Déclaration de M Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sur les relations franco-égyptiennes, Paris le 20 mai 1998.

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Circonstance : Visite d'Etat de M.Hosni Moubarak, président de la République arabe d'Egypte, à Paris le 20 mai 1998

Texte intégral

Monsieur le Président de la République,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers collègues, Mesdames et Messieurs,

C’est une joie de vous accueillir aujourd’hui, Monsieur le Président, ici à l’Assemblée nationale, et d’honorer à travers vous le lien privilégié qui unit depuis si longtemps l’Égypte et la France.

Votre visite d’État intervient justement alors que foisonnent les témoignages de cette relation. Depuis l’été dernier se déroulent un grand nombre de manifestations culturelles, dans le cadre de l’année France-Égypte joliment baptisée « horizons partagés ». Ces expositions, ces pièces de théâtre, ces concerts soulignent la fascination exercée sur les Français par votre pays, de la beauté de Néfertiti à la poésie de Naguib Mahfouz, de la majesté de Karnak à la force du cinéma de Youssef Chahine, et enrichissent encore notre relation.

Paris aime vivre à l’heure égyptienne. J’ai la chance, chaque matin, en arrivant à mon bureau, de constater que se poursuit, depuis maintenant 162 ans, le dialogue entre l’obélisque de Louxor, désormais magnifiquement couronné, et le Palais-Bourbon, par-delà le pont de la Concorde - tout un symbole. Depuis quelques jours, un colosse sorti de la mer rend témoignage de la gloire d’Alexandrie. Pour bien montrer que nous sommes à l’unisson, les Parisiens s’efforcent même, par leurs embouteillages, de recréer parfois l’ambiance du Caire.

En m’adressant à vous, je veux rendre hommage à la fierté, au courage, à la générosité du peuple égyptien. Je salue le rôle modérateur et constructif que votre pays joue au Proche-Orient. Depuis le geste fondateur du Président Sadate en 1977, grâce notamment à vos efforts, tous les hommes de paix savent qu’ils peuvent compter sur l’Égypte. Nous sommes, comme vous, très inquiets des blocages actuels du processus de paix. Vous pouvez jouer un rôle majeur dans l’apaisement de ces tensions et dans la relance du processus de paix en vue d’un règlement juste, global et durable. Vous savez pouvoir en tout cas compter sur le soutien de la France dans cette entreprise.

Je connais l’importance que vous attachez à juste titre au resserrement du dialogue politique, économique et culturel entre les pays de la Méditerranée. Je veux aujourd’hui vous assurer, au moment où l’Europe s’apprête à consolider puis à élargir son union, de notre volonté de donner une dimension méditerranéenne forte à notre ambition européenne. Il en va de l’équilibre de l’Europe au prochain siècle. C’est aussi dans ce cadre que nous devons œuvrer ensemble, et je sais que c’est là une de vos préoccupations, contre le racisme et contre la xénophobie. La haine de l’homme pour l’homme a malheureusement de multiples formes. Entre les peuples, à l’intérieur des sociétés, en Europe comme au Proche-Orient, l’intolérance et la violence sont sœurs. Là-bas comme ici il faut rejeter ces mauvais démons.

Sur le plan économique, les experts internationaux saluent votre réussite de ces dernières années. Une croissance de 5 %, une dette extérieure maîtrisée, une inflation ramenée en quelques années à un taux satisfaisant, un déficit budgétaire modeste. Autant de résultats qui, même si, bien sûr, des problèmes existent, placent l’Égypte parmi les pays performants. Nos chefs d’entreprises ne s’y sont pas trompés, nombreux, comme les vôtres, à suivre votre visite avec intérêt et à multiplier les contacts professionnels. Je m’en réjouis et je les encourage à ce dynamisme.

Votre pays, Monsieur le Président, s’est également montré actif dans le domaine de la coopération interparlementaire. C’est au Caire que s’est tenue en septembre l’avant-dernière conférence de l’Union interparlementaire, véritable organisation mondiale des parlements. Ce cadre nous a permis de donner une nouvelle preuve de la proximité de nos vues sur les thèmes qui domineront les prochaines décennies. Nos parlements sont et doivent être les lieux d’expression de la volonté populaire. Il est bon qu’ils apprennent à mieux travailler ensemble afin de jouer leur rôle dans le rapprochement entre nos concitoyens.

Pour conclure, je dirais, Monsieur le Président, à vous qui aimez les constructions solides et le long terme, que parmi les nombreux points communs qui unissent nos pays, le plus caractéristique me paraît être cette vocation commune, à partir de nos singularités, à atteindre l’universel. De la beauté mystérieuse de la civilisation égyptienne à la force des principes du siècle des lumières, nos deux pays ont eu cette même ambition. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles l’Égypte et la France se comprennent bien. C’est aussi pourquoi, à l’orée d’un siècle nouveau, nous devons rechercher les voies d’une coopération forte et nouvelle, autour de notre Méditerranée, pour la paix et le bien commun.

Mesdames et Messieurs, santé et succès pour l’Égypte, je vous demande d’applaudir chaleureusement son Président et l’amitié entre l’Égypte et la France.