Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur le développement culturel de la région de Martigues à travers son théâtre de musiques traditionnelles, et sur les langues régionales, Martigues le 31 juillet 1996.

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Circonstance : Ouverture de la 8ème édition du festival Théâtre des cultures du monde à Martigues le 31 juillet 1996

Texte intégral

Je suis particulièrement heureux de venir aujourd'hui, avec vous, à Martigues, pour célébrer l'ouverture de la huitième édition du théâtre des cultures du monde.

Cette ville a, au fil des années, mis en oeuvre un projet de développement culturel, dont il convient d'emblée de signaler les mérites et les qualités. Il y a seulement un an et demi, on inaugurait le théâtre des Salins qui abrite la scène nationale.

C'est ce geste architectural audacieux, qui symbolise le mieux l'ambition et l'excellence de l'objectif culturel qui a été fixé par les élus.

Ce pôle artistique de référence incontestable, en lien avec tous les autres nombreux acteurs importants, associatifs ou institutionnels qui existent sur la ville, permet de répondre au double souci de diffusion artistique, mais également d'actions culturelles de proximité, au plus près des demandes de la population.

C'est le même esprit qui décide, aussi, de la mise en oeuvre des autres outils culturels de la ville : le musée ZIEM, la bibliothèque, l'école de musique...

Ce qui nous réunit ici aujourd'hui procède, en définitive, de la même ambition, de la même volonté, de la même culture.

Le succès du festival de Martigues qui draine chaque année des milliers de spectateurs témoigne, en effet, d'un besoin de plus en plus grand de découverte, par la population, d'autres cultures aux identités aussi fortes et marquées que les nôtres.

Les musiques et les danses qui seront présentées ici fournissent la preuve que, face au processus souvent évoqué de mondialisation des économies) comme à l'homogénéisation des modes de vie à travers le monde, la culture résiste ; qu'elle devient comme un recours ; qu'elle est, à la fois, identité et ouverture, à parts égales.

Il ne s'agit pas de nous enfermer dans une revendication nostalgique, en opposant les tenants de la modernité à ceux de la tradition. Bien au contraire, l'attitude qui doit nous guider est de favoriser les échanges et les confrontations entre tous les courants représentatifs de ces milieux musicaux et chorégraphiques.

Grâce à cette manifestation, l'artiste, le plus souvent amateur, comme le spécialiste, doivent participer à la réflexion sur la recherche, légitime, féconde, indispensable, de l'authenticité des traditions et de leurs fonctions sociales originelles. Dans le même temps, ils doivent partager le même souci d'exigence artistique.

En définitive, la richesse d'une tradition de telle ou telle forme musicale ou chorégraphique dépend de sa capacité à transcender les âges ; des moyens qu'elle se donne, pour affronter les évolutions du monde contemporain ; de sa capacité de participer au mouvement de la création musicale d'aujourd'hui.

Les quelques six cent artistes qui seront présents à Martigues vont, ainsi, pouvoir se rencontrer à travers la musique, apprendre à se connaître, enrichir leur expression propre sans craindre de la trahir.

Cet objectif artistique et culturel touche plus largement la citoyenneté.

Il participe, pleinement, au renforcement du lien social entre les générations. Il est nécessaire, pour l'atteindre, de se pencher sur le devenir des pratiques amateurs dans notre pays, issues de ces traditions.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'ensemble des collectivités publiques accentuent leurs efforts dans le domaine de la formation, pour permettre l'encadrement qualifié de ces pratiques, et pour pouvoir offrir dans les écoles de musique un enseignement diversifié de qualité.

Afin d'encourager cette évolution, douze centres régionaux des musiques et danses traditionnelles sont soutenus par le ministère, sur l'ensemble du territoire, dans leur mission de recherche et valorisation du patrimoine, mais également d'actions de sensibilisation et formation.

Je veux profiter de cette occasion pour souligner l'exemplarité du travail accompli dans ce domaine en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

À l'initiative de la direction régionale des affaires culturelles, avec le soutien et la participation des principaux acteurs sur le terrain - universitaires, musiciens, partenaires associatifs·- grâce au soutien remarquable, obtenu avec cinq conseils généraux et le conseil régional, une mission régionale des musiques et danses traditionnelles a été créée au mois de novembre 1995.

Après seulement moins d'un an de fonctionnement, dans les départements qui constituent l'arc alpin de la région, on peut déjà se réjouir des résultats obtenus ; ils ont permis aux départements du Var et du Vaucluse de se joindre à cette opération.

On parle souvent de coopération entre collectivités. En voici un exemple unique : aujourd'hui, cinq départements, élus en tête, le conseil régional, l'État et les associations travaillent ensemble, créent un outil de coordination, et cela dans le domaine des musiques traditionnelles.

La dimension populaire de cette manifestation ne tient pas seulement à la nature de son objet. La participation de plus de quatre cent cinquante bénévoles à sa réalisation témoigne d'une ferveur et d'un enthousiasme devenus quelquefois trop rares.

L'organisation d'ateliers pour enfants, de conférences, la découverte par la gastronomie de spécialités culturelles de tant de pays vont faire vivre Martigues au rythme de son festival, pour devenir durant huit jours le théâtre populaire des cultures du monde.

Comment parler des cultures du monde sans parler des langues régionales de notre pays ? Vous le savez, j'ai déclaré le 4 juin à l'Assemblée nationale que les langues régionales font partie intégrante de notre patrimoine culturel, un patrimoine vivant et vivace, grâce à chacun d'entre vous, qui continuez à apprendre, à parler et à ' transmettre les uns l'occitan ou le provençal, les autres le breton ou l'alsacien.

À la suite des déclarations du Président de la République sur la charte des langues régionales et minoritaires, j'ai lancé la mise à l'étude de la signature par la France de ce texte.

C'est le devoir du gouvernement de s'assurer que la charte ne risque pas d'entraîner pour les citoyens, c'est-à-dire pour chacun d'entre vous, des contraintes et des inégalités qui seraient contraires à l'esprit de la République.

Je crois notamment qu'aucun Français, aucun d'entre vous, ne trouverait normal de ne pas pouvoir être nommé fonctionnaire dans telle région parce qu'il ne parle pas telle langue régionale. Voilà donc un des points que j'ai fait mettre à l'étude.

D'ores et déjà, j'ai décidé que dès 1997, mon ministère intensifiera le soutien qu'il, apporte déjà aux actions en faveur des langues régionales et notamment à l'édition.

Mesdames et Messieurs, mes chers amis, par la magie de ce festival, Martigues redonne un sens à la fête : que la culture soit une fête de tous les jours, un bonheur pour tous, une fraternité partagée est le témoin de votre réussite.