Déclaration de M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, sur les relations franco-grecques, sur le véto grec aux projets d'aide européenne à la Turquie dans le cadre du programme Meda et le différend gréco-turc en mer Egée et sur la PESC, Athènes le 9 juillet 1996.

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Circonstance : Voyage de M. Barnier à Athènes (Grèce) le 9 juillet 1996

Texte intégral

Je vous remercie beaucoup de votre présence et de votre attention. Je suis heureux de vous voir ou de vous revoir au terme de cette visite bilatérale, qui doit être la première visite d'un ministre français, depuis celle d'Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Je dois vous dire que j'ai été très chaleureusement et très cordialement reçu tout au long de cette journée par un certain nombre de hauts responsables de la Grèce, dans l'esprit même de l'entretien très cordial, on peut le dire, qui a eu lieu au mois de février entre le Premier ministre, M. Simitis, et M. Jacques Chirac à la présidence de la République française.

J'ai été reçu ce matin par M. Constantinos Simitis, le Premier ministre, par M. Pangalos, ministre des affaires étrangères à l'instant, à l'occasion du déjeuner, ainsi que par M. Kaklamanis, président du Parlement, que je tenais à saluer, me souvenant du temps où j'ai été moi-même, pendant assez longtemps, parlementaire en France et, naturellement par M. Georges Romaios, ministre délégué aux affaires européennes. J'ai tenu ce matin à rencontrer les dirigeants de la Nouvelle Démocratie, dont M. Varvitosiotis, vice-président de ce parti. Tout au long de ces entretiens, j'ai dit le souci du Président de la République française et du Premier ministre, M. Alain Juppé, de donner aujourd'hui un nouvel élan aux relations bilatérales entre la Grèce et la France, qui sont deux pays alliés depuis toujours.

Dans cette Union européenne, qui ne doit pas être seulement un supermarché, mais qui doit se doter, au 21e siècle, des instruments d'une puissance politique, nous observons la place particulière et stratégique de la Grèce, membre de l'Union, dans les Balkans, à proximité d'un autre grand pays important de cette région, la Turquie, et au cœur de la Méditerranée. Cette importance particulière et stratégique de la Grèce doit être soulignée pour toute l'Union européenne. Je pense en effet que les risques d'instabilité dans cette région, et Dieu sait s'ils existent, sont des risques pour tous les pays de l'Union européenne, pour l'Union européenne elle-même. Voilà pourquoi nous soulignons la place particulière et le rôle particulier que peut jouer ici la Grèce d'une certaine manière, au nom de l'Union européenne elle-même. Nous pensons que ce rôle dans l'Union doit être dans l'avenir mieux valorisé. J'ai eu la confirmation, au long de cette journée, que la Grèce souhaitait stabiliser et développer ses relations avec tous ses voisins et elle peut, sur ce sujet-là aussi, compter sur notre solidarité. La Grèce, j'ai posé cette question, comprend aussi le souci de l'Union européenne, en particulier de la France, de favoriser le développement économique et social de la Turquie, et Je souci de l'Union européenne, et de la France en particulier, de consolider la démocratie dans ce grand pays.

Au cours de nos entretiens, tout au long de la journée, nous avons évoqué plusieurs sujets. Naturellement je viens d'en parler, nous avons abordé les relations gréco-turques, la question de MEDA et, longuement, les sujets de la conférence intergouvernementale. Vous le savez, je suis, pour le gouvernement français, aux côtés du ministre des affaires étrangères, le négociateur français dans cette conférence, et les négociateurs que nous sommes consacrent une journée par semaine à cette conférence. Depuis quelques jours, j'ai davantage d'optimisme, parce que la négociation a enfin commencé. C'était d'ailleurs ce week-end à Cork, en Irlande, que nous nous sommes retrouvés après une assez longue période d'explication et d'observation mutuelles entre les quinze. Je pense que cette période était nécessaire. Ce n'est pas du temps perdu. Il fallait commencer la négociation. Depuis samedi, je crois que nous avons trouvé la méthode, sous la présidence irlandaise, pour engager concrètement sur la base de textes, de propositions d'amendement aux traités, la négociation de la conférence intergouvernementale, et nous allons tout faire ; pour ce qui nous concerne, pour que cette conférence soit bien terminée au printemps 1997. Et puis, nous avons également parlé des relations bilatérales.

Le problème d'actualité européenne qui intéresse la Grèce et qui intéresse tout le bassin méditerranéen, c'est celui du programme MEDA, auquel la France a porté beaucoup d'attention à l'occasion de sa présidence. Je me souviens moi-même des longues négociations que nous avons dû faire au sein de l'Union pour obtenir de nos partenaires un rééquilibrage progressif entre les crédits apportés au bassin méditerranéen, grâce à MEDA, et les crédits apportés à l'Europe centrale orientale ou baltique. Donc, la France n'est pas seule à accorder un grand prix à la mise en œuvre concrète, réelle, de ce programme. Là, il y a une difficulté très sérieuse à l'heure actuelle, puisque c'est bien toute la politique de l'Union à l'égard de la Méditerranée qui est contenue dans ce programme MEDA. Voilà pourquoi nous souhaitons que cette difficulté soit surmontée. Il ne s'agit pas seulement de la Turquie, il s'agit de toute la politique méditerranéenne. Il y a donc une grande urgence, et j'ai exprimé le vœu que l'on trouve un accord lundi, au conseil affaires générales. Il faut en effet que cette question soit réglée à la fin du mois de juillet. Autrement, c'est toute la programmation 1996 des crédits MEDA qui sera annulée ou inutilisée. En cas d'échec, lundi, ou d'ici la fin du mois de juillet, je peux dire que ce sera un échec pour toute l'Union, pour la crédibilité de l'Union européenne tout autour du bassin méditerranéen, et ce serait probablement aussi un risque d'isolement de la Grèce, d'incompréhension à son égard. Or, j'ai dit très franchement tout à l'heure que c'est le contraire qui est nécessaire, c'est la solidarité avec la Grèce, la solidarité politique. Voilà ce que je peux dire sur cette question.

S'agissant des relations entre la Grèce et la Turquie, j'ai dit tout à l'heure le souci de dialogue et de soutien que nous avions à l'égard du développement économique et politique de la Turquie. C'est une préoccupation particulière exprimée à plusieurs reprises par le Président de la République française, Jacques Chirac. J'ai compris lors de mes entretiens d'aujourd'hui que la Grèce ne demande pas à ses partenaires de prendre position sur le fond de cette question. La Grèce pose un problème de principe, et sur cette question de principe je veux simplement dire que la France souhaite elle aussi le respect du droit international et des traités existants, et que nous ne serons jamais favorables au recours à la force ou à des mesures unilatérales. Nous souhaitons au contraire le recours à des mécanismes juridictionnels et d'arbitrage, par exemple celui de la Cour internationale de justice à La Haye. J'ai observé que la Grèce et la Turquie venaient d'accepter, pour la période de l'été, ce qui est appelé des « mesures de confiance ». C'est donc que l'on peut prendre des mesures et que l'on peut établir la confiance entre les deux pays, et il me semble que ces mesures et que cette confiance sont importantes, non seulement pour ces deux pays, je le redis, mais pour la stabilité dans la région, ainsi que pour l'Union européenne tout entière. Je crois qu'il faut aller plus loin et aboutir à un accord stable et global tout en rappelant l'urgence d'une solution pour le programme MEDA. J'ai dit l'attention et le soutien de la France à la Grèce, pays membre de l'Union européenne.

Avant de répondre à vos questions éventuelles, Je voudrais rappeler que tout au long de cette journée, j'ai expliqué notamment au président du Parlement, à M. le Premier ministre, et aux différents ministres qui m'ont reçu, les positions françaises sur la conférence intergouvernementale, l'idée que nous avons d'un haut-représentant qui, placé sous l'autorité des chefs d'État et de gouvernement, pourrait être la voix et le visage de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union. Il y a bien des cas dans cette région et en Europe centrale, orientale et baltique où la présence, le rôle d'un tel haut représentant pour la paix serait utile. J'ai également développé l'idée que nous avons des coopérations renforcées, une idée franco-allemande qui doit intéresser un pays comme la Grèce. J'ai également discuté de la réforme des institutions, qui est un préalable à l'élargissement, et enfin le rôle des Parlements nationaux, notamment sur toutes les questions qui touchent à la sécurité des citoyens et à l'évolution éventuelle du troisième pilier dans l'Union européenne.

Nous allons, sur ces questions, entretenir un dialogue régulier avec le gouvernement grec et nous allons aussi renforcer la coopération bilatérale, car il me semble que la Grèce et la France ont la même ambition politique pour l'Union européenne. Nous ne pensons pas que l'Union soit seulement un supermarché. Nous pensons au contraire qu'elle doit évoluer assez rapidement, grâce à cette conférence intergouvernementale, vers une plus grande ambition politique. Les relations bilatérales entre nos deux pays sont tout à fait positives. Je pense néanmoins qu'elles peuvent se développer sur le plan culturel et sur le plan politique. Nous allons favoriser de nouveaux échanges politiques au plus haut niveau, dans les mois qui viennent. J'ai été également attentif au projet de coopération audiovisuelle entre la France et la Grèce.

Voilà. J'ai été très content de revenir ici à Athènes. Ce séjour n'est pas le premier. J'étais venu ici, en Grèce, comme ministre de l'environnement à l'invitation de Mme Papazoï, que je vais voir tout à l'heure à titre amical, car j'ai gardé de très bons souvenirs de notre travail en commun, notamment pendant la présidence grecque. J'étais également venu précédemment à Athènes dans une circonstance particulière. C'était en décembre 1991. Je n'étais pas ministre, j'étais le président du Comité d'organisation des Jeux Olympiques d'Albertville. Je garde un souvenir très ému et très fort, mais vraiment très fort, du moment où la flamme olympique a été allumée à Olympie, et où nous l'avons transportée par le Concorde depuis l'aéroport d'Athènes, dans une lampe de mineur, jusqu'à Paris, où ensuite elle a parcouru toute la France. Je me suis aperçu à cette occasion de la force que pouvait avoir dans le monde cette petite lumière, à laquelle la Grèce est très attachée. Je voulais rappeler ce souvenir personnel, car j'ai passé beaucoup d'années de ma vie politique à organiser les jeux olympiques en France, il y a quelques années.

Q. : Pouvez-vous expliciter votre idée d'un M. PESC ? Pensez-vous que la Grèce pourra lever son veto au programme MEDA ?

R. : Merci beaucoup de me poser cette question, car tout à l'heure, j'ai évoqué l'idée française, qui est partagée d'une manière ou d'une autre par beaucoup d'autres pays. Cette idée d'un haut-représentant ou d'un secrétaire général pour la PESC, vous la retrouvez dans les propositions franco-allemandes. Elle est pour nous très importante, notamment pour la raison que j'ai dite tout à l'heure, qui est la permanence de la politique étrangère. Je ne crois pas qu'il soit possible vis-à-vis des Américains, vis-à-vis des Russes, vis-à-vis du reste du monde, que l'Union européenne, si elle aspire à une puissance politique, change de porte-parole tous les six mois. Il ne s'agirait pas d'enlever quoi que ce soit au rôle de la présidence qui, elle, continuera pour l'instant à tourner tous les six mois. Il s'agit d'assurer une permanence de la diplomatie commune en créant un poste de haut-représentant, nommé par le Conseil européen, révocable par lui, qui travaillerait sur des mandats précis que lui fixeront les ministres des affaires étrangères. Dans ce mandat précis, il peut y avoir par exemple les relations de l'Union européenne avec le Proche Orient, il peut y avoir les relations de l'Union européenne avec la Russie, il peut y avoir la médiation ou l'intervention de l'union Européenne sur Chypre, avec une permanence dont je crois que l'Union européenne a besoin pour être crédible, s'agissant de sa politique étrangère de sécurité commune et de défense. C'est ce M. PESC ou cette Mme PESC qui en est l'illustration.

Quant au programme MEDA, je souhaite qu'une solution soit trouvée au conseil affaires générales.

J'ai le sentiment que les Grecs savent la difficulté créée par ce veto actuellement. Ils voient bien le risque d'incompréhension et d'isolement que j'ai moi-même évoqué tout à l'heure. Ils voient bien aussi les répercussions très graves que le blocage de MEDA aurait sur tout le bassin méditerranéen. La Grèce est un pays méditerranéen. Il y a donc une sorte de paradoxe. J'ai confiance dans la capacité commune à trouver une solution dans les jours prochains. Je ne peux pas répondre à la place du gouvernement grec.

La présidence irlandaise a la responsabilité, comme la présidence italienne s'y était efforcée, de rechercher ce compromis. Je ne veux donc pas me substituer à la présidence irlandaise aujourd'hui. Je ne crois pas qu'il soit juste de comparer la crise de la « vache folle » et celle des relations gréco-turques. Faisons attention à ce genre de comparaison. Ce sont deux sujets différents.

D'une manière générale, l'histoire de l'Union européenne, telle que je la vis depuis un an, et telle que je l'avais observée avant, cette expérience est faite de négociations et de compromis. En ce cas précis, je n'imagine pas qu'en raison de ce problème on continue à bloquer longtemps le programme MEDA. Je crois qu'il y a un vrai risque d'incompréhension et d'isolement. Je pense que la Grèce en est bien consciente, qu'elle veut une garantie que l'Union soit solidaire, s'agissant du respect des traités internationaux et du droit international. Nous sommes d'accord avec la Grèce sur ce point et Jacques Chirac l'avait dit à M. Simitis au mois de février, en indiquant qu'il approuvait l'idée d'un arbitrage international par des mécanismes juridictionnels, par exemple celui de la Cour internationale de justice à La Haye.

Je ne peux pas dire aujourd'hui, à la place de la présidence irlandaise, le contenu qu'aura un éventuel compromis.

Q. : Des pressions sont-elles aussi exercées sur la Turquie ?

R. : Je suis venu ici pour discuter et dialoguer. Je crois qu'il est très important qu'on prenne davantage de temps pour éviter des incompréhensions, voire des arrière-pensées. Il est très important que le gouvernement grec et les autres partenaires dialoguent plus souvent peut-être que ce n'était le cas dans le passé. Nous n'avons pas deux langages. Ce que je dis là, nous le disons de la même manière au gouvernement turc.

Q. : Ne serait-il pas possible de dissocier le programme MEDA ?

R. : Non, parce qu'il s'agit d'un programme global. Nous nous sommes battus, je suis bien placé pour m'en souvenir, parce que j'étais au Conseil ce jour-là à Bruxelles ou à Luxembourg, nous nous sommes battus pour ce programme global, pour qu'il soit augmenté, qu'on obtienne le rééquilibrage entre le programme méditerranéen et le programme des pays d'Europe centrale et orientale. Nous avons réussi à obtenir ce rééquilibrage. Nous tenons à la globalité de ce programme. C'est sur ce programme qu'est appuyé l'ensemble de la politique méditerranéenne de l'Union, notamment depuis la conférence de Barcelone. Nous tenons à globaliser ce programme, et non pas à ce découpage en petits morceaux qui lui ferait perdre sa force politique et sa lisibilité. Ce programme a été bien adopté comme tel par les quinze comme un programme global. Voilà pourquoi nous ne souhaitons pas remettre en cause cette globalité. Tout ça n'interdit pas de rechercher une solution.

Il ne peut pas y avoir deux chemins : le veto est levé ou il ne l'est pas. La contrepartie que doit obtenir la Grèce est une solidarité, une garantie.

Q. : Quelles sont vos positions sur la CIG ?

R. : Plusieurs adaptations sont nécessaires avant l'élargissement de l'Union européenne aux douze pays associés, avec lesquels nous commencerons le processus d'élargissement probablement en 1998. Parmi ces pays associés, il y en a un qui est très proche de la Grèce, c'est Chypre, où je vais d'ailleurs me rendre le 30 juillet prochain pour une visite officielle. Il y a plusieurs chapitres dans la négociation de la CIG selon le mandat de Turin. Nous fonctionnons difficilement à quinze. À vingt ou à vingt-cinq, il faudra réformer notre fonctionnement, modifier la taille de la Commission, la manière de voter à l'unanimité ou à la majorité qualifiée, et assurer une certaine flexibilité pour les nouvelles actions européennes. Il s'agit d'un problème de mécanique, mais c'est très important pour que nos nouveaux adhérents et nous-mêmes puissions travailler ensemble. Ensuite, il y a ce que j'appelle les instruments de la puissance politique. Le Président de la République française tient, comme le Chancelier Kohl et comme d'autres (il me semble que c'est le cas du Premier ministre, M. Simitis), que l'Union européenne se dote avant le 21e siècle des moyens d'être une puissance politique et pas seulement un supermarché.

Et puis il y a un deuxième chapitre, celui de M. PESC, de la création d'une politique étrangère et de défense commune, d'un rapprochement progressif de l'UEO avec l'Union européenne.

Il y a enfin un troisième chapitre qui touche aux citoyens et aux compétences de l'Union qui doivent être mieux affirmées ou réaffirmées : l'emploi, l'environnement, la sécurité des citoyens. Voilà pourquoi nous sommes favorables à une évolution de certains sujets dits du troisième pilier vers la sphère au nom de l'efficacité. Qu'est-ce qui est le plus important ? Je dirai : ce qui pourrait rapprocher les citoyens de l'Union européenne. L'Union européenne a été jusqu'à présent l'affaire des hommes politiques, des banquiers et des diplomates. Ce qui ne suffit pas. Il faut qu'elle soit l'Europe des gens, des citoyens. Il me semble que les citoyens sont intéressés par la paix et la stabilité ou le risque de conflit et de guerre. Ils sont intéressés par leur sécurité, par leur emploi et par leur environnement.

Q. : Pouvez-vous préciser vos positions sur la « flexibilité » ?

R. : Il y a beaucoup de grands juristes en Grèce et vous souhaitez donc qu'on précise les choses. Vous avez raison. La flexibilité, ce n'est pas dans notre esprit diluer ou affaiblir l'Union européenne. Cette règle de flexibilité ne s'appliquera pas au premier pilier communautaire. De quoi s'agit-il ? Il s'agit plutôt d'une coopération renforcée. Les coopérations renforcées existent d'ores et déjà dans l'Union européenne ou en dehors de l'Union. Je peux vous donner plusieurs exemples. C'est un exemple de coopération renforcée que la monnaie unique : quelques pays vont prendre un peu d'avance mais les autres pays les rejoindront dans l'Union. Il y a des coopérations renforcées en dehors de l'Union, ou à côté de l'Union, par exemple le protocole social, qui est annexé au traité. En dehors de l'Union, Schengen est une coopération renforcée. Donc la question n'est pas de dire : faut-il ou ne faut-il pas des coopérations renforcées de flexibilité ? Cela doit se faire et se fera de plus en plus. La question est de savoir si ça se passe dans l'Union européenne ou en dehors de l'Union européenne. Nous disons, et c'est la vision qu'a le Président Jacques Chirac de l'Europe du 21e siècle, que ces coopérations renforcées doivent s'effectuer dans l'Union. Je pense qu'après cette explication, cette idée de flexibilité des coopérations renforcées sera mieux comprise.

Q. : Y a-t-il de nombreux points de convergence entre les positions grecque et française sur la politique étrangère et de défense commune ? Peut-on envisager une solidarité de l'Union pour la protection des frontières ?

R. : C'est un des sujets qui sera évoqué pendant la conférence que celui de la solidarité politique. Il n'y a pas pour l'instant dans l'Union européenne de solidarité militaire. Dans l'Union européenne, je ne crois pas qu'il en soit question à la suite de la réforme de la CIG. Nous souhaitons pourtant aller plus loin dans l'identité européenne de défense, vous le savez. Vos questions prouvent bien qu'il faut une politique étrangère dans l'Union européenne, qu'il faut quelqu'un pour exprimer cette politique étrangère, qu'il faut que les diplomates puissent travailler ensemble, non seulement quand il y a des crises ou des secousses, mais quotidiennement. Tout cela plaide pour de fortes initiatives au titre du deuxième pilier. Maintenant, je ne voudrais pas que vos questions laissent penser que l'Union européenne n'est pas solidaire de la Grèce et de son développement économique. La Grèce est un des pays de l'Union qui en a besoin et qui bénéficie de cette solidarité européenne pour son propre développement et sa modernisation. Oui, c'est un domaine de l'Union. Il ne faut pas découper en tranches la solidarité.

Q. : Vos interlocuteurs soutiennent-ils l'idée d'un M. PESC ?

R. : La Grèce préfère l'idée d'un rôle accru de la Commission. Ce n'est pas notre idée parce que nous pensons que la Commission a un rôle de relations économiques extérieures et que la politique étrangère, c'est l'affaire des chefs d'État et de gouvernement. C'est au Conseil européen que se trouvent l'impulsion politique et l'outil, l'instrument, le mécanisme doit être placé sous l'autorité des chefs d'État et de gouvernement. Il faut que M. ou Mme PESC aient la confiance des chefs d'État et de gouvernement. Ce n'est pas possible autrement. Il faut que M. ou Mme PESC puissent avoir un mandat, une confiance aussi forte, si je peux dire, que celle dont bénéficiait M. Holbrooke quand il venait chez nous nous dire ce qu'il fallait faire, il y a quelques mois encore. Ce M. PESC ou cette Mme PESC devront travailler sur des mandats précis que leur fixeront les ministres des affaires étrangères, en confiance et en coordination avec la Commission. Là nous avons un débat avec la Grèce mais avec d'autres aussi dans l'Union qui souhaiteraient renforcer le rôle de la Commission. Cela ne nous paraît pas être le rôle de la Commission d'exprimer, de donner d'impulsion de la politique étrangère. Ce n'est pas le rôle que lui confie le Traité. En revanche la Commission doit être associée à cette politique étrangère, à sa mise en œuvre, car souvent, comme c'est le cas aujourd'hui en Bosnie, il y a en jeu des aspects à la fois militaires, diplomatiques, juridiques et des aspects économiques, quand on intervient au titre d'un conflit ou d'un problème extérieur. La Commission doit donc être associée. Mais l'impulsion doit venir, nous insistons, des chefs d'État et de gouvernement.

Je vous remercie de votre attention.