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France 3 : Monsieur le ministre, la crise de la vache rebondit, puisque les Britanniques viennent de décider, unilatéralement, de supprimer l’abattage. Ils rompent, ainsi, avec des engagements pris au sommet de Florence. Quels sont les conséquences et les gravités ?
Hervé de Charette : Naturellement, c’est une décision sérieuse et importante qui va certainement conduire les ministres de l’Agriculture à délibérer de façon très étroite et très attentive.
La France poursuit un objectif très simple : faire en sorte que du côté britannique toutes les dispositions soient prises pour assurer l’intégralité du plan que nous avons, à Florence, décidé de mettre en œuvre.
Aucun d’entre nous ne peut se désengager de ses obligations sans l’accord des autres.
France 3 : Ce qui veut dire que c’est le maintien, plus que jamais, de l’embargo ?
Hervé de Charette : Oui, bien entendu. C’est le maintien des dispositions que nous avons prises qui sont destinées à protéger les marchés européens et à permettre surtout que revienne la confiance des consommateurs. Je constate, d’ailleurs, qu’il y a dans ce domaine un réel progrès qu’il faut encourager. Toute cette agitation médiatique est de nature à cacher la réalité. En réalité, dans un pays comme le nôtre, il n’y a pas de maladie de la vache folle. La viande française est de très bonne qualité et peut continuer à être consommée par les consommateurs français avec sérénité.
France 3 : La décision britannique n’est-elle pas faite précisément pour renforcer la méfiance des consommateurs, puisqu’on va supprimer l’abattage, donc on ne s’attaque plus au mal par la racine ?
Hervé de Charette : C’est peut-être cela. Cela signifie que cela retardera d’autant toute perspective de levée de l’embargo sur les produits britanniques. Mais, je le répète, l’Europe et la France protègent leur marché, dans des conditions qui font que chacun et chacune d’entre nous vont consommer de la viande française en toute sécurité.
France 3 : On assiste à un nouveau débat franco-français sur le thème : « Faut-il ou pas atténuer les critères de Maastricht », à gauche, Fabius, à droite, Philippe Séguin, deux personnalités importantes, un ancien Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale. Vous, vous affirmez dans votre discours de cet après-midi, qu’il faut maintenir le cap, maintenir le calendrier. Le débat ne mène-t-il pas un peu l’action du gouvernement dans cette optique-là ?
Hervé de Charette : Il faut garder une ligne stricte. Le Premier ministre et le ministre de l’Economie et des Finances présentaient, il y a quelques jours, le budget français de 1997. Il respecte très exactement les engagements que nous avons pris à l’avance, d’être prêts pour la monnaie unique au 1er janvier 1999. De ce point de vue, la France, et d’ailleurs aussi l’Allemagne, s’inscrivent dans la logique des décisions qu’elles ont prises : faire en sorte que la monnaie unique puisse être réalisée au 1er janvier 1999. C’est un grand objectif très positif pour nos entreprises, pour notre agriculture, pour nos emplois. Il faut s’y tenir avec une très grande fermeté. Je souhaite que, pendant cette période, tous ceux qui ont une responsabilité politique comprennent que le message français doit être clair et, si c’est possible, naturellement, unanime.
France 3 : Philippe Séguin, dans son article du « Monde », met en relief ce qu’il appelle les ambiguïtés, les arrière-pensées, les pensées cachées, donc ambiguës, des relations franco-allemandes…
Hervé de Charette : La France et l’Allemagne sont comme toujours les deux pivots de la construction européenne sur cette affaire de monnaie unique. C’est vers la décision franco-allemande que se tournent les regards, le regard des Italiens, des Espagnols, les pays du Benelux et quelques autres. Nous avons pris cette décision. Le chancelier Kohl et le président de la République l’ont réaffirmée à plusieurs reprises et encore très récemment, à l’occasion de leur rencontre. Nous sommes sur une voie, sur une ligne. Nous y tenons avec fermeté.
France 3 : Sur la CIG, on est un peu dans le flou. Attendez-vous quelque chose de précis de Dublin ?
Hervé de Charette : Ce que j’attends de cette réunion informelle des chefs d’État et de gouvernement à Dublin, le 5 octobre prochain, c’est que l’ensemble de l’Union européenne s’engage sur un calendrier précis pour la négociation de cette Conférence intergouvernementale. Nous souhaitons qu’il y ait une première ébauche d’un document, d’un traité qui soit prêt à Dublin en décembre prochain, et qui puisse être définitivement adopté au mois de juin 1997, selon les décisions qui avaient été prises par les chefs d’État et de gouvernement, il y a plusieurs mois.
France 3 : Dans cette optique, un certain nombre de partenaires et notamment des eurodéputés reprochent à la France de vouloir une Europe forte avec des institutions faibles…
Hervé de Charette : C’est tout à fait l’inverse puisque, très précisément, nous mettons particulièrement l’accent sur la nécessité, pour une Europe qui va s’élargir à d’autres pays d’Europe centrale et orientale, de faire en sorte que nous ayons un mécanisme de décisions qui fonctionne. On voit bien, aujourd’hui, que le mécanisme des décisions de l’Europe, que ce soit la commission, le Conseil des ministres ou le Parlement européen, ne marche pas très bien à quinze, et donc, a fortiori, lorsqu’on sera nombreux, 17, 18, 19, 20, que sais-je ? D’où la nécessité de revoir cela. Nous mettons l’accent là-dessus. On ne va pas nous reprocher ce que nous demandons aux autres. Et je vois que beaucoup de pays, aujourd’hui, sont encore hésitants sur cette révision qui implique de nombreux efforts.
France 3 : Le gouvernement mobilise les services de l’État, plus les collectivités locales, régionales et pratiquement tout le tissu associatif autour du dialogue pour l’Europe qui va être lancé le 15 octobre et qui durera, dans toutes les régions françaises, jusqu’au 9 mai prochain. Quel est l’objectif de cette campagne ?
Hervé de Charette : Je crois qu’il est utile que les Français soient associés à ce débat très important. L’année 1997 va être marquée, à la fois, par l’achèvement du processus qui nous conduit à la monnaie unique, et par la fin de la Conférence intergouvernementale qui va permettre d’ouvrir les négociations d’élargissement de l’Union. Une monnaie, une Europe élargie, une Europe mieux organisée à l’intérieur, tout cela sont des grandes échéances et je crois qu’il est utile que les citoyens trouvent les moyens et aient les moyens d’apporter leur sentiment, leur point de vue, leur jugement et de contribuer à ce débat très important pour l’avenir de l’Europe.
France 3 : Il s’agit de préparer psychologiquement les Français à un référendum sur l’Europe ?
Hervé de Charette : Je ne sais pas s’il y aura un référendum. Je ne crois pas que ce soit le véritable enjeu. L’enjeu est que la démocratie doit produire ses effets, c’est-à-dire qu’il ne faut pas que les grandes décisions se prennent dans des cercles restreints, des cercles réduits de spécialistes ou d’hommes politiques. C’est l’affaire des citoyens.