Texte intégral
Je souhaiterais développer devant vous trois orientations, trois voeux qui me tiennent à coeur et contribueront, je le souhaite, à donner du relief à notre politique de recherche en cette année 1996.
1. Il convient tout d'abord de maintenir au plus haut niveau notre effort public en faveur de la recherche, et de développer le souffle créateur de notre système de recherche bâti largement à partir de l'impulsion du Général de Gaulle.
2. Il nous faut ensuite tout mettre en oeuvre pour rapprocher le monde de la recherche publique de celui de l'entreprise. Dans cette alliance réside l'innovation pour nos produits, nos procédés et nos services ; c'est la seule voie qui nous permettra de créer des métiers et des emplois nouveaux, il nous revient de l'éclairer pour guider et remobiliser les français.
3. Enfin, je souhaite que tous ces efforts s'inscrivent dans une perspective compréhensible par tous et positive pour tous. En amont, la science et ses découvertes fondamentales doivent encore faire rêver.
Mais les français doivent aussi pouvoir comprendre très concrètement le chemin de l'innovation, qui va de la découverte la plus fondamentale au produit le plus proche de leurs préoccupations. Un gigantesque effort de pédagogie est nécessaire, et je souhaite que nous puissions tous nous y investir.
La fracture sociale qui mine le pays est aussi une fracture dans l'accès à la connaissance, dans la compréhension de l'intérêt de la recherche et de l'innovation. Le constat d'échec des politiques de l'emploi depuis les années 80 fait aussi selon moi écho au caractère peu mobilisateur et déchiffrable de la politique de recherche et d'innovation.
Sur ces trois thèmes, je veux devant vous rappeler nos atouts, vous livrer quelques pistes de travail.
Maintenir au plus haut niveau notre effort public en faveur de la recherche
La recherche française exécutée dans les organismes et administrations publics, civils et militaires, représente plus de 0,9 % de notre PIB. Cet investissement considérable est aujourd'hui un privilège extraordinaire, il nous place en tête dans le monde avec les États-Unis. Il ne sera pas facile de maintenir cet effort à un tel niveau. J'en veux pour preuve la rédaction des budgets d'équipement militaire qui aura inévitablement un impact fort sur les crédits de recherche. Où est la parade ?
Tout d'abord dans la qualité de notre dispositif. Faire mieux sans dépenser plus est à notre portée, c'est d'ailleurs une des clefs de l'innovation dont je vantais à l'instant les mérites. Appliquons ces méthodes à notre dispositif de recherche publique.
Il est très diversifié autour de la recherche universitaire, de nombreux organismes de vocation et de statuts différents, du civil et du militaire. Il nous faut favoriser une véritable mobilité des hommes et des idées entre ces pôles.
Il est aussi financé par plusieurs acteurs, l'État, l'Union européenne et les collectivités territoriales. Il nous faut mieux coordonner ces sources de financement, et inscrire notre dispositif dans une véritable politique d'aménagement du territoire d'une part, dans un vrai partenariat européen d'autre part. Ce sera en 1996 le rôle des schémas régionaux d'enseignement supérieur et de recherche et du début de la négociation sur le 5ème programme Cadre européen de recherche et de développement.
Le système public de recherche doit justifier auprès des français en permanence l'investissement considérable qu'il représente. Il rentre dans le champ de la réforme de l'État sur laquelle le Gouvernement travaille actuellement.
Nous devons non seulement maintenir notre potentiel public de recherche au plus haut niveau mais aussi tenter de conforter, voire améliorer, notre position en effort global national de recherche. Nous sommes au quatrième rang mondial avec plus de 2,4 % du PIB de dépenses de recherche et développement. Notre rang peut être affecté par la menace qui pèse sur les crédits publics. La parade réside cette fois dans une revitalisation de la recherche privée.
Rapprocher la recherche publique du monde de l'entreprise au profit de l'innovation
Autant la recherche publique française est au premier plan, autant la recherche industrielle est encore trop faible. Les dépenses de recherche et développement des entreprises sont de 1,4 % contre au moins 1,8 % à 2,2 % chez nos trois principaux concurrents. Premier en effort public, nous sommes donc quatrième en terme d'effort national global en faveur de la recherche, et selon une étude citée dans un rapport du Sénat, dix-septième en terme de valorisation de la recherche au profit des processus d'innovation.
Il nous faut résolument orienter nos efforts, et notamment nos efforts financiers incitatifs (le Fonds pour la Recherche et la Technologie notamment) au profit de partenariats entre recherche publique et privée. L'analyse de programmes précis, comme le récent Bioavenir, montre que chacun y gagne dans ces catalyses : les chercheurs publics trouvent plus, y compris en fondamental, les chercheurs privés et les industriels brevettent et innovent plus et plus vite.
Je suis soucieux de développer tout ce qui va pouvoir favoriser la mobilité des chercheurs publics vers l'entreprise, la création d'unités mixtes public/privé, la création d'entreprise par essaimage à partir des laboratoires publics, l'introduction de critères de transfert de technologie dans l'évaluation des chercheurs publics. L'effet de levier des crédits publics au profit de l'innovation doit être accru, cet effet doit être accentué par de bonnes synergies civil/militaire. C'est la seule façon là encore d'augmenter l'effort national de recherche malgré la contrainte qui pèse sur les crédits publics.
J'expliquerai tout cela plus concrètement à l'occasion du prochain colloque science et défense le 24 janvier, et du colloque sur les centres de ressources technologiques à Poitiers le 30 janvier.
Inscrire la recherche dans une perspective compréhensible par tous et positive pour tous
Je le répète, l'effort financier considérable en faveur de la recherche justifie un souci permanent de pédagogie. La science fondamentale doit faire rêver si elle est bien expliquée. Il est important de montrer que cette recherche fondamentale constitue un formidable vivier de réponses aux problèmes du futur. Par exemple, c'est grâce aux recherches en biologie végétale que nous disposerons un jour des découvertes et des produits, des plantes notamment, capables de s'adapter à une évolution climatique.
La recherche orientée et l'innovation nécessitent le même effort de pédagogie
À cet égard, je note un relatif retard de notre communication scientifique et technique télévisuelle. Je souhaite que nous puissions mieux utiliser les larges possibilités offertes par la télévision et les multimédias. La création de la 5e chaîne qui vient de fêter son premier anniversaire est aussi une opportunité merveilleuse.
J'ai enfin le sentiment qu'il nous faut une politique de programmes mobilisateurs pour faciliter cet éclairage, cette pédagogie, ainsi que la création des synergies recherche publique/entreprises que j'évoquais précédemment. Ces programmes doivent résolument résulter du croisement des besoins de l'État et des attentes de la société. Nous travaillons actuellement à de tels programmes dans le secteur des transports, de la santé, de l'alimentation, de la communication. Le secteur de l'espace a fait l'objet de décisions importantes lors de la conférence spatiale européenne de Toulouse en octobre dernier.
J'aurais l'occasion de développer dès le début février cette politique dans le domaine de la recherche médicale à l'occasion d'une communication sur ce thème. Le dossier de la génétique me semble particulièrement mobilisateur. La découverte du génome humain et ses applications à la thérapie génique sont une des aventures de cette fin de siècle dans laquelle tous les grands pays sont engagés. La France a été précurseur de la cartographie du génome et il est important qu'elle puisse tenir son rang dans le domaine du grand séquençage et de ses applications industrielles et commerciales. Je développerai prochainement plusieurs orientations scientifiques et technologiques sur ce sujet.
Pour rester dans le domaine médical, les événements en cours au sujet de l'Association pour la recherche sur le cancer m'amènent à souhaiter que tout soit mis en oeuvre pour ne pas briser cette magnifique chaîne de solidarité qu'est le « mécénat médical », chaîne continue entre le citoyen et notre système de recherche au service du malade. Donateurs et État doivent se mobiliser pour améliorer les conditions de la transparence de cette chaîne et je prendrai personnellement toute ma part dans cette mission.
Je vous renouvelle à tous mes meilleurs voeux pour cette année 1996.