Déclaration de Mme Margie Sudre, secrétaire d'État chargé de la francophonie, sur l'usage du français au sein de l'Union européenne, son apprentissage par les fonctionnaires européens et la promotion du plurilinguisme en Europe, Bruxelles le 25 juin 1996.

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Intervenant(s) : 
  • Margie Sudre - Secrétaire d'État chargé de la francophonie

Circonstance : Inauguration de Centre européen de la langue française de Bruxelles (Belgique) le 25 juin 1996

Texte intégral

Monsieur le président de la Commission européenne,
Monsieur le président de la Commission communautaire française de la région Bruxelles-capitale,
Monsieur le président de l'Alliance française,
Monsieur l'ambassadeur,
Mesdames, Messieurs,

Vous êtes venus très nombreux à l'inauguration du Centre européen de langue française de Bruxelles. Il va de soi que je m'en réjouis mais j'ajouterai que je n'en suis pas réellement surprise. Il y a en effet, au cœur du projet qui nous rassemble ce soir, plusieurs préoccupations qui peuvent à mon sens se résumer en une seule question : comment continuer à construire l'Europe, en ne reniant pas ce qui fait sa richesse et sa force, l'attachement à la diversité des langues, des cultures et des identités nationales ?

Pour la France, cette interrogation passe nécessairement par la place de sa langue dans les institutions communautaires. Cela peut surprendre ou agacer, mais c'est ainsi. L'identité de la France et l'idée qu'elle se fait d'elle-même s'appuient notamment sur le rayonnement et la diffusion de sa langue. J'ajouterai que le rôle particulier et souvent pionnier que notre pays a joué dans l'histoire de la construction européenne depuis ses débuts lui donne le sentiment qu'en Europe, l'usage du français va de soi. Je n'oublierai pas non plus l'importance de l'environnement francophone des capitales communautaires que sont Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg.

La France est cependant consciente de la fragilité des équilibres linguistiques dans les instances communautaires, et elle est résolue à les préserver. À l'origine du Centre européen de langue française de Bruxelles, on trouve en effet le souhait de la France d'accompagner l'entrée de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède dans l'Union. Des sessions de formation linguistique et d'information sur la France avaient été alors organisées à l'intention des fonctionnaires de ces pays à l'École nationale d'administration.

Cette initiative a rencontré un écho si favorable que nous avons alors pris nettement conscience que notre démarche répondait au souci de nos partenaires et des institutions communautaires de défendre le pluralisme culturel et linguistique qui constitue l'une des spécificités de notre continent. La France a alors décidé de confier à l'Alliance française de Bruxelles le soin d'ouvrir, à proximité des institutions communautaires, un lieu où les fonctionnaires européens pourraient se perfectionner en français, mais également dans d'autres langues européennes.

Qu'on me comprenne bien. La France est attachée au respect du principe de l'égalité des langues au sein de l'Union. Dans ce cadre, elle est soucieuse de maintenir les équilibres linguistiques qui favorisent l'usage de sa langue. Cette démarche s'inscrit plus généralement dans la défense du pluralisme culturel et linguistique que la France a soutenu dans de nombreuses organisations internationales, lors des négociations du cycle de l'Uruguay au GATT, aux sommets des pays francophones de Maurice et de Cotonou, aux Nations unies, et très récemment encore à la conférence de Midrand sur la société de l'information.

C'est en Europe, au sein de l'Union, que cette démarche revêt aujourd'hui un caractère prioritaire. S'agissant du français, je suis en effet convaincue que son avenir se joue d'abord en Europe. Si notre langue ne garde pas son statut de langue de communication internationale au sein des pays européens, si elle ne conserve pas son statut de langue de travail au sein des instances de l'Union européenne comme dans celles du Conseil de l'Europe, comment pourrions-nous, ailleurs, maintenir le statut international du français ? Je suis convaincue que l'attachement des Français à l'idée et à la construction européennes n'y résisterait pas.

C'est tout le sens de la politique française et de l'action volontariste que conduit le gouvernement dans ce domaine.

La France a fait l'an dernier de la promotion du plurilinguisme l'une des priorités de sa présidence de l'Union européenne. Je ne vais pas reprendre les initiatives qui ont été lancées à cette occasion. Je voudrais simplement souligner que pour la première fois de son histoire l'Union européenne a abordé de façon précise la question de la diversité des langues dont le Conseil européen de Cannes a souligné l'importance dans ses conclusions. La France ne souhaite pas en demeurer là. Elle présentera à l'ensemble des pays membres du Conseil de l'Europe un projet de convention pour la promotion du plurilinguisme en Europe qu'elle soumettra d'abord bien entendu à ses partenaires de l'Union.

Le rappel des principes ne suffit pas et il convient d'agir. Le Centre européen de langue française que nous inaugurons aujourd'hui en est une belle illustration. Parce qu'il a fait le choix de mettre à la disposition des élèves les outils pédagogiques et techniques les plus modernes, le Centre offrira des possibilités d'apprentissage d'autres langues que le français, telles le flamand, l'autre langue nationale de la Belgique, ou les langues du sud de l'Europe, dont nous nous sentons naturellement solidaires.

Le Centre a, par ailleurs, pour le réseau culturel et linguistique français, une vocation véritablement européenne puisqu'il a été officiellement chargé par la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des Affaires étrangères, dont je salue ici le directeur M. Pierre Brochand, de coordonner les formations linguistiques destinées aux futurs fonctionnaires européens ou aux représentants des pays de l'Union européenne et des pays candidats à l'adhésion. Nous venons de mettre en place ces formations dans nos établissements culturels établis dans les capitales de ces pays.

Il me revient pour conclure de remercier très chaleureusement tous ceux qui ont permis que ce Centre voit le jour. Je pense, en particulier, à toute l'équipe de l'Alliance française de Bruxelles, et bien sûr à son président, le comte Jean-Pierre de Launoit.

Mes remerciements vont également au directeur de l'Alliance française, M. Jean-Luc Gavard, et à l'ensemble de ses collaborateurs. Je tiens à souligner le rôle éminent joué par Mme Martine Hénao, directrice déléguée du Centre européen, ainsi que par Mme José Clet, notre expert national détaché à la DG9.

Je voudrais également remercier le Commissariat général aux relations internationales de la communauté française de Belgique, représenté ici par M. Hervé Hasquin, dont le partenariat permet d'ouvrir ce Centre à la francophonie bruxelloise. D'une manière générale, permettez-moi de souligner l'importance que j'accorde au travail que nous menons ensemble dans toutes les régions du monde, en Europe centrale comme au Vietnam, pour la promotion de notre langue commune.

Je n'oublie pas l'intérêt particulier qu'a pris le Sénat français à ce projet, et je voudrais rappeler que c'est grâce à l'intervention du sénateur Xavier de Villepin qu'ont pu être trouvés les financements complémentaires à sa réalisation.

Qu'il me soit permis enfin de formuler le vœu que ce Centre s'ouvre à de nouveaux partenaires. Je sais que des contacts ont été noués avec l'institut Cervantès et l'institut Camoens. Je crois également à la nécessité de développer un partenariat avec la Commission parce que je suis convaincue que l'union que nous voulons toujours plus étroite entre nos pays suppose que nous soyons d'autant plus attentifs à ce que les citoyens accompagnent ce mouvement et s'y reconnaissent. Sans un effort de tous pour préserver la diversité de nos langues et de nos cultures, nous n'y parviendrons pas. Voilà pourquoi, monsieur le président Jacques Santer, je me réjouis tout particulièrement de votre présence parmi nous ce soir.