Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous avez déjà été prévenu ?
ARNAUD MONTEBOURG
Prévenu ? Prévenu ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De votre nouveau ministère ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est lequel ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien, justement, je vous le demande. Vous ne le savez pas, vous ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ah ! Non, pas du tout. Excusez-moi, vous me surprenez…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien oui ! C'est…
ARNAUD MONTEBOURG
J'étais dans mes dossiers et dans mes problèmes et, là, vous me parlez d'une chose qui n'a pour moi…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous restez donc au Redressement productif, pour le moment ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, on a commencé un travail gigantesque : sauver l'aluminium, sauver la pétrochimie, garder nos outils de travail, créer ce qu'on n'a pas, c'est un travail de titan, donc là vous me prenez un peu au dépourvu monsieur ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Toutes ces rumeurs sur le changement de Premier ministre c'est donc encore un mauvais coup porté peut-être à l'Elysée, à Jean-Marc AYRAULT ?
ARNAUD MONTEBOURG
Oui ! Ecoutez, moi je pense qu'il faut qu'on revienne aux problèmes des Français, on n'a que ça à traiter, on est même là pour ça - donc restons là-dessus - et puis, si le Président de la République a des décisions à prendre, il les prendra et vous les découvrirez et nous aussi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et Jean-Marc AYRAULT mérite de rester là où il est ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien, écoutez, je crois qu'il fait… l'essentiel de cette tâche difficile, il le fait courageusement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien je vais vous dire que je plaisantais parce que je ne crois pas un seul instant à un remaniement maintenant et je ne vois pas quel en serait l'intérêt politique pour le Président de la République, on va voir si on est démentis. Angela MERKEL est à l'Elysée tout à l'heure pour un conseil des ministres entre la France et le gouvernement de coalition CDU-SPD, avec votre collègue Allemand de l'Industrie quels projets communs vous pouvez avoir pur l'industrie et peut-être même pour l'énergie ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien justement le Président de la République avait parlé de l'AIRBUS de l'énergie franco-allemand, nous avons travaillé avec nos collègues Allemands et mon homologue monsieur Sigmar GABRIEL - qui est en charge de l'Industrie et de l'Energie, qui est le vice-chancelier - nous avons travaillé à imaginer quelles seraient les industries que nous pourrions développer ensemble, nous avons un projet sur le stockage de l'énergie, sur l'hydrogène qui est un sujet qui intéresse tous nos constructeurs automobiles en France comme en Allemagne et évidemment il y a la question du photovoltaïque qui a été décimé par le dumping chinois sur lequel nous imaginons une nouvelle génération d'industries.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et peut-être un jour le gaz de schiste ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ah ! Ca, nous…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous, vous ne changez pas d'avis ? Est-ce qu'il parait que le… enfin il parait que le Président de la République a un peu évolué sur la recherche et peut-être l'exploration après ses conversations avec Barack OBAMA, c'est vrai ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien je crois que la question de la recherche elle est toujours posée, les Français aiment l'avenir, ils croient dans l'innovation. Le problème du gaz de schiste, c'est qu'il est d'une pollution - et c'est démontré aux Etats-Unis – terrible, donc il faut régler le problème de la pollution, si on règle le problème de la pollution, y compris par la technologie, on peut rouvrir le débat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et peut-être il peut y avoir un jour une technologie propre pour l'exploration et l'exploitation. Pourquoi est-ce que vous vous intéressez autant aux mines, je lisais que vous alliez peut-être créer un office sur les mines…
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien nous avons…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pourquoi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien parce que la France a disparu dans le domaine minier laissant la place à des majors internationales et beaucoup d'états, y compris en Afrique, en Asie, demandent le retour de la France, donc nous sommes en train de travailler sur une Compagnie nationale des mines qui nous permettra d'exploiter nos propres ressources naturelles, respectueusement de l'environnement, respectueusement aussi de la déontologie et de l'éthique dans les pays notamment africains et cela nous permettra finalement de sécuriser nos approvisionnements, de maîtriser les prix. Bref, c'est le retour de l'état, le retour de l'état dans la résistance économique, le retour de l'état dans la planification industrielle, bref c'est le retour de COLBERT.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Voilà ! Voilà, Arnaud MONTEBOURG, COLBERT, vous m'avez enlevé le mot de la bouche. Pour PEUGEOT une histoire de 2 siècles et 8 générations est en train de se terminer, aujourd'hui commence donc une nouvelle aventure, PSA – DONGFENG ont signé le protocole d'accord, l'état va entrer au capital, 14%, c'est-à-dire près d'un milliard d'euros. Où vous avez trouvé ce milliard ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien nous avons, vous le savez, 70 milliards de participations dans 71 entreprises, donc nous avons décidé de céder quelques pourcentages homéopathiques, de les vendre – nous l'avons fait par exemple dans SAFRAN – pour pouvoir investir dans PEUGEOT. Mais l'évènement majeur c'est que tous les Français…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est l'entrée…
ARNAUD MONTEBOURG
Oui ! C'est l'entrée de l'état dans… une intervention massive de l'état dans le capital de PEUGEOT, 800 millions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais c'est un investissement à risque, est-ce qu'il vaut le coup ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien c'est…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand on entend encore tout à l‘heure Thomas dire les pertes…
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien nous avons des centaines de milliers de salariés de PSA, nous avons le premier constructeur français qui s'est isolé, qui n'a pas su passer des alliances industrielles au plan mondial, qui a une taille trop étroite, qui a besoin de trouver une alliance et qui a besoin de capitaux car c'est une entreprise qui a perdu beaucoup d'argent. Donc, c'est une intervention…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
COLBERT…
ARNAUD MONTEBOURG
Massive dans le capital et c'est un acte majeur de politique industrielle, car je veux dire ici à votre antenne qu'aujourd'hui tous les Français deviennent copropriétaires de PSA, de PEUGEOT et de CITROEN, ça va être leur bien en quelque sorte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui ! Donc, il y a intérêt à faire fructifier le bien ?
ARNAUD MONTEBOURG
Exactement !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Que serait-il passé, COLBERT, si l‘état n'était pas intervenu ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien nous aurions été dans de graves difficultés et PSA peut-être serait passé sous un contrôle que nous ne maîtrisions pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
L'accord ressemble à une nationalisation rampante et temporaire ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est un investissement de tous les Français dans un outil industriel fondamental qui est le premier constructeur français…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que l'état sera pilote, comme demande L'HUMANITE, le journal, ce matin, pilote ou passager ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il sera copilote !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que ça veut dire que, puisque l'état doit rester une durée maximale de 10 ans, qu'il restera les 10 ans, qu'il peut éventuellement sortir de l'opération avant les 10 ans si ça rapporte ?
ARNAUD MONTEBOURG
L'accord conclut que les augmentations de participation ne sont pas possibles, mais il est possible de sortir, mais notre choix est de rester, de défendre la Recherche & Développement pour qu'elle se maintienne en France, 75% - ça c'est le contenu de l'accord - les sites industriels vont être chargés, nous allons augmenter la production en France, aujourd'hui il y a 930…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On ne réduit pas les sites en France ?
ARNAUD MONTEBOURG
Exactement ! C'est un engagement aujourd'hui qui est pris, je veux rassurer les salariés de PEUGEOT, les élus des territoires, aujourd'hui PSA produit 930.000 véhicules en France, nous avons le souhait de monter à 1 million, et c'est l'engagement qui a été pris auprès des syndicats…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire qu'il…
ARNAUD MONTEBOURG
Des représentants des syndicats.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire qu'il y a un engagement, même avec les Chinois, à maintenir, à développer des sites et des emplois en France d'abord ?
ARNAUD MONTEBOURG
Exactement ! Pourquoi ? Parce que les Chinois ne s'intéressent pas aux marchés européens, ils s'intéressent aux marchés asiatiques, et c'est là que PSA va gagner des parts de marché, en clair gagner de l'argent en Chine - premier marché mondial, croissance considérable, + 30% par an – pour pouvoir financer la Recherche & Développement, l'innovation, la montée en gamme de PSA…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous allez créer une usine, une quatrième usine…
ARNAUD MONTEBOURG
En France et en Europe.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A Huan (phon), en Chine ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ça fait 30 ans, presque 30 ans, que PSA est en Chine, donc… pour vendre des voitures en Chine, il faut les produire en Chine, sinon vous n'avez pas le droit.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et qu'est-ce qui est prévu pour empêcher le chinois DONGFENG de prendre les rênes de PSA un de ces quatre ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien c'est que les participations ne doivent pas bouger ! Ca, c'est l'accord qui a été conclu avec nos amis Chinois…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pendant 10 ans !
ARNAUD MONTEBOURG
Voilà !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
PEUGEOT n'est plus une famille, c'est une marque, vous aviez les PEUGEOT dans votre viseur, est-ce qu'ils avaient le choix ? Est-ce qu'ils pouvaient refuser ce qui est en train de se faire ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien je crois que certains dans la famille PEUGEOT ont compris qu'il était nécessaire de s'internationaliser !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Certains n'avaient pas compris ?
ARNAUD MONTEBOURG
Quand vous avez un constructeur comme TOYOTA, premier constructeur mondial, qui a 8 millions, qui produit 8 millions de véhicules par an, que RENAULT NISSAN n'est plus très loin et a une taille mondiale, quand vous ne produisez que 3 millions de véhicules, vous n'avez pas la bonne taille pour affronter la mondialisation.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors le conseil…
ARNAUD MONTEBOURG
Donc, c'est un renforcement de la base industrielle France face à la mondialisation.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les PEUGEOT n'avaient pas le choix. Le conseil de surveillance va comporter 14 personnes, 6 pour les actionnaires, 3 fois 2, 6 extérieurs, 2 représentants des salariés, le 14ème sera le président, est-ce que ce sera un PEUGEOT ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous n'avons pas décidé ! La question se posera…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non ! Mais vous votre…
ARNAUD MONTEBOURG
La question se posera après l'assemblée générale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Votre flair, quel est l'avis de COLBERT ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien COLBERT a des idées mais COLBERT garde le silence. Vous savez ce que disait EURIPIDE ? Si tu as des choses plus fortes que le silence à dire, dis-les, sinon garde le silence, je garde le silence.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non ! Non, mais on ne va pas arrêter. Donc, pour PEUGEOT ce n'est pas sûr et c'est peut-être probable qu'il ne soit plus à la tête.
ARNAUD MONTEBOURG
Il y aura une discussion entre les actionnaires.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y aura un indépendant mais que l'état ne désignera pas ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est trop tôt pour le dire, monsieur ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ce n'est pas l'état qui va le désigner ?
ARNAUD MONTEBOURG
Pourquoi c'est trop tôt ? Pourquoi c'est trop tôt ? Parce que, d'abord, il faut aller devant l'assemblée générale et, ensuite…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Au mois de mars !
ARNAUD MONTEBOURG
Voilà ! Donc c'est dans un mois que cette question se posera.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais l'état ne le désignera pas. Et puis Carlos TAVARES prend aujourd'hui la direction de la branche « autos » de PSA et fin mars il prend le volant du groupe, est-ce que c'est lui qui va bien diriger PSA ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien la réponse est oui ! Vous me permettrez, d'abord, de dire ma confiance dans Carlos TAVARES, c'est un homme que je connais, qui a été numéro 2 de RENAULT et donc je connais les qualités, l'implication, l'engagement et la vision ; je voudrais, aussi, rendre hommage à monsieur WARIN qui a réussi cet accord, c'est un point important parce que je crois que monsieur WARIN, malgré toutes les difficultés qu'il a eu à connaître – parfois nous avons eu des mots – mais je veux lui rendre cet hommage parce que cet accord est un accord qui organise sur le plan du patriotisme industriel la pérennité et la solidité…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et l'accord…
ARNAUD MONTEBOURG
De PSA dans l'avenir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et l'accord définitif sera signé fin mars à Paris en présence de 2 Présidents de la République, François HOLLANDE et Xi JIPING, le Président de la République de Chine, c'est un accord béni par les états. Selon le CANARD ENCHAINE de ce matin, lundi à l'Elysée, avant l'arrivée de François HOLLANDE, vous auriez dit devant les patrons, je cite : « en France il y a trop de rigidité, le Code du travail, les 35 heures, les seuils, il faut soutenir les entreprises en débloquant tout ça », vous le confirmez ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non ! Je ne confirme pas du tout. D'abord, je ne sais pas comment le CANARD ENCHAINE invente des choses. Il faut faire attention aux ragots et surtout à la malveillance, donc ce sont des propos que je n'ai jamais tenus – je ne les ai même pas pensés - parce que je pense qu'on a un certain nombre de problèmes en France, mais qui ne sont pas de cet ordre-là, donc j'invite les journalistes à vérifier leurs informations.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Eh bien il est…
ARNAUD MONTEBOURG
D'ailleurs vous en êtes un et je crois que vous le faites ce travail.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et on vérifie ! Et on voit bien aussi que vos relations avec les grands patrons se sont améliorées, vous n'en parlez pas de la même manière. Mais, une question, est-ce que c'est la réalité les voyages qui ont transformé le démondialisateur Arnaud MONTEBOURG en un acteur déterminé de l'ouverture au monde ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne suis pas pour la fermeture au monde ! Je dois vous dire que la démondialisation en acte, dans mon ministère, c'est la défense, l'organisation méthodique de l'industrie du made in France, c'est la même chose, c'est rapprocher les lieux de production des lieux de consommation. Donc, quand on produire en France pour satisfaire le marché européen, on satisfait à la fois le démondialisateur et l'amoureux du made in France.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 février 2014