Texte intégral
Réponse du ministre délégué au Budget, porte-parole du gouvernement, à une question orale de M. Jacques Machet, sénateur de la Marne
Q. : Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense ; elle concerne la réforme des armées et la représentation nationale. Permettez-moi de citer l'armée de terre et en particulier, ses camps situés en Champagne. Chacun sait que, dans les semaines à venir, des options fondamentales pour la défense de la France et de l'Europe seront prises par le chef de l'État. Par la suite, il appartiendra au ministère de la défense de les mettre en forme concrètement à l'échelon des états-majors, des régions militaires et des unités.
Je crois attirer l'attention du ministère de la défense sur l'utilité qu'il y aurait à associer la représentation nationale à la mise en place de ces réformes, aux conséquences fondamentales pour l'économie et la sociologie de nos départements. Certes, il ne s'agit pas, dans mon esprit, de substituer les élus nationaux et locaux à l'autorité du ministre de la défense. Mais, ces réformes majeures qui sont en cours de préparation « qui vont engager le destin militaire de la France pour longtemps pourraient être l'occasion d'associer, à titre de conseil, les forces vives des départements du pays. »
Ne pourrait-on, à cet égard, envisager de créer des commissions départementales composées d'élus locaux « nationaux, désignés par les conseils généraux », commissions qui auraient pour tâche de dialoguer avec les autorités militaires pour les informer au mieux et, surtout, être informés par elles ? Je souhaiterais que cette réforme soit l'occasion de créer un nouveau type de relations entre le gouvernement, les armées et les élus. Cela pourrait être judicieux pour la mise en place de ces réformes qui vont transformer l'outil militaire français le plus important du continent européen, celui qui sera le plus décisif pour la construction d'une défense commune de l'Europe.
Saisissons cette importante occasion et évitons de faire une réforme couperet ; oeuvrons pour une réforme consensuelle. Cela ne pourra que renforcer le lien entre la nation et son armée, à un moment où celle-ci va se transformer et où la société connaît des transformations face auxquelles l'institution militaire reste un ancrage et un point de repère décisif.
R. : En l'absence du ministre de la défense, qui est en déplacement en Ukraine, il me revient de vous répondre. Je voudrais vous faire une réponse positive. Cette « réforme consensuelle », pour reprendre votre expression, est tout à fait ce que le gouvernement a présent à l'esprit. Comme vous l'avez rappelé, à la suite du bouleversement du contexte stratégique, le président de la République et le gouvernement sont en train de réfléchir aux nouveaux choix militaires de la France. Un comité stratégique a été mis en place. Il examine les divers dossiers concernés : l'avenir de la dissuasion et du service national, la réorganisation de notre système de défense et les conséquences à en tirer pour notre industrie d'armement.
Dans les prochaines semaines, le président de la République arrêtera les grandes orientations et prendra les décisions qui relèvent de sa compétence. Ensuite, la représentation nationale devra, bien sûr, être pleinement associée à leur mise en oeuvre. Une nouvelle loi de programmation militaire traduisant ces grands choix politiques sera soumise à la délibération, au vote et donc à la décision du Parlement. Elle portera sur les années 1997-2002.
En outre, compte tenu des réorganisations, des redéploiements et des restructurations qui seront nécessaires dans nombre de régions concernées, dont la vôtre, Monsieur le sénateur, le gouvernement tient beaucoup à ce qu'il y ait une concertation exemplaire entre les élus nationaux, les élus locaux concernés et les ministères compétents. D'ores et déjà, des conventions régionales sont en cours de négociation avec la région Aquitaine et la région Rhône-Alpes. La région Bretagne et la région Provence Alpes-Côte d'Azur ont souhaité également conduire une convention de ce type. Si votre région le souhaite, Monsieur le sénateur, nous en mettrons une en oeuvre, et ce non seulement à l'échelon de la région proprement dite, mais également à l'échelon des bassins d'emploi, en y associant les élus, dont vous êtes. Je crois que, de cette manière consensuelle, nous réussirons cette adaptation nécessaire de notre outil de défense.
Réponse du ministre délégué au Budget, porte-parole du gouvernement, à une question orale de Madame Josette Durrieu, sénateur des Hautes-Pyrénées
Q. : Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la défense. Une restructuration profonde est, semble-t-il, engagée dans le domaine non seulement de l'armée, mais aussi de l'industrie de l'armement. Pour l'armée de terre, on évoque la professionnalisation et une réduction des effectifs, qui pourrait atteindre 50 %. Vous avez démenti ce chiffre, Monsieur le ministre. Quel est-il donc alors, en réalité ? Pour l'industrie d'armement, si une adaptation et une restructuration sont nécessaires, elles sont cependant difficiles à réaliser. La restructuration est engagée pour les chantiers navals et elle est bien avancée pour les arsenaux terrestres.
Le dossier de GIAT Industrie est difficile ! Les conséquences économiques et sociales seraient lourdes. GIAT Industrie perdrait de 3 500 à 4 500 emplois, soit le quart de ses effectifs. Pour Tarbes, on parle de 400 à 500 suppressions d'emploi sur 1 800, soit là encore, le quart. Pour l'ensemble des entreprises de l'État, ce sont 50 000 emplois, voire 75 000, qui seraient menacés. Les crédits à l'équipement ont déjà baissé de 25 % en un an. Nous ne sommes pas opposés à une baisse significative et programmée des dépenses militaires ; mais nous refuserons la casse brutale de l'outil industriel. Il y a des savoir-faire, il y a des régions – tout à l'heure, vous avez oublié la région Midi-Pyrénées, Monsieur le ministre – il y a des hommes à préserver ! Il eût été préférable de faire des économies sur le nucléaire. C'était un autre choix ! À propos de choix, qu'est-ce qui guide les vôtres ? On perçoit de l'improvisation, voire de la confusion. Il y a eu récemment des erreurs, notamment en matière de gestion, et des spéculations hasardeuses. On aimerait connaître l'état réel des comptes du GIAT.
Mais la question essentielle est celle-ci : en matière de sécurité et de défense, Monsieur le ministre, quelle est votre stratégie ? On ne peut, aujourd'hui, envisager une restructuration en dehors de l'Europe et sans cohérence avec les États membres et les partenaires. Allons-nous construire l'Europe avec un armement indépendant et une défense commune à partir de l'Union de l'Europe occidentale, l'UEO ? La France va-t-elle entrer ou non dans l'OTAN ? La priorité est-elle toujours au nucléaire.
Sur les plans économique et social, vous avez dit que vous accompagneriez ces mutations en conservant les emplois. Cela est essentiel ! Pas de suppression d'emplois, pas de plan social ! La négociation et pas seulement la concertation ! D'où mes trois questions :
– disposez-vous de projets concrets pour la restructuration des sites ainsi que pour le maintien de l'activité industrielle à partir du savoir-faire local et, dans l'affirmative, quels seront les investissements ?
– que ferez-vous pour rapprocher l'industrie de la défense et l'industrie civile ?
– ferez-vous, en même temps que la loi de programmation militaire, une loi de programmation industrielle et sociale fondée sur le respect des engagements vis-à-vis du personnel et sur la réduction compensée du temps de travail, par exemple ? Des villes, des départements sont menacés, des drames se préparent. Nous souhaitons connaître vos intentions, Monsieur le ministre.
R. : Votre question m'embarrasse non pas en raison de son contenu mais parce que vous avez embrassé l'ensemble des problèmes de défense. En fait, elle comporte une quinzaine de points d'interrogation, et si j'essaie de répondre sur chacun d'entre eux, M. le président, va devoir me rappeler à l'ordre. La guerre froide est finie depuis maintenant cinq ans, et, plus nous mettrons de temps à en tirer tous les enseignements, plus ce sera coûteux pour le personnel et pour le contribuable. Par conséquent, un certain nombre de choix sont désormais nécessaires. Ces choix doivent être faits en concertation avec nos partenaires de l'Union européenne et avec nos alliés au sein de l'Alliance atlantique. Ils nous conduiront à réduire nos forces de dissuasion pour tenir compte de l'atténuation de la menace, à faire évoluer notre outil militaire vers une plus grande professionnalisation et, naturellement, à adapter notre industrie de défense.
J'ai cité tout à l'heure un certain nombre de régions concernées, parce qu'elles ont déjà exprimé leur souci de concertation. Il va de soi que nous prendrons également en compte les besoins de la région Midi-Pyrénées, et notamment ceux de la ville de Tarbes, qui, depuis le maréchal Foch jusqu'aux hussards parachutistes, sans oublier l'arsenal du GIAT, a – vous l'avez rappelé à juste titre – une grande tradition militaire.
Enfin, je réponds positivement à la question précise que vous avez posée : parallèlement à la loi de programmation militaire, il y aura des dispositions précises de réorientation et de restructuration de l'outil industriel, dispositions qui seront soumises au Parlement et qui, pour leur application locale, seront prises en concertation avec les élus locaux et régionaux.