Texte intégral
Mes chers amis,
Il m’appartient maintenant de conclure, au moment où s’achève l’université d’été, notre dernier grand rendez-vous politique avant la fin de l’année, et donc probablement notre dernier grand rassemblement radical de ce siècle. Vous êtes venus nombreux pour vous retrouver ensemble, ici à Ramatuelle, et je veux vous remercier, vous tous militantes et militants de ce parti, pour votre mobilisation, votre enthousiasme, mais aussi pour le sérieux des travaux que vous avez menés en atelier, tout en sachant donner un caractère festif à ce rassemblement empreint d’une convivialité rare et généreuse qu’on ne retrouve certainement pas chez les autres. L’adhésion au PRG [Parti radical de gauche] d’Enrico Macias, au-delà de son geste personnel d’encouragement, n’est-elle pas finalement l’incarnation même de nos espoirs ? Son combat pour l’amitié et le rapprochement des peuples, pour la protection des droits de l’enfant, pour l’universalisme, c’est aussi notre combat politique. Nous lui souhaitons donc chaleureusement bienvenue. Enrico, tu as ta place parmi nous, toute ta place. Je salue également Émile Vernaudon, député de Tahiti, et Gérard Delfau, sénateur de l’Hérault, qui sont venus à l’Assemblée nationale et au Sénat renforcer nos rangs. Enfin, je voudrais remercier une fois de plus Albert Raphaël, le maire de Ramatuelle, et nos amis de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Var, Yves Vidal, Jacques de Lustrac et aussi Michel Scarbonchi qui a, avec nos permanents, pensé et organisé ces journées. Bien sûr, je n’oublie pas non plus toutes celles et tous ceux qui ont bien voulu s’attacher à nourrir le fond de nos travaux, dans chacun des ateliers, animés par Roger-Gérard Schwartzenberg, Thierry Jeantet, Joëlle Dusseau, Dominique Saint-Pierre, Chantal Robin-Rodrigo et Lionel Stoléru. Merci aussi à nos invités Philippe Méchet, Dominique Vastel et Jean-François Cervel qui, avec compétence et pertinence ont éclairé nos débats.
Mes amis, l’université d’été est un moment privilégié pour faire le bilan de l’année presque écoulée et dresser des perspectives pour une rentrée particulièrement propice à la définition de nouveaux projets d’avenir. Revenons d’abord sur cette année 1999 qui restera marquée, pour nous, par la disparition de Michel Crépeau. C’est le 23 mars dernier que nous avons su que Michel Crépeau ne mourrait plus jamais. Michel est passé dans l’autre moitié de l’hémicycle, celle où les débats sont faits de silence et d’éternité. C’est, avec lui, un morceau de radicalisme qui se détache comme l’iceberg de sa banquise et s’en va flotter solitaire sur une mer sans fin. Et, l’Assemblée nationale se souviendra d’une éloquence juste et ciselée, précise et drôle, servie par le timbre et la coloration d’une voix extraordinaire et inoubliable qui captait et retenait définitivement l’attention de ceux qui tombaient sous son charme. Nombreux sont ceux ici, je le sais, qui doivent leur engagement politique à Michel Crépeau, tout à la fois, homme de conviction et de séduction, un exemple pour tous ceux qui ont le goût de la chose publique, la Res Publica. Sa disparition est survenue alors même que les radicaux se battaient sur les questions de justice, détention provisoire, réforme du Conseil supérieur de la magistrature, indépendance du Parquet, texte sur lesquels nous nous sommes abstenus pour ne pas mettre à mal la solidarité gouvernementale. Vous savez que nous avons fait de ces thèmes l’un des axes forts de notre action et nous y avons consacré de nombreux débats, l’année dernière déjà ici même, et hier après-midi encore. Vous avez d’ailleurs écouté tout à l’heure le rapport de l’atelier « Justice et libertés publiques ». Je n’y reviendrai pas car je sais que vous êtes maintenant devenus des experts en la matière. Ce n’est donc pas à vous que je m’adresse particulièrement, mais plutôt à nos partenaires de la majorité ainsi qu’à Élisabeth Guigou, garde des sceaux et ministre de la justice, qui doit elle aussi prendre en compte nos préoccupations, également exprimées par plusieurs partis de la majorité à notre suite.
Sur la présomption d’innocence et la détention provisoire en matière délictuelle, il s’agit à la fois de respecter les libertés individuelles en tenant compte de la dignité des hommes et des femmes parfois injustement incarcérés, opprimés par une violence morale inacceptable, celle de la pression psychologique et physique. Autoriser la présence d’un avocat dès la première heure de garde à vue, développer l’assignation à résidence avec surveillance électronique, limiter les recours à la détention provisoire, c’est ce que nous voulons et nous allons poursuivre ce combat pour tenter de le faire aboutir avant la fin de la législature puisque nous savons désormais que nous aurons le temps de le faire. Ce n’est pas la détermination qui nous manque, croyez-moi. Quant à l’indépendance du Parquet, je renvoie tous ceux qui se sont laissés séduire par le projet de loi du gouvernement, je les renvoie à l’intervention absolument remarquable, argumentée, j’allais dire « définitive », de Michel Crépeau à l’Assemblée, le 15 janvier 1998, où il expliquait pourquoi l’indépendance du Parquet est une idée antirépublicaine. J’en ai retenu quelques phrases qui me paraissent fondamentales et que beaucoup devraient méditer : – « Ce qui est en cause, c’est la nature même de l’État républicain, ses pouvoirs, la liberté et la dignité des citoyens, le fonctionnement d’un grand service public qui n’est pas tout à fait comme les autres. (…) – Il faut aussi que les magistrats soient responsables. Indépendants, oui, irresponsables, non ! L’inamovibilité est le contraire de la responsabilité, et il n’y a pas d’indépendance si l’on n’est pas soi-même responsable ». Non, les radicaux ne sauraient se satisfaire du projet de loi, tel que voté en première lecture, qui ne permet en rien de remédier aux dysfonctionnements de notre système judiciaire et nous voulons clairement faire de la justice la priorité de l’an 2000. C’était un peu aussi le thème de l’atelier sur le « Radicalisme et le XXIe siècle ». La justice, n’est-elle pas l’exemple parfait de ce pari sur l’avenir : s’appuyer sur les valeurs républicaines et sur les rêves de ceux qui ont fait le radicalisme à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, et apporter des réponses aux interrogations humaines du siècle prochain, en terme de solidarités, de lutte contre les inégalités, de primauté de l’individu, d’approfondissement et de protection des libertés individuelles et collectives, de réforme de la Constitution pour renforcer la République, sans cesse menacée dans ses fondements. Telles sont nos préoccupations. Et quand je vois que le débat politique de la rentrée s’esbaudit jusqu’à la fascination sur la baisse de la TVA sur les travaux immobiliers, ou se focalise sur les aigreurs de tel ou tel écologiste qui a raté sa nomination au secrétariat d’État aux travaux manuels, j’en viens à me demander si les radicaux vivent sur la même planète politique que les autres.
Vous l’avez compris, je souhaite en venir maintenant aux questions de politique nationale. D’abord les questions fiscales, économiques et sociales. Avant de faire un tour d’horizon politique portant sur les européennes et traçant des perspectives de travail pour préparer les prochaines échéances électorales, il me semble important de revenir sur un des feuilletons de l’été. Celui des raids boursiers qui se sont multipliés dans les secteurs bancaire, pétrolier et de la grande distribution. Les Français, au nom de la mondialisation et de la place que l’on doit tenir sur l’échiquier planétaire, ont vu des banques s’entredévorer, des grandes surfaces s’unir pour le meilleur des intérêts de leurs dirigeants et des pétroliers s’entredéchirer : BNP/Société générale, Carrefour/Promodès, Elf Aquitaine/Pétrofina. Pas une de ces OPA n’a été menée sans que l’on ne pose dès le départ comme postulat des plans massifs de suppression d’emplois. Oui, les Français ont des raisons d’être effrayés. On le serait à moins face à la logique implacable, antisociale de la seule quête du profit. Oui, les Français ont des raisons d’être désorientés face à l’impuissance avouée du ministre des finances et du Premier ministre, et face au renoncement du politique à peser sur les décisions qui engagent des milliers de nos concitoyens et, d’une certaine manière, l’économie nationale. Voilà pourquoi les Radicaux restent fidèles à leur conception d’un État puissant. Un État qui doit avoir les moyens de canaliser et d’orienter les règles du jeu. Et, là encore, nous revenons aux fondements de l’humanisme radical qui porte comme principe la primauté de l’homme sur l’économie et sur toute autre considération. Surtout au moment où la croissance économique reprend à un rythme plus soutenu et génère des rentrées fiscales importantes qui donnent au gouvernement une marge de manœuvre budgétaire inespérée. J’ai bien noté l’arbitrage de Matignon sur la réaffectation de cette manne et je tiens à dire que je n’en partage pas toutes les applications même si l’orientation générale est satisfaisante. Pour ma part, j’aurais préféré un geste significatif en faveur des plus démunis, avec un relèvement des minima sociaux, et une annonce plus rapide, dès l’an 2000, d’une baisse de l’impôt sur le revenu que, par ailleurs, vous le savez, les radicaux souhaitent réformer en profondeur. Revenir à l’esprit de l’impôt sur le revenu inventé au début du XXe siècle par Joseph Caillaux, un impôt personnel et progressif intégrant la CSG [contribution sociale généralisée], prenant en compte le patrimoine, de façon à assurer une authentique égalité devant le sacrifice fiscal. Tel est notre objectif. Et je souhaite qu’un parlementaire prenne en charge personnellement ce dossier de la réforme de l’impôt sur le revenu afin, en liaison bien sûr avec Bernard Castagnède, de déposer une proposition de loi en ce sens au Parlement. Bien entendu, nous nous réjouissons de l’engagement des baisses ciblées de TVA, notamment toutes celles permettant la reprise de l’activité dans les PME-PMI et l’artisanat. Il faut également, d’ici à 2002, clarifier l’action du gouvernement concernant les retraites. En effet, il me paraît souhaitable de prévoir, dès 2000, l’affectation de rentrées fiscales au fonds de réserve des retraites. « Gouverner, c’est prévoir » et la gauche doit faire la preuve de sa capacité à anticiper les difficultés à venir. Cependant, l’euphorie des nouvelles recettes fiscales ne doit pas faire oublier que les résultats sur l’emploi sont encore modestes et qu’après deux ans de gouvernement, nous sommes loin des objectifs fixés. Nous commencerons le XXIe siècle avec encore 10 % de la population active au chômage. C’est trop. Beaucoup trop. C’est pourquoi je souhaite que l’examen de la deuxième loi sur les 35 heures soit une nouvelle fois l’occasion pour les radicaux de présenter leurs propositions sur l’annualisation du temps de travail. Sans remettre en cause les engagements de 1997, et c’est la raison pour laquelle nous avons voté la première loi, nous restons toujours dubitatifs sur la capacité à créer massivement des emplois par une telle contrainte sur les entreprises. Je le dis ici plus clairement que l’année dernière, peut-être aussi parce que la loi sur les 35 heures entraînera de grandes difficultés d’application dans les PME-PMI : les radicaux sont favorables à une plus grande flexibilité du travail, dans un cadre régulé sur l’année, protégeant les salariés et permettant aux entreprises de s’adapter aux fluctuations du marché. Il n’y a là ni ultra-libéralisme, ni autoritarisme contraignant, mais seulement du bon sens. Oui, une réduction globale du temps de travail dans un cadre souple et annualisé nous paraît être la meilleure façon de créer des emplois sans pénaliser les entreprises qui sont l’essentiel du tissu de notre pays, qui sont le vivier de la création d’emplois. Là encore, je souhaite qu’un parlementaire, en liaison étroite avec André Sainjon, prenne ce dossier en main et le porte auprès des organisations syndicales et patronales, du Parlement au gouvernement. Répartir les fruits de la croissance, c’est bien mais il nous faut, pour ce faire, la durée. La gauche doit donc remporter les élections législatives et présidentielles de 2002. Il faut qu’elle s’en donne les moyens et que les radicaux y aient toute leur place.
Lionel Jospin a jusqu’à présent parfaitement su diriger un gouvernement qui peut s’enorgueillir de résultats importants depuis deux ans. Les engagements de 1997 sont respectés. Les dirigeants des partis de la majorité sont régulièrement rencontrés. J’en veux pour preuve la plus récente, le remaniement ministériel du mois de juillet où Lionel Jospin nous a consulté sur le choix du nouveau secrétaire d’État au commerce extérieur. Je saisis d’ailleurs cette occasion pour remercier chaleureusement notre ami Jacques Dondoux pour le remarquable travail accompli au gouvernement et pour féliciter tout aussi amicalement François Huwart qui déploie déjà tout son talent à Bercy pour agir avec efficacité. François, nous comptons sur toi comme sur Émile pour être auprès de Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn le relais des propositions des radicaux de gauche et, puisque j’évoque le commerce extérieur, je voudrais aussi féliciter notre ami Lionel Stoléru qui prend la tête du Centre français du commerce extérieur, et encore Claudette Brunet-Lechenault, Jacques Dondoux et Thierry Jeantet pour leur nomination au Conseil économique et social.
Revenons maintenant à l’aspect plus politique de cette rentrée. L’année dernière, ici même, j’avais pointé du doigt une droite sans leader et sans projet, n’arrivant pas à se relever de la défaite de 1997, une droite en proie à la discorde. J’avais dénoncé une droite kyrielle incapable de nourrir le débat démocratique face à une gauche plurielle cultivant la différence dans la solidarité. Un an plus tard, la situation ne s’est pas améliorée. Je note cependant avec intérêt que les conservateurs se rendent compte enfin que la société et les mœurs ont évolué. Oui, j’ai bien entendu avec quelque plaisir que Messieurs Sarkozy, Bayrou et d’autres semblent enfin entendre le message de la différence. Ces différences qu’ils ont pendant trop longtemps reniées et même de manière caricaturale lors du débat concernant le PACS [pacte civil de solidarité]. Car, dans la grande tradition libertaire des radicaux, nous avons été les premiers à proposer en 1997 le Contrat d’union civile et sociale, je vous le rappelle, afin de favoriser le libre épanouissement de chacun à l’intérieur et non en marge du lien social.
Quant aux élections européennes, elles ont eu un effet dévastateur à deux temps comme une bombe nucléaire qui détruit l’épicentre et laisse des brûlures à la périphérie. La droite a donc littéralement explosé le 13 juin dernier. Épicentre du cataclysme, la minorité présidentielle a disparu sous les décombres. Et, reconnaissons-le, si l’extrême droite ne s’était pas engagée simultanément dans un processus sadomasochiste d’autodestruction, qui continue d’ailleurs à notre grand plaisir, elle aurait pu devancer les listes de la droite républicaine. Certes, la défection de son électorat est sans doute une bonne nouvelle pour la démocratie. Mais le bon score de la liste Pasqua-Villiers est lourd d’inquiétudes pour l’avenir. Outre le fait que je n’arrive toujours pas à comprendre ce que Charles Pasqua est allé faire chez les aristocrates, même si Strasbourg vaut bien une messe, je constate avec une certaine amertume que beaucoup de thèmes de l’extrême droite se retrouvent dans les propos et les programmes du RPF [Rassemblement pour la France] qui, et ce n’est pas un hasard, a reçu le soutien de Charles Millon le 13 juin. C’est la raison pour laquelle il faut rester plus que jamais vigilant et je le dis en direction du Comité national de vigilance, dont nous avons laissé la présidence aux Verts l’année dernière : le terreau de l’extrémisme existe toujours. De même que le coca-cola a une version light, je crois bien que l’extrême droite française peut renaître sous d’autres formes que celle que nous connaissons. À cet égard, il conviendra de regarder attentivement les rapprochements locaux entre dirigeants et militants du Front national et du RPF en vue des élections cantonales et municipales. En tout cas, je le redis ici, je préfère une opposition républicaine de droite forte, et présente dans le débat démocratique à un no man’s land politique où l’électorat conservateur est laissé en pâture aux sentiments les plus bas et les plus malsains.
Mais le champ de ruines de la droite et le retour de la croissance économique ne doivent pas masquer les problèmes réels que traverse la majorité. Car on ne peut dire que la gauche sorte renforcée des élections européennes et les turbulences de la rentrée en témoignent. Tout d’abord, voilà ressuscitée une extrême gauche, donneuse de leçons mais toujours aussi peu participative au débat démocratique, limitée aux excès d’une utopie soi-disant révolutionnaire et réfractaire à toute réforme. Ensuite, nous avons un Parti communiste qui fait jeu égal avec les chasseurs. C’est dire si la descente aux enfers est terrible ! Certes, le communisme n’existe plus, ce qui explique bien des choses. Il reste encore cependant des communistes. Mais, si je reconnais que nos relations avec Robert Hue restent excellentes, force m’est de constater que le Parti communiste ne tient plus rien, à commencer par ses propres troupes. Aux sénatoriales dans l’Ardèche, aux cantonales à La Rochelle, des communistes ont préféré jouer la politique du pire en faisant barrage à des candidats radicaux. C’est la première fois que les communistes abandonnent le principe du désistement républicain en faveur du candidat de gauche le mieux placé. C’est totalement inacceptable et pour ma part, je suis bien décidé à ne pas tolérer de tels comportements. Dès lors, puisqu’il faut en arriver là, je vous confirme que les radicaux de gauche ne se désisteront plus en faveur de candidats communistes mieux placés pour le second tour. Et cette décision est immédiatement applicable pour toutes les élections à venir. Notre relation avec le Mouvement des citoyens s’est normalisée, depuis les accès de fièvre que nous avons connus pendant les européennes et qui, avec le recul, peuvent se comprendre venant d’une formation anti-européenne qui ne s’est jamais sentie à l’aise dans une campagne vraiment pro-européenne. La page est tournée. Le résultat, un score de 22 %, est loin de représenter les espérances que nous nous étions fixées, résultat valorisé en fait par l’échec de nos adversaires. Il doit donc être pris avec modestie et nous oblige à une réflexion accrue sur l’absence de motivation de nos concitoyens qui ont boudé les urnes démontrant par-là que l’avenir de la France dans l’Europe ne faisait toujours pas partie de leurs préoccupations principales. Puisque je parlais à l’instant de modestie, venons-en à nos amis les Verts. Les radicaux ont appris depuis bien longtemps que la première vertu en politique est l’humilité, or nos chers écologistes deviennent de plus en plus ego-logistes, sans cesse prêts à tout pour assouvir leurs ambitions personnelles. En 1994, notre liste énergie radicale conduite par Bernard Tapie recueillait deux millions et demi de suffrages et 12,5 % des voix. Nous n’en avons pas pour autant lancé des ultimatums à nos partenaires de gauche. Le succès ne nous est pas monté à la tête tant nous savons que l’élection européenne présente la spécificité d’un vote contestataire. Alors vraiment, je ne vois dans le score des Verts aucun motif à se gargariser. Je note qu’avec 9,7 % ils ont un score inférieur à celui qu’ils avaient réalisé en 1989. Il y a donc un fond électoral écologiste de gauche relativement stable, mais très inférieur à 10 % et qui s’est trouvé stimulé par la personnalité de Daniel Cohn-Bendit. De là à croire que l’heure de gloire a sonné, au point d’exiger un remaniement gouvernemental, passez-moi l’expression, mais les Verts ont un peu « pété les plombs » pour devenir adeptes de la chasse aux strapontins ! Pourtant, Dominique Voynet dispose d’un grand ministère de l’environnement et de l’aménagement du territoire où elle accomplit un formidable travail, reconnu de tous, et où sa capacité d’influence sur le gouvernement et le Premier ministre est loin d’être négligeable. Et s’ils veulent vraiment faire cavalier seul aux élections, nous disons d’accord, chiche. Nous relevons le défi, mais, dans ce cas, il faut aller jusqu’au bout. Et c’est cavalier seul non seulement pour les municipales, mais aussi pour les cantonales et surtout les législatives.
Cette mise en garde m’amène naturellement à vous parler des prochaines échéances électorales et aussi, pour conclure, de nos perspectives. Nous devons dès à présent préparer les élections cantonales et les municipales de mars 2001, les sénatoriales de septembre 2001, enfin législatives et présidentielles pour 2002. Un peu plus d’une année ne sera pas de trop pour travailler à tous ces rendez-vous politiques majeurs qui vont s’échelonner sur quinze mois seulement. Dès mercredi prochain, nous rencontrons le Parti socialiste pour traiter des futures têtes de listes aux municipales. C’est donc immédiatement que j’ai besoin de connaître les exigences que je serai amené dans les jours qui viennent à présenter à nos alliés et, en particulier, au Parti socialiste. Nous avons hélas perdu La Rochelle. Dans un climat favorable, je crois que nous devrions conquérir un certain nombre de municipalités. Je compte donc sur tous, sur les présidents de fédération, sur les élus pour se mettre au travail dès demain pour défendre nos intérêts. Et je demande à Michel Dary de mettre en place une commission électorale nationale afin de répertorier les municipalités où nous revendiquerons des candidats. Cela suppose que chaque fédération départementale, avant la fin d’octobre, ait transmis ses propositions au national. Nous devons fournir le même effort d’investigation pour les cantonales afin d’éviter, comme en 1998, la perte de conseils généraux en raison d’une mobilisation trop tardive. Et puis aussi, nous le savons, il n’est jamais trop tôt pour travailler sur les législatives qui parfois arrivent sans crier gare. Mes amis, ne nous y trompons pas.
Nos alliés socialistes, comme toujours et parce que les résultats économiques et sociaux du gouvernement sont bons, auront tendance à vouloir engranger seuls les bons résultats. Ils ne feront pas de cadeaux. Or, nous ne pouvons nous battre dans les négociations nationales que si nous avons sur le terrain des élus et des candidats solides, implantés, reconnus et incontestables. Ce travail ne souffre aucune improvisation, aucun retard. L’union de la gauche, celle qui peut nous faire gagner des municipalités et des cantons, se prépare avec minutie, longtemps à l’avance. Pensons aussi à respecter nos engagements vis-à-vis des femmes et vis-à-vis des jeunes qui ne sont pas encore suffisamment nombreux et impliqués dans la vie publique.
Mes amis, notre université d’été ne ressemble à aucune autre. Dans un peu plus de cent jours, en effet, nous rentrerons de plein pied dans le XXIe siècle. Qu’il nous paraît loin le temps où nos illustres prédécesseurs, sous l’impulsion de Léon Bourgeois, créaient en 1901 le Parti républicain, radical et radical-socialiste. Nous avons su, par-delà les tempêtes, les tiraillements, les changements, qui sont le lot quotidien de la vie d’une organisation politique, nous adapter à la réalité en mouvement. Le Parti radical de gauche est aujourd’hui la plus ancienne formation politique en France. Nous devons nous en féliciter et je me suis souvent posé la question, comme la plupart d’entre vous, mais qu’avons-nous que les autres n’ont pas ? Un passé qu’il s’agit surtout de ne pas renier, dont nous devons nous inspirer pour apprivoiser l’avenir. Une culture, chaque organisation politique a la sienne. Personnellement, j’opterai plutôt pour un état d’esprit. L’esprit radical. Il vit de relatif et non d’absolu. Il transcende les frontières des dogmes figés, des idéologies parfaites et vient toujours s’inscrire dans les limites de la raison. Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi un radical ne ressemble jamais à un autre radical. Tout simplement, parce que notre recherche continue de la liberté n’autorise ni mode d’emploi, ni mode de gestion, ni mode d’expression unique. L’esprit radical est en nous. Il nous faut le faire vivre et le faire connaître. Comme nous devons faire vivre et transmettre les valeurs républicaines ! Elles ont été au centre de notre atelier « Radicalisme et XXIe siècle ». Non, contrairement à ce que j’entends, à ce qui s’écrit parfois, la démocratie n’est pas en danger. La souveraineté du peuple est bien assurée et les contre-pouvoirs ont tendance à se multiplier, à se renforcer. Oui, c’est bel et bien la République qui est aujourd’hui écorchée et que nous devons défendre comme le faisait Pierre Mendès-France lorsqu’il affirmait : « La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire à l’encontre de l’inégalité, de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu’il reste un progrès à accomplir ». Jamais sûrement le besoin qu’a la France de valeurs radicales ne s’est fait autant sentir qu’aujourd’hui. Comment ne pas se rendre compte que trop souvent, les principes d’humanisme, de liberté, de laïcité, de solidarité et de tolérance sont bafoués. Je ne veux pas d’un futur où l’homme soit subordonné à la machine, quelle qu’elle soit, où l’homme soit génétiquement modifié, de quelque manière que ce soit, où l’homme soit réduit à s’alimenter aux hormones. Oui, pour les radicaux, il est urgent d’apprivoiser la qualité, de retrouver les voies d’un progrès véritable pour qu’il soit avant tout synonyme de bonheur. Ce bonheur qui est notre quête personnelle et permanente dans notre vie quotidienne, fondé sur une part de rêve qui manque cruellement aujourd’hui à l’action politique, et je vous demande de vous mobiliser pour porter haut et fort le message radical et prendre toute votre part dans les combats futurs.
Allez les radicaux, nous avons besoins de vous. La République a besoin de vous.