Interview de M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération, dans "Valeurs actuelles" du 27 juillet 1996, sur l'aide au développement pour lutter contre l'immigration clandestine, intitulé "Aider les Africains à rester chez eux".

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Média : Valeurs actuelles

Texte intégral

Valeurs Actuelles : Après cette « tournée », quel est votre diagnostic ?

Jacques Godfrain : Il suffit d se rendre sur place pour voir que l’Afrique ne va pas aussi mal qu’on le prétend. Le processus de mise à niveau du continent est bien engagé. L’Afrique connaît un taux de croissance de plus de 5 %. La progression des revenus, agricoles et autres, est beaucoup plus rapide qu’en Europe. Évidemment, il y a le sida, le Burundi et bien d’autres problèmes. Quand il s’agit d’Afrique, on ne parle que de ce qui va mal ! Pour certains, le moindre doute sur la régularité d’une élection devrait nous conduire à suspendre toute politique de coopération. Mais quand il s’agit d’aller faire du commerce en Extrême-Orient, on n’évoque ni les atteintes aux droits de l’homme ni l’extrême misère d’une partie de la population. Autre exemple : Sarajevo est au cœur de l’Europe est fichue. En Afrique, il faudrait considérer que la Mauritanie est perdue parce que le Burundi va mal. C’est absurde ! Il y a actuellement deux poids et deux mesures dans l’image quel l’on se fait des continents.

Valeurs Actuelles : Les Français ont souvent l’impression que nous subventionnons l’Afrique à fonds perdus…

Jacques Godfrain : Ils ont tort. Lorsque nous effaçons la dette des pays africains, au Gabon ou ailleurs, nous ne nous contentons pas d’effacer la dette. Nous exigeons, en contrepartie, que les crédits budgétaires ainsi libérés soient affectés à des projets utiles à la population. Au Gabon, c’est une route, ailleurs, ce peut être un hôpital ou des centres sociaux. J’ajoute qu’aider l’Afrique est le seul moyen d’aider les Africains à choisir de rester chez eux.

Valeurs Actuelles : Donc un moyen de lutte contre l’immigration sauvage…

Jacques Godfrain : Oui, car la politique des charters, certes utiles, ne peut suffire à résoudre le problème. Une politique de développement bien menée contribue à fixer les populations dans leur pays d’origine, et elle nous permet d’exiger des dirigeants de ces pays qu’ils jouent le jeu, et notamment qu’ils acceptent de « reconnaître » les ressortissants que nous décidons de leur renvoyer. Ainsi, en septembre, je serai au Mali pour mettre en route un programme de développement local. Croyez que le lien entre aide et lutte contre l’immigration clandestine sera clairement établi.

Valeurs Actuelles : Venons-en à une question plus locale. Près de Millau, votre ville, va bientôt être construit un viaduc haut comme la tour Eiffel. Le projet retenu est déjà contesté…

Jacques Godfrain : Esthétiquement, j’aurais préféré un autre projet. Mais maintenant, l’essentiel est que ce chantier se fasse. Ce sera le plus grand ouvrage terrestre du monde. Un atout formidable pour notre ville et pour tout l’Aveyron. Pensez aux emplois que le viaduc va créer, à tous les métiers nouveaux qu’il va susciter ! Pensez que des millions de personnes viendront chez nous pour l’admirer ! Il faudrait être fou pour laisser passer cette chance.