Déclaration de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, sur les négociations internationales de libre échange et le rôle de l'Etat dans ces négociations, Paris le 23 septembre 2013.

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Circonstance : Réunion organisée par la Direction générale des douanes et des droits indirects et celle du Trésor sur les accords de libre-échange et les règles d'origine, à Paris le 23 septembre 2013

Texte intégral

Madame la Directrice générale,
Mesdames et Messieurs,


Mon rôle tel que je le conçois est d’accompagner les entreprises dans leurs projets, de simplifier le plus possible l’administratif, et de rendre les échanges plus fluides.

Mon rôle, c’est aussi de veiller à ce que les négociations commerciales conduites par l’UE vous soient profitables. Je dois faire en sorte que nos intérêts offensifs et défensifs soient respectés afin que vous puissiez tirer le meilleur parti des accords de libre-échange.

C'est dans cet objectif, afin de vous informer et de vous accompagner dans vos démarchés et votre stratégie, que la direction générale des douanes et des droits indirects et direction générale du Trésor ont choisi de consacrer cette journée aux accords de libre-échange et à leurs règles d'origine.

La technicité du sujet ne le rend pas secondaire, c’est un facteur de compétitivité essentiel.

L'empressement avec lequel vous avez souhaité participer à cette réunion et votre affluence démontrent que vous en avez d’ailleurs bien conscience.

Nous entrons en effet dans une nouvelle phase du commerce mondial. Pour faire face aux besoins des pays émergents et répondre aux exigences des nouvelles couches moyennes de population, pour nouer des partenariats fructueux avec leurs homologues étrangères et s’installer durablement à l’international, nos entreprises sont bien placées.

Encore faut-il qu’elles entrent dans le grand jeu de la mondialisation à armes égales avec celles de la concurrence et qu’elles maîtrisent bien les règles du jeu commercial.

* Quel est en effet le contexte actuel ?

Tout d'abord, les échanges à l'échelle mondiale se sont accélérés : la valeur des exportations mondiales est passée de 2 000 milliards de dollars en 1980 à plus de 18 000 milliards en 2011 soit une augmentation de 800 % en 30 ans ! De nouveaux acteurs sont apparus dans le commerce mondial, les pays émergents, tels la Chine ou le Brésil, voire des régions entières, comme l’Asie du Sud-Est ou, demain, l’Afrique.

Depuis quelques années, les négociations dans le cadre multilatéral de l’Organisation Mondiale du Commerce sont au point mort.

Dans le monde entier, confrontés à cette panne, les États et groupements d’États se sont engagés sur la voie des accords bilatéraux. Depuis 2005, pas moins de 132 accords bilatéraux sont entrés en vigueur. 248 accords sont en vigueur dans le monde, 90 % d’accords de libre-échange et 10 % d’unions douanières.

Ces accords participent de la complexité des règles du commerce international. Certains économistes évoquent d'ailleurs l'image d'un "bol de spaghetti" réglementaire. Mais, et parce que ces accords recèlent des opportunités non négligeables pour les opérateurs à l'import et à l'export, il est indispensable d'en maîtriser les règles pour en tirer tout le bénéfice.

Parallèlement, vos processus de production et ceux de vos concurrents se sont transformés et adaptés aux évolutions mondiales. Désormais, vos produits sont pensés, produits et assemblés dans des pays différents et selon un processus qui mobilise une chaîne de valeur mondiale. On cite souvent l’exemple de l’iPhone, dessiné aux États-Unis et produit en Chine en oubliant que 12 % de sa valeur est issue de l'Union européenne.

On ne peut donc plus mesurer la compétitivité des entreprises aux seuls résultats des exportations françaises et de la balance commerciale. La part des importations dans les exportations européennes a doublé depuis 1995, pour atteindre 13 % en 2012.

De fait, les pays qui exportent le plus, comme l’Allemagne, sont aussi des pays qui importent ! Contrairement à l’idée répandue, les importations sont cruciales pour assurer la compétitivité des entreprises françaises et favoriser l'attractivité du territoire français pour les investisseurs étrangers.

* Quel est alors le rôle de l’État dans ce contexte ?

Le premier rôle de la France, mon premier devoir, est donc de peser dans la définition du mandat donné à la Commission et dans les positions européennes défendues lors des cycles de négociation, afin notamment d'y faire entendre nos intérêts économiques.

Ainsi, vous l’avez sans aucun doute su, je me suis battue en juin dernier pour que le mandat de négociations d’un accord de partenariat transatlantique respecte les choix et les valeurs de la France, avec succès. Au quotidien, c'est la direction générale du Trésor qui représente l'ensemble des administrations et défend nos intérêts. Afin de répondre encore mieux à vos attentes, j’ai lancé pour les dernières négociations (Japon et Etats-Unis) des consultations publiques pour vous associer et associer les citoyens à la détermination de la position française. La consultation concernant le futur accord avec les Etats-Unis est d’ailleurs en cours jusque la fin de ce mois.

J’incite ainsi, par exemple, la Commission à promouvoir la réduction voire la suppression des droits de douane pour certains produits, tout en veillant à les maintenir pour les secteurs les plus sensibles. De même, la France veille à ce que les accords proposent un cadre équilibré dans divers domaines, que ce soit les échanges des biens mais aussi des services, les réglementations sanitaires et phytosanitaires, l'accès aux marchés publics, ou encore le respect de la propriété intellectuelle. Enfin, nous veillons à ce que les négociations s’attaquent au problème des barrières non-tarifaires, par exemple avec le Japon. Les accords commerciaux de l'Union européenne jouent sur votre compétitivité prix et hors prix ; il est primordial que vous en maîtrisiez tous les leviers.

Outre l’accord de libre-échange avec la Corée du Sud, entré en vigueur il y a deux ans, des accords viennent d’être mis en application avec la Colombie, le Pérou et certains pays d’Amérique centrale. Tous ne sont pas ratifiés, encore, par le Parlement français. D’autres devraient être conclus prochainement avec Singapour, la Moldavie, la Géorgie, peut-être avec le Canada, d’autres encore sont en cours de négociation, comme ceux, importants, avec le Japon et les Etats-Unis. Un panorama complet vous sera présenté tout à l’heure.

Pour bénéficier de la baisse ou de la suppression des droits de douane sur certaines marchandises, il vous faut maîtriser les règles d'origine propres à ceux des accords qui s'appliquent à vos échanges. Je ne saurais d’ailleurs trop, à cet égard, vous recommander de solliciter le statut d'exportateur agréé, qui simplifiera vos démarches et sécurisera vos opérations. Les tables rondes reviendront en détail sur tous ces points.

Je tiens aujourd’hui à vous donner quelques exemples concrets de l'impact de la bonne maîtrise de ces outils sur votre activité à l'international.

* A quoi servent ces outils ?

Ces outils vont en réalité conditionner vos choix stratégiques. En effet, lorsque vous évaluez vos coûts de production, vous raisonnez en coûts complets.

En ciblant les bonnes destinations, en adaptant votre approvisionnement aux accords en vigueur, vous réaliserez des économies sur les droits de douane.

Une entreprise du secteur de la chimie, LUBRIZOL, m'a ainsi indiqué qu'elle avait pu économiser plusieurs centaines de milliers d'euros en droits de douane grâce à l'accord entre l'UE et la Corée du Sud, parce que son secteur a bénéficié d'une suppression immédiate des droits de douane ! Vous mesurez l'impact de ces économies sur sa trésorerie et sa marge.

Je voudrais vous donner un autre exemple. L'entreprise HENRI SELMER, leader mondial sur le marché des saxophones, qui intervient aujourd'hui, a vu ses exportations vers la Corée du Sud grimper de 40 % en un an !

En appliquant l'accord entre l'Union européenne et la Corée du Sud, en devenant exportateur agréé, elle a pu profiter des avantages tarifaires qu’il prévoit et s'implanter sur ce marché.

Ces évolutions confirment l'action économique de la douane au cœur des politiques de compétitivité des entreprises. Des outils gratuits, rapides à mettre en œuvre ont été développés pour vous accompagner dans vos démarches. Destinés à vous permettre de mieux anticiper et de simplifier les opérations de dédouanement, ils vous seront présentés au cours de cette journée.

Lors de la journée sur le projet stratégique de la douane, j'ai rappelé une étude récente, concernant les efforts de simplification des formalités. En 2008, 77 % des entreprises considéraient que les démarches à l’importation et à l’exportation s'avéraient parmi les plus complexes des formalités administratives. En 2011, elles n’étaient plus que 19 %.

La maîtrise des accords de libre-échange, l'utilisation du statut d'exportateur agréé, permettra, j'en suis certaine, de diminuer encore les contraintes administratives qui pèsent sur vous. C'est la raison pour laquelle j’ai fait inscrire le développement de ce statut dans le grand chantier de simplification mené par le gouvernement.

Cette journée va permettre de vous présenter les clés pour gagner en compétitivité, gagner en simplification, bref gagner à l'international.

D’autres journées de présentation seront organisées par les directions régionales des douanes dans plusieurs villes de France au cours des prochains mois, afin de rapprocher autant que possible l'action des pouvoirs publics des opérateurs. Le 17 octobre je vous donne également rendez-vous à Bercy pour une grande journée d’information sur l’accompagnement à l’international « Bercy, mon partenaire pour le monde ».

Le monde est complexe. Du village mondial de Marshall Mc Luhan, il ne reste plus grand-chose. Mais, maitrisée, cette complexité même peut vous permettre de faire gagner vos entreprises et de conquérir des marchés. Prenez de l’avance, venez à Bercy !


Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 23 septembre 2013