Interviews de M. Charles Millon, ministre de la défense, dans "Armées d'aujourd'hui" de juin 1996, dans "Var matin" du 3 juin et dans "VSD" du 6, sur le débat sur le service national et sur la restructuration de la DCN et de l'hôpital militaire à Toulon.

Prononcé le 1er juin 1996

Intervenant(s) : 

Média : Presse régionale - Var matin - VSD

Texte intégral

Propos sur la Défense – N° 60 - Juin 1996

Entretien du ministre de la Défense au mensuel « Armées d’Aujourd’hui »

Service national (début)

Q. : Monsieur le ministre, la consultation sur le service national voulue par le Président de la République, associant les forces vives du pays, au plan national comme au plan local, s’achève. Quel est votre sentiment sur le déroulement de cette campagne ?

R. : En annonçant, le 22 février dernier, la disparition progressive du service national dans sa forme actuelle, le chef de l’État a souligné qu’il s’agissait d’un « débat de société ». La consultation, qui vient de se dérouler dans plus de dix mille communes, l’a confirmé et a démontré l’importance que les Français portent à cette évolution. J’ai participé à plusieurs débats locaux, ce qui m’a permis de prendre la mesure de l’intérêt de cette forme d’expression dans le cadre communal. J’ai également noté que les opinions formulées à cette occasion dépassaient bien souvent les clivages habituels, en même temps qu’elles réfutaient les critiques les plus excessives du service militaire. Aussi, cette consultation rend-elle justice, si besoin était, aux militaires professionnels qui, pendant des décennies, se sont consacrés avec enthousiasme à l’encadrement des appelés du contingent. Les résultats de cette consultation mettent également en évidence le remarquable potentiel de générosité de nombreux jeunes Français. Qu’il s’agisse de cohésion sociale ou de coopération et d’aide humanitaire, nos concitoyens sont souvent désireux de manifester concrètement leur disponibilité pour des causes utiles à la collectivité.

Service national volontaire - Rendez-vous citoyen

Q. : Quels sont les choix du Président de la République ?

R. : Le chef de l’État vient d’annoncer que le service national serait remplacé par un rendez-vous citoyen obligatoire et par des formes de volontariats civiles et militaires, comme cela était suggéré dans les conclusions des travaux des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce choix correspond aux tendances enregistrées lors du débat, parmi lesquelles l’attachement des Français au maintien d’un lien entre la nation et son armée, ainsi qu’une préférence pour un volontariat.

Il permettra d’apporter à tous les jeunes Français une information civique sur la citoyenneté, le fonctionnement de nos institutions, les enjeux de notre défense. Il offrira une nouvelle chance d’insertion aux jeunes gens en difficulté en les orientant vers des organismes spécialisés. Enfin, il établira un lien avec le volontariat en présentant ses diverses formes et l’intérêt qu’elles revêtent pour ceux qui choisiraient d’y souscrire. Le rendez-vous citoyen est donc garant de la cohérence du nouveau dispositif destiné à succéder à l’actuel service national.

Réforme des armées (calendrier)

Q. : Certain se sont émus que le vote sur la loi de programmation intervienne si tôt dans le calendrier des réformes, alors que le débat sur le service national trouvera sa conclusion à l’automne. Ces inquiétudes vous paraissent-elles justifiées et quelles sont les raisons qui ont motivé ce choix ?

R. : J’entends, en effet, parfois dire que l’ordre des facteurs de la réforme de notre outil de défense a été inversé, et que nous aurions dû trancher d’abord la question de l’avenir du service national avant de fixer le format de nos forces. Je l’ai déjà dit, je ne partage pas ce point de vue qui confond les fins et les moyens. L’objectif de la réforme, c’est la défense de notre pays, et cette réforme passe désormais par une armée composée de professionnels. Le projet de loi de programmation a pour objet de fixer les moyens mis à la disposition des armées dans ce nouveau cadre. L’une des conséquences de la professionnalisation, c’est la modification du service national. Un grand débat a été ouvert au niveau national comme au niveau local. Le 28 mai, le Président de la République a fait connaître ses propositions. Elles seront traduites par un projet de loi sur le code du service national qui sera présenté, à l’automne, au Parlement.

Loi de programmation (1997-2002)

Q. : Le projet de loi de programmation est, a bien des égards, l’acte concret le plus important de la réforme de notre outil de défense, telle que l’a souhaitée et initiée le Président de la République. Quels sont les grands axes de cette loi de programmation ?

R. : La programmation pour les années 1997-2002 est la première étape d’une réforme en profondeur de notre outil de défense. Elle a pour objectif essentiel de réussir la professionnalisation de nos forces et le changement de format des armées. Au terme des six années couvertes par la programmation, la professionnalisation de nos forces sera achevée et leur format aura été réduit. Elle prévoit, par ailleurs, de poursuivre la modernisation de l’équipement des armées avec le maintien de la crédibilité de la dissuasion nucléaire autour de deux composantes, et l’arrivée à maturité d’un certain nombre de programmes majeurs tels que les satellites Hélios 1 et 2, le char Leclerc, le Rafale ou le porte-avions Charles de Gaulle. Enfin, elle s’accompagnera de la restructuration de notre industrie d’armement. C’est l’un des volets essentiels de la réforme de notre outil de défense. Elle a déjà été engagée avec la décision de privatiser Thomson SA et de fusionner Dassault Aviation et Aérospatiale.

Livre blanc - loi de programmation (1997-2002)

Q. : Vous avez souligné, à plusieurs reprises, la nécessité, d’inscrire cette réforme dans une planification à vingt ans et de s’appuyer, pour atteindre cet objectif, sur une programmation à six ans. Toutefois, ne craignez-vous pas que cette loi de programmation, une fois votée, subisse le sort des précédentes ?

R. : Vous avez raison de rappeler la nécessité d’inscrire les dépenses d’équipements des armées dans une perspective de moyen terme. Idéalement, les dépenses militaires devraient être programmées sur cinq ou six ans, dans le cadre d’une planification à quinze ou vingt ans, elle-même fondée sur une analyse géostratégique consignée dans un Livre blanc.

C’est la première fois, depuis le début de la Ve République, qu’une programmation militaire s’inscrit dans une perspective à moyen terme aussi claire. Elle a été préparée sur la base des analyses du Livre blanc de février 1994, dont les conclusions, dans le domaine stratégique, demeurent toujours valables, et dans le cadre d’une planification 1997-2015, dont les orientations ont été rendues pub1iques par le chef de l’État, au mois de février dernier. Naturellement, ces exercices ne prennent leur sens que si la programmation est respectée. C’est pourquoi le Président de la République s’y est engagé devant les cadres des armées, réunis le 23 février dernier, en indiquant qu’il y veillerait personnellement.

Accompagnement économique et social (mise en place d’un délégué et d’un comité interministériel)

Q. : Le nouveau format de notre défense, présente par la loi de programmation, conduira à adopter un ensemble de mesures d’accompagnement d’ordre économique et social, ayant pour objectif, notamment, d’atténuer les conséquences locales des restructurations. Pouvez-vous apporter quelques précisions dans ce domaine ?

R. : Il y a déjà plusieurs mois, le Gouvernement a très clairement affirmé que tout serait mis en œuvre pour limiter les effets locaux des restructurations. Vous savez qu’un comité interministériel pour les restructurations de défense et qu’un délégué interministériel ont été institués pour préparer, dans les meilleures conditions, l’accompagnement de ces mesures de restructuration. Sur la durée de la loi de programmation militaire, 2,2 milliards de francs seront consacrés à cette action, sous la forme de crédits du FRED et de dotations aux sociétés de conversion.

Conventions régionales

En toute circonstance, il s’agit de faire prévaloir une logique d’anticipation, de partenariat et de proximité. Les conventions régionales d’accompagnement et des restructurations ont été conçues dans cet esprit. Des conventions ont déjà été signées avec les régions Rhône-Alpes, Aquitaine et Bretagne. D’autres suivront prochainement (Midi-Pyrénées, Centre, Lorraine, Île-de-France et Pas-de-Calais), destinées aux bassins d’emploi les plus touchés par les restructurations.

 

Propos sur la Défense – N° 60 - 3 juin 1996

Entretien du ministre de la Défense au quotidien « Var Matin »

Service national (débat local)

Q. : Les propositions du chef de l’État sur l’avenir du service national ont été précédées d’un débat local qui a suscité, selon les communes, un inégal intérêt. Ce débat a-t-il répondu à votre attente et peut-il servir valablement de référence pour les décisions qui vont être prises ?

R. : Merci de me poser cette question. Elle me permet de rappeler certaines vérités premières sur le débat local. Vous savez que la commune a été choisie comme cadre de la consultation car elle est historiquement le siège du recensement et aussi le lieu privilégié de la démocratie directe. À cet égard, je sors du débat profondément rassuré sur la vitalité de ce mode d’expression. Plus de 11 000 questionnaires émanant de municipalités nous ont été retournés, représentant 31 % des communes, soit autant de villes et de villages qui ont organisé un ou plusieurs débats. Je voudrais que l’on retienne ce résultat remarquable, et, je dois bien le reconnaître, relativement inattendu.

Sur le fond, le mérite de ce débat est d’avoir établi que le volontariat est souhaité, étant entendu qu’une courte période obligatoire est maintenue. On savait déjà les jeunes acquis à l’idée du volontariat. Désormais, la consultation le montre bien, ils sont rejoints par un grand nombre de leurs ainés. Cette évolution marque ainsi l’adhésion d’une majorité de Français à la réforme.

DCN

Q. : À quelle date devrait être connue la restructuration de l’arsenal de Toulon, quelle sera l’importance de la déflation des effectifs pour l’établissement, la nature du plan social attendu ?

R. : La DCN bénéficie d’atouts majeurs comme l’attestent ses succès à l’exportation. Mais elle doit se renforcer pour remporter de nouveaux marchés à l’exportation et améliorer sa compétitivité, si elle veut conserver sa place parmi les tout premiers mondiaux de la construction navale. Le délégué général pour l’armement élabore, sur la base du diagnostic et surtout des conclusions de la concertation nationale et locale qui a été organisée dans tous les établissements, une série de propositions qui permettront à la DCN d’aborder le XXIe siècle. Il s’agit notamment de pousser à son terme la séparation déjà engagée entre les activités étatiques et industrielles, d’améliorer les capacités d’achat, de renforcer l’action commerciale sur les marchés extérieurs et d’adapter les effectifs à l’activité prévisionnelle. Les conclusions me seront présentées fin juin.

Le projet de loi de programmation militaire prévoit un fonds d’adaptation industrielle qui sera doté de 4,8 milliards de francs, dont 4,1 milliards seront consacrés à la préparation de l’avenir de la DCN. La compétence et la qualité de ses personnels reconnues à travers le monde doivent être valorisées pour plus de performances et d’efficacité.

Marine nationale (diminution de bâtiments)

Q. : Est-il exact que le « Clémenceau » doit être désarmé plus tôt que prévu, que les frégates Georges Leygues « Duquesne », « Suffren », « Aconit » doivent être retirées du service, la frégate « Montcalm » mise sous cocon ?

R. : Nous sommes aujourd’hui à la veille de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi de programmation militaire 1997-2002. Ce projet s’appuie sur une planification qui fixe à l’horizon 2015 un « modèle de référence » pour chacune des armées et la Gendarmerie nationale. La période 1997-2002 constituera pour la Marine la première étape vers le nouveau format. Cette armée enregistrera une diminution globale de vingt-deux bâtiments de surface et sous-marins par rapport à la situation actuelle. Le retrait du service du porte-avions « Clémenceau » interviendra vraisemblablement en 1997. S’agissant des autres bâtiments qui seront concernés, aucune décision n’est aujourd’hui prise, elles doivent l’être après le vote de la loi de programmation militaire par le Parlement, c’est-à-dire courant juillet.

SNLE (entretien)

Q. : L’entretien du « Charles de Gaulle » et des sous-marins nucléaires sera-t-il transféré à Brest ou à Cherbourg, ce qui aurait pour incidence de supprimer 400 emplois à la DCN de Toulon ?

R. : Le domaine de l’entretien des bâtiments à propulsion nucléaire couvre à la fois des impératifs opérationnels, des données techniques et d’environnement et s’inscrit naturellement dans la réflexion globale qui est engagé sur l’avenir du service industriel de la DCN. Vous comprendrez donc que si des décisions devaient être prises, elles le seraient après une étude particulièrement poussée dans les domaines que je viens de citer. Aujourd’hui, aucune proposition du Chef d’état-major de la marine allant dans ce sens n’a été soumise.

Toulon (Service de santé)

Q. : Le sort de1’hôpital Sainte-Anne ne semble pas définitivement fixe. Est-il exact que soient menacés de fermeture la maternité, le service d’hémodialyse, le service d’oncologie ?

R. : La restructuration des formes armées impose au service de santé des armées de réadapter et de réorganiser ses établissements hospitaliers. Le projet « Sainte-Anne 2000 » est une priorité du service de santé des armées. Il doit assurer au plus tôt le renouvellement de l’hôpital Sainte-Anne actuel qui n’est plus adapté aux pratiques et techniques médicales modernes. Cet établissement assure aujourd’hui pleinement sa mission de soutien des forces et sa mission complémentaire de participation au service public.

Le nouvel hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne 2000 assurera les soins de plus haut niveau offerts au malade et permettra d’autre part, en complémentarité avec l’Institut de médecine navale et l’école des personnels paramédicaux des armées, la formation des personnels médicaux et paramédicaux du service de santé des Armées.

L’organisation fonctionnelle de cet établissement est fondée sur le « regroupement d’unités » au sein de départements. Toutes ces spécialités seront globalement prises en compte dans le futur hôpital. S’agissant des services hospitaliers, les services d’hémodialyse et d’oncologie ne sont, en aucune façon, menacés. Enfin, une réflexion est en tours sur l’avenir des maternités du service de santé des armées.

Draguignan-Canjuers

Q. : La garnison de Draguignan-Canjuers sera-t-elle affectée par les restructurations en cours ?

R: Les mesures de restructurations seront rendues publiques courant juillet après le vote de la loi de programmation. D’ici là, les études menées par les états-majors se poursuivront, site par site, garnison par garnison, afin d’envisager les conséquences du resserrement de format des armées et d’évaluer les mesures d’accompagnement à mettre en œuvre.

Nîmes-Garons

Q. : Quel sera l’avenir de la B.A.N. de Nîmes-Garons, plate-forme de projection ou base à part entière ?

R. : La base de Nîmes-Garons constitue une plate-forme essentielle pour les missions de l’aviation de patrouille maritime en Méditerranée et pour l’entraînement des pilotes de l’aviation embarquée en raison des contraintes liées à l’accroissement du trafic civil à Hyères. Elle connaîtra naturellement une modulation de ses effectifs stationnés, en relation avec l’évolution globale du pare aérien de la Marine nationale.

Avec la fermeture de la base aérienne de Courbessac, Nîmes et les communes voisines connaissent déjà une réduction sensible de la présence militaire sur leur territoire. Il est clair que si des décisions devaient être prises ultérieurement, ce sera fait dans la plus grande concertation avec les représentants locaux.

Réservistes (deux ensembles)

Q. : Comment envisagez-vous le maintien des réserves ? Quel sera le sort réservé aux grandes unités de réserve dont le 141e R.I. de Toulon affectée à la protection de l’arsenal de Toulon ?

R. : Toute armée professionnelle a besoin de forces de complément qui lui confèrent notamment une bonne flexibilité des effectifs. Sans exclure l’hypothèse de leur engagement dans les forces de protection, les réserves se verront confier tout naturellement des tâches de complément ou de substitution, notamment dans la gendarmerie. L’organisation nouvelle de l’armée d’active étant en cours, les besoins en réservistes ont fait l’objet d’une première estimation et pourraient comprendre deux ensembles :
      – une « première réserve » de 100 000 hommes (dont 50 000 dans la gendarmerie), sélectionnés pour leur compétence et leur disponibilité, leur permettant d’être rapidement opérationnels. Cette première réserve, complémentaire de l’armée professionnelle, permettra de répondre aux besoins globaux de notre défense ;
      – une « deuxième réserve » qui comprendra ceux qui ne pourront pas ou plus satisfaire aux exigences de la première réserve. Ce vivier comptera, bien évidemment, les cadres de réserve désireux, eux aussi, de contribuer sous des formes nouvelles et adaptées, au maintien du lien Armée-Nation.

Un projet de loi sur l’organisation générale des réserves reprenant l’ensemble de ces dispositions sera présenté au Parlement à l’automne.

S’agissant de l’avenir des grandes unités de réserve de l’armée de terre, la question est prématurée. En effet, les décisions concernant les unités d’active (déplacements, dissolutions) ne sont pas encore arrêtées. Par ailleurs, la répartition nouvelle des missions de protection du territoire et des points sensibles, entre la gendarmerie et les armées, n’est pas achevée. Ce n’est qu’à l’issue de ces travaux que le rôle et l’avenir des unités de réserve participant actuellement à la protection des points sensibles pourront être examinés.

 

Propos sur la Défense – N° 60 - 6 juin 1996

Entretien du ministre de la Défense à l’hebdomadaire « VSD »

Service national volontaire – rendez-vous citoyen

Q. : On a l’impression que le Président de la République s’est exprimé très vite sur la fin du service militaire. Y a-t-il une raison ?

R. : Non, il était prévu qu’à la fin du mois de mai le Président se prononce pour faire connaître son choix : service national obligatoire ou volontaire. La raison en est simple : la loi de programmation militaire actuellement discutée à l’Assemblée nationale laissait deux voies de financement distinctes selon l’hypothèse retenue.

Projet de loi sur le code du service national

Q. : Les assemblées entérinent donc un choix sans vraiment avoir à le discuter ?

R. : Pas du tout. Le Président retient le principe du volontariat et le principe du rendez-vous citoyen. Aux assemblées d’en définir le contenu : durée, organisation, encadrement. Au terme de ce débat parlementaire, je présenterai, au mois d’octobre, un projet de loi réformant le code du service national, qui devra définir concrètement le contour précis du rendez-vous citoyen et du service volontaire.

Rendez-vous citoyen

Q. : Vous étiez plutôt favorable à un service civil obligatoire, et néanmoins vous semblez ravi de la création de ce rendez-vous citoyen.

R. : J’étais effectivement favorable à un service civil, disons fortement incité. Cependant, dans le cadre du débat sur l’avenir du service national, les travaux des assemblées parlementaires et les consultations conduites au niveau des communes ont révélé les difficultés d’un service civil obligatoire et universel. Ils expriment aussi un fort attachement au maintien d’un lien entre la nation et son armée. Le rendez-vous citoyen sera le lieu d’un tel contact, en même temps qu’il permettra de diffuser une information sur les enjeux de notre défense.

Lien armée-nation

Q. : Pourquoi est-il nécessaire de conserver le lien armée-nation ?

R. : La défense du pays reste l’affaire de tous. C’est pourquoi la disparition du service national dans sa forme actuelle, qui concrétisait l’engagement des Français dans la défense, nous a obligés à rechercher d’autres moyens de réaffirmer ce lien entre la nation et son armée. Cette nécessité donne tout son sens au rendez-vous citoyen, à la revalorisation des réserves et au volontariat. Le projet de loi prévoit, en effet, l’ouverture de 27 000 postes de volontaires en 2002, au sein des armées.

Jeunes filles

Q. : Y compris pour les jeunes filles ?

R. : Le volontariat féminin ne sera effectif qu’en 2002 pour des raisons purement matérielles accueil, encadrement. Laissez-nous le temps de mettre en place les infrastructures nécessaires.

Rendez-vous citoyen

Q. : Comment sera organisé ce rendez-vous citoyen, comme un grand salon du volontariat ?

R. : Si l’on veut. Les centres de sélection et de recrutement procéderont d’abord au recensement classique. Puis l’armée dispensera des cours d’instruction et d’information civique, éventuellement des notions de secourisme. Dans un second temps, au cours de cette période de rendez-vous citoyen, tous ceux qui auront besoin de volontaires, l’armée, la gendarmerie mais aussi les ministères de l’éducation nationale, de la coopération, les organisations non gouvernementales, viendront exposer leurs besoins, leurs missions. Tout ceci sera mis au point lors du débat parlementaire sur la réforme du service national en octobre prochain.

Service national volontaire (50 000 a 80 000 volontaires)

Q. : Sur une classe d’âge de 300 à 350 000 garçons, combien attendez-vous de volontaires au total ?

R. : Entre 50 000 et 80 000. Pour l’armée, nous en avons besoin de 27 000. Je pense que nous les trouverons. En réalité, le nombre de volontaires variera selon la capacité d’attraction, Autrement dit, quels seront les termes de l’échange ? Si un jeune donne du temps pour le pays, dans la gendarmerie ou bien pour combattre l’illettrisme, je suis favorable à ce que la nation lui témoigne une reconnaissance sous une forme qui reste à définir.

Débat local (bilan satisfaisant)

Q. : Quel est le bilan de la campagne visant à expliquer la réforme ?

R. : Ma première surprise reste la mobilisation : 10 000 débats communaux, 12 000 questionnaires remplis, toutes les associations importantes ont répondu à l’appel. Il y a eu un vrai débat sur le service national en France. Au cours des visites effectuées depuis le mois d’avril dans les armées, j’ai constaté que la réforme annoncée par le Président de la République est comprise et bien perçue par les personnels de la défense. À chaque occasion, j’ai pu également mesurer l’extraordinaire capacité d’adaptation de ces hommes et de ces femmes dévoués à leur pays. N’oublions jamais que depuis 1958 les personnels militaires et civils de la défense auront vécu deux réformes fondamentales qui ont mis en cause leur mode de vie, et leur carrière.

Annonces anticipées des dissolutions

Q. : Précisément, le préavis de deux ou trois années sera-t-il suffisant pour permettre aux personnels de trouver des solutions quant au déménagement, à la scolarisation des enfants ou à l’emploi du conjoint ?

R. : C’est parce qu’il est conscient des contraintes que font peser les restructurations sur les personnels de la défense que le gouvernement donne un préavis de deux à trois ans entre l’annonce d’une disparition d’unité et sa réalisation effective. Ce délai offre aux civils et aux militaires concernés un temps suffisant pour organiser en conséquence leur prochaine affectation, avec l’aide des services du ministère dont les moyens seront renforcés. Je note, toutefois, que ce délai est supérieur à celui dont disposent communément les militaires dans le cadre des mutations qui jalonnent leur carrière. Les personnels civils, en revanche, étaient rarement invités un tel effort de mobilité géographique. Chaque fois que cela sera possible, des reclassements dans le bassin d’emplois leur seront proposés. Enfin, le préavis servira également à préparer la reconversion économique des entreprises militaires.

Unités (dissolutions)

Q. : Quels critères avez-vous retenus pour dresser la liste des garnisons qui vont fermer ?

R. : La liste sera connue en juillet. Depuis le 22 février et l’annonce des décisions présidentielles relatives à la professionnalisation progressive des forces armées, les services du ministère de la défense élaborent cette liste des unités militaires appelées à disparaître. Les critères retenus sont avant tout d’ordre opérationnel : il s’agit de remplir au mieux les missions de protection, de dissuasion, de prévention et de projection définies par le chef de l’État. Dans un souci d’économie budgétaire, les restructurations permettent également d’éviter les implantations redondantes. En outre, cet examen n’ignore pas les préoccupations relatives à l’aménagement du territoire et, dès à présent, la Datar est associée à nos travaux.

Réforme des armées

Q. : Dès lors comment seront organisées nos forces ?

R. : Nos forces classiques vont adopter une organisation plus souple qui facilitera la mise sur pied d’ensembles interarmées adaptés à la nature des opérations. Ainsi, les forces terrestres seront organisées autour de quatre ensembles d’environ 15 000 hommes chacun : une force blindée, une force mécanisée, une force d’intervention blindée rapide, une force d’infanterie rapide. Pour tenir compte de l’évolution géostratégique, nos forces seront orientées pour partie vers la fonction de projection. Bien entendu, elles continueront à assumer les missions liées à la dissuasion, à la prévention et à la protection du territoire.

Forces prépositionnées

Q. : Compte tenu de la récente mutinerie à Bangui, le redéploiement des forces prépositionnées doit-il être différé ?

R. : Il n’a jamais été question de redéployer nos forces. Par contre, il est évident que des aménagements structurels seront reconduits sur nos différentes bases. Lorsque le besoin s’en fera sentir, l’organisation de nos forces sera révisée.