Texte intégral
Le Journal du dimanche : 9 juin 1996
Le journal du dimanche : Vous voulez remettre en cause une tradition qui remonte au siècle dernier ?
Philippe Douste-Blazy : Absolument pas. Cette tradition des « dépôts » doit être conservée. Elle est naturellement bénéfique pour les musées de province. Quant aux administrations, qui sont des lieux publics, elles doivent être, notamment pour les visiteurs étrangers, une véritable vitrine de la France. Mais ces dépôts, dont l'intérêt est d'ailleurs variable, doivent être gérés. Et contrôlés.
Le Journal du dimanche : Ce n'est pas le cas ?
Philippe Douste-Blazy : Disons qu'il convient de remettre de l'ordre. Certaines décisions passées sont étranges. Je continue de m'interroger sur les raisons qui ont conduit à prêter, en 1946, deux lustres à… la Compagnie fermières des thermes de Plombières, à déposer un ensemble de mobilier de style Louis XIV au palais de justice de Carpentras en 1939, ou des vases de Sèvres dans la mairie d'une petite commune de la Marne en 1937.
Le Journal du dimanche : Mais ces objets, eux au moins, n'ont pas disparu ?
Philippe Douste-Blazy : Non, mais l'ancienneté des dépôts rend difficile leur remise en cause. Souvent – et avec la meilleure bonne foi du monde –, les dépositaires ont fini par s'en considérer comme les véritables propriétaires. Parfois, les pérégrinations de ces objets compliquent leur suivi. On a ainsi retrouvé, dans les caves d'un ministère de la rue de Grenelle, des meubles qui avaient été déposés dans un appartement de fonction de la place du Palais-Bourbon. Dans les caves et les greniers des ministères qu'ils explorent systématiquement, nos inspecteurs font souvent des trouvailles surprenantes.
Le Journal du dimanche : Ces dépôts peuvent-ils être déplacés ?
Philippe Douste-Blazy : En principe non… Mais il n'est pas rare que tel tableau déposé dans le bureau d'un haut fonctionnaire ou d'un ministre passe, parce qu'on l'apprécie particulièrement, dans les appartements de fonction. Et, les goûts sont changeants. Un tableau qui déplaît au nouveau titulaire du poste est exilé dans le bureau d'un collaborateur, puis envoyé à la cave. Je vous laisse imaginer les difficultés lorsqu'on le recherche un demi-siècle plus tard. Et dans quel état on le retrouve.
Le Journal du dimanche : Vous n'allez pas vous faire que des amis dans les ministères et dans les administrations !
Philippe Douste-Blazy : Les difficultés que nous rencontrons sont connues. Ainsi, dans le cas de certaines oeuvres parfaitement localisées dont nous savons que les conditions de conservation sont mauvaises, les administrations dépositaires refusent non seulement de les restituer, alors que les dépôts sont révocables à tout moment, mais aussi de prendre en charge leur restauration, qui pourtant leur incombe. Souvent, mon ministère a les plus grandes difficultés à organiser ses inspections. Des administrations refusent purement et simplement l'accès aux inspecteurs. D'autres dressent des embûches. Je connais une administration qui ne permet aux inspecteurs du Mobilier national d'opérer qu'entre 7 et 8 heures du matin, sous prétexte de ne pas gêner le service.
Le Journal du dimanche : Quelle réforme proposez-vous ?
Philippe Douste-Blazy : D'abord que le ministère de la culture ait une meilleure connaissance des oeuvres qui ont été déposées au fil des décennies. Ce n'est pas le cas actuellement pour les 300 000 oeuvres venant soit du Mobilier national, soit des musées, soit du Fonds national d'art contemporain. Il n'y a actuellement ni inventaire général, ni véritable coordination, ni centralisation des procédures entre les différentes administrations déposantes. De plus, pour vérifier aujourd'hui concrètement les dépôts dans un lieu déterminé, il faudrait envoyer des brigades de trois ou quatre inspecteurs : un pour les meubles, un pour les tableaux anciens, un pour les tableaux modernes…
Nous devons être irréprochables si nous voulons que les dépositaires le soient. C'est pourquoi, j'ai décidé de simplifier et de centraliser les procédures de dépôts et de contrôle. Elles transiteront toutes par le Mobilier national, dont l'inspection sera renforcée. La procédure de « l'état annuel », qui permet d'éviter les contrôles sur place trop fréquents, sera généralisée.
Le Journal du dimanche : Comment cela va-t-il se traduire dans l'immédiat ?
Philippe Douste-Blazy : Nous allons remettre les compteurs à zéro en faisant ce qui n'a jamais été fait : un récolement* général des dépôts. En vérifiant, un par un, les 300 000 dépôts du ministère de la culture. Ce récolement sera piloté par une commission indépendante, présidée par un haut-fonctionnaire, qui pourra me proposer des mesures à prendre, jusqu'à la révocation de certains dépôts si nécessaire. Je vais demander au Premier ministre de prendre une circulaire pour informer les administrations des nouvelles procédures, et leur rappeler leurs obligations.
* Récolement : vérification et pointage sur l'inventaire.
Libération : 15 juin 1996
Libération : Pour le ministre de la culture, est-il « normal », comme l'a dit jeudi, Alain Juppé, qu'un préfet – en l'occurrence Jean-Charles Marchiani, préfet du Var – menace de retirer une subvention étatique à un festival parce qu'un groupe de rap heurterait sa qualité de « chrétien » et « la morale républicaine » ?
Philippe Douste-Blazy : L'affaire NTM a été réglée par le directeur du théâtre de Châteauvallon, Gérard Paquet, que je félicite pour sa volonté d'apaisement. Le ministère, de son côté, a immédiatement réagi de deux manières : d'une part, en écrivant au préfet et, d'autre part, en assurant Gérard Paquet de notre soutien. J'avais déjà dit haut et fort que le ministère allait continuer d'aider et de subventionner le Théâtre national de la danse et de l'image. D'abord par ce que Gérard Paquet fait un travail remarquable. Ensuite, parce que depuis que la ville de Toulon est passée au Front national, le TNDI de Châteauvallon a perdu la subvention municipale de 5 millions de francs. J'ai donc mobilisé les autres communes de la région et on a vu, dans le concret, qu'un front républicain pouvait fonctionner : les maires PC, PR, RPR, PS, se sont mis d'accord pour donner six millions de francs au TNDI.
Je n'approuve pas les appels à la violence et je n'approuve pas non plus ceux qui appellent à la violence contre la police. Mais, le ministère de la culture n'a pas à décider si un groupe est bon ou mauvais. Les municipalités n'ont pas davantage à juger des programmations des théâtres comme l'ont fait le maire de Toulon ou celui de Corbeil dans l'Essonne (1). Bref, le politique n'a pas à contrôler la vie culturelle. C'est très dangereux et, pour moi, inacceptable. Il faut reprendre ce que disait Malraux en 1962 : « L'État n'est pas fait pour diriger l'art mais pour le servir ».
Libération : À droite, certains pensent qu'il faut lutter contre le Front national en allant sur son terrain. Comme le préfet du Var, un proche de Charles Pasqua, qui a utilisé les mêmes mots que le maire de Toulon pour qualifier NTM. D'autres pensent, au contraire, qu'il ne faut rien céder sur le terrain des valeurs. Qui a raison ?
Philippe Douste-Blazy : C'est le vrai débat mais il est complexe. Laurent Fabius avait dit en son temps : « Le FN pose de bonnes questions mais il apporte de mauvaises réponses ». Ce n'est pas vrai. Il ne faut pas laisser croire que les 20 ou 25 % des Français qui votent FN sont les seuls à se poser ces questions. Tous les hommes politiques se posent les questions de la sécurité et de l'immigration clandestine. Ma génération – j'ai 43 ans – doit regarder ces problèmes en face. Et je refuse qu'on me dise que je fais le jeu du FN quand je parle d'immigration clandestine ou de sécurité.
Mais, à l'inverse, il ne faut pas surenchérir sur le Front national en perdant nos propres valeurs. Pour moi, la barrière entre le Front national et les partis démocratiques doit être complètement étanche : le FN se sert de la démocratie pour la transformer en démocratie autoritaire, comme on le voit à Orange. Ou pour la détruire.
Libération : Le Pen a annoncé qu'il allait « disputer le terrain culturel à ses adversaires » et l'on voit les municipalités FN commencer à supprimer des subventions, à intervenir sur le contenu des spectacles ou des bibliothèques… Qu'y peut le ministre de la culture ?
Philippe Douste-Blazy : Il y a, aujourd'hui, deux conceptions de la culture : l'une, défensive, qui recherche dans le passé le reflet d'une grandeur évanouie, qui veut rassurer en reproduisant les modèles anciens, qui rejette la modernité sous toutes ses formes : on crache sur Picasso et on s'indigne de la construction de Beaubourg. C'est celle que défend l'extrême droite. L'autre, la mienne, c'est celle de la culture en mouvement, qui reçoit et qui donne, la culture de la vie. C'est dans celle-ci qu'on trouve des groupes de jeunes qui sortent des quartiers difficiles et qui ont envie de crier. Ce débat dépasse les extrémismes. La culture, c'est le respect de l'autre. On peut aimer ou ne pas aimer mais on ne peut pas refuser la culture de l'autre.
Libération : Vous parlez des maires d'extrême droite à Toulon ou Orange. Pour vous, le Front national de Jean-Marie Le Pen est bien un parti d'extrême droite…
Philippe Douste-Blazy : J'ai toujours utilisé le terme d'« extrême droite ». Je continuerai à l'utiliser. Il y a une différence entre populisme et extrémisme. Les hommes politiques ont presque tous, à un moment donné, pratiqué le populisme pour se faire élire, ce qui est regrettable. Mais l'extrémisme de droite, c'est une idéologie très structurée. Dans les municipalités FN, cette idéologie est appliquée, notamment sur le plan culturel…
Libération : Vous vous sentez soutenu, dans votre engagement, par votre majorité ?
Philippe Douste-Blazy : Oui. Voyez le responsable RPR de Toulon qui s'est rangé du côté de Gérard Paquet, ce qui est courageux. Le président de la République a toujours eu une attitude très claire par rapport au Front national. Que ce soit Jacques Chirac ou Alain Juppé, il n'y jamais eu aucune ambiguïté de leur part.
Ne franchissons pas cette ligne qui nous sépare du FN, qui sépare la droite républicaine de l'extrême droite. Romain Gary disait que « le patriotisme, c'est l'amour des uns, le nationalisme, c'est la haine des autres ». C'est à ce message là que nous devons rester fidèles.
Libération : À Châteauvallon, ce week-end, la gauche et la droite vont dénoncer ensemble le FN. Cela esquisse-t-il un futur front républicain contre l'extrême droite qui pourrait se mettre en place aux prochaines législatives ?
Philippe Douste-Blazy : Les trois maires FN d'Orange, Marignane et Toulon, n'ont été élus que parce qu'il y a eu des triangulaires. Les républicains, à gauche comme à droite, doivent aujourd'hui s'entraider et ne pas chercher à enfoncer un coin en permanence dans le camp adverse. Si les élus locaux RPR qui ne transigent pas avec le FN sont traités de gens ambigus par les socialistes, cela créera des haines qui feront que de nouvelles triangulaires seront inévitables. Faisons donc preuve de maturité politique pour essayer de dépasser les clivages droite-gauche et pour montrer le danger de l'extrême droite. Arrêtons de jouer la politique politicienne face à des extrémistes.
Libération : Le Pen vous a traité, il y a un an, de « crétin des Pyrénées ». Depuis, vous vous êtes retrouvé en première ligne, au sein du gouvernement, contre le Front national. C'est une position qui vous plaît ?
Philippe Douste-Blazy : C'est, entre autres, sur la culture que le Front national proclame des valeurs qui sont contraires à celles de la démocratie. Pour ce qui me concerne, je suis très à l'aise : je ne fais aucun calcul politique sur le Front national. Aucun.
(1) Serge Dassault a demandé, hier, au Centre dramatique national (CDN), le Campagnol de « libérer les lieux le plus tôt possible, afin de procéder à sa propre programmation ». « Ils n'ont pas besoin de moi pour faire leurs bagages, explique Jean-Michel Fritz, adjoint chargé de la culture. Nous voudrions prendre possession des lieux en septembre, pour mettre en place notre propre programmation ».
Le maire RPR de Corbeil avait décidé en début d'année, de diminuer de 50 % la subvention au CDN, puis il a cessé « tout versement de subvention » dès la fin du mois de mars, selon Jean-Claude Penchenat, le directeur du Campagnol.
Le Parisien : 21 juin 1996
Le Parisien : De quelle manière allez-vous célébrer, aujourd'hui, la Fête de la musique ?
Philippe Douste-Blazy : J'irai à la rencontre des musiques et des musiciens. Cette année encore, je veux privilégier la surprise, et le bonheur de la découverte, en me déplaçant en autant de lieux que je le pourrai. Je parcourrai ainsi Paris, depuis le parvis de Notre-Dame pour le grand rassemblement des Amérindiens, jusqu'au podium de Ricard Live Music à la République. Je souhaiterais aussi suivre « Couleur Carnaval » au Carrousel du Louvre et les concerts des jeunes amateurs de La Villette.
Le Parisien : Que pensez-vous de l'initiative de faire chanter à toute la France, en même temps, la chanson de Michel Fugain ?
Philippe Douste-Blazy : Je suis séduit par cette initiative. Elle reflète l'esprit de la fête, puisqu'elle émane d'un groupe de chanteurs amateurs, Les Voisins du dessus. Ils ont eu l'idée de demander à tous ceux qui le souhaitent, de les rejoindre pour chanter avec eux, à la même heure, la même chanson, à travers toute la France. J'ai voulu que le ministère les soutienne, en diffusant l'information auprès des centres d'art polyphonique et de toutes les chorales d'amateurs…
Le Parisien : Pensez-vous que la fête de la Musique est un moyen de défendre la chanson française ?
Philippe Douste-Blazy : Cette année, la chanson française est plus présente que jamais : les artistes se mobilisent, les chorales d'amateurs les mettent à l'honneur… Tout ceci ne peut que me conforter dans la résolution de développer les mesures en faveur de la chanson que j'ai annoncées en début d'année, que ce soit l'aide à la structuration du spectacle vivant, la mise en valeur du patrimoine de la chanson et les mesures qui touchent à l'environnement économique du disque.
Le Parisien : Où en est-on de la baisse de la TVA du disque ?
Philippe Douste-Blazy : Je suis résolu à me battre pour cette décision fondamentale, pour le développement de nos industries musicales et pour celui de nos jeunes talents. Mais une telle décision ne dépend plus désormais que du seul gouvernement français. Elle nécessite un accord unanime des membres de l'Union européenne. C'est dans cet esprit que le Premier ministre a, sur ma proposition, saisi la Commission européenne d'une demande de mission fiscale de 1992.
RTL : Vendredi 21 juin 1996
RTL : Quinzième fête de la Musique instituée par J. Lang. Est-ce que cette fête de la Musique n'a pas tendance à s'institutionnaliser ?
P. Douste-Blazy : Non, je ne le pense pas. D'abord je crois que c'est une idée absolument géniale. Je le dis d'autant plus facilement que ce n'est pas moi qui ai eu cette idée. Au bout de 15 ans, on peut dire que cette année, nous avons voulu trois choses : d'abord, que ce soit vraiment la fête de la Musique, amateurs et professionnels, c'est-à-dire qu'il n'y a ni amateurs, ni professionnels. C'est tous les gens qui aiment la musique qui descendent dans la rue ; deuxièmement, les grandes institutions régionales, départementales, les grands orchestres régionaux, les opéras, vont répéter gratuitement. Donc, ils participent eux aussi à cette fête. Et puis, cette année, une chose un peu eux nouvelle : ceux qui n'avaient pas l'habitude de faire la fête de la Musique vont la faire, en particulier dans les hôpitaux – il y a plus de 100 hôpitaux qui, cette année, vont participer à la fêle –, aussi dans les prisons, et également dans les banlieues les plus difficiles de ce pays, là où souvent, on considère les gens avec agressivité. Là aussi, la musique sera là, ce soir.
RTL : Cette fête de la Musique a tendance à s'étendre à l'étranger ?
P. Douste-Blazy : Oui, cette fête de la Musique sera très internationale cette année, puisque 85 pays au monde vont la faire. Je crois que c'est important, en particulier en Europe de l'Est, mais aussi en Océanie, en Amérique latine. Je crois que cette idée fait son chemin sur l'ensemble de la planète.
RTL : En prologue à cette journée de la Musique, le ministre de la culture que vous êtes avait organisé, hier, une journée européenne du disque ?
P. Douste-Blazy : Oui, la veille de la fête de la Musique, où on aura 6 000 à 7 000 manifestations aujourd'hui, j'ai souhaité, hier, aborder un sujet important avec mes collègues, ou leurs représentants de l'Union européenne. En effet, je crois que le disque, aujourd'hui, n'est pas considéré comme un produit culturel, comme le livre ou le cinéma. Le livre ou le cinéma ont une TVA à 5,5 %, le disque est à 20,6 % ici, dans e pays. Lorsqu'on lit des textes des Brassens, la TVA est de 5,5 % ; lorsqu'on les écoute sur un disque, la TVA est à 20,6 %. Donc, je crois – je me lance dans une grande croisade – il faut baisser la TVA du prix du disque. A. Juppé, le Premier ministre de la France, a accepté cette croisade. J'espère que les ministres de l'économie et des finances des autres pays européens le feront aussi.
RTL : P. Douste-Blazy, venons-en à quelques questions politiques : l'attitude de la majorité face au Front national ? Vous avez participé, avec des élus de diverses tendances, à une réunion à Châteauvallon, dans le Var. R. Muselier, invité d'O. Mazerolle, a dit que pour combattre le Front national, les effets de tribune ne fonctionnent pas. Qu'en pensez-vous ?
P. Douste-Blazy : Je crois qu'il faut se garder d'effets de tribune, mais il faut, au contraire, faire des choses concrètes. Prenez l'exemple de Toulon qui donnait 5 millions de francs, jusqu'aux élections municipales, à Châteauvallon, qui est un des plus grands lieux chorégraphiques d'Europe. La municipalité de Toulon, Front national, ne donne plus ces 5 millions de francs. Eh bien, les cinq communes qu'il y a autour – toutes, au-dessus des clivages politiques – se sont mises ensemble pour continuer à faire vivre la culture. Je crois que la culture est un symbole qui permet de voir comment le Front national travaille. Il s'attaque d'abord à la culture. Il y a deux manières de voir la culture : ou la culture purement passéiste, à la recherche de références passées, ou alors une culture en mouvement. Ou l'ordre ou le mouvement : moi, je choisis le mouvement, les créateurs. Et les gens du Front national ont décidé de ne pas accepter les créateurs. C'est un vrai débat idéologique de société pour l'avenir.
RTL : Vous reconnaissez quand même qu'il y a des clivages au sein de la majorité entre ceux qui, comme vous, ne seraient pas opposés à un front républicain et ceux qui, au contraire, disent qu'il faut combattre le Front national, peut-être en « droitisant » son attitude.
P. Douste-Blazy : Je ne rentrerai pas dans ce piège. Il y a, en effet, 16 % dans les sondages, de gens qui sont prêts à voter pour le Front national. La question que je me pose est : qu'est-ce que je dois faire ? Il y a aujourd'hui des électeurs, de gauche comme de droite, qui choisissent le Front national parce qu'ils ont l'impression qu'on ne donne pas de réponse. Donc, je n'accepte pas cette phrase de L. Fabius en disant : ils posent de bonnes questions mais ils ont de mauvaises solutions. Les questions, je me les pose aussi. L'immigration clandestine, nous nous y attaquons avec le gouvernement d'A. Juppé ; la sécurité aussi, il ne faut pas croire que le gouvernement, aujourd'hui, ne répond pas à des thèmes comme ceux-là. Mais, le Front national a une idéologie d'extrême-droite, il y a une frontière qu'il ne s'agit pas de transgresser. Cette frontière, c'est entre l'idéologie d'un côté d'extrême-droite – et je continuerai à appeler le Front national d'extrême-droite – et puis nous, qui sommes des démocrates. Je crois que le Front national veut se servir de la démocratie pour la détruire. Ce n'est pas un effet de tribune, c'est la réalité.
RTL : Un mot sur l'échec du Sidaction ?
P. Douste-Blazy : Je dirai que c'est dommage. En 1994, 300 millions de francs ont pu être donnés par les Français ; cette année, ce sera 48 millions de francs. Il y a eu des phrases qui ont été dites, qui sont certainement malheureuses. Par rapport à ce qui s'est passé vis-à-vis de moi au Sidaction, je n'ai aucun ressentiment. Quand on est devant un malade, on peut comprendre sa colère, on peut comprendre aussi son désespoir. Mais ce qui est important, et à mon avis, pour les manifestations à venir, il est important de bien expliquer la prévention, de bien expliquer les recherches, les progrès en recherche, et peut-être faire moins de place au sensationnel.