Interview de M. Daniel Vaillant, secrétaire national du PS, dans "Le Nouvel économiste" du 14 juin et article dans "Vendredi" du 21 juin 1996, sur la stratégie du PS et sur la politique gouvernementale.

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Média : Le Nouvel Economiste - Vendredi

Texte intégral

Le Nouvel Économiste : 14 juin 1996

Le Nouvel Économiste : Pourquoi le PS est-il beaucoup plus offensif vis-à-vis des chefs d'États et du gouvernement ?

Daniel Vaillant : Le Parti socialiste a estimé qu'il y avait un délai à observer vis-à-vis des Français qui ont élu Jacques Chirac et pas Lionel Jospin. Cela ne nous a pas empêchés d'être clairement dans l'opposition dès juillet 1995 sur la TVA ou pendant les mouvements sociaux. Mais nous n'étions pas, à cette époque, en mesure de proposer une alternative politique. Aujourd'hui, Lionel Jospin a eu l'intuition politique qu'il fallait hausser le ton.

Le Nouvel Économiste : Ce sursaut ne viendrait-il pas plutôt des rumeurs d'élections législatives anticipées ?

Daniel Vaillant : Nous ne nous laisserons pas imposer un calendrier par la droite. Depuis que Lionel Jospin est devenu le secrétaire du PS, le 14 octobre, nous avons remis la machine en marche, les commissions fonctionnent à nouveau. En 1997, nous tiendrons notre congrès et commencerons à discuter avec les autres forces de gauche afin de proposer un contrat aux Français. Nous ne voulons pas d'une victoire par défaut en 1998.

Le Nouvel Économiste : Le PS n'est-il pas en train de se gauchir, par exemple, en rétablissant, en cas de victoire en 1998, l'autorisation administrative de licenciement ?

Daniel Vaillant : Nous avons voulu nous rassembler sur un projet lisible. Ce que nous disons, c'est que si nous revenons aux affaires, on ne pourra plus licencier aussi facilement.


Vendredi : 21 juin 1996

Parler fort

Davantage de chômage, davantage d'impôt, davantage de déficits, voilà ce qui justifiait la motion de censure du gouvernement déposée par l'ensemble de la gauche à l'Assemblée nationale. Mais Alain Juppé n'apprécie ni les échecs ni les critiques qui vont avec. Alors il polémique, il accuse, il caricature, il provoque, ne laissant à aucun autre de ses ministres, pas même à M. Toubon occupé à d'autres tâches, la charge de l'attaque personnelle. Dans le même temps, le Garde des sceaux se livre à l'exercice aussi périlleux que méticuleux de l'étouffement des affaires : après avoir réussi à sortir Alain Juppé d'un mauvais pas, puis être parvenu à faire classer la procédure concernant Gérard Longuet. Il est à l'ouvrage pour dessaisir le juge Halpen, sauver ainsi Jean Tiberi, et à travers lui l'ensemble du système de financement du RPR lié à la ville de Paris.

Parallèlement, le pouvoir s'installe chaque jour plus solidement dans les médias : après les nominations de responsables proches de la majorité à Radio France, à RFI et à RMC, c'est France Télévision qi voit s'installer d'anciens collaborateurs d'excellences de l'UDF ou du RPR. M. Péricard rêve déjà d'une résurrection de l'ORTF, qu'il servait à l'époque comme journaliste. Comme le temps passe !

Sans doute le gouvernement pense-t-il échapper à la censure des Français en favorisant celle des juges et des médias. Mais la grossièreté des méthodes, la gravité des « affaires » et l'ampleur des erreurs de politique économique donnent à cette stratégie de la manipulation bien peu de chance d'aboutir, à la condition néanmoins que les socialistes fassent entendre fortement leur voix.