Interview de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, dans "L'Alsace" le 28 mai 1998, sur la rareté des grands travaux européens et sur l'éventualité d'une réforme du mode de scrutin des élections européennes.

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Média : L'Alsace

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L’Alsace : Les grands travaux européens, que vous avez souvent appelés de vos vœux, sont en panne. Définitivement ?

Pierre Moscovici : Comme l’ensemble des collectivités publiques, l’Europe a adopté une politique de maîtrise budgétaire. Il est vrai aussi que certains pays – je pense par exemple à nos amis allemands – ne se sont pas montrés favorables, dans la période récente, à un développement des grands travaux en Europe. Un programme substantiel a néanmoins été mis en œuvre : il a été décidé au sommet d’Essen, fin 1994 et, parmi les quatorze projets prioritaires de transport, figure d’ailleurs le TGV Est. Cette politique de grands travaux reste d’actualités, mais on pourra peut-être l’évoquer davantage après les élections allemandes, avec ou sans changement de majorité outre-Rhin.

L’Alsace : Le gouvernement veut réformer le scrutin européen de l’année prochaine, avec maintien de la proportionnelle mais découpage en huit grandes circonscriptions. Les partenaires du PS au sein de la majorité plurielle s’en inquiètent. A tort ou à raison ?

Pierre Moscovici : Des réticences se sont, effectivement, exprimées. Elles sont largement infondées et je veux rassurer nos amis de la majorité plurielle. La finalité n’est nullement de permettre au Parti socialiste de dominer ses partenaires. La logique est simple et dépourvue d’arrière-pensées : il s’agit d’identifier les députés européens et de faire en sorte qu’ils soient élus dans des circonscriptions visibles. Ce n’est pas le cas à l’heure actuelle et les inconvénients de la liste nationale sont nombreux : élections de candidats totalement inconnus, représentativité inégale de certaines régions et je pourrais rallonger l’énumération. Demain, on saura, avant l’élection, combien il y aura d’élus alsaciens, comtois, lorrains, ardennais…

L’Alsace : La réforme implique t-elle des listes uniques ?

Pierre Moscovici : La logique de la gauche plurielle est une logique qui fait son chemin, mais sur une question aussi sensible que la question européenne, un sujet qui peut traverser les différentes formations politiques, nous avons aussi l’expérience de listes séparées. Nos différences sur ce point sont parfaitement connues et les Français en étaient parfaitement conscients lorsqu’ils ont voté aux législatives, en 1995. Des listes rassemblées, pour les européennes, seraient une bonne chose, mais nécessiteraient, au préalable, un effort de convergence sur l’Europe. L’option retenue ne créera aucun drame, en tout cas, pour la majorité.

L’Alsace : Le Mondial est-il une mauvaise affaire pour l’idée européenne, puisqu’il est à la gloire des nations ?

Pierre Moscovici : Les nations ne se dissolvent pas dans l’Europe. Nous conservons un modèle national et nous en sommes fiers. Je note d’ailleurs qu’il y aura une quinzaine d’équipes européennes au Mondial. L’Europe est donc beaucoup plus forte que si elle alignait une seule équipe. Nous avons intérêt à cultiver cette diversité.