Article de Mme Dominique Voynet, porte-parole des Verts, dans "Vert contact" du 14 septembre 1996, sur les propos de Jean-Marie Le Pen sur l'inégalité des races et les relations entre la droite et le Front national, intitulé "Le Pen : raciste évidemment".

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Média : Vert contact

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On se souvient qu’il s’est trouvé des tribunaux, au mois de juin, pour condamner des journaux à publier des « droits de réponse » du président du Front national, froissé de voir son parti classé – par les chroniqueurs, les électeurs et les militants du FN eux-mêmes – à l’extrême droite.

Les efforts qu’il déployait depuis de longs mois pour donner à son parti une image plus respectable viennent d’être réduits à néant par l’affirmation nauséabonde, lors de l’université d’été(1) de son parti, de sa croyance dans « l’inégalité des races ».

D’une certaine façon, on peut se réjouir de cette « clarification », qui ouvrira peut-être les yeux de ceux qui s’obstinaient jusqu’ici à considérer les calembours puants et les jugements pitoyables de Jean-Marie Le Pen – sur la composition de l’équipe de France de football, par exemple – comme de maladroits dérapages. Le Front national n’est pas un parti comme les autres ; c’est un parti d’extrême droite, qui professe des idées dangereuses pour la République et la démocratie, et son président est un raciste. C’est encore plus clair aujourd’hui.

La question est désormais posée de l’interdiction de cette organisation, qui bénéficie du financement public des partis politiques, jouit d’une confortable couverture médiatique, et dont le quotidien est « soutenu » au titre des aides à la presse.

Bien des militants des Vert(2) ont signé la pétition de Charlie Hebdo, qui demandait cette interdiction. Sans méconnaître les limites de la démarche. Car le geste en soi ne réglerait rien, si les partis politiques de la majorité s’obstinaient à mépriser les inquiétudes des gens, en se contentant de dénoncer « ceux qui sapent le moral des Français », et de donner des signaux indignes(3) à l’électorat – fort convoité – du FN.

L’attitude du gouvernement face aux « sans-papiers », la gêne d’une partie de la classe politique devant l’inhumanité et l’incohérence de la législation française en matière d’immigration illustrent d’une certaine façon, la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : on ne s’en tirera pas en interdisant le FN. Car les idées qu’il défend se diffusent dans des couches de plus en plus larges de la population, et les solutions qu’il préconise sont – parfois sournoisement, parfois publiquement –adoptées et mises en œuvre par bien des hommes politiques.

Une riposte juridique est sans doute nécessaire. Mais c’est du côté politique qu’il faut désormais chercher les réponses.

1 La formule, qui qualifie désormais les raouts de rentrée des partis politiques, est sans doute inadaptée au FN, qu’on ne fréquente probablement pas avec le souci d’apprendre…
2 Dont moi…
3 Les propositions de changement de mode de scrutins s’inscrivent malheureusement dans ce contexte.