Texte intégral
Commission mixte franco-tunisienne allocution d'ouverture du ministre des Affaires étrangères, M. de Charrette, à Paris, le 4 septembre 1996
Monsieur le Ministre,
Cher collègue et ami,
C'est avec plaisir que j'ouvre avec vous cette nouvelle session de la Commission intergouvernementale franco-tunisienne. Depuis sa dernière réunion en juin 1994, nos relations, je me plais à le souligner, ont pris un nouvel élan avec la visite d'Etat de M. le président Chirac en Tunisie.
Dans la perspective d'une nouvelle rencontre, à Paris, cette fois, entre nos deux chefs d'État, cette Commission intergouvernementale doit être l'occasion, à partir du bilan des deux années écoulées depuis la dernière version, d'envisager pour l'avenir la manière dont notre coopération doit s'approfondir, pour répondre à la volonté des présidents de nos deux pays, et dont elle doit évoluer, pour prendre en compte les effets de l'accord d'association entre la Tunisie et l'Union européenne, que nos deux parlements ont ratifié au printemps dernier. La Commission intergouvernementale devra également permettre d'apurer les derniers contentieux qui subsistent entre nos deux pays.
1. La coopération franco-tunisienne en matière culturelle, scientifique et technique peut s'enorgueillir de résultats remarquables : 300 maîtres et professeurs français enseignent dans nos établissements de Tunisie, 23 coopérants hautement qualifiés sont détachés, dans des secteurs très spécialisés dans votre pays, 1 200 missions d'expert et de formateurs sont programmées en 1996. Dans le même temps sont reçus en France plus de 300 boursiers en formation post-doctorale, 735 étudiants bénéficient d'une bourse linguistique, 635 autres d'une bourse de stage et plus de 460 scientifiques de haut niveau sont accueillis pour un séjour, ainsi que 500 formateurs tunisiens. En 1996, l'ensemble de nos crédits d'intervention dans ce domaine s'élèvent à 113 MF, ce qui place la Tunisie au 1er rang par habitant des bénéficiaires de l'aide de ce ministère.
La richesse et la diversité de notre coopération sont également symbolisées par plusieurs réalisations telles l'INSAT, dont j'ai eu l'occasion de visiter le chantier avec le président de la République lors de sa visite d'État en octobre dernier, le planétarium de la Cité des Sciences inauguré par le président Ben Ali en mars de cette année, ou encore les salles du musée de Carthage consacrées au résultat de cent ans de fouilles françaises en Tunisie.
Notre coopération a su au fil des ans s'adapter aux nouveaux besoins qui se faisaient jour. Ainsi les coopérants mis à disposition les premières années ont-ils progressivement fait place à une coopération par projets établie conjointement par nos deux pays. À son tour celle-ci va devoir évoluer pour tenir compte de l'existence des actions mises en œuvre dans le cadre du programme MEDA, que la France, vous me permettrez de le rappeler, finance à hauteur de 20 %. À dater de la mise en place de ces projets, c'est-à-dire de façon imminente, puisque le règlement MEDA a dernièrement été adopté à Bruxelles, nous doublerons donc, par la part que nous prenons au financement de ces actions communautaires, le volume de notre effort de coopération scientifique et technique avec la Tunisie.
C'est à la sous-commission culturelle et technique, qui va maintenant ouvrir ses travaux, qu'il revient de réfléchir aux nouvelles priorités que la mise en place de ce cadre européen doit nous conduire à tracer ensemble, sur le plan bilatéral.
2. En matière économique et commerciale, les relations franco-tunisiennes ont toujours été marquées par leur densité, la diversité des intervenants et la grande qualité de nos partenariats. Nos entreprises sont depuis longtemps présentes en Tunisie et sont prêtes, croyez-le bien, à accompagner l'effort de mise à niveau dans lequel votre pays s'est engagé avec un courage et une détermination dignes d'éloges. De même notre coopération financière a su s'adapter aussi souvent que nécessaire aux situations nouvelles, elle continue à le faire, et elle continuera, comme vous m'en avez rappelé la nécessité lors de notre entretien en tête-à-tête. La décision prise par la Tunisie de rejoindre dans un espace de libre-échange les pays de l'Union européenne est une décision courageuse, porteuse d'avenir, que nous saluons et que nous sommes décidés à la soutenir. Lors de sa visite en Tunisie, le président Chirac a décidé avec le président Ben Ali de confier à deux personnalités, M. Gavois et M. Belkahia, une mission de réflexion sur les mesures à prendre, les initiatives à engager, pour favoriser la mise en place, entre nos deux pays, d'un partenariat moderne. Ces personnalités ont eu, depuis cette date, l'occasion de travailler ensemble tant à Tunis qu'à Paris, et feront sans nul doute des propositions constructives que nos deux chefs d'État auront à examiner.
Dans l'attente, la sous-commission économique et financière va devoir tracer le bilan de notre coopération durant l'année écoulée, envisager les actions à mener en 1997 et s'efforcer de proposer des solutions aux litiges dont je peux redouter, le cas échéant, l'impact sur les investisseurs potentiels.
3. Nous ne saurions par ailleurs oublier qu'il existe en France une importante communauté tunisienne et en Tunisie une communauté française qui attendent de nous que nous protégions leurs intérêts, et que nous favorisions leur intégration dans nos deux pays. Trop de Français, vous le savez, se heurtent encore à des difficultés anciennes que le temps aurait pu se charger d'aplanir pour réaliser la libre disposition de leurs biens en Tunisie, trop de couples franco-tunisiens séparés s'affrontent pour exercer leurs droits parentaux. Ce sont des problèmes humains souvent douloureux, délicats, que la sous-commission consulaire et sociale va examiner à nouveau aujourd'hui. J'espère que, pour difficiles que soient les discussions t malgré les différences d'approche qui ne peuvent manquer de se faire jour, ces travaux donneront lieu à des résultats fructueux.
Monsieur le Ministre, cher collègue et ami, une véritable communauté d'histoire et de culture nous lie, communauté dont les Tunisiens de France et les Français de Tunisie sont le vivant témoignage. Entre amis, il est bon, comme nous allons le faire aujourd'hui, de mettre sur la table, problèmes du présent et propositions pour l'avenir, de façon constructive, dans un esprit de confiance et dans la chaleur toute particulière des relations qu'entretiennent nos deux pays.
Nous entrons dans une nouvelle phase de nos relations puisque, désormais, nous appartenons à un même espace politique et économique euro-méditerranéen. La Tunisie et la France doivent continuer d'unir leurs efforts, travailler la main dans la main, pour faire des deux rives de la Méditerranée un espace de prospérité, de paix, et de partage des cultures.
Notre coopération, Monsieur le Ministre, a toujours été exemplaire. Elle doit continuer à l'être à l'aube du troisième millénaire et affermir encore la relation spéciale qui est la nôtre.
Toast prononcé lors du déjeuner offert en l'honneur du ministre tunisien des Affaires étrangères, M. Habib Ben Yahia, à (Paris, le 4 septembre 1996
Monsieur le Ministre,
Madame, Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un grand plaisir, Monsieur le Ministre, que je vous reçois aujourd'hui à mon tour à Paris après avoir bénéficié deux fois, à Tabarka, puis à Tunis lors de la visite de M. le président de la République, de votre hospitalité chaleureuse.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour la Commission intergouvernementale franco-tunisienne au cours de laquelle nous allons dresser, comme à l'accoutumée, le bilan de notre coopération. Cette coopération est dense, étendue, multiforme, particulièrement confiante comme il se doit entre deux pays qu'unissent non seulement l'amitié, mais un morceau d'histoire parcouru ensemble, et qui appartiennent au même espace politique, économique et culturel euro-méditerranéen.
La Commission intergouvernementale qui va ouvrir ses travaux aujourd'hui se tient dans des circonstances nouvelles dont nous aurons à analyser les conséquences. Car la Tunisie, Monsieur le Ministre, a fait, avec la signature de son accord d'association avec l'Europe, un choix que M. Chirac qualifiait, en octobre dernier, de courageux et de visionnaire. Soulignant que ce choix allait susciter des difficultés liées à la mise à niveau de l'économie de votre pays, le président de la République a affirmé la détermination de la France à soutenir sans défaillance l'effort de votre pays, de votre gouvernement et de votre peuple.
Ce soutien, nous le manifesterons de deux manières : par le maintien d'une coopération bilatérale forte, la plus forte de celles qui nous lient aux pays émergents si on la compare au nombre d'habitants de la Tunisie, mais nous allons également la soutenir, de tout le poids qui est le nôtre, dans les instances et par les financements communautaires européens.
La France, comme vous le savez bien, Monsieur le Ministre, est membre fondateur de l'Union européenne et a été parmi ceux qui ont initié toutes ses évolutions fondamentales. Elle a voulu l'arrimage à l'Union des pays de l'autre rive de la Méditerranée, et s'est employée, conjointement avec l'Espagne, à en convaincre tous ses partenaires européens. Aujourd'hui, je vois avec plaisir que la première traduction concrète de l'effort de l'Union à l'égard de la Tunisie est enfin réalité : le règlement MEDA est adopté, et, avec lui, vont pouvoir se mettre en place tous les financements qui vont permettre à la Tunisie de réussir en douze ans son entrée, que je crois à l'avance brillante, dans l'espace euro-méditerranéen de développement concerté.
La France, on l'oublie parfois, va participer à hauteur de 20 % à ces financements. L'un des quinze membres financera donc le cinquième du total. C'est dire que nous allons doubler, via des opérations multilatérales, l'effort financier que nous réalisons bilatéralement en faveur de la Tunisie.
Notre Commission intergouvernementale se situe donc à un moment particulièrement important : ce doublement de notre effort ne doit pas se traduire par un émiettement ou un double-emploi de nos actions décidées sur un plan multilatéral ou bilatéral.
Nous allons nous attacher, au cours de nos séances de travail de l'après-midi et de demain, à orienter notre action dans le sens de la cohérence et de la complémentarité entre ce qui sera décidé sur le plan européen, et ce que nous déciderons de faire ensemble sur le plan bilatéral. La France, pays de la Méditerranée, est toute prête à veiller à la défense de vos intérêts dans l'Union, à la présentation des projets qui vous tiendront à cœur. Il faut pour cela que nous mettions en place les procédures de concertation nécessaires. Pour aborder ce monde complexe, un peu particulier, qu'est l'Union européenne, nous sommes également prêts, si vous le désirez, à prévoir, pour l'année qui vient, une coopération spécifique pour la formation de hauts fonctionnaires tunisiens aux procédures, au lobbying communautaire pour employer un mot en vogue dans les couloirs de Bruxelles.
Cette Commission intergouvernementale se situe également dans la perspective d'une visite d'État du président Ben Ali en France. Il y sera accueilli avec joie et amitié par le président Chirac.
Nous devons préparer cette visite, sur le plan bilatéral en particulier. Nos deux chefs d'État souhaiteront marquer cet événement par des initiatives que nous pouvons commencer à examiner ensemble. Nous l'avons d‘ailleurs fait au cours de ce déjeuner qui s'est transformé en déjeuner de travail.
Comme le président de la République l'a souligné à Tunis, nous admirons votre courage, votre clairvoyance, votre esprit d'entreprise et voulons réaffirmer que nous soutiendrons fermement vos efforts. Les travaux de notre Commission, la réflexion que nous allons engager en cohérence avec l'action communautaire, doivent nous permettre de définir les moyens concrets d'un tel soutien.
Nos deux chefs d'État examineront également les propositions que les deux experts qu'ils ont désignés, MM. Gavois et Belkahia, feront pour la mise en place d'un nouveau partenariat. Attendons leurs conclusions mais affirmons d'ores et déjà notre ferme engagement, celui des autorités françaises, des acteurs de la vie économique, à participer pleinement à la réalisation de l'objectif ambitieux que la Tunisie s'est fixé, sur le plan économique pour les premières années du prochain millénaire.
Les deux communautés que nous partageons, tunisienne en France, et française en Tunisie, font de nos relations un corps vivant. Ces deux communautés attendent de nous une aide à leur intégration dans le pays où elles ont choisi de vivre, et nous allons examiner aujourd'hui leurs difficultés et leurs espoirs.
Ils souhaiteront certainement mettre fin également à ce contentieux immobilier que nous traînons, le mot n'est pas trop fort, depuis trop d'années. La visite du président Chirac en Tunisie a été l'occasion pour les deux chefs d'État d'exprimer la ferme volonté de clore ces contentieux. Depuis cette date, de nombreuses réunions d'experts ont eu lieu à Tunis et ont permis d'explorer tous les aspects techniques des dossiers et leurs points de blocage. Le moment est venu certainement de renoncer à la lourde procédure des autorisations de vente. La loi de nationalisation agricole de 1964, devrait maintenant aussi, 32 ans après son adoption, voir ses effets toucher à leurs termes. Nous devons, alors que la Tunisie prépare activement son entrée dans le millénaire prochain, pouvoir annoncer aux entreprises prêtes à investir en Tunisie que nous nous tournons résolument, Français et Tunisiens, vers un avenir préparé en commun, et que du même coup les difficultés du passé auront été définitivement surmontées.
Monsieur le Ministre, lorsque Tunisiens et Français se rencontrent comme aujourd'hui, c'est entre amis, presque en famille.
Notre conversation tout à l'heure l'a montré : notre vision du monde est bien souvent la même. Nos attentes et nos espoirs sont semblables s'agissant du processus de paix. La priorité que vous donnez à la coopération régionale, au sein de l'UMA, nous l'approuvons pleinement, et nous partageons totalement le souhait du président Ben Ali d'œuvrer à la mise en place d'une coopération et d'un dialogue forts entre les deux rives de la Méditerranée. Cette ambition qui est la vôtre est aussi la nôtre.
À cette heure où l'assemblée générale des Nations unies est sur le point de s'ouvrir, la concertation franco-tunisienne, comme à l'accoutumée, est exemplaire, comme a été exemplaire notre coopération lors de chacune des crises où, bien souvent, soldats tunisiens et français se sont trouvés côte à côte, sous le casque bleu de l'ONU, pour tenter de rétablir la paix.
Monsieur le Ministre, nous voici réunis pour une longue session de travail, mais aussi pour retrouver, durant ces deux jours, le plaisir de ce lien amical et historique qui unit Français et Tunisiens.
Permettez-moi donc de lever mon verre à cette amitié.