adepte de Mandarom) : Tout se paie en liquide, à la demande expresse des membres de la secte.
Témoignage (ex-adepte de l'Église de scientologie) : On profite en fin de compte, d'un moment d'égarement à ce niveau-là, pour dire : « Tiens, si tu as des biens, il faut vraiment que tu vendes ta maison, si tu as une maison ! ».
Témoignage (ex-adepte de Mandarom) : Moi, personnellement, j'ai laissé la somme de 400 000 F.
Mme Cotta : Monsieur Tizzioli, Monsieur Bromberg, vous sentez-vous une puissance financière ?
Marc Bromberg : Nous nous sentons une Église qui a besoin de donations pour faire toutes ses œuvres caritatives, et notamment toutes nos campagnes contre la drogue.
Je dois vous dire, Madame, qu'au procès qui s'est déroulé dans la semaine, qui n'est pas terminé d'ailleurs, nous avons eu des policiers de la Brigade financière, qui ont avancé des chiffres astronomiques qui ont fait mouche dans les médias. Quand on leur a demandé s'ils avaient vérifié la comptabilité, s'ils avaient fait une étude de la comptabilité, ils ont dit : « Non ». Alors, on peut lancer n'importe quel chiffre, vous comprenez, et, à ce moment-là, cela crée un bel effet auprès de la presse et auprès de tout le monde, mais quand on n'est pas capables de donner des faits et de dire pourquoi et de l'expliquer, cela ne rime pas à grand'chose !
Martine David : Vous ne pouvez pas dire cela. Vous ne pouvez pas affirmer cela.
Marc Bromberg : Je le dis, parce que cela s'est passé.
Martine David : Tous les témoignages dont nous sommes saisis - d'un certain nombre de députés dans toute la France -, ceux qu'on vient d'entendre toute la semaine au cours du procès de la scientologie à Lyon, et puis toute une série d'autres informations, dont nous disposons, montrent à l'évidence que les adeptes sont pressurés par les sectes, et notamment les sectes les plus dangereuses...
Alain Tizzioli : … c'est n'importe quoi !
Martine David : ... c'est évident, vous ne pouvez pas nier cela !
Alain Tizzioli : C'est n'importe quoi !
Martine David : Et, en plus, il est clairement établi, au niveau de la coopération internationale entre un certain nombre de pays, tant au sein de l'Union Européenne qu'au-delà, États-Unis, etc., que les grandes sectes, les grands mouvements sectaires qui existent dans le monde entier, sont de véritables puissances financières, qui, effectivement, les rendent de plus en plus dangereuses.
Alain Tizzioli : J'ai une réponse très claire : la scientologie a été reconnue comme une religion à part entière par le Gouvernement américain…
Martine David : Pas en France.
Alain Tizzioli : Laissez-moi terminer !... par le Gouvernement américain, par le Gouvernement canadien, par l'Australie, par la Hongrie, par l'Italie, par l'Autriche, par la Russie. Alors, on nage en plein délire, excusez-moi !
Maintenant que je reprends ce rapport parlementaire, mais c'est bourré d'erreurs. À un moment donné, il est parlé dans ce fameux rapport du « délit du piaggio », le délit du cyclomoteur, Monsieur Alain Gest...
Mme Cotta : Soyez clair, parce que je ne comprends pas du tout ce que vous dites ?
Alain Tizzioli : Au lieu de marquer « le délit du plaggio » qui était une loi mussolinienne qui a été abolie par la Cour constitutionnelle italienne en 1981, Monsieur Gest, docte savant en la matière, si vous voulez, s'est permis de marquer avec Madame David et consorts, d'ailleurs, « le délit du piaggio », le piaggio, c'est une marque de cyclomoteur italien. Le « délit du cyclomoteur » dans un rapport parlementaire !
Marc Bromberg : Je voudrais simplement indiquer, sans prendre parti, parce que c'est une action en cours, dont nous ne connaissons pas l'aboutissement, que le rapporteur de ladite commission a été mis en examen pour corruption et pour trafic d'influence. Alors, je le dis, je ne fais pas de commentaires…
Mme Cotta : Franchement, dans le milieu politique en ce moment...
Martine David : C'est vraiment de la mesquinerie, vous ne répondez pas aux questions qui vous sont posées.
Marc Bromberg : Pour quelqu'un qui veut dire le droit, la justice et l'honnêteté, je trouve que c'est un peu gros !
Alain Gest : Je vais juste donner un exemple parce que cela vient d'être illustré, c'est la parfaite illustration des méthodes qui sont utilisées par l'Église de scientologie comme d'autres mouvements, c'est-à-dire, c'est encore extrait d'un document qui vient de chez eux, de Renu Barde : « Si vous êtes attaqué sur un point vulnérable par quelque individu ou quelque organisation que ce soit, fabriquez ou trouvez un mensonge suffisant contre eux pour les amener à négocier la paix. Ne vous défendez jamais, attaquez toujours ». Alors, évidemment, il y a des transactions financières et autres.
Mme Cotta : Bernard Filaire ?
Bernard Filaire : Ce qui est quand même extrêmement dramatique dans cette histoire de secte, c'est que le but d'une secte, c'est de transformer l’individu…
Marc Bromberg : C'est absolument faux. C'est stupide.
Bernard Filaire : … le transformer à la fois en victime et en bourreau-victime.
Alain Tizzioli : C'est complètement délirant !
Bernard Filaire : Je vais prendre un exemple de votre gourou dans ce cas. Renu Barde dit : « Les gens qui attaquent la scientologie, sont des criminels ».
Ici : Tous ceux qui sont contre la scientologie, sont suppressifs.
Alain Tizzioli : C'est complètement faux.
Bernard Filaire : Il est écrit noir sur blanc...
Alain Tizzioli : ... vous avez une confusion dans les termes.
Bernard Filaire : ... dans « Lettre de règlement » de Renu Barde du 7.10.1962 que « l'on peut même être liquidé et être détruit par un membre de l’Église de scientologie…
Alain Tizzioli : ... ce n'est pas vrai, c'est complètement faux...
Bernard Filaire : ... et que celui-ci ne sera même pas puni par son Église ». C'est une fabrication de bourreaux-victimes. Et le but ultime des sectes, c'est de créer une nouvelle race, et cette nouvelle race, on le retrouve dans la dialectique qui est la bible de la scientologie. Par exemple, on doit lutter contre l'homosexualité au nom de la race.
Alain Tizzioli : Tiens, donc, c'est marqué où, cela, sans blaguer ?
Bernard Filaire : Eh bien, je vais vous le donner !
Alain Tizzioli : Cela ne tient pas la route, parce que je ne sais pas comment on peut être reconnu comme une religion dans différents pays…
Bernard Filaire : ... laissez-moi parler, je n'ai pas encore parlé !
« L'avenir de la race dépend de son attitude à l'égard du sexe et des enfants » écrit Renu Barde en introduction à l'éthique de la scientologie.
Alain Tizzioli : … c'est n'importe quoi cette histoire !
Mme Cotta : Je voudrais vous poser la question concernant certaines sectes : on a vu quand même l'activité de certaines sectes arriver, peut-être pas la vôtre, à des suicides collectifs ou, ailleurs, à des massacres collectifs, est-ce que vous, Église de scientologie, vous vous sentez concernés par cela ? Et, effectivement, des destructions de la personnalité, cela existe ! Est-ce que vous dites : « Nous, nous ne sommes pas pareils que les autres ? »
Bernard Filaire : Le suicide est omniprésent dans une secte...
Alain Tizzioli : Vous dites n'importe quoi !
Bernard Filaire : Je ne dis pas n'importe quoi, c'est même un témoignage dans « Le grand décervelage » de Monsieur Didier Lerouge qui est ici.
Alain Tizzioli : Vous n'avez étudié quoi que ce soit en scientologie, cher Monsieur, vous avez publié un bouquin, et vous n'avez jamais rien étudié en scientologie...
Martine David : Mais vous ne savez répondre que par des accusations. Donnez des arguments, si vous pensez avoir raison ! Vous ne faites qu'accuser !
Alain Tizzioli : Les arguments, je les ai. Un bon nombre d'experts se sont penchés sur l'Église de scientologie.
Bernard Filaire : Le problème de l'adepte scientologue, c'est qu'il n'a même plus peur de la mort.
Didier Lerouge me disait dans « Le grand décervelage » qu'il était malheureux, tellement culpabilisé par l'Église de scientologie, qu'il va voir un jour un supérieur, et comme on leur fait croire à la réincarnation, il a dit : « Je vais me suicider pour me réincarner en un meilleur scientologue »... C'est écrit noir sur blanc.
Mme Cotta : La parole est à Monsieur Bromberg qui répond.
Marc Bromberg : Premièrement, je pense que vous êtes une personne - je ne le dis pas parce que vous animez l'émission - trop intelligente pour vous prêter à l'amalgame...
Mme Cotta : On peut se poser des questions quand même !
Marc Bromberg : L'amalgame, c'est ce qui détruit une démocratie, c'est ce qui détruit les libertés, quand vous assimilez tout à tout. Cela, c'est une première chose.
Une deuxième chose : les gens qui accusent, n'étudient pas la scientologie et se contentent de lancer des anathèmes. On a des anathèmes qui sont lancés ici contre la scientologie...
Mme Cotta : Vous en lancez d'autres...
Bernard Filaire : J'ai des extraits de Renu Barde. Ce ne sont pas des anathèmes. Ce sont des extraits des livres de Renu Barde : « Introduction à l'éthique de la scientologie ».
Marc Bromberg : Cette accusation, tout ceci, Madame, procède comme toujours au fil des temps lorsque vous avez une nouvelle religion, vous avez une opposition. Dès que vous sortez du statuquo, vous avez une opposition. Il y a une espèce de « prêt à penser », il y a une espèce de pensée unique que l'on veut absolument imposer.
Mme Cotta : Monsieur Bromberg, vous ne répondez pas quand même à une question : « Vous sentez-vous concerné quand l'on vous dit : telle ou telle secte - l'Ordre du Temple solaire, etc. - a amené tant de gens à se suicider ? Ou est-ce que vous dites : c'est complètement autre chose ? »
Marc Bromberg : Je ne connais pas leur histoire, et je n'ai rien de commun avec eux. C'est tout ce que je peux vous dire.
Mme Cotta : Êtes-vous d'accord pour dire : il y a des déviances, et ces déviances dans les sectes, s'il y en a, il faut les condamner.
Marc Bromberg : Ce que je peux dire, Madame, c'est que j'attends des faits. Le rapport parlementaire ne comporte aucun fait. Il comporte uniquement des arbitraires et des accusations...
Mme Cotta : Il y a quelques arrêts de la Cour de cassation ?
Marc Bromberg : Non, non. Quand je dis cela, je veux dire qu'il y a des grandes idées qui sont développées mais qui ne reposent pas sur des faits.
Des grands sociologues se sont penchés sur ce rapport et ont tous...
Bernard Filaire : Lesquels ?
Alain Tizzioli : Braillat… [noms inaudibles] discussion générale...
Je peux vous en citer...
Marc Bromberg : … ce que je voulais vous dire, c'est que cette commission qui aurait dû interroger des gens qui étudient depuis des années - et nous sommes prêts à accepter leurs conclusions - ces nouveaux mouvements religieux ou ces sectes, comme vous voulez, ont été complètement laissés de côté parce qu'on savait très bien qu'ils apporteraient un point de vue modérateur.
Au lieu de cela, on a interrogé un Père (non saisi) qui ne représente pas l'Église catholique, qui est une espèce de fanatique prêt à allumer le bûcher, et le Père Vernet qui aurait pu apporter un élément modérateur, ne l'a pas fait.
La conférence épiscopale l'a condamné.
Alain Gest : C'est très intéressant ce que vient de dire Monsieur Bromberg parce qu'il vient d'avouer qu'il a eu communication de documents qu'ils n'auraient jamais dû avoir en main puisqu'ils étaient normalement au secret à l'Assemblée nationale...
Marc Bromberg : Regardez la page 6 de votre rapport, c'est vous qui l'écrivez !
Alain Gest : Monsieur Bromberg, vous ne connaissez pas mon emploi du temps personnel, ni celui de Madame David ou de Jacques Guyard, le rapporteur, etc., pour savoir qui nous avons rencontré en dehors même des travaux de la commission. Je pense que vous n'en êtes pas encore là, cela vous gêne, mais vous n'avez pas encore mon emploi du temps personnel, sauf, d'ailleurs, pour m'envoyer certains de vos responsables dans toutes les réunions publiques que je fais.
Je voulais simplement conclure sur une chose : ce qui nous importe aujourd'hui, c'est qu'il y ait une lutte organisée avec le respect des lois en vigueur, c'est-à-dire avec le respect des libertés auxquelles nous sommes attachés. Mais je pense que, de ce côté-là, il y a une prise de conscience, j'en veux pour preuve ce qu'a annoncé le ministère de la Jeunesse et des Sports cette semaine, avec des documents qui vont être laissés à la liberté des jeunes dans les centres « Information jeunesse » et surtout à un genre de monsieur « Sectes » qui sera, dans toutes les directions régionales de la Jeunesse et des Sports, susceptible de répondre aux interrogations des familles.
Marc Bromberg : Nous sommes rentrés dans une ère sombre de la chasse aux sorcières, Madame.
Mme Cotta : Isabelle Sebagh ?
Isabelle Sebagh : Puisque vous n'êtes pas une secte à quoi sert vos papiers que vous distribuez dans la rue, qui, finalement, amènent les nouveaux adeptes à se découvrir et comment vous vous en servez ! C'est un profit psychologique que vous utilisez complètement. C'est comme cela que vous faites du prosélytisme, c'est dans la rue !
Alain Tizzioli : Alors, où est le problème ?
Isabelle Sebagh : Où est le problème ? Laissez les gens tranquilles. Je veux dire : pensez comme vous voulez, vous, dans votre Église mais laissez le monde tranquille à ce moment-là. Laissez-nous tranquilles.
Martine David : Il faut que les pouvoirs publics s'engagent dans le combat contre les sectes.
Mme Cotta : Je vous remercie d'avoir été tous présents.
Pour assister à l'émission, vous tapez 3615 Code France 2.
Je vous rappelle l'adresse d'Internet qui est en ce moment sur l'écran. À 13 heures, le journal est présenté par mon ami Bruno Masure.
À la semaine prochaine.