Texte intégral
Je n'aurais pas manqué l'occasion de venir, cher Joseph. Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui [...] parce que vous êtes sur le front de notre économie, c'est-à-dire au contact [...] de nos chefs d'entreprise, de ceux qui [...] font la France et la transforment. Et je ne conçois pas d'autre rôle pour un ministre de l'Economie que, dans la période qui est la nôtre, d'être au front.
Je suis d'autant plus heureux que vous avez choisi aujourd'hui de placer ce Congrès sous le signe d'une formule audacieuse, « le monde change, oser, agir, conquérir ». Accepter le fait que le monde change, c'est déjà une forme de courage. C'est celui que vous avez eu [...]. Lorsque l'on refuse de nommer les problèmes, lorsque l'on refuse de voir les choses telles qu'elles sont, lorsque l'on préfère ses certitudes à la réalité, il est peu probable qu'on avance, en tout cas que l'on aille très loin.
« Oser, agir, conquérir » [...]. Se réinventer pour innover, pour créer, pour repousser les frontières. Vous le disiez tout à l'heure, cher Joseph, votre légitimité dans ce contexte, c'est votre utilité. Permettez-moi de vous le dire. Vous êtes totalement, vous êtes résolument, vous êtes absolument légitimes.
[…]
Nous devons moderniser notre économie. Pas pour le plaisir de faire moderne, pas pour le plaisir de dire « on fait des réformes ». Pas pour donner des gages à qui sais-je. Nous devons moderniser notre économie pour nous-mêmes ! Nous devons rendre la France plus forte pour elle-même ! Nous devons aider ceux qui veulent travailler, ceux qui veulent produire, ceux qui veulent innover dans notre pays.
C'est notre responsabilité. Ca veut dire rendre les Français plus mobiles, sur le terrain et dans leur carrière, parfois aussi dans leur mentalité. Ca veut dire rendre les entreprises plus dynamiques, les pousser à prendre plus de risques, à gagner. Ca veut dire aussi demander à des secteurs qui sont plus protégés de la concurrence internationale de faire certains efforts, pour eux-mêmes, se moderniser pour eux-mêmes, innover pour baisser leurs prix là où c'est possible, pour rendre les acteurs économiques [...] plus efficaces, plus forts [...] dans la mondialisation. Il s'agit de fournir un cadre et des incitations pour encourager les gains de productivité, recréer des libertés. Ce sera le sens de la loi que je dois porter, cette loi pour l'activité que je présenterai dans les prochains mois.
On ne changera pas l'économie française avec une loi [...]. Au-delà du texte, c'est un esprit que je veux porter, et cet esprit, il ne vaudra que s'il a des ambassadeurs et que si ces ambassadeurs sont sur le terrain, que si ces convictions, elles sont partagées. C'est pour ça que ce matin, je voulais être au milieu de vous.
Ce projet de loi pour l'activité, il cristallise nombre d'inquiétudes. C'est la raison pour laquelle je suis aussi venu ce matin en parler. Pourquoi ? Pourquoi avoir choisi les experts-comptables ? Parce que vous avez su, vous-mêmes, d'initiative, vous moderniser.
Parce que vous avez voulu oser. Il y avait la pression de la Directive Services [...]. Beaucoup de professions ont géré ce risque en disant : « On va se battre ! Jamais Bruxelles ne nous dictera ce qu'on doit faire ! [...] ». [...] Mais le problème n'est pas la Directive Services ! Le problème, et vous l'avez compris, c'est [...] d'être plus innovants, [...] d'être meilleurs, [...] de rendre un meilleur service, [...] de faire cette économie plus forte ! Ca n'est pas la Directive Services, ça n'est pas Bruxelles ! Et d'ailleurs, les technocrates de Bruxelles, [...] vous ne les entendez plus quand vous prenez vos responsabilités. Quand vous décidez de prendre votre destin en main. Les leçons, on ne vous les donne que quand vous vous les laissez donner. Les leçons, on ne vous les donne que quand vous décidez de ne pas agir !
C'est pour ça que je voulais être parmi vous aujourd'hui. Parce que vous avez montré qu'une profession réglementée, elle peut se moderniser, s'ouvrir, en décidant et en assumant l'ouverture du capital – ce qui ne veut pas dire la financiarisation –, en l'absence de numerus clausus, l'absence de tarifs réglementés, en décidant de vous ouvrir, d'innover, d'être réglementés pour ce qui doit être réglementé !
La qualité des actes qui sont fournis. La part d'ordre public économique à laquelle vous contribuez. Mais pour ce qui est du reste, vous faites partie du vaste monde de l'économie. Comment expliquer ensuite à vos clients que, eux doivent conquérir des parts de marché, que, eux sont dans le « grand bain » et que vous, vous pourriez être au sec ? J'ai le même problème avec vous pour ce qui me concerne. Nous sommes dans la même barque.
[...] On peut être une grande profession réglementée en décidant d'innover, en décidant de s'ouvrir. Parce que c'est la nécessité du temps présent. Ca n'est pas un diktat de l'extérieur, c'est une dignité pour soi. C'est une force pour le pays.
Vous avez su vous adapter, [...] ouvrir des chantiers, celui de la lutte contre le blanchiment, éminemment important, donner une place et reconnaître aussi l'économie sociale et solidaire ! Vous avez […] su prendre des risques. Vous ouvrir à l'international aussi, puisque j'ai compris qu'hier, une convention importante avait été signée avec plusieurs de vos confrères.
Vous adapter, c'est aussi vous approprier sereinement ce nouvel environnement. Et pour vous répondre parfaitement clairement, cher Président Zorgniotti, le décret sur le fonds de règlement des experts-comptables est en cours de signature et sa parution se fera dans les toutes prochaines semaines. C'est la condition pour que vous puissiez très rapidement manier des fonds pour le compte de vos clients dans les mêmes conditions que les avocats ; ce qui est normal et ce que nous vous devons.
De la même façon, je veillerai à ce que la stabilité de votre cadre réglementaire soit préservé, que les exigences de qualification – et je veux être très explicite là-dessus – [...] qui s'appliquent à votre profession ne doivent pas être abaissés.
Moderniser, ça ne veut pas dire tout abandonner !
Ca ne veut pas dire baisser la qualité ! Ca veut dire ouvrir ! Ca veut dire enlever les règles inutiles, enlever les barrières qui enfreignent plutôt qu'elles ne libèrent. Mais baisser la qualité, […] ce n'est pas le sens de l'histoire ! […].
Vous moderniser, c'est aussi étendre votre champ de compétence et vous pourrez très prochainement réaliser, sous conditions, des activités commerciales et des actes d'intermédiaires à titre accessoire ; ce qui est aussi important. Dans le même temps […] vous avez accompagné notre propre modernisation. C'est la réciprocité qui doit exister entre nous. Ainsi, s'agissant du contrôle des comptabilités informatisées, vous avez été des partenaires-clés pour accompagner les TPE dans leurs nouvelles obligations, et je sais combien votre travail au quotidien aux côtés de la DGFIP est précieux. Je sais combien cette relation est cruciale pour permettre que les dispositifs que nous mettons en place soient adaptés aux entreprises que vous côtoyez chaque jour.
C'est cet esprit que je veux, pour la réforme que je compte conduire : [...] sortir des carcans d'hier lorsqu'ils n'ont plus cours. Mais pour aller plus loin, j'ai besoin de consolider ce que nous avons, et j'ai surtout besoin de vous.
J'ai besoin de vous, d'abord, pour être les artisans de la pédagogie et des artisans de la transparence de notre politique économique. […] Plus on s'en remet à des acteurs lointains du terrain, plus les doutes naissent. Et donc ce que j'attends de vous, c'est que par votre action au quotidien, vous puissiez nous aider à expliquer la réalité des choses, à expliquer ce qui est fait [...] et à restaurer cette confiance.
[…]
Je compte sur vous, donc, pour être ces artisans de la pédagogie, de la confiance restaurée parce que nous avons besoin de vous. Nombreuses sont les entreprises françaises qui viennent frapper à notre porte. Et elles ont besoin de vos expertises, de vos conseils. […]
Artisans de la transparence aussi, c'est là où j'ai besoin de vous. […] La transparence, ça libère. Je ne parle pas des plus petites pour qui ce serait une contrainte ridicule, mais à partir des PME, des ETI et les plus grands groupes, nous avons, dans ce pays, un besoin de transparence […].
[…]
La transparence, nous avons tous à y gagner. Et donc soyez à mes côtés, des artisans de la transparence auprès des chefs d'entreprise. Pas pour plus de contraintes ! Je ne suis pas pour la mettre dans la loi. Je suis pour la mettre dans les cultures, dans les pratiques, parce que c'est ça qui recréera de la concorde.
Enfin, j'ai besoin de vous pour être les artisans de la confiance retrouvée, du volontarisme, dans les entreprises. Ce que je vois aujourd'hui, c'est que beaucoup d'entreprises ont peur d'investir. [...] Beaucoup d'entreprises prennent peur quand il s'agit d'aller à l'international. Beaucoup d'entreprises prennent peur quand il s'agit d'ouvrir leur capital. [...] C'est ça, la croissance de notre économie ! [...] Faites cette pédagogie, là aussi, poussez-les à avoir confiance !
Aidez les chefs d'entreprises à avoir envie, [...] parce que nous sommes derrière eux, parce que je suis derrière eux et parce que s''il n'y a pas des dizaines de milliers de chefs d'entreprises qui décident de réinvestir et d'embaucher, alors nous nous épuiserons en mots, nous nous épuiserons en réformes, nous nous épuiserons en slogans ! [...] Et donc s'il n'y a pas cette confiance au quotidien, cette volonté de prendre des risques, avec nous derrière, alors notre économie ne repartira pas.
Enfin, j'ai besoin de vous pour avoir des idées, pratiques, concrètes, et je vous demande de me les faire remonter [...]. Je suis sérieux quand je dis ça. Parce que vous savez, quand on est ministre [...] les choses sont très bien faites. Votre temps est organisé par d'autres [...]. Et donc vous voyez vos services [...] et puis vous avez les abonnés au ministre. Ce sont toujours les mêmes. D'ailleurs, ils vous disent des choses que généralement vous connaissez, parce qu'ils vous les ont dites dans des fonctions précédentes [...]. Ils vous disent qu'ils connaissent mieux la France que vous [...] mais quand j'essaie de me représenter leur vie, ils ont à peu près la même que moi. C'est-à-dire qu'ils tournent dans les mêmes cercles depuis des années, ils n'ont généralement plus croisé la vraie vie que par l'intermédiaire d'autres, qui leur ont raconté… et ils viennent me donner le précipité d'intérêts particuliers, qu'il faut voir et regarder, mais qui ne changeront pas le pays ! Parce que sinon, il aurait déjà changé !
Donc moi, ce dont j'ai besoin, ce ne sont ni de lettres d'insultes, ni de lettres d'amour [...] mais de propositions très précises et concrètes. Parce que l'économie, ça se redresse de manière très précise et concrète. […] Donc je vous demande très sérieusement d'être pour moi des vigies, c'est-à-dire de m'alerter sur les rigidités insupportables pour vos clients comme pour vous-mêmes. Sur ce qui bloque l'activité économique. Et aussi sur ce qui est perçu comme la bloquant, parce que parfois, il y a des fausses idées ! Ce que je viens de vous dire sur le CICE et le contrôle fiscal systématique, c'est une idée fausse. Donc il faut en parler de manière très ouverte ! On est dans un pays où on a toujours peur de parler de ces sujets […].
De manière concrète, j'ai besoin de vous pour m'alerter, me dire, me faire remonter des propositions de simplification, elles sont importantes et je compte vraiment là-dessus, sur vous.
Et je sais que vous les connaissez. Vous en avez cité une, cher Joseph : la déclaration fiscale unique. Il y a un travail d'arrache-pied qui est mené avec la DGFIP […] pour rassembler les obligations des entreprises en matière d'IS, de CVAE et de TVA ; j'y tiens beaucoup.
J'y tiens énormément. Je pense que ça fait partie des éléments de crédibilité qu'on peut avoir vis-à-vis des entreprises. Et donc je vais tout faire pour que, dans la loi pour l'activité que j'aurai à présenter dans les prochains mois, nous puissions mettre cette réforme dans le texte avec une date crédible d'application.
Je pense aussi aux situations d'urgence que vous connaissez, et là, n'hésitez jamais, mon cabinet travaille beaucoup avec vous et beaucoup de vos confrères, à nous alerter, à nous solliciter lorsque, face à certaines entreprises, en redressement, vous voyez une situation critique arriver. […] Donc alertez au plus tôt, au plus vite ! […]
Enfin, continuez à avoir des idées comme celle que nous venons célébrer et parrainer aujourd'hui entre Les Echos, Kisskissbankbank et vous […]. Nous avons pris, il y a quelques semaines à peine, ce décret pour le financement participatif […]. Il est important que vous sécurisiez les acteurs économiques. C'est une formidable pratique collaborative, c'est une formidable transformation de notre économie. Donc vous êtes innovants, en rentrant en partenariat avec eux et vous apportez la sécurité à laquelle nos consommateurs ont droit. La simplicité, la sécurité, l'innovation, c'est un slogan auquel nous adhérons tous. […]
« Oser, agir et conquérir », c'est votre triptyque et il résume l'attitude qui sera la nôtre. Vous pouvez compter sur moi pour tenir cette ligne, mais moi je compte sur vous pour être ces artisans de la pédagogie, de la transparence, de la confiance que j'évoquais, et enfin […] pour être aussi à mes côtés, les artisans d'une fierté retrouvée. Parce qu'on ne fera rien de grand pour cette économie si on ne fait rien de concret, je l'ai dit, mais on ne fera rien de grand si les Français et les Françaises ne croient pas en eux-mêmes.
Je suis troublé, depuis ces dernières semaines, de voir la capacité qu'a notre pays à se diviser sur de mauvaises polémiques. [...] Il y a une réalité, il faut la regarder. Mais il ne faut pas la dégrader encore ! Je suis troublé de voir à quel point beaucoup trop de nos décideurs économiques et politiques veulent abaisser la France. La France, elle ne fera rien de grand à l'étranger, elle ne fera rien de grand pour elle-même si elle ne croit pas en elle-même. Et donc j'ai besoin de vous, là, pour insuffler cet esprit de fierté dont nous avons besoin, cette confiance en soi, cette part de dignité. Et cette fierté, elle ne s'appuiera que sur une chose : c'est notre capacité à nous unir. [...] Ca n'est pas un hasard si aujourd'hui, nous nous retrouvons à Lyon, c'est une ville de concorde, elle a ça dans ses gènes. Et notre pays ne pourra réussir que si nous parvenons à assembler la bonne volonté de tous, à sortir des postures, des clivages, à partager avec force l'esprit de responsabilité sans lequel rien n'avance. Et si j'ai donc besoin de vous [...] c'est pour avoir à mes côtés [...] des femmes et des hommes de bonne volonté. Merci beaucoup.
Source http://www.experts-comptables.fr, le 27 novembre 2014