Article de M. Jean-Antoine Giansily, président du CNI, dans "Le Figaro" du 7 mai 1996, sur la politique étrangère de la France, la reprise des essais nucléaires et la présence de la France au Proche-Orient, intitulé "Les trois victoires de Chirac".

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L'entreprise de mystification post-mortem conduite par feu François Mitterrand dans deux ouvrages qui suscitent, jour après jour, les démentis les plus autorisés, n'y pourra rien changer : depuis la chute du Mur de Berlin, la France n'avait manifestement plus de politique étrangère. L'ancien président de la République n'a su ni pressentir, ni même accompagner les deux événements majeurs de cette fin de siècle : la réunification de l'Allemagne et l'écroulement de l'Union soviétique.

Pis encore : Il a commis la double faute de tout faire pour essayer de prolonger l'existence de la RDA et celle de l'URSS. Hostile à la réunification allemande, complice des efforts de Gorbatchev pour prolonger artificiellement l'un des plus sanglants régimes de l'Histoire, il s'est montré totalement impuissant en ex-Yougoslavie et au Moyen-Orient.

François Mitterrand, en un mot, a eu « tout faux ». Son bilan en politique étrangère est accablant. Grâce à Jacques Chirac, en revanche, la France a retrouvé presque instantanément sa place dans le concert des nations. Dans les premiers mois de sa présidence, il a pris un certain nombre de décisions qui, certes, n'ont pas toujours été bien comprises de nos amis européens, mais qui ont permis à la France de reprendre, sur le plan des idées, son leadership dans une Europe en construction et en mal d'objectifs.

Ainsi, en décidant de reprendre les essais nucléaires, au moment où il l'a fait (un mois après son élection), il a tenu à signifier au monde que la présence à l'Élysée, au cours des années précédentes, d'un chef de l'État physiquement malade, politiquement affaibli et complètement désorienté face aux changements du monde, n'était qu'un accident de l'Histoire, et que la France, qui fut une grande puissance militaire, entendait bien le rester en conservant l'outil nucléaire qui a forgé son indépendance.

En février dernier, Jacques Chirac s'était rendu à Washington pour signifier aux Américains que, même si la France estime qu'il faut renforcer le pilier européen de l'Otan, elle considère que l'Europe doit un jour s'organiser elle-même pour régler ses propres problèmes. Et, de fait, si aujourd'hui la reconstruction de l'ex-Yougoslavie est à l'ordre du jour, si cette région de l'Europe est en train de se pacifier, c'est bien parce que l'ancien officier de cavalerie Chirac, à peine élu président de la République, a obtenu qu'avec nos alliés américains, nous nous mettions en position de pilonner les batteries serbes et, par conséquent, d'arrêter un conflit qui ensanglante et endeuille notre continent depuis tant d'années.

Le mois dernier, Jacques Chirac s'est rendu au Liban et en Égypte. Il y a prononcé deux discours qui sont encore dans toutes les mémoires, car ils ont inauguré la grande rentrée de la France en Méditerranée orientale. La conséquence immédiate en a été une brillante victoire de la diplomatie française, conduite par Hervé de Charette, dont la pugnacité a fait merveille : le Liban est désormais partie prenante dans le règlement de la situation au Proche-Orient. L'escale que vient de faire, à Paris, Shimon Pérès, Premier ministre d'Israël, en a apporté une éclatante confirmation.

Reprise des essais nucléaires français, règlement du conflit bosniaque, rentrée de la France au Proche-Orient : trois victoires diplomatiques ont marqué le début du septennat. C'est suffisant, semble-t-il, pour bien augurer de la suite.

Jacques Chirac, nous l'avions constaté depuis longtemps, est de ceux qui ne se laissent pas impressionner par l'opinion publique, qu'elle soit sereine ou manipulée. Et qui, pour résoudre les dossiers les plus épineux, savent bien que rien ne remplace les idées claires et les convictions assurées.