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Allocution à l'occasion de l'inauguration de l'exposition « Aller Retour pour Voir », le mardi 4 juin 1996
En 1965, André Malraux, lors d'une visite de l'aéroport d'Orly sud déclarait – je le cite : « Le public ne va pas à l'art, l'art doit aller au public ». Plus de trente ans après, alors qu'on parle quelquefois du fossé entre une avant-garde qui serait coupée du monde et un public indifférent ou ignorant, cette assertion reste d'actualité.
L'art contemporain doit se populariser. Il faut que chacun, en France, y accède aisément et particulièrement en dehors des musées et autres institutions. Il est indispensable que l'art vienne au-devant des publics pour qu'ils se familiarisent.
C'est dans cet esprit qu'a été imaginée cette manifestation, ce parcours d'une oeuvre à l'autre intitulé « Aller Retour pour Voir », que j'ai le plaisir d'inaugurer aujourd'hui, en votre compagnie. Il s'agit d'un premier rendez-vous dans une démarche qu'il convient – que je souhaite – multiplier dans des lieux divers en France. J'ai immédiatement accepté la proposition des Aéroports de Paris de présenter des oeuvres d'art dans leurs espaces, puisqu'elle s'inscrit pleinement dans mes objectifs et je multiplierai ces initiatives qui permettent au plus grand nombre de rencontrer l'art dans des lieux inhabituels.
Chaque jour, des dizaines de milliers de passagers traversent ses espaces qui, bien que dévolus à l'attente et au passage, se prêtent admirablement à la présentation d'oeuvres d'art. De nombreux aéroports de par le monde l'ont d'ailleurs très bien compris et présentent régulièrement des oeuvres.
Voilà qui est exemplaire ; par le but, par la qualité des oeuvres, par le lieu d'accueil : les espaces les plus récents de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ; proposer, à l'attention de tous, douze sculptures représentatives des multiples formes de l'art contemporain.
Ces oeuvres ont été réalisées par certains des plus grands artistes de notre temps, qui ont marqué l'histoire récente de la sculpture : Arman, César, Robert Combas, Éric Dietman, Dominique Labauvie, Bernard Pages, Jean-Pierre Raynaud, Richard di Rosa, Niki de Saint-Phalle et Bernar Venet.
D'une grande force plastique, d'expressions très diverses, de la figuration libre au nouveau réalisme, réalisées en fer soudé, en bronze, en matériaux de récupération ou en polyester, ces sculptures trouvent là une belle occasion de sensibiliser l'ensemble des voyageurs à l'art de notre temps.
Elles éveillent l'intérêt d'un public qui n'a pas forcément le loisir ou la volonté d'en fréquenter les lieux consacrés que sont les musées ou les centres d'art.
On ne saurait trop rappeler que l'art est un patrimoine commun, dont il faut faciliter l'accès. Aujourd'hui, il a repris sa place dans la vie quotidienne, il investit l'extérieur, les jardins, les places ou les gares.
C'est également tout le propos d'une exposition mise en oeuvre par la délégation aux arts plastiques, intitulée « État des lieux : commandes publiques en France, 1990-1996 », qui se tient en ce moment au musée du Luxembourg, à Paris. Elle rassemble une sélection d'oeuvres inscrites dans l'espace public, partout en France. Elle témoigne de la présence de l'art moderne et contemporain, hors les murs des musées.
Il me reste maintenant à remercier tous ceux et toutes celles sans qui cette manifestation n'aurait pu voir le jour. À commencer par les Aéroports de Paris et son président, Jean Fleury, qui poursuit une politique d'échanges culturels. Je le félicite vivement. Mes remerciements s'adressent aussi, à Jean-Pierre Poggi, commissaire de cette exposition, et à Didier Hamon, directeur de la communication et de l'environnement.
Je veux remercier enfin, très chaleureusement, les prêteurs des oeuvres, les artistes, les galeries Benamou et Gravier, Beaubourg, Maeght, Navarra, JGM, Claudine Papillon et Zinzen Productions qui ont consenti pour l'occasion au prêt exceptionnel d'oeuvres maîtresses de leur collection.
Je vous souhaite donc de les découvrir, ici, dans ce lieu propice aux rêves où elles sauront capter l'attention de tous et susciteront de nouvelles vocations.
Allocution à l'occasion de l'inauguration de l'exposition « Un siècle de sculpture anglaise », à la Galerie nationale du Jeu de paume, le mercredi 5 juin 1996
C'est un honneur et c'est un plaisir, madame, de vous accueillir ici pour ouvrir avec vous l'exposition que la Galerie nationale du Jeu de paume consacre à « Un siècle de sculpture anglaise ».
Votre présence, en effet, est la meilleure garantie de l'intérêt suscité en Grande-Bretagne par cette manifestation. Elle rassemble les plus prestigieux sculpteurs britanniques de ce siècle ; un grand nombre, que je me plais à saluer particulièrement, nous ont fait l'amitié d'être présents pour cette inauguration.
C'est, avant l'ouverture de la rétrospective Francis Bacon au Centre Georges-Pompidou, le lancement de ce qui s'annonce comme une brillante saison d'art anglais.
Réalisée avec le British Council, cette manifestation est exemplaire de notre souci, en cette fin de siècle, de prendre pleinement conscience de ce qui fonde notre culture commune et notre identité européenne. Trop longtemps, chacun de nos pays a vécu dans la méconnaissance de l'histoire et de la spécificité de nos cultures réciproques.
L'Europe est aujourd'hui une raison nouvelle, tout en respectant nos singularités, de chercher ce qui, d'abord, nous rassemble. Elle nous distingue des autres cultures du monde. Elle montre que l'Europe, si elle devient chaque jour un fait politique plus affirmé, est depuis longtemps une véritable réalité culturelle.
La sculpture, madame, est un art qui a la réputation d'être pesant. Peut-être le génie anglais fut-il, avec Barbara Hepworth et Henry Moore, d'être capable de passer au travers des contingences matérielles ; en trouant le volume même de la matière, il nous permet de voir plus loin.
Cette vision d'avenir, dans le grand pays de tradition qui est le vôtre, est bien la seule tradition que se soient reconnus les sculpteurs anglais. Je pourrais, pour le démontrer, énumérer, de Jacob Epstein à Rachel Whiteread ou Damien Hirst, tous ceux que rassemblent ici cette exposition. Tous partagent le sens de l'audace, le goût inné de l'invention, le pouvoir de convaincre.
Il est certain que ces oeuvres – c'est là leur grande force, même pour celles qui sont déjà historiques – possèdent le pouvoir de susciter les interrogations. L'art n'est-il pas, en effet, selon les mots de René Char, ce « … merveilleux moment, où l'homme n'avait pas besoin de silex, de brandons pour appeler le feu à lui, mais où le feu surgissait sur ses pas, faisant de cet homme une lumière de toujours et une torche interrogative » ?
Madame, je voudrais, en cette occasion, émettre un voeu auprès de votre altesse royale : celui que le regard que le public français va pouvoir porter, à partir d'aujourd'hui, sur la sculpture anglaise et sur l'art de ce siècle dans votre pays trouve bientôt, en Grande-Bretagne même, son image en miroir.
Une grande exposition consacrée aux artistes français contemporains pourrait permettre, à son tour, au public britannique de conforter cette connaissance mutuelle et d'accroître ce dialogue qui permet, comme l'écrivait Paul Valéry, je le cite, de « … s'enrichir de nos différences mutuelles ».
Ainsi seront encore renforcés ces liens d'estime et d'amitié entre nos deux pays dont témoigne, madame, votre présence ici et aujourd'hui.
Allocution à l'occasion de l'inauguration de la sixième édition du Printemps de Cahors, le vendredi 14 juin 1996
Le Printemps de Cahors inaugure, aujourd'hui, sa sixième édition. C'est une jeune manifestation qui a néanmoins su, en peu de temps, acquérir une renommée nationale et internationale. Elle devient un rendez-vous très attendu dans le domaine de la photographie contemporaine, aussi bien par les artistes et par la presse, que par un public de plus en plus nombreux.
Cette notoriété et ce succès, le Printemps de Cahors les doit, tout d'abord, au dynamisme et à l'enthousiasme de sa présidente, Marie-Thérèse Perrin. C'est elle, en effet, qui est la créatrice et l'âme de cette manifestation. Manifestation exemplaire, tout d'abord, par le fait que, née d'une initiative individuelle, elle trouve encore à ce jour près des trois quarts de son financement auprès du mécénat d'entreprise. L'État et les collectivités territoriales apportent le complément du budget.
Exemplaire, cette manifestation l'est aussi par son enracinement dans une ville. C'est en effet la ville de Cahors tout entière qui participe à la bonne marche de ce festival, par les subventions que sa municipalité apporte, par la bourse d'aide à la création qu'elle attribue chaque année à un artiste, par le concours précieux de ses équipes techniques.
Manifestation exemplaire enfin et peut-être surtout par l'enthousiasme et la générosité de ses habitants, notamment les très nombreux bénévoles, sans lesquels le festival ne pourrait avoir lieu.
Le Printemps de Cahors déborde toutefois largement le cadre de la ville qui l'accueille. Par le biais du conseil général, c'est le département tout entier qui y est associé, tout particulièrement cette année à travers une belle opération pédagogique auprès des écoliers du Lot.
Le conseil régional, quant à lui, prend progressivement la mesure de la création régionale d'une manifestation qui tisse des liens de coopération avec d'autres institutions de la région, comme l'espace d'art moderne et contemporain de Toulouse/Midi-Pyrénées, ou le centre d'art contemporain de Castres.
L'État, par le relais de la direction régionale des affaires culturelles Midi-Pyrénées, apporte un soutien fort à ce festival. Il a su allier originalité et rigueur artistiques à une ouverture à de nouveaux publics. Le plaisir de la découverte n'y exclut jamais le souci d'informer et le sens de la fête.
Cette réussite est le fruit du travail d'une équipe dont Marie-Thérèse Perrin a su s'entourer, et à laquelle elle a su accorder sa confiance. Jean Lelièvre a organisé la partie nocturne, qui est considérée, à juste titre, comme l'une des réussites de ce festival. Grâce à cette animation, c'est un très large public qui est sensibilisé à la création contemporaine, et qui redécouvre aussi une ville plongée dans une véritable magie des images.
Régis Durand, qui assure la direction artistique et le commissariat des expositions depuis cinq ans – avec la collaboration cette année, comme en 1994, de Chantal Grande – a su, par la justesse et la continuité de ses options, faire de Cahors un lieu privilégié de la création photographique en Europe. Il a su faire la preuve qu'un public très important existait pour les formes les plus vivantes de la création, à la condition que cette création s'accompagne d'un respect des publics et d'un souci pédagogique constant.
Il a surtout, dans ses fonctions d'inspecteur au sein du ministère, ainsi que de critique, montré également que la photographie n'était pas un milieu refermé sur lui-même, mais au contraire devait s'ouvrir à d'autres formes contemporaines de l'image-vidéo, images numériques, cinéma.
La participation au Printemps de Cahors de la Cinémathèque française, qui vient y présenter quelques-uns de ses nombreux trésors, en est un témoignage.
Le Printemps de Cahors est particulièrement attentif à la diversité des expressions plastiques d'artistes, confirmés ou jeunes, qui lui donnent un horizon international. En contrepoint, les projections retracent une grande rétrospective de la création photographique contemporaine.
Un hommage à Lee Friedlander couronne l'ensemble du festival, nous rappelant que la photographie demeure un moyen d'expression et de perception du monde inépuisable.
Sans pouvoir tous les citer, le festival propose un panorama intéressant des créateurs actuels dans le champ de l'image construite, notamment Laurie Simmons et de Jorge Ribalta ; de la réflexion critique à travers le travail de Timothy Mason, Alfredo Jaar, Seton Smith ; de la vidéo, à travers les oeuvres de Gary Hill et d'Ange Leccia.
J'ai le plaisir, ici, de rappeler que voilà quelques jours, j'ai donné mon agrément à la nomination de Régis Durand à la direction du Centre national de la photographie.
Je suis sûr que Régis Durand saura, avec intelligence et enthousiasme, mettre l'expérience acquise à Cahors au service de la mission qui vient de lui être confiée. Je le félicite pour sa nomination en qualité de directeur du Centre national de la photographie.