Interviews de M. François Léotard, président de l'UDF, à France 2 le 24, à France-Inter, Europe 1 et TF1 le 26 mars 1998, sur les présidents de conseil régional élus avec le soutien du FN et le débat au sein de l'UDF sur la question de leur exclusion.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du bureau politique de l'UDF, le 24 mars 1998, marquée notamment par le refus de M. Madelin de sanctionner les présidents de région élus avec le soutien du FN et l'appel de M. Bayrou à la création d'un "parti politique nouveau"

Média : Emission Journal de 19h - Europe 1 - France 2 - France Inter - Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

France 2 – Mardi 24 mars 1998

D. Bilalian : Des décisions ont-elles été prises ce soir, quant aux cinq membres de l’UDF qui ont accepté des présidences de région grâce aux voix du Front national ?

F. Léotard : Nous avons examiné bien sûr la situation politique issue des élections régionales, et nous avons pris la décision de demander aux présidents de régions qui se sont mis dans cette situation et dans cette situation d'impuissance, de démissionner. Et s'ils ne le faisaient pas, bien entendu, à ce moment-là – puisqu'ils sont en contradiction avec les décisions et orientations prises par l'ensemble du bureau politique de l'UDF il y a déjà quelque temps –, s'ils ne le faisaient pas, bien entendu, des procédures d'exclusion seraient engagées.

D. Bilalian : Cette chose est claire. On a dit que, à l'occasion de ce bureau, des hommes comme Monsieur Madelin – qui dans un premier temps avait félicité les nouveaux élus – n'étaient pas forcément d’accord avec vous. Tout le monde était d'accord, c'était l'unanimité ce soir ou c'est la crise ?

F. Léotard : Je ne connais pas un seul bureau politique de parti, en France, qui recueille l’unanimité ; en tout cas, c'est très rare. Donc, nous avons eu un débat, c'est vrai, mais il y a eu une très large majorité qui s'est 'exprimé dans le sens que je viens de vous indiquer. C'est à la fois une question de principe. Nous avions voté avant, et nous faisons appliquer ce que nous avions voté. Les électeurs de ces présidents n'ont pas été informés – avant l'élection – de cette alliance de fait. Et enfin, les valeurs que nous essayons de défendre – qui sont celles de l'humanisme libéral, du personnalisme, de l'engagement européen – ne sont pas, par définition les mêmes que celles du Front national. J'ajoute que les projets régionaux qui avaient été présentés par ces présidents, étaient profondément différents de ceux du Front national. Et donc il ne faut pas qu'il y ait tromperie. Si on veut essayer de faire en sorte que la vie démocratique des Français s'améliore, .il ne faut pas agir de cette manière devant les électeurs, ou plutôt après leur consultation, et dans les couloirs.

D. Bilalian : Ma question était plus simple : Monsieur Madelin a-t-il persisté dans sa position de soutien aux présidents élus ? Il n’y a pas unanimité, il y a des discussions.

F. Léotard : Pas unanimité.

D. Bilalian : Est-ce qu'on risque de déboucher sur une crise au sein de l'UDF ?

F. Léotard : Je m'efforcerai bien sûr de l'éviter. Mais sur ce sujet – comme sur un certain nombre d'autres – mais sur ce sujet capital, qui concerne la conscience de chacun d'entre nous, s’il doit y avoir des différences qui continuent à apparaître, eh bien, alors, il y aura des recompositions qui se feront. C'est évident. Nous n'avons pas à transiger sur des questions de conscience. Je ne peux pas accepter moi-même avoir combattu une certaine forme d’intolérance en région PACA, être aujourd’hui désavoué, alors que je n’ai fait que répondre à ce que nous avions ensemble décidé.

D. Bilalian : Je repose ma question autrement : va-t-il y avoir des claquements de portes à la sortie de la réunion ce soir ou pas ?

F. Léotard : Non, pas aujourd'hui. Il se peut que dans les jours qui viennent, nous ayons encore des discussions sur ce sujet. Et je plaiderai pour une UDF pacifiée, homogène – c'est-à-dire ayant·à défendre les mêmes valeurs –, et très attentive à l'efficacité de son message.

D. Bilalian : Dernière chose : quelqu'un a-t-il remis en cause votre statut de président de l'UDF ?

F. Léotard : Non, personne, personne. Mais j'ai bien indiqué qu'il n'était pas possible à quelque président que ce soit, de continuer à assurer cette fonction dans la confusion. Donc, j'ai besoin de clarté à l'intérieur de l'UDF, comme j'imagine d'autres en ont besoin dans d'autres formations. Et si ces clartés n'existaient pas, eh bien j'en tirerais les conséquences.

D. Bilalian : Vous pourriez éventuellement démissionner à ce moment-là ?

F. Léotard : S'il n'y avait pas cette clarté de la communauté des valeurs. Et je crois que ce soir nous l'avons obtenue. J'espère qu’on pourra aller un peu plus loin dans les jours qui viennent.


France Inter – Jeudi 26 mars 1998

F. Léotard : On ne change pas les choses par une déclaration à la télévision, par le principe du primat des convictions sur les ambitions. La solution à cette crise viendra de la base. Ma responsabilité, je la tiens d'un vote. Je n'ai pas l'intention de faire autrement que de respecter ce vote. Alors je ferai ce que j'ai dit c’est-à-dire ce que j'ai annoncé hier. Je réunirai au début de la semaine les cinq présidents de composantes, je vérifierai avec eux si le pacte fondateur de l'UDF a des raisons d'être renié ou rompu. Faut-il ou non continuer une aventure politique qui a été belle, qui a été utile à notre pays, qui je crois a fait apparaître toute une série de valeurs qui sont les nôtres ? Et il faudra bien que chacun prenne sa responsabilité. Je souhaite que oui.


Europe 1 – Jeudi 26 mars 1998

F. Léotard : Je suis pour ma part hostile à l'éparpillement de l'opposition. Je trouve, qu'elle prend un risque majeur si elle se morcelle en une multitude de chapelles qui ont comme seule vocation d'affirmer une identité parcellisée de l'opposition. Je dis oui à la compétition – je l'ai toujours dit – mais je dis non à l'éparpillement. La compétition, il faut la regarder en face ; moi je suis tout à fait favorable, bien sûr, à ce que nous fassions des primaires, avec le Rassemblement pour la République. Primaires européennes, primaires législatives, primaires présidentielles ; on ne va pas s'arrêter en chemin. Et ça veut dire que, si nous allons dans cette direction, je souhaite que se pose la question de savoir si c'est ce que souhaitent les électeurs de la droite française. Si l'on dit qu'il va y avoir des primaires entre l'UDF et le RPR, à quoi sert-il de diviser l'UDF en deux, en trois ou en quatre morceaux ? Ce serait une étrange conception des choses. Je crois que si nous devions aller vers une formation rénovée – ce que je souhaite depuis deux ans, et je suis un peu attristé de voir que c'est ceux qui ont le moins participé à la campagne régionale qui, aujourd'hui, posent le plus de questions ; mais je ne ferai pas de querelles de personnes parce que j'ai pour F. Bayrou une estime qui est réelle, qui ne me permet pas de dire autre chose que cette surprise que j'aie ressentie… Je crois donc que si nous devions aller vers une formation rénovée, qu'elle ne soit pas une écurie présidentielle est un vœu pieux. Mais je le formule néanmoins dans la mesure où nous aurons, encore une fois, avant cette élection capitale pour le pays, des élections législatives. On ne change pas les choses par une déclaration à la télévision, par le principe du primat des convictions sur les ambitions. La solution à cette crise, elle viendra de la base. Ma responsabilité je la tiens d'un vote ; et je n'ai pas l'intention de faire autrement que de respecter ce vote. Alors, je ferai ce que j'ai dit, c'est-à-dire ce que j'ai annoncé hier soir· : je réunirai au début de la semaine, les cinq présidents des composantes ; je vérifierai avec eux si le pacte fondateur de l'UDF a des raisons d'être renié ou rompu et pour quel objectif. Et je souhaite que le groupe UDF à l'Assemblée nationale et les groupes qui se réfèrent à l'UDF au Sénat puissent être consultés, sur la pérennité ou non de cette famille politique. J'ai moi-même posé la question, et ça n'est pas inscrit dans les tables de la loi : faut-il ou non continuer une aventure politique qui a été belle, qui a été utile à notre pays ? Qui, je crois, a fait apparaître toute une série de valeurs qui sont les nôtres ou non ? Et il faudra bien que chacun prenne sa responsabilité. Si je n'y arrive pas, être le président de l'UDF n’est pas le seul motif de bonheur dans la vie. Et dans cette hypothèse je ferais autre chose. Ça n'est pas en soi une horreur. Mais je m'efforce, dans les jours qui viennent, de mettre un terme à cette situation. Je peux ne pas y arriver, vous en serez les témoins ; et vous direz : M. Léotard a échoué !


TF1 – Jeudi 26 mars 1998

F. Léotard : Je rappelle que les présidents de région en question ne sont pas issus de l’Immaculée Conception. Cela n’existe pas dans la vie politique. Il y a des gens qui ont voté pour eux, il y a des gens qui sont issus du Rassemblement pour la République et qui ont voté pour eux sur instruction. Moi, je n’ai pas donné ces instructions.