Texte intégral
Mesdames et Messieurs les députés,
Je tiens tous d'abord à vous remercier de m'avoir invité à venir parler devant vous d'un sujet si important pour l'avenir de nos deux pays et pour celui de l'Europe toute entière.
Vous avez choisi cette année de centrer la réflexion de votre congrès sur la monnaie unique. C'est un bon choix. L'échéance se rapproche et c'est le prochain grand défi de l'Union européenne.
Je ne fais pas partie de ceux qui séparent d'un côté la dimension politique de l'Union européenne, et de l'autre sa dimension technocratique dans laquelle ils inscrivent l'UEM. La monnaie unique est un instrument, mais c'est aussi le choix d'une certaine politique pour l'Europe, celui que nous tous fait à Maastricht. Je crois réellement que lorsque les citoyens allemands, français, néerlandais... auront dans leur porte-monnaie la même monnaie, ils verront aussi l'Europe de façon différente.
Le rôle primordial que jouent le dialogue et la coopération franco-allemande dans la construction européenne s'exprime tout aussi naturellement sur l'Union économique et monétaire. Même si les pères fondateurs de l'Europe, le Chancelier Adenauer ou le Général de Gaulle, n'avaient pas précisément à l'esprit la monnaie unique, l'Union économique et monétaire s'inscrit dans le droit fil de l'héritage qu'ils nous ont légué.
C'est donc un grand plaisir et un honneur que de pouvoir vous exposer les positions françaises sur ce sujet, et les actions que le gouvernement français a entreprises pour être au rendez-vous de la monnaie unique au 1er janvier 1999.
Je souhaiterais développer devant vous quatre points particuliers qui sont autant de convictions :
- la réalisation de la monnaie unique s'inscrit dans un ensemble d'échéances européennes importantes dont elle est la première étape ;
- la France est déterminée à participer à la monnaie unique dès le 1er janvier 1999 ;
- la stabilité monétaire est une priorité ;
- enfin, la stabilité budgétaire doit être durable.
Mais avant de développer ces quatre points, je voudrais relever deux éléments de contexte :
D'abord, je souhaiterais souligner un certain retour à l'optimisme sur la question de la monnaie unique. Le Conseil européen de Madrid a marqué une étape majeure. Nous avons choisi le nom de la monnaie unique, et ce n'était pas un détail, et nous avons arrêté les modalités concrètes de passage à la monnaie unique. Ce climat plus positif est attesté par les marchés financiers qui semblent anticiper le processus. On ne peut que se réjouir de cette évolution.
En second lieu, je souhaite insister sur les mérites des orientations affichées par les nouveaux gouvernements espagnol et italien concernant la monnaie unique. Ces dispositions favorables sont de la plus grande importance pour garantir la cohérence du projet de l'UEM. Il convient de se féliciter de cette évolution et d'encourager les pays concernés à la conforter.
I. - La réalisation de l'euro est la première étape d'un calendrier très chargé.
Si l'Union économique et monétaire constitue un objectif en soi et un processus autonome, elle s'inscrit également dans un ensemble d'échéances européennes particulièrement importantes.
1. Il y a tout d'abord la conférence intergouvernementale qui s'est ouverte lors du Conseil européen extraordinaire de Turin le 29 mars dernier. Il s'agit, en particulier, de créer les conditions institutionnelles pour permettre un élargissement, de rapprocher l'Europe du citoyen et de renforcer le poids international de l'Europe.
2. Ensuite, il y a la négociation des perspectives financières qui devront fixer les grandes masses des ressources et des dépenses communautaires après 1999. Cette négociation sera aussi très importante.
3. Enfin, il y aura les négociations d'élargissement qui visent douze pays et qui débuteront à partir de la fin de la CIG. Il n'est guère besoin de rappeler l'ampleur des transformations que ce processus va susciter à la fois pour les quinze et pour les nouveaux adhérents.
4. Et pour être exhaustif, il faut aussi citer la possibilité d'une refonte de l'UEO qui concerne l'Europe au premier chef.
Pour toutes ces échéances si proches, l'Europe a besoin d'être forte. La réussite de la monnaie unique contribuera à ce dynamisme et à cette force.
II. - Le respect du traité de Maastricht est une nécessité
La France est déterminée à tout mettre en œuvre pour participer à la monnaie unique selon le calendrier et les conditions posés par le traité sur l'Union européenne.
Le Président de la République, Jacques Chirac a, en octobre dernier, solennellement réaffirmé cet engagement.
La monnaie unique doit être l'aboutissement d'un processus de convergence, c'est l'esprit de Maastricht. Avec ou sans ce traité, la nécessité de ne pas vivre au-dessus de leurs moyens pour des États comme la France et l'Allemagne est impérieuse. La réduction du déficit public est la condition préalable à une série d'enchaînements économiques bénéfiques qui permettent un retour progressif de la croissance et de la création d'emplois. En effet, la baisse du déficit public permet de diminuer les taux d'intérêt, ce qui est de nature à inciter le développement des investissements et de la consommation, donc à permettre, à terme, la croissance et la réduction du chômage. Il est erroné de vouloir opposer monnaie unique et lutte contre le chômage. La réalisation du premier objectif sert les efforts en faveur du second.
Votre pays comme le mien a engagé des efforts de rigueur sans précédents. L'Espagne et l'Italie ont choisi maintenant la même voie. C'est cela la convergence. Je saisis d'ailleurs cette occasion de m'exprimer devant des parlementaires européens pour indiquer que cette rigueur doit aussi s'appliquer au budget européen.
La France respecte déjà la majorité des critères de convergence fixés par le traité de Maastricht : les performances en matière d'inflation sont satisfaisantes, l'endettement public rapporté au PIB est largement inférieur au seuil des 60 % prévu par le traité, les taux d'intérêt à long terme sont intérieurs à la moyenne de l'Union, et le respect du critère de change est bien entendu acquis. Seul le critère du déficit public n'est pas encore respecté.
À cet égard, des mesures importantes ont été prises par le gouvernement français pour assainir les finances publiques et sociales.
Les premiers effets de cette politique sont déjà apparus : de 5,8 % du PIB en 1994, le déficit est passé à 5 % en 1995. L'intention très ferme des autorités françaises est de poursuivre cette réduction, qui a déjà imposé des arbitrages budgétaires délicats et que nous continuerons d'assumer avec rigueur : 4 % en 1996 et 3 % en 1997. Bien entendu, ces efforts d'assainissement budgétaire seront poursuivis après 1997.
Encore une fois, une lutte efficace contre le chômage, qui constitue la priorité du gouvernement français, est conditionnée par la maîtrise des dépenses publiques.
J'en arrive maintenant aux deux derniers points de mon exposé. D'ici le Conseil européen de Dublin en décembre prochain, nous devons poursuivre les travaux concrets de préparation au passage à la troisième phase de l'UEM en 1999. Deux éléments sont nécessaires pour que l'euro soit créé et s'épanouisse dans un environnement favorable : la stabilité monétaire et la stabilité budgétaire.
III. - Garantir la stabilité monétaire est une priorité
La stabilité des changes est essentielle au bon fonctionnement du marché intérieur. Or nous le savons, tous les pays de l'Union ne pourront pas passer, dès 1999, à la monnaie unique. Il faut donc mettre en place un mécanisme de change entre la monnaie unique et les monnaies des pays ne participant pas à l'euro.
La nécessité de la stabilité monétaire n'est plus à démontrer. Les importantes fluctuations monétaires de 1995 ont eu un impact négatif sur la croissance tant en France qu'en Allemagne, et ont fortement pénalisé des secteurs industriels importants ainsi que certaines régions.
La création d'un nouveau mécanisme de change entre les pays participant à la monnaie unique et ceux qui n'y participent pas encore est donc indispensable. Les mouvements erratiques de change de la part de ces derniers mettraient en péril la monnaie unique elle-même, en plus d'altérer le fonctionnement du marché intérieur.
Les points de vue français et allemand sur ce sujet sont convergents et de plus en plus partagés par nos partenaires européens, ce dont je me réjouis.
Des progrès importants devront être faits d'ici le Conseil européen de Dublin en décembre prochain. C'est en effet l'intérêt de tous que les nouveaux mécanismes soient précisés le plus rapidement possible. D'ores et déjà, un accord se dessine sur plusieurs points fondamentaux. Le mécanisme de change serait fondé sur la convergence, ancré sur l'euro et comporterait des cours-pivots avec des marges de fluctuations assez larges et des interventions obligatoires de la Banque centrale européenne aux marges de fluctuations...
IV. - La stabilité budgétaire en 3e phase doit également être garantie.
À l'initiative allemande, la question de la stabilité budgétaire après l'échéance du 1er janvier 1999 est devenue un sujet de réflexion et de discussion au sein de l'Union, et c'est une très bonne chose.
La proposition de pacte de stabilité, faite par M. Théo Waigel à l'automne 1995, a reçu, dès l'origine, un accueil favorable de la part des autorités françaises puis de celles de l'Union.
Ses principes ont été repris dans le rapport soumis aux chefs d'État et de gouvernement pour le Conseil européen de Florence en juin dernier. Il est essentiel qu'une discipline budgétaire commune aux pays passés en 3e phase soit maintenue. C'est une condition de la solidité de la future monnaie commune.
Le Conseil européen de Florence a demandé que des progrès substantiels soient faits sur cette question au cours du second semestre et que des propositions puissent être faites lors du Conseil européen de Dublin en décembre prochain.
La France et l'Allemagne souhaitent que ces travaux soient poursuivis à un rythme soutenu pour pouvoir présenter des modalités de mise en œuvre de cette discipline budgétaire le plus tôt possible.
En tout état de cause, il importe que la mise en œuvre institutionnelle des objectifs du pacte de stabilité se fasse dans le strict respect du traité.
En conclusion, je voudrais brièvement rappeler deux préoccupations communes aux autorités françaises et allemandes :
Depuis que des décisions importantes ont été prises sur le calendrier de mise en place de la monnaie unique, notamment lors du Conseil européen de Madrid en décembre dernier, et que les travaux préparatoires à la troisième phase ont pu être effectivement engagés, il est devenu encore plus nécessaire de faire connaître aux acteurs économiques et aux citoyens les changements qui résulteront pour eux de la réalisation de la monnaie unique. Le gouvernement allemand a d'ores et déjà élaboré un programme de communication ambitieux et je m'en félicite. Le gouvernement français est en train de le faire.
Le succès de la monnaie unique dépend étroitement de- l'acceptation des citoyens européens à son égard. Je crois que les parlementaires européens ont également un rôle d'information à jouer en ce sens. Parce que vous êtes au cœur des institutions européennes et parce que vous êtes également des élus du peuple, vous êtes en quelque sorte les porte-parole naturels de l'euro.
La seconde préoccupation est le renforcement de la convergence des politiques économiques entre les pays participant à l'euro. Face à la Banque centrale européenne qui constituera le pôle monétaire de l'Union, responsable de la stabilité des prix, la constitution d'un pôle économique, chargé de la stabilité budgétaire et de la coordination des politiques économiques, me paraît indispensable. Sur ce sujet aussi, les positions française et allemande sont proches puisque cette idée du Conseil de stabilité est présente dans la proposition de M. Waigel.
Il convient encore de définir quelles formes pourrait revêtir cette concertation privilégiée dans le domaine économique des pays participant à la monnaie unique et ce, dans le strict respect du traité de Maastricht. Nous aurons l'occasion d'en débattre avec nos partenaires allemands au cours des mois qui viennent et je ne doute pas qu'une formule satisfaisante pour tous sera trouvée le moment venu.
Je suis de ceux qui considèrent que la réalisation de la monnaie unique fera faire à l'Europe un saut qualitatif de grande portée vers plus d'intégration et de cohérence. C'est pourquoi il est impératif de ne pas manquer cette étape. À cet égard, je partage pleinement la position exprimée récemment par le Président Herzog, selon laquelle un éventuel report de la monnaie unique entraverait pour un temps le développement de l'Europe.
La monnaie unique est un projet, une condition forte dans la construction de l'Europe. Or l'Europe se fait à force de grands projets. La réalisation de la monnaie unique fera avancer la construction européenne de façon très radicale. C'est l'intérêt de tous. Nous devons tous en avoir la volonté.