Texte intégral
La Dépêche du midi : L'interdisciplinarité est au cœur de l'enseignement agricole de demain. Pourquoi ?
Louis Le Pensec : L'interdisciplinarité est une caractéristique forte de l'enseignement agricole et ceci pour au moins trois raisons.
La première est historique. L'enseignement agricole dont nous allons fêter le 150e anniversaire a été créé dès cette origine pour répondre au souci de former des praticiens capables, précisément de maîtriser plusieurs disciplines.
La seconde est contemporaine. Il est apparu dès les années « 60 », au moment du renouveau de l'enseignement agricole, que la compréhension de l'agriculture comme celle de la formation au métier d'agriculteur dans leur forme moderne faisaient appel à une mise en perspective des différentes disciplines entre elles.
La troisième est d'avenir nous voyons bien que les attentes que manifeste notre société à l'égard de l'agriculture sont de plus en plus nombreuses et complexes. Dans le même temps, il est attendu du monde agricole en général et du métier d'agriculteur en particulier d'être capables d'esprit de synthèse, d'être capables de gérer le court terme tout en s'inscrivant dans le long terme, d'être capables de gérer un territoire tout en pensant, la mondialisation des échanges.
Tout ceci suppose une capacité de passer d'un registre disciplinaire à un autre.
La Dépêche du midi : Faut-il imaginer de nouvelles relations entre l'agriculture et son environnement social, humain, économique ?
Louis Le Pensec : L'agriculture, dans sa grande phase de modernisation qui correspond très grossièrement à la seconde moitié du XXe siècle, a répondu à l'injonction suivante : assurer la sécurité alimentaire quantitative du pays. C'est autour de cette mission que les Lois d'orientation agricoles (LOA) de 1960 et de 1962 se sont construites. Aujourd'hui, il est très nettement demandé au monde agricole de continuer à la fois d'assurer cette mission alimentaire et de développer une approche plus qualitative que quantitative, ainsi que de prendre en compte la gestion durable du support de production que représentent le sol, le sous-sol, l'eau, le paysage. Ceci veut dire que les relations à construire entre l'agriculture et son environnement social, économique et bien star physique sont appelées à devenir plus complexes, plus riches, mais aussi – j'ose le dire – plus porteuses d'avenir que celles que nous connaissons actuellement.
La Dépêche du midi : Quel message fort souhaiteriez-vous faire passer auprès des participants au Séminaire national de formation qui se tient à l’École nationale de formation agronomique de Toulouse ?
Louis Le Pensec : Nous sommes incontestablement à un tournant quant à la place accordée dans nos sociétés modernes à l'agriculture, à l'alimentation, aux espaces ruraux et aux hommes. L'enseignement agricole a la chance d'être au cœur de ce débat. À lui de comprendre les enjeux qui s'expriment encore de façon parfois contradictoire. N'oublions pas que les jeunes qui rentreront dans le dispositif scolaire au début des années 2000 sont ceux qui feront l'agriculture de 2030 ou 2040. Je souhaite, qu'ils demeurent nombreux et acteurs de l'évolution de notre société. Pour y parvenir, l'enseignement agricole a un rôle évident à jouer. Si je devais résumer celui-ci en un seul mot je dirais aux enseignants : anticipons !