Texte intégral
Lettre ouverte aux Jeunes Français (1ere partie)
Vous êtes de plus en plus nombreux à m’écrire. J’essaie de vous répondre, mais ça n’est pas toujours facile. Je choisis donc aujourd’hui la forme d’une lettre collective adressée à la cantonade pour qu’elle vous parvienne par la voie familiale ou par relations. Bref, j’espère que cette Lettre finira entre vos mains.
Je voudrais vous délivrer un message simple, vous faire confidence d’une conviction intime qui est le ressort de mon action publique et nourrit la détermination de tous ceux qui m’entourent. Ce message est le suivant :
Vous devez former votre jugement pour débusquer, à chaque minute de votre vie, la Nouvelle Idéologie qui a succédé au marxisme dans les années quatre-vingts et qui empoisonne les sociétés occidentales, et vous devez porter, avec optimisme, toute votre attention sur sa mort prochaine.
Cette idéologie est insidieuse et non plus claironnante. Elle est médiatique, donc toute puissante. C’est-à-dire qu’elle a investi et qu’elle occupe le Premier Pouvoir, celui qui donne les agréments, qui nous invite à parler ou… à nous taire.
Cette idéologie est un néo conformisme intellectuel flanqué d’un système d’intimidation morale.
Elle dicte sa loi d’airain à toute la vie en société : depuis la manière de naître ou de ne pas naître jusqu’à la manière de mourir ou d’être oublié.
Cette Idéologie, qui agit comme une imprégnation sur chacun d’entre nous, est portée par un projet secret : couper l’homme de ses attachements vitaux, de sa vocation à s’établir dans le temps indéfini, de sa propension à vivre en communauté durable.
Le résultat est un mélange de caprice, de déchirure, de spéculation sur le vide et d’affection passagère, d’errance cosmique et de voisinage impersonnel et borné par le droit et ses chicanes. Toutes les communautés se dissolvent dans cette dépression profonde nimbée d’optimisme planétaire. Notre générosité elle-même est prise au piège de ce charlatanisme sémiotique qui vend du bonheur et de la compassion à une société en émoi, orpheline de dialectique et de vérité.
Les deux points d’impact de ce bombardement d’images stroboscopiques sont la famille et la nation. Tout ce qui peut détruire la famille comme cadre d’entraide durable, et la nation comme cadre de protection et de rayonnement harmonieux, est immédiatement utilisé au service de cette police de la pensée qui fait si peur aux hommes politiques. Je dis bien « police de la pensée » parce que cette idéologie repose sur un système d’interdits : il n’y a plus ni controverse ni débat. L’avenir même de la société devient un débat interdit. Tout est programmé depuis nos distractions jusqu’à nos émotions et nos indignations. Nous ne sommes plus dans l’ordre de nos propres sentiments, de nos propres sensations, de ce que nous croyons être notre bien ou le bien commun, le juste et l’injuste, le beau et le laid. Nous sommes dans l’ordre expert où tout s’affiche sous nos extérieurs comme un ordre inversé avec la rigueur d’une logique implacable et totalitaire.
Au nom de l’antiracisme, porté souvent par le multiculturalisme, on interdit de débattre de l’immigration ; au nom de l’Europe, entendue comme Europe intégrée, on interdit de débattre de la monnaie unique ou de l’Europe des nations ; au nom d’un féminisme exacerbé, on interdit de parler de la politique de la famille et de la natalité ; au nom de l’égalitarisme – qui pourtant, piétine l’élitisme républicain, autrefois cher à la gauche –, on interdit le débat sur la sélection, l’innovation, la liberté de l’école ; au nom du mondialisme, on interdit l’ouverture d’un débat sur les méfaits du libre-échangisme mondial ; au nom de la modernité et de la tolérance baba-cool, on interdit d’ouvrir un débat sur la drogue, le sida et les valeurs.
Vous les jeunes Français, vous croyez peut-être vivre en démocratie. Mais vous n’êtes plus en démocratie, ou plutôt vous êtes, nous sommes dans une démocratie d’expertise, c’est-à-dire une démocratie d’apparence formelle mais où l’homme politique s’en est remis subrepticement au médiateur pour exprimer son image. (L’exemple vient d’en haut : c’est Jacques Pilhan, le « conseiller en image » de François Mitterrand, qui est devenu, il y a quelques mois, le conseiller en image de Jacques Chirac et qui, donc, lui propose des « coups d’image », plateau-repas dans une usine en Deux-Sèvres, voyage en Asie, déclaration sur l’abandon du service national : image de simplicité, image de conquête, image d’écoute jeune.) Où l’homme politique s’en remet à l’expert technicien pour exprimer ses choix.
Réfléchissez un instant à ceci : comment juge-t-on aujourd’hui le succès d’une politique ? A des indicateurs d’experts. Or ces indicateurs sont faux :
À quoi juge-t-on qu’une politique agricole est bonne ?
A son caractère productiviste, quelles que soient les conséquences de ce productivisme sur l’emploi ou sur la santé publique.
Pour le bon sens, une bonne politique agricole devrait être une politique d’équilibre du territoire qui maintienne le maximum de gens à la terre et qui s’efforce de ne pas empoisonner les sols et les animaux.
En d’autres termes, le nouvel ordre expert prône, en mettant en jeu la survie de l’espèce, une agriculture contre nature.
À quoi juge-t-on aujourd’hui une bonne politique économique ?
Au niveau d’inflation et à la balance du commerce extérieur.
Le bon sens recommanderait pourtant comme indicateur non pas la balance des devises, mais la balance des emplois. En effet, ce qui compte d’abord, pour vous les jeunes, pour votre avenir, c’est l’Emploi. Ce n’est pas le libre-échange. Ou plutôt le libre-échange au service de l’emploi. Si le libre-échange doit détruire l’Emploi, il faut choisir de protéger l’emploi comme le font les Coréens, les Japonais ou les Américains.
À quoi juge-t-on qu’une politique culturelle est bonne ?
A la direction qu’elle fait prendre à la société vers la société multiculturelle.
Le bon sens imposerait au contraire l’idée d’une culture rayonnante à partir de notre patrimoine et de notre identité, de notre mémoire, de notre langue, de notre regard sur le monde. Je vous invite donc à revendiquer, bien haut et bien fort, le droit de préférer Mozart à M.C. Solaar, Pierre Amoyal au Rap, et Mère Thérésa à Mireille Dumas.
À quoi juge-t-on qu’une politique sociale est bonne ?
Au niveau d’augmentation des subventions sociales.
Au contraire, le bon sens commanderait de choisir un indicateur inverse : en effet, une bonne politique sociale, ce devrait être une politique sociale de subvention zéro, c’est-à-dire une politique sociale dans laquelle chacun trouve sa place dans la société, dans laquelle chacun trouve du travail grâce au pullulement des entreprises, dans laquelle chacun trouve secours et affection grâce à la solidité créatrice et protectrice des liens familiaux.
La politique sociale actuelle, tournée vers la subvention (donc vers l’impôt) se détourne de l’entreprise (donc de l’emploi) et de la famille (donc du lien affectif spontané).
En réalité, on appelle aujourd’hui « politique sociale », la prolongation des politiques socialistes qui sont profondément inhumaines et finalement antisociales, parce que sans visage et sans regard de sollicitude.
À quoi juge-t-on qu’une politique monétaire est bonne ?
À un taux de change élevé. Quitte à ce que ce taux de change empêche les entreprises d’exporter vers les pays à monnaie faible.
Le bon sens commanderait au contraire la doctrine monétaire suivante : une bonne monnaie est une monnaie qui est mise au service de l’économie et des hommes. Et non pas l’inverse.
Regardez donc le dollar, l’instrument monétaire de conquête des marchés du monde. Les Etats-Unis, pays économiquement fort, ont une monnaie faible. La France, avec son franc fort, détruisant ses emplois, a une économie faible.
On pourrait multiplier les exemples de ces mauvais indicateurs du nouvel ordre expert, qui planifie le chômage, la désertification, l’amnésie, la mutilation affective, la perte des repères, l’assistance généralisée, le tout médiatique, le désarroi moral et l’asservissement aux modes excentriques.
Et pourtant je suis optimiste. Plein d’espoir. Intuitivement, en respirant les humeurs du temps. En observant, en scrutant ce qui vient, en regardant ce qui va tomber et ce qui va naître. Je vois trois indices d’un renouveau puissant et inéluctable que je développerai dans la prochaine Lettre.
À bientôt.