Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, sur le rôle des réservistes dans le cadre de la réforme de l'armée et leur disponibilité pour un partenariat défense - entreprise, Paris le 18 juillet 1996.

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Circonstance : Signature des conventions armées - entreprises le 18 juillet 1996 à Paris

Texte intégral

Voici trois mois, j’ai souhaité associer l’ensemble des présidents des associations nationales des cadres de réserve, aux partenaires économiques, institutionnels et privés qui avaient accepté une première démarche de contractualisation destinée à favoriser la mise à disposition des cadres de réserve au profit de la défense. J’avais alors indiqué que je souhaitais un signal fort ; non seulement vis-à-vis des réservistes ; non seulement vis-à-vis des militaires d’active ; mais aussi et surtout, vis-à-vis des employeurs, parce qu’ils contribuent à renforcer, par leurs actions vis-à-vis des réservistes, le consensus sur la défense.

Service national (consultation et encadrement des associations de cadres de réserve)

J’ai tenu à renouveler aujourd’hui cette démarche, après les décisions qui viennent d’être rendues publiques et qui concernent non seulement Ia professionnalisation des armées, mais, à travers l’avenir de la défense, une partie importante de l’avenir de notre pays. Je voudrais à cette occasion remercier celles et ceux qui ont compris mon initiative et qui ont souhaité, par leur présence à l’hôtel de Brienne, lui donner une impulsion décisive. Aux responsables des associations nationales des cadres de réserve, je voudrais dire tout d’abord ma reconnaissance pour les travaux qui ont été conduits dans le cadre de la réforme du service national. Vos réponses, en complément de la grande consultation locale, sont claires.

Je les résumerai brièvement :
    - tout d’abord, vous avez exprimé votre accord pour servir, dans le cadre de l’armée professionnalisée, les intérêts nationaux, en France ou à l’extérieur, affirmant ainsi que les réserves sont un complément indissociable des forces d’active ;
    - ensuite, vous avez affirmé votre volonté d’être présents dans l’organisation du rendez-vous citoyen, tant votre motivation est forte vis-à-vis de la jeunesse. En étant prêts à apporter leurs compétences dans des logiques de formations élémentaires à la défense, les personnels de réserve vont, j’en suis certain, susciter un volontariat réel et durable ;
    - enfin, vous avez rappelé votre ambition de remplir pleinement un rôle de garants du lien armées-nation.

Ces trois points sont couplés avec une forte demande de la reconnaissance d’une réelle parité active-réserve, justifiant, à l’évidence, des mesures d’accompagnement qui garantissent cette parité. J’ai noté également votre souci de voir effectivement mis en place un véritable statut social du réserviste, assorti d’une authentique politique de contractualisation avec les structures civiles d’emploi, complément indispensable des mesures législatives et réglementaires. Ces orientations, je les fais miennes.

Réserves militaire et civile (projet de loi)

Comme vous le savez, j’ai eu l‘occasion d’indiquer au Parlement, lors du vote de la loi de programmation militaire – alors qu’étaient exposés pour la première fois le concept d’emploi des réserves, leurs natures et les financements correspondants – que le gouvernement proposerait à la représentation nationale un projet de loi global sur les réserves. C’est le complément indispensable du projet de loi sur le service national. Ce texte, actuellement en préparation, vise non seulement à définir la nouvelle réserve militaire mais aussi à organiser une réserve civile.

En effet, l’évolution de notre société, les risques nouveaux et la priorité qui doit être désormais accordée à la sécurité et à la protection des populations et des installations, impliquent que les services publics civils disposent eux aussi d’une réserve capable de renforcer leurs moyens permanents. Cette démarche globale, à laquelle sont associés mes collègues concernés du gouvernement, est à coup sûr une novation, puisque réserve civile et réserve militaire présentent de nombreuses similitudes et points communs.

Ce texte fera appel à une large concertation à laquelle j’entends vous associer étroitement. Les consultations utiles auront lieu avec vous à l’automne. II vous appartiendra d’enrichir la réflexion, pour que les différentes formes de volontariat puissent être pleinement valorisées et pour que ce volontariat donne aux hommes et aux femmes qui s’engageront dans la future réserve, une envie durable d’y servir les intérêts de la France, dans toutes ses composantes, militaires et civiles. Pour conduire une telle démarche à son terme, il faut développer un partenariat de responsabilité fort, principalement avec les responsables économiques de notre pays.

Avec les basculements géopolitiques récents, la compétition entre les États s’est très souvent déplacée du domaine militaire vers les champs économiques, financiers et commerciaux. Nous assistons aujourd’hui à une large mobilisation des États en faveur de leurs entreprises pour la conquête de marchés nouveaux. Certains d’entre eux n’hésitent pas à transférer les hommes, les méthodes de travail, les techniques utilisées pendant la guerre froide, vers le secteur privé ou à les mettre au service d’une stratégie exportatrice nationale.

Défense économique

L’émergence de nouvelles technologies, notamment dans le domaine des télécommunications et du traitement de l’information, facilite et accélère la mondialisation de l’affrontement qui se déroule maintenant en temps réel. C’est dire que défense et défense économique sont étroitement imbriquées et que nous devons en tirer toutes les conséquences. C’est dire aussi combien doivent être organisés le rôle et la disponibilité des personnels de réserve, véritables pluriactifs – pour qu’ils soient à la fois disponibles pour répondre aux besoins de nos armées, mais aussi parfaitement capables de mieux servir les objectifs de leurs structures civiles d’appartenance.

Partenariat entreprises – défense

La pratique au quotidien de cette disponibilité, par voie contractuelle, le permet tout à fait. C’est pourquoi j’ai plaisir à dire aux nouveaux signataires de conventions de partenariat que la démarche qu’ils accomplissent avec moi, aujourd’hui, aura valeur d’exemple et que ses résultats inciteront beaucoup d’autres à s’associer à cette politique :
    - à tous ces nouveaux signataires, qu’il s’agisse des chambres de commerce et d’industrie, notamment celles qui viennent de créer le premier réseau d’expertise pour la mise en place de systèmes d’informations stratégiques ;
    - qu’il s’agisse des fédérations départementales de PME du Puy-de-Dôme et de la Haute-Garonne dont je salue à nouveau le président national, M. Lucien Rebuffel, colonel de réserve, j’y insiste, et qui a la volonté d’accompagner ma démarche en déclinant ces conventions au niveau de toute la France ;
    - qu’il s’agisse de La Poste, des Houillères de Lorraine ;
    - qu’il s’agisse du GICAT, de groupes bancaires et informatiques ou de Renault Véhicules industriels ; du réseau R.E.S.I.S. (chambres de commerce et d’industrie de Rennes, de Touraine, de Cholet, de La Rochelle, de Cognac, de Reims et d’Epernay, de Lot-et-Garonne).

À tous ces nouveaux signataires, je voudrais dire combien ce mouvement que nous initions est porteur d’une véritable pratique du « gagnant-gagnant ».

À cet égard, la présence du président de l’union patronale de Seine-et-Marne, M. Pierre Vitte, avec lequel j’ai signé une convention le 3 mai dernier et qui vient d’effectuer, au titre des affaires civiles, une mission d’information en ex-Yougoslavie, est tout à fait significative. Comment ne pas évoquer également l’attitude très positive de la Fédération nationale des producteurs horticulteurs et des pépinières, celle de l’Union nationale des entrepreneurs paysagistes qui, au cours d’une mission récente, conduite par des officiers de réserve en Bosnie-Herzégovine, ont pu mesurer ce que représentait un tel partenariat, au moment où notre pays, au sein de l’Union européenne, entend prendre toute sa part dans la reconstruction de l’ex-Yougoslavie ?

Réserves – volontariat

Je sais, Mesdames et Messieurs, que beaucoup de choses restent à faire. Mais le champ que nous ouvrons ensemble, depuis quelques mois, est un champ prometteur. Notre société, trop souvent marquée par l’individualisme, le désintérêt pour les affaires publiques, le repli égoïste sur soi, ne peut se passer de l’acte de responsabilité et de citoyenneté que représente la volonté de servir dans la réserve, sous toutes ses formes :
    - sous des formes traditionnelles, bien sûr, parce que, encore une fois, armée d’active et réserves constitueront désormais un ensemble indissociable ;
    - mais encore sous des formes nouvelles, celles qui concernent des domaines aussi essentiels que l’emploi et le renforcement de nos entreprises, créatrices de richesses et donc d’emplois. En œuvrant pour une armée forte, une société solidaire, des entreprises performantes, nous parviendrons ;
    - parce que nous avons « le goût de gagner » – parce que nous savons travailler en équipe –, à retrouver – bannissant l’esprit de routine – ce qu’évoquait le président de la République, le 14 juillet : l’esprit de conquête.