Texte intégral
Monsieur le Président de l'Université Keio,
Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Délégué général du Québec,
Monsieur le Député,
Monsieur le Président de la Fédération internationale des professeurs de français,
Monsieur l'Académicien,
Monsieur le Directeur général adjoint de l'UNESCO,
Monsieur le Secrétaire général de l'Agence de coopération culturelle et technique,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais, en premier lieu, vous dire combien je me réjouis d'être parmi vous, représentants des associations de professeurs de français, professeurs de l'enseignement supérieur, de l'enseignement secondaire et primaire qui participez à cette rencontre mondiale qu'organise, tous les quatre ans, la Fédération internationale des professeurs de français.
Ma présence aujourd'hui porte témoignage de l'intérêt majeur que mon gouvernement accorde à la diffusion de la langue française, ainsi que du soutien qu'il entend apporter à ceux qui s'y consacrent, c'est-à-dire, au premier chef, à vous-mêmes et à ceux que vous représentez. Je saisis donc l'occasion de cette réunion pour adresser à tous, au nom du gouvernement français, un message de gratitude et de confiance. Mes remerciements s'adressent aussi aux représentants des pays de la Francophonie, qui sont venus nous apporter le soutien d'une solidarité francophone qui nous est chère, et aux organisateurs de cette réunion, la Fédération internationale, l'Association japonaise des professeurs de français et l'Université Keio.
J'ai parlé de confiance. Nos efforts conjugués, en effet, les vôtres, ceux de la France et des autres États francophones, assurent au français une place enviable, dans la quasi-totalité des systèmes d'enseignement. Le français fait en effet partie du tout petit nombre des langues qu'il est possible d'apprendre dans pratiquement tous les pays. On estimait en 1994, après une progression de 2 millions en 10 ans, à près de 57 millions le nombre des personnes touchées, en dehors de France, par l'enseignement du français.
A titre d'exemple, je rappellerai que le français progresse en Israël et dans les Territoires palestiniens ainsi que dans plusieurs pays d'Europe centrale et orientale. Il est redevenu matière obligatoire pour le diplôme de fin d'études en Tunisie. Il vient d'être réintroduit au Panama et au Salvador et dans les provinces du nord du Mexique. Son enseignement a été renforcé en Malaisie. Il a marqué des points en Afrique sub-saharienne francophone et lusophone. Il demeure globalement stable en Europe.
Ainsi nos efforts – vos efforts – portent-ils leurs fruits, que l'on peut sans doute juger modestes, mais qui prennent tout leur sens quand on connaît les conditions générales souvent difficiles dans lesquelles nous devons les obtenir.
Ces efforts, ce sont d'abord les vôtres, vous qui dispensez des cours de français ou en français à travers le monde. Vous mettez en œuvre des méthodes pédagogiques innovantes, diversifiées, adaptées, comme il convient, aux conditions locales particulières dans lesquelles vous exercez. Vous intervenez dans des contextes variés, cours de français au niveau scolaire, enseignement universitaire, établissements français à l'étranger, classes bilingues ou filières bilingues, notamment, toutes formules qui traduisent la vitalité culturelle du français.
Ce sont aussi les efforts des États francophones et singulièrement de mon pays. Il n'est pas besoin de revenir sur les dimensions du réseau qu'il met à la disposition de la Francophonie : ce sont 300 établissements scolaires français à l'étranger (ils accueillent 170 000 élèves, majoritairement étrangers) 150 centres et instituts culturels, 250 alliances françaises.
Ce congrès lui-même, qui a bénéficié d'un important soutien financier, tout comme le précédent, il y a 4 ans, traduit lui aussi la détermination du gouvernement français à soutenir les initiatives de nature à favoriser l'apprentissage de notre langue commune.
Dans un registre plus politique, je puis vous confirmer que cette préoccupation tient une place importante dans les relations bilatérales et multilatérales que la France entretient avec ses partenaires. Je rappellerai, à titre d'exemple, notre activité dans le cadre des institutions francophones, mais aussi, dans un contexte plus large, nos interventions pour défendre, dans toutes les enceintes internationales, le principe de la diversité linguistique.
Comme le soulignait, en effet récemment, le Premier ministre du gouvernement français, dans le numéro spécial du « Monde de l'Éducation » paru à l'occasion de ce congrès mondial, il existe bien, aujourd'hui, pour la première fois dans l'Histoire de l'humanité, « un risque majeur d'uniformisation induit par le développement de technologies qui favorisent la mondialisation des échanges et de la communication ». Ce disant, je n'entends nullement jeter une pierre dans le jardin de nos amis anglais, dont la langue et les cultures, tout autant que celles de chacun de nous, ont tout à redouter de ce processus, mais plutôt exprimer une inquiétude et expliquer le sens de l'action qui doit désormais être la nôtre.
Je crois qu'il nous appartient, à nous, francophones, de rappeler les mérites du pluralisme culturel et linguistique et de mettre nos actions en conformité avec ce principe.
C'est ainsi par exemple, que le ministère français de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, organise, pour favoriser une diversification linguistique effective, des épreuves de langue vivante au baccalauréat, dans plus de 20 langues.
Il est en cela fidèle aux positions prises par la France dans diverses instances internationales, que ce soit l'OMC, l'ONU, qui a adopté une résolution sur le plurilinguisme ou encore l'Union européenne, au sein de laquelle la France, lors de sa présidence, au cours du premier semestre 1995, a suscité deux initiatives en ce sens, adoptées par l'ensemble des États membres :
– une résolution visant à l'amélioration de la qualité et à la diversification de l'apprentissage et de l'enseignement des langues au sein des systèmes éducatifs ;
– un mémorandum visant à faire prendre en compte, dans l'ensemble des politiques communautaires, la dimension linguistique et culturelle de l'Union.
Plus récemment encore, nous avons tenu à ce que ce principe du plurilinguisme soit réaffirmé lors de la Conférence de Midrand, en Afrique du Sud, sur la société de l'information.
Aussi, suis-je convaincu que les différents pays du monde mesurent, de plus en plus, ce risque d'uniformisation. A travers les entités régionales qui se renforcent dans le monde, l'Union européenne, l'ALENA, l'ASEAN, le Mercosur, notamment, à travers les solidarités qui se nouent aujourd'hui entre pays francophones, arabophones, lusophones, hispanophones pour ne citer que quelques langues de diffusion internationale, nous parviendrons, j'en suis sûr, à favoriser l'émergence d'un monde pluriculturel et plurilingue.
Ces faits illustrent la prise de conscience croissante des plus hauts responsables de la communauté internationale sur le danger que constituerait la référence à une langue et un modèle culturels uniques. La tour de Babel constitue pour le progrès une menace bien moindre que la perspective de l'affaiblissement des identités.
C'est donc au nom de ces principes que la France entend agir en faveur du maintien du statut international du français.
Mais nous savons aussi que la permanence de ce statut réside tout autant dans la vitalité et la capacité de la langue française à rendre compte de la réalité la plus concrète de notre époque.
Le français est, de longue date et toujours aujourd'hui, porteur de réflexions, de créations, de découvertes, d'inventions dans tous les domaines. C'est la langue de Voltaire et de Proust, mais aussi celle des écrivains contemporains, dont j'ai plaisir à saluer la participation à ce congrès, profondément engagés dans les débats de notre société contemporaine – Michel Serres, Ismaël Kadare, Tahar Ben Jelloun, Antonine Mallet, Henri Lopez, Yves Simon, Raphaël Confiant. C'est aussi la langue des élus, hommes d'affaires, journalistes, universitaires qui sont venus apporter le témoignage vivant de la fécondité de la culture française. C'est la langue de Pasteur, de Curie, mais aussi celle de scientifiques qui conduisent des travaux à la pointe de la recherche la plus actuelle, distingués, très récemment encore, par des Prix Nobel ou des médailles Fields.
C'est la langue dans laquelle des étudiants du monde entier – nous en accueillons près de 160 000 en France – viennent dans tous les pays de la francophonie, suivre des enseignements universitaires ou poursuivre des recherches dans des domaines d'excellence.
C'est enfin, bien entendu, un espace de communication entre tous les francophones de la planète. Le véhicule d'une information dont la diffusion s'est élargi grâce aux nouvelles technologies de la communication.
En d'autres termes, le français n'est pas seulement cette langue à laquelle beaucoup reconnaissent des qualités particulières qui leur inspirent un attachement affectif, mais c'est aussi un vecteur riche de contenus, de développements, d'ouvertures, de modernité. C'est en faisant la démonstration quotidienne de son utilité dans la vie professionnelle, de son aptitude à véhiculer des contenus scientifiques, économiques, technologiques, culturels que nous favoriserons le plus efficacement la diffusion de la langue française.
Expliquez, dites aux décideurs que vous rencontrez, aux parents de vos futurs élèves et de vos étudiants que la langue que vous enseignez, c'est celle des chercheurs les plus reconnus, au niveau international, dans les secteurs de pointe des sciences de la vie et des biotechnologies, dans les mathématiques, l'intelligence informatique, les sciences des matériaux, l'astrophysique. Que c'est aussi celle des ingénieurs qui construisent les trains parmi les plus rapides du monde, qui ont la maîtrise d'œuvre de la fusée Ariane et de l'Airbus, qui, après avoir créé le Concorde, travaillent au développement du futur avion spatial.
Dites-leur que le français est une langue parfaitement adaptée à l'expression des normes, à la rédaction des contrats, au droit des affaires ; que c'est une des deux langues de travail des grandes organisations internationales et plus généralement une des deux langues de la diplomatie. Et n'oublions pas que le français est aussi langue olympique, ainsi que le monde entier a pu le constater il y a peu de temps.
Cette certitude, qu'il convient de faire partager et de manifester hautement, paraît le plus sûr garant de l'avenir du français.
Encore convient-il de ne pas relâcher notre effort.
Les associations que vous représentez ou auxquelles vous appartenez me paraissent à cet égard avoir deux fonctions d'égale importance et concourant l'une et l'autre au développement de l'apprentissage du français :
– la première est de constituer des groupes de pression pour la défense des intérêts de votre profession et d'être à ce titre des interlocuteurs reconnus des responsables éducatifs nationaux et régionaux ;
– la seconde, plus traditionnelle peut-être, est d'être un lieu d'échanges et de rencontres ayant vocation à enrichir la réflexion et les pratiques en matière d'enseignement du et en français.
Votre capacité d'intervention est, en effet, considérable. Hors de France, on estime à près de 900 000 le nombre de personnes du primaire au supérieur qui enseignent en français ou qui dispensent des cours de français langue étrangère ou langue seconde et la Fédération internationale des professeurs de français regroupe près d'une centaine d'associations et environ 60 000 enseignants.
Le gouvernement français entend bien poursuivre son soutien à la Fédération internationale des professeurs de français, comme ce congrès mondial en fournit l'illustration et je souhaite que, dans le cadre d'actions concertées avec nos ambassades et à travers de véritables partenariats, les associations représentatives puissent continuer à bénéficier de l'aide des pouvoirs publics français.
Il pourrait être utile, à cet égard, d'étudier la possibilité de renforcer le rôle de la Fédération internationale des professeurs de français dans le cadre des institutions multilatérales francophones et de réexaminer son statut. Vous constituez en effet une avant-garde militante de l'usage du français dans le monde, vous en représentez l'avenir, car vous formez les futures générations de francophones. Il me paraîtrait donc légitime que votre représentation puisse être améliorée au sein des instances de la Francophonie.
Mesdames, Messieurs, vous voici à pied d'œuvre pour préparer l'avenir et votre prochain rendez-vous, qui devrait se tenir en l'an 2000.
Le pôle multimédia mis en place par les organisateurs, avec son aspect de haute technologie, devrait vous aider à orienter vos réflexions. Il permettra en outre aux enseignants de français, aux observateurs et aux journalistes de se familiariser avec les moyens modernes de diffusion de la langue et des cultures francophones.
Je tiens à saluer, en particulier l'initiative de TV5 et MCM qui ont saisi l'occasion de ce congrès pour lancer à partir du satellite ASIASAT 2 leurs programmes en direction de l'Asie. La réception, en direct, par parabole des signaux émis par ces deux chaînes constitue une première et une innovation particulièrement utile pour les enseignants, dont je souhaite qu'ils puissent tirer profit.
Des conditions particulièrement favorables me paraissent donc avoir été réunies par les organisateurs de cette manifestation, au premier rang desquels je citerai le comité organisateur japonais et son président, le professeur Kato, les responsables de la Fédération internationale des professeurs de français et notre ambassade pour que vos travaux connaissent le meilleur déroulement. Je les en félicite et les en remercie et forme le vœu que ces journées soient l'occasion d'une réflexion féconde et inspirent des conclusions dynamiques.