Interviews de M. Bruno Mégret, délégué général du Front national, à RTL le 3, France-Inter le 10 et à RMC le 11 mars 1998, sur les relations entre la droite et le FN dans le cadre des élections régionales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - Emission L'Invité de RTL - France Inter - RMC - RTL

Texte intégral

RTL - Mardi 3 mars 1998

Olivier MAZEROLLE : Bonjour Bruno MÉGRET… Jean-Marie LE PEN a annoncé hier la création d'un gouvernement-fantôme… mais vous n'êtes pas parmi les fantômes… pourquoi ?

Bruno MÉGRET : Vous savez j'ai déjà énormément de responsabilités dans le mouvement… je suis en charge de la rédaction des programmes, l'animation politique du mouvement, je suis de près la gestion des villes, notamment de Vitrolles en Provence… ça fait beaucoup… et je crois qu'on ne peut pas tout faire…

Olivier MAZEROLLE : C'est une bonne idée ce gouvernement ?

Bruno MÉGRET : Je pense que c'est une bonne idée parce que ça montre que le Front National est maintenant de plus en plus, non seulement un mouvement d'opposition, ce que chacun savait… un mouvement de propositions, mais aussi un mouvement de réalisations, c'est-à-dire un mouvement de gouvernement. Et c'est d'ailleurs ce que nous montrons — et peut-être d'ailleurs de façon encore plus véritable, puisque ça ce n'est pas du virtuel, c'est du réel — dans les villes que nous dirigeons, avec les municipalités Front National où là il se passe deux choses tout à fait exceptionnelles par les temps qui courent : le Front National tient ses promesses, honore ses engagements, applique son programme… et quand nous appliquons nos programmes nous avons des résultats… Baisse des impôts, baisse de l'insécurité.

Olivier MAZEROLLE : Alors, tout de même la cheville ouvrière de ce gouvernement fantôme c'est Jean-Claude MARTINEZ, dont un livre qui vient d'être publié et qui a été repris par différents hebdomadaires la semaine dernière, a dit qu'au mois de juillet dernier il a mené une offensive contre vous, au bureau politique du Front National, pour vous écarter… parce que vous êtes trop techno…

Bruno MÉGRET : Si j'étais si techno que ça, je pense que je n'aurais pas obtenu les résultats électoraux que j'ai obtenus, notamment à Vitrolles. Je crois que le problème n'est pas là du tout. Je tiens d'ailleurs à préciser que ce gouvernement fantôme reste sous la responsabilité de la direction du mouvement, et par conséquent tout ça procède de la même stratégie… Le Front National est beaucoup plus uni qu'on le dit… voyez-vous nous sommes unis par des convictions communes.

Olivier MAZEROLLE : Qu'est-ce qu'il y a de commun justement entre Jean-Marie LE PEN et vous ?

Bruno MÉGRET : Eh bien, tout. Les convictions, la stratégie, la démarche… non non rassurez-vous… enfin, je ne sais pas si c'est de nature à vous rassurer… mais en tout cas je rassure ceux qui croient dans le Front National, notre mouvement est très uni. Contrairement aux partis de la classe politique, nous nous avons des convictions, des valeurs communes, nous sommes de surcroît attaqués de partout… et tout ça croyez-moi soude toute l'équipe du Front National.

Olivier MAZEROLLE : Quand Jean-Marie LE PEN fait, comme à Nantes samedi dernier, campagne contre les curés progressistes — je le cite — « le Francs-Maçons, les gauchistes », vous vous retrouvez là-dedans ?

Bruno MÉGRET : Non… Jean-Marie LE PEN ne fait pas campagne contre cela. Nous faisons campagne bien sûr sur les thèmes qui sont les nôtres, et notamment sur deux thèmes majeurs que sont la lutte contre l'insécurité et la lutte contre l'immigration… et à tous les niveaux des élections… Les élections régionales, il faut que les Français le sachent, c'est aussi l'occasion d'améliorer la situation sur le terrain de l'immigration et sur le terrain de l'insécurité. Notre programme régional, là où les Français voteront massivement Front National, permettra de réduire l'insécurité comme nous l'avons fait 20 % de moins à Vitrolles, et permettra de réduire l'immigration par la pression que nous exercerons à travers la préférence nationale, la priorité pour les Français, comme nous l'avons fait à Vitrolles, là encore, avec la prime de 5 000 F.

Olivier MAZEROLLE : Précisément, ça veut dire quoi « la mise en valeur, ou la mise en route de la préférence nationale dans une région » ?

Bruno MÉGRET : Ça veut dire par exemple que nous généraliserons ce qui a été entrepris à Vitrolles-en-Provence… une politique familiale en faveur des familles françaises…

Olivier MAZEROLLE : … enfin le Préfet n'en veut pas…

Bruno MÉGRET : … Oui… le Préfet… c'est-à-dire le gouvernement socialo-communiste ! Mais ça on sait bien que les Socialistes sont contre les Français. Et on ne sait pas s'ils ne préfèrent pas les étrangers… Mais c'est aussi par exemple une action pour privilégier systématiquement, dans les aides qui sont actuellement accordées à certaines entreprises, celles qui embauchent prioritairement les Français.

Olivier MAZEROLLE : Est-ce que, in fine, vous maintenez la proposition que vous aviez faite il y a déjà quelques années, de revenir sur les naturalisations survenues depuis 1974 ?

Bruno MÉGRET : Ça c'était une proposition qui avait été faite dans le cadre des 50 propositions que j'avais faites à Marseille, déjà pour la campagne régionale, qui sont pratiquement toutes encore d'actualité. Celle-là n'a pas été retenue dans le programme des 300 mesures du Front National, mais je rappelle que de telles mesures rétroactives avaient été proposées et mises en application par le gouvernement DAlADIER avant la seconde guerre mondiale…

Olivier MAZEROLLE : … Donc vous y tenez toujours…

Bruno MÉGRET : J'espère qu'on aura pas à recourir à ce genre de méthodes, mais il faut que les Français sachent que si on continue comme c'est le cas actuellement à naturaliser à tours de bras des gens qui ne sont pas Français de cœur et d'esprit, eh bien c'est certain qu'il faudra se poser le problème… Il faut bien savoir qu'actuellement on continue à régulariser — on n'en parle plus, mais ça continue — par dizaine de milliers… On va sans doute atteindre 100.000 clandestins qui sont régularisés par les Socialistes. Et ce qu'on ne dit pas, c'est que dès qu'il y a un régularisé nouveau, c'est derrière le RMI et toutes sortes d'allocation… Ça va nous coûter à peu près dix milliards de francs, payés par les Français…

Olivier MAZEROLLE : On a cru comprendre à travers vos récents propos que vous étiez prêts à proposer à la Droite classique une sorte de troc… « aidez-nous à conquérir la Provence, et on vous aidera à conserver l'Ile de France »…

Bruno MÉGRET : Eh bien ça ne serait pas une si mauvaise idée… si ça empêchait d'avoir, et un Président de Gauche en Provence, et un Président de Gauche en Ile de France, me semble-t-il…

Olivier MAZEROLLE : Alors vous dites au RPR et à l'UDF : je vous échange BALLADUR contre LEOTARD ? C'est ça ?

Bruno MÉGRET : Je pense qu'on y gagnerait au change entre nous…

Olivier MAZEROLLE : Ah bon ?… Pourquoi ?

Bruno MÉGRET : Eh bien Monsieur BALLADUR a toujours respecté le Front National… alors que Monsieur LEOTARD n'a eu que des invectives contre le Front National… Je rappelle aux électeurs d'ailleurs de Provence que Monsieur LEOTARD a d'ores et déjà annoncé que voter pour lui ça pouvait conduire les électeurs du RPR/UDF à faire élire un Président de Gauche puisque c'est ce qu'il a annoncé… qu'il préférait voter pour un président de Gauche, plutôt que laisser passer Jean-Marie LE PEN…

Olivier MAZEROLLE : Alors précisément une fois encore n'êtes-vous pas en opposition avec Jean-Marie LE PEN qui déclarait hier soir sur TF1 : il n'est pas question de faire un accord au plan national avec des partis qui ont des responsabilités dans la situation de la France ?

Bruno MÉGRET : Mais ça n'est pas contradictoire… Jean-Marie LE PEN parlait d'alliances, accords de gouvernement… il est clair qu'on ne peut pas gouverner avec le RPR et l'UDF, qui se préparent à approuver le traité d'Amsterdam, qui va supprimer la souveraineté française en matière de politique d'immigration !

Olivier MAZEROLLE : … Vous êtes prêt à aider… il n'en veut pas d'ailleurs… mais enfin s'il l'acceptait, vous seriez prêts à aider Monsieur BALLADUR…

Bruno MÉGRET : Avec des contreparties… ce qui se ferait dans l'intérêt des électeurs, des idées, des valeurs que nous défendons. Nous, nous sommes préoccupés d'aller le plus loin possible dans la progression de nos idées, et puis de hiérarchiser les adversaires… La Gauche socialo-communiste, c'est notre adversaire prioritaire…

Olivier MAZEROLLE : Merci Bruno MEGRET.


France INTER : mardi 10 mars 1998

Faut-il désormais constater l'existence des Fronts nationaux ? Le Front national de J.-M. Le Pen, qui vient d'annoncer la création d'un gouvernement-fantôme et le Front national de B. Mégret ? L'un, J.-M. Le Pen, proclame qu'il n'y a pas d'alliances possibles avec le RPR et l'UDF, qualifiés de « radeaux de la Méduse » ; l'autre, B. Mégret, depuis les législatives de juin dernier, appelle le RPR et l'UDF à une discipline nationale avec le Front pour battre la gauche, et donc à des alliances. Elles sont récusées par les chefs de partis de l'opposition, MM. Séguin, Léotard, Bayrou, Madeleine. La gauche demande néanmoins une clarification s'agissant de certains candidats, comme P. Vasseur, J.-F. Mancel ou J. Blanc, au point que cette question des alliances à l'occasion des régionales pose la question de l'avenir du Front National, celui de J.-M. Le Pen ou de B. Mégret, et de l'avenir de la droite française.

Le Pen ou vous ?

— « C'est une question un peu à la mode parmi vos confrères actuellement. »

Mais même au sein du Front !

— « Non. Vous avez entendu J.-M. Le Pen tout récemment à Charenton-le-Pont qui a prononcé un discours pour appeler le RPR et l'UDF à un programme commun avec le Front national pour les régions. Donc, je ne vois pas en quoi cette position serait différente de la mienne. »

Quel changement, tout de même ! Il y a quelques jours à peine, J.-M. Le Pen parlait encore du radeau de la Méduse et qui franchement avait une position radicalement différente lors des dernières législatives.

— « Ce n'est pas du tout incompatible. Il faut bien distinguer ce qui est du fond, de la stratégie et ce qui est de la tactique. Sur le fond, et je suis bien d'accord avec cela, c'est vrai qu'en l'état actuel des choses, le RPR et l'UDF ne peuvent pas faire d'alliances gouvernementales — je parle là du gouvernement de la nation — avec le Front national, pour une raison très simple : ils mènent une politique qui est beaucoup plus proche de celle du PS que de celle que nous préconisons. Donc, c'est vrai qu'il ne peut pas y avoir d'alliances comme il y a une alliance entre le PS et le PC. Mais il peut y avoir une discipline nationale, des accords électoraux, notamment dans les collectivités territoriales, dans les régions. On est dans une situation totalement paradoxale en France : il y a une majorité écrasante à droite dans le pays ; et l'on est gouverné par les socialistes et les communistes, ce qui est tout de même… »

Pour bien comprendre où vous en êtes, cela veut-il dire que J.-M. Le Pen et vous êtes absolument sur la même ligne ?

— « Nous sommes sur la même ligne, oui, bien sûr ! »

Cela veut donc dire aussi que vous souscrivez à tous les excès de J.-M. Le Pen, que ce soit le « détail », la violence, les agressions physiques ?

— « On ne va pas reprendre toutes ces questions-là ! »

Mais si ! Ce sont des questions importantes !

— « Chacun a sa personnalité. Chacun a son style, sa sensibilité. Je ne dis pas moi que je suis un clone de J.-M. Le Pen, personne ne le croira ! »

Mais est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

— « Il n'y a pas à être d'accord avec ça ! »

Mais si ! Une vraie question ! Quand on fait une alliance avec quelqu'un… C'est une vraie question ! Est-ce qu'on souscrit à ce qu'il fait ou est-ce qu'on le dénonce ?

— « Si vous me prenez l'exemple de Mantes-la-Jolie ; dans cette affaire, il faut rentrer dans le détail de la question, puisqu'en réalité J.-M. Le Pen qui était dans cette affaire l'agressé s'est trouvé… »

Agressé par une femme…

— « Non : agressé par une manifestation hostile de Ras-l'Front, une organisation subversive qui fait de l'opposition systématique au Front national par des moyens violents. C'est totalement contraire aux principes de la démocratie. Donc, fondamentalement, c'est J.-M. Le Pen et ceux qui l'accompagnent qui ont été agressés. Ils se sont trouvés en situation d'agression devant les tribunaux. Mais on ne va pas revenir là-dessus ! »

Mais il y a des images qui montrent quand même l'inverse de ce que vous dites. Peut-on raisonnablement tenir un discours comme celui-là s'agissant des enjeux politiques auxquels les Français sont aujourd'hui soumis ?

— « Ce que je vais vous dire, pour répondre au fond à votre question, et pas pour me défiler, c'est qu'il n'y a pas deux Fronts nationaux : il n'y en a qu'un. Le Front national, contrairement à ce que vous laissiez entendre, est beaucoup plus uni qu'on le dit, pour deux raisons fondamentales… »

Je ne laisse rien entendre : j'observe ce qui se passe, entre ce que vous dites, vous, et ce que dit M. Le Pen.

— « … Pour deux raisons fondamentales : c'est que d'abord, nous sommes rassemblés autour de convictions communes, ce qui n'est plus le cas des partis de la classe politique ; d'autre part, et ce n'est pas accessoire, nous sommes terriblement attaqués de l'extérieur, ce qui crée entre nous des liens extrêmement forts, de camaraderie de bataille politique depuis des années et des années. Donc, tout ça crée des liens très forts. Le Front national est très uni. »

Sur le cas de M. Vasseur qui dit maintenant : j'accepte toutes les voix du Front national ; mais il n'est pas question d'alliance avec lui. Que lui répondez-vous ?

— « C'est ce qu'il dit avant les élections. Après les élections, il sera bien obligé de reconnaître que pour accepter nos voix, il faut quand même qu'il fasse de son côté un geste dans notre direction. »

Cela veut-il dire qu'il y a trois, quatre, cinq discours différents en politique ?

— « Cela, il faut le demander à M. Vasseur. Nous, nous n'avons pas 36 discours : nous n'en avons qu'un seul ; nous avons toujours dit que nous étions prêts à soutenir éventuellement des candidats RPR-UDF pour faire barrage à la gauche dans les assemblées régionales, à conditions qu'ils s'engagent à appliquer une partie de notre programme et qu'il y ait un accord public et préalable. C'est clair ! On le dit avant, et on le dira après. »

Est-ce qu'il y a aussi du non-dit dans la démarche politique, qu'il y a au fond des négociations implicites qui font qu'en ce moment-même, peut-être avez-vous au Front national des liens avec le RPR et l'UDF ?

— « Non, les choses sont beaucoup plus claires — en tout cas pour ce qui nous concerne — et beaucoup plus simples. Ce qui est vrai, par contre — là, vous avez tout à fait raison —, c'est qu'au niveau de la classe politique, au niveau du RPR et de l'UDF, ce sont des gens qui finalement n'ont plus réellement d'espace politique, coincés entre la gauche et le Front national. Ils n'ont plus de propositions claires, alternatives à proposer aux Français ; ils ne se maintiennent que par la force des positions qu'ils occupent et qu'ils veulent garder par tous les moyens possibles et imaginables, et toutes les combinaisons et doubles discours possibles et imaginables. Ca, c'est vrai. »

Vous avez bien entendu ce que disent tous ensemble MM. Séguin, Madelin, Bayrou, Sarkozy : ils vous disent tous non.

— « Ils disent ce qu'ils veulent, mais moi, je constate une chose : c'est qu'au lendemain de l'élection du 15 mars, il n'y aura pour eux que deux possibilités : ou bien ils abandonnent les régions, d'innombrables régions à la gauche ; ou bien ils acceptent de s'entendre avec le Front national. Ils sont coincés entre l'un et l'autre, et il faut qu'ils se rapprochent de l'un ou de l'autre, ou bien ils disparaissent ou ils se marginalisent, disons. »

Vous imaginez que la droite républicaine puisse accepter votre projet politique qui sur nombre de points est un projet d'exclusion ?

— « C'est un projet de préférence nationale, ce qui est très différent. C'est fondamental. La préférence nationale, c'est le patriotisme. Nous sommes le seul mouvement politique français qui se réclame du patriotisme. Et nous sommes républicains. »

Mais le patriotisme c'est la prime, c'est les 5 000 francs pour un petit bébé blond aux yeux bleus ? C'est ça, le patriotisme aussi ou pas ?

— « Ce que vous dites, M. Paoli, c'est totalement caricatural ! C'est pas un bébé blond aux yeux bleus, c'est… »

C'est exactement la photographie qu'on voit dans les rues de Vitrolles, c'est pour ça que je vous pose la question !

— « Oui, mais on a encore le droit, mais non… Mais dites, on a quand même encore le droit de montrer des bébés blonds aux yeux bleus, que je sache ! »

Mais donc on a le droit de poser des questions sur les bébés blonds aux yeux bleus ?

— « Non, parce que… »

Pourquoi « non » ?

— « Parce que le critère que nous avons adopté est un critère de nationalité française et européenne. Et que je sache… »

N'empêche que c'est un bébé blond aux yeux bleus !

— « Et que je sache, vous devriez le savoir mieux que moi puisque vous vous placez sur ce terrain-là : pour être français, il n'est pas nécessaire d'être blond aux yeux bleus. La nationalité française n'est pas établie sur un critère racial. »

J'y souscris à 100 %.

— « Bon. Eh bien je suis heureux de vous l'entendre dire ; j'ai eu peur tout d'un coup. »

Il n'est pas indifférent de mettre dans les rues d'une ville, la grande photographie d'un bébé blond aux yeux bleus, et de donner une prime de 5 000 francs pour que des petits bébés français naissent plutôt mieux que les autres ; c'est quand même un discours politique qui a un sens.

— « Mais bien sûr que ça a un sens ! Ca a un sens que je trouve légitime, normal, moralement bénéfique dans notre pays, on puisse aider en priorité les familles de son peuple, absolument. »

Et vous pensez vraiment que des hommes comme MM. Séguin, Madelin, Bayrou, Sarkozy — encore une fois je cite ceux-là qui viennent de prendre position —, pourront vous suivre sur ce terrain-là ?

— « Mais M. Paoli, évidemment qu'ils pourraient le faire ; pour une raison excellente : c'est qu'en 1984, à la mairie de Paris, M. Chirac, avec sa majorité RPR-UDF, avait fait adopter une mesure, exactement comparable, de préférence nationale. Alors je pose la question, pas à vous mais à eux : est-ce que c'est eux à l'époque qui étaient abjects, odieux, scandaleux ou racistes, puisque c'est les insultes qu'on nous a lancées lorsque nous avons pris cette mesure pourtant très bénéfique ? Ou bien est-ce que ce sont eux qui, aujourd'hui, ne sont plus patriotes ? Donc vous voyez en réalité que le Front national est un mouvement extrêmement modéré puisque le Front national… »

Modéré ?!

— « Extrêmement modéré. »

Vous ne trouvez pas que vous poussez un peu là, franchement !

— « Non, mais je m'explique : parce que le Front national, finalement, a comme programme ce qui était préconisé et mis en œuvre par le mouvement gaulliste il y a seulement 20 ans. »

Un mot seulement de votre épouse, C. Mégret, condamnée ; la peine aggravée en appel.

— « Non, non, ce n'est pas “aggravée” ; c'est exactement l'équivalent. »

Là aussi vous êtes solidaire, totalement ? Y compris de ce qu'elle dit ou de ses propos ?

— « Ce qui me paraît surtout extrêmement grave dans cette décision de justice, c'est que ça met en cause la démocratie. Parce que, si maintenant, ce sont les juges qui… »

Est-ce que les propos de votre épouse ne mettaient pas la démocratie en cause aussi ?

— « Ecoutez, c'est vraiment donner beaucoup d'importance à mon épouse, que j'estime beaucoup, mais enfin je ne pense pas… »

C'est la justice, ne n'est pas moi, en l'occurrence, qui considère…

— « je ne pense pas qu'elle constitue une menace pour la démocratie ; certainement pas. »

Haine raciale, dit la justice ! Ce n'est pas bénin !

— « Complicité à la haine raciale. Vous savez qui est l'auteur principal ? C'est le journal Le Monde, qui lui n'est pas poursuivi, pas condamné. »

Mais c'est Mme Mégret qui est condamnée en l'occurrence ?

— « Non, mais j'explique mon propos. Cette décision st une menace, un coup bas à la démocratie. Pourquoi ? Parce que cela veut dire que les juges maintenant se mêlent de décider ce que les hommes politiques, les élus ont le droit de dire ou de ne pas dire. Et ça, c'est la mise en cause d'un principe fondamental de la République : la séparation des pouvoirs. Il y a aujourd'hui un problème majeur, pour la République, pour la démocratie, avec la justice, notamment avec le Conseil constitutionnel par exemple, dont le Président est maintenant impliqué dans une affaire pénale, et on voit le Président de la République le soutenir pour l'empêcher qu'il démissionne. »

Présomption d'innocence dit le Président de la République !

— « Oui, mais la question n'est pas à ce niveau-là. La question est que pour exercer les fonctions de président du Conseil constitutionnel, il faut des aptitudes. Ces aptitudes, c'est notamment d'être au-dessus de tout soupçon. Lorsqu'un pilote de ligne a un problème cardiaque, eh bien il est démis de ses fonctions. Cela n'a rien d'infamant, mais c'est ainsi. M. Dumas devrait démissionner car il n'est plus apte à cette fonction, et d'ailleurs le Conseil constitutionnel, qui commence à revoir maintenant la coupe des députés en permanence, qui est constitué de représentants, totalement partisans, idéologiquement engagés, devrait être dissous, pour être refondé sur des bases beaucoup plus conformes aux principes de la souveraineté du peuple. »


RMC : mercredi 11 mars 1998

Un mot sur l'affaire R. Dumas : vous pensez que, juridiquement il peut évidemment rester président du Conseil constitutionnel ? Vous pensez qu'il doit le rester jusqu'à ce que justice passe ?

— « Non, je pense qu'il doit démissionner, et ça n'est pas une question de présomption d'innocence, je dirais c'est une question d'aptitude à l'exercice de la fonction. Pour exercer ces fonctions, il faut être au-dessus de tout soupçon. Ca n'est plus le cas de M. Dumas, et je dirais, à la limite, de la même manière qu'un pilote de ligne est atteint d'une affection cardiaque ne peut plus exercer sa fonction, M. Dumas doit démissionner ; d'autant que cette institution — le Conseil constitutionnel —, est maintenant totalement discréditée, non seulement par cette affaire mais aussi par sa composition de plus en plus partisane, par des décisions tout à fait tendancieuses qui ont été prises récemment pour l'invalidation ou la non invalidation des députés, et par cette habitude qu'il a prise de s'ériger en tribunal idéologique pour censurer les lois du peuple après que les députés se soient prononcés. Cela ne peut plus durer. Alors moi je pense qu'il faut dissoudre et refonder le Conseil constitutionnel sur des bases nouvelles. »

Et la présomption d'innocence dans tout ça, pour M. Dumas ?

— « Je l'ai dit ; moi je ne me prononce pas sur la culpabilité de M. Dumas, bien évidemment. Mais ce que je pense, c'est qu'il ne peut pas y avoir le moindre soupçon sur le président d'une institution comme celle-là. »

Alors M. Mégret, je vais vous demander tout simplement quel est votre objectif dans les élections régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur d'abord et dans toute le Provence ensuite ?

— « En PACA, c'est de conquérir les responsabilités de gestion de cette région, qui est la nôtre, c'est-à-dire… »

La présidence ?

— « C'est-à-dire la présidence de la région pour J.-M. Le Pen ; c'est notre objectif. Et je voudrais alerter les électeurs sur le fait qu'en réalité, c'est nous ou la gauche. Parce que, M. Léotard d'ailleurs l'a déjà dit lui-même, il est prêt à faire voter pour un président de gauche. Alors si les électeurs… »

S'il n'est pas en tête ?

— « Oui bien sûr ; mais si les électeurs potentiels RPR-UDF ne veulent pas courir le moindre risque que leurs voix soient utilisées pour un candidat de gauche, pour élire un président de gauche, eh bien qu'ils votent directement Front national c'est beaucoup plus sûr. »

Et pourtant vous savez bien que jamais J.-M. Le Pen ne sera président de la région PACA, vous le savez…

— « Mais ça c'est vous qui le dites ; je ne vois pas pourquoi ? »

Vous le savez aussi.

— « Nous avons déjà quatre maires, il peut parfaitement y avoir un président Front national d'une grande région et d'ailleurs ça viendra sûrement, même si ça n'est pas cette fois-ci — mais je pense que ça peut être cette fois-ci —, et qu'il peut y avoir des surprises dimanche prochain. »

Au niveau national, si jamais votre score était un tout petit peu inférieur ou carrément inférieur au score que vous avez obtenu, que le parti Front national a obtenu à la présidentielle, vous y verriez un signe important ?

— « D'abord je ne l'envisage pas du tout ; je pense que le Front national est en progression. Ceci étant, il y a un grand désintérêt malheureusement pour cette élection, je le constate, il y a un risque d'abstention assez forte. Cela n'est jamais favorable au Front national. Et c'est la raison pour laquelle j'invite tous les électeurs qui nous écoutent à se mobiliser, car c'est une élection importante. Au-delà même du renouvellement des Conseils régionaux, il s'agit de se positionner par rapport à la politique actuelle menée par le Gouvernement. Ceux qui sont contre doivent le dire clairement ; ceux qui, par exemple, ne supportent pas le développement de l'immigration, dont on parle moins mais qui continue de se développer absolument massivement… »

M. Chevènement se fait tancer par la gauche parce qu'il est trop dur et vous vous dites que…

— « Non, M. Chevènement s'est fait tancer par des sans-papiers qui veulent être régularisés. Ce qui prouve bien que la loi qui vient d'être adoptée n'a absolument rien réglé et qu'après avoir régularisé ceux qui sont prévus pour être régularisés, eh bien on va recommencer ça une deuxième fois pour régulariser ceux qui restent et ainsi de suite. Et il n'y aura jamais de fin. Et chaque fois qu'on régularise, ce sont de nouvelles subventions sociales qui sont versées, payées par les Français. Nous, nous avons calculé que les 100 000 régularisations qui vont probablement être finalement effectuées, ça va nous coûter encore entre 5 et 10 milliards de francs, payés par les Français ! Alors si on veut que ça cesse, eh bien votez Front national. »

Si vous n'êtes pas en position, ce qui peut arriver, de l'emporter, d'emporter la présidence de la région PACA, quelle sera votre attitude au moment de l'élection du président, si le votre ne s'impose pas ?

— « Nous, une chose est claire : c'est que nous ne sommes pas décidés à faire voter à gauche. Nous avons une hiérarchie des adversaires, et nous ne pourrons pas non plus voter pour M. Léotard, ça c'est évident. Donc, en fait, nous, nous sommes décidés à faire élire notre président. »

Et s'il n'était pas éligible, s'il ne pouvait pas être élu ?

— « De toute façon, notre objectif — et ça vaut d'ailleurs pour toutes les régions — c'est de représenter nos électeurs le plus loin possible ; si personne n'accepte de prendre en compte une partie du programme que nous préconisons. Donc, aller jusqu'au dernier tour de scrutin. »

Que ferez-vous dans les deux régions, où déjà en situation potentielle d'être présidents de région — je parle de M. Vasseur et de M. Blanc —, on dit officiellement qu'ils ne verraient aucun inconvénient à recevoir vos votes ? Est-ce que vous voterez pour eux ? Dans les deux régions, avec ces deux personnes-là ?

— « Cela, c'est à voir après l'élection ; vous savez, pour l'instant, c'est aux électeurs que nous tendons la main. »

Auront-elles un régime particulier ces deux personnes-là ?

— « Non, nous l'avons dit. Encore faut-il qu'ils sollicitent un soutient et qu'ils prennent en compte une partie de notre programme ; que tout ça soit acté de façon publique et préalable. Il est bien clair que nous ne pouvons soutenir un candidat à la présidence de région que s'il représente une partie de ce que désirent nos électeurs. C'est une question de dignité et d'honnêteté à l'égard des électeurs qui nous font confiance. Notre objectif c'est de porter au pouvoir les idées de ceux qui nous font confiance. »

Est-ce que vous pensez qu'après ce vote auquel tous les Français sont appelés dimanche prochain, il y aura des conséquences politiques à ces élections régionales, des mouvements nouveaux ?

— « Oui, je pense qu'il y aura, que cette élection va faire en quelque sorte avancer la restructuration de la scène politique française. Parce que moi je constate qu'il y a maintenant clairement trois grands pôles politiques en France : il y a la gauche, socialo-communiste — communiste n'oublions pas —, il y a le Front national et puis entre les deux il y a le conglomérat RPR-UDF. Et d'un côté, je dirais la gauche, c'est un programme à la fois étatiste et mondialiste ; le Front national, c'est un programme de libertés et de valeurs nationales ; et puis entre les deux, eh bien on ne sait plus très bien. Et le RPR et l'UDF n'ont plus réellement d'espace politique. On le voit d'ailleurs à propos de cette élection : ou bien ils vont accepter, solliciter un soutien du Front national ou bien ils vont laisser les régions à la gauche, en tout cas pour une grande partie d'entre elles. »

Mais s'il y a un bloc de trop pourquoi ça ne serait pas le Front national qui serait de trop ?

— « Ecoutez, en général, c'est le bloc du centre, tous les stratèges vous le diront ; celui qui est pris entre deux feux, c'est celui qui est le plus mal placé. »

Et pourquoi continuez-vous de dire — M. Le Pen en tout cas — « que Jospin ça vaut mieux que Juppé » ? Il ne manque pas une occasion de le dire…

— « Oui, mais ça je pense que c'est moins politique qu'affectif. C'est vrai que M. Jospin a moins attaqué le Front national, verbalement si je puis dire. Mais politiquement, il est clair que le Gouvernement socialo-communiste est pire que le gouvernement RPR-UDF, par rapport à ce que nous voulons. Mais c'est vrai que le gouvernement RPR-UDF a plus trahi ses électeurs et ses engagements que la gauche avec un programme de gauche. »

Et vos rapports avec M. Le Pen ?

— « Ils sont très bons, ils sont très bons je vous remercie. »

Politiques…

— « Politiquement, on essaye, je sais, actuellement de nous opposer. Il n'y a pas d'opposition ; nous sommes sur la même ligne, nous avons chacun notre style, bien sûr, mais nous sommes sur la même ligne politique. Ce dont je viens de vous parler, J.-M. Le Pen aurait pu vous le dire également. Et nous sommes de surcroît dans la même région, ce qui facilite les choses. »