Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur les premiers résultats des négociations salariales dans les branches lancées le 18 mars 2005 et les pistes d'action de son ministère en ce domaine, Paris le 21 décembre 2005.

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Circonstance : Réunion de la sous-commision salaire de la Commission nationale de la négociation collective, à Paris le 21 décembre 2005

Texte intégral

Ce premier bilan témoigne à mes yeux des nombreux progrès réalisés ces derniers mois. Il reste qu'il demeure encore à faire au regard des objectifs que nous nous sommes fixés.

A ce jour, ce sont encore 48 branches du secteur général qui ont des minima inférieurs au SMIC. Certes, dans un certain nombre de cas, il peut ne s'agir que du premier coefficient. Certes, je l'ai dit, la plupart du temps les négociations se poursuivent normalement et la perspective d'aboutir à un accord dans les semaines à venir semble fréquemment réaliste.

Mais plusieurs branches sont aujourd'hui confrontées à des blocages persistants. Je pense en particulier à la chimie ou aux succursalistes de l'habillement, même si la situation des salaires réels est très différente entre l'une et l'autre branche.

Soyons clair. Il ne m'appartient pas ici de stigmatiser telle ou telle branche ou de faire porter la responsabilité des blocages à l'une ou l'autre des parties.

Mon rôle est de rappeler l'importance d'une actualisation régulière des grilles de salaires et de classification. Mon rôle est de faire en sorte que les négociations puissent se dérouler normalement et, le cas échéant, de faire en sorte que le fil de la négociation puisse être renoué là où il a été rompu.

Nous devons en effet tous bien prendre la mesure des conséquences attachées à la déshérence des négociation sur les minima et les classifications dans certaines branches.

Je considère que les branches ont un rôle structurant à jouer dans l'équilibre des relations sociales. Elles ont pour responsabilité d'organiser la régulation sociale d'un secteur et d'encourager la valorisation et l'adaptation des métiers et des compétences dans les entreprises. Elles sont en cela un facteur décisif de la compétitivité et de l'attractivité du secteur.

Cela exige un réexamen périodique des classifications. Cela implique aussi de définir et d'actualiser les bases d'une politique de rémunération. Dans ce cadre, les branches ont en priorité à examiner l'équilibre le plus pertinent entre le niveau des rémunérations, la compétitivité du secteur et l'attractivité des métiers. A défaut, elles risqueraient de devenir progressivement de simples « coquilles vides » au risque de porter préjudice à l'ensemble du secteur.

Nous ne pouvons donc nous satisfaire de situations caractérisées par un blocage durable des négociations sur les minima salariaux et les classifications. L'Etat a d'ores et déjà pris ses responsabilités. Il continuera à les exercer pleinement. J'attends des partenaires sociaux des branches dans lesquelles les négociations sont au point mort qu'ils fassent preuve du même esprit de responsabilité.

Les lignes d'action pour les mois à venir
Ce sont ces quelques constats et ces premiers enseignements de l'exercice en cours qui m'amènent aujourd'hui à vous présenter les actions que j'entends mettre en œuvre pour les mois à venir.

Je dresserai devant vous, à la fin du mois de mars, le bilan définitif, après une année, de la négociation salariale de branche. Le Gouvernement souhaite - et le Premier ministre l'a très clairement indiqué le 12 décembre devant la CNNC- que les branches qui n'ont pas conclu d'accords le fassent d'ici le 15 mars.
Dans cette perspective, nous devons distinguer deux types de situation :
il y a d'abord les branches dans lesquelles les négociations se poursuivent normalement : elles devront veiller à aboutir dans les délais souhaités ;
il y a ensuite les branches dans lesquelles la situation apparaît encore durablement bloquée : pour celles-là, je demande au directeur des relations du travail de recevoir personnellement les négociateurs et, au vu des points d'achoppement et de convergence constatés, de faire des propositions susceptibles de permettre de renouer le dialogue. Au besoin, pour les situations les plus difficiles, je rencontrerai les parties concernées.

Je compte également pérenniser le dispositif d'alerte et de suivi mis en place.
Ce dispositif de suivi nous a en effet permis d'élaborer un diagnostic précis de l'état de la négociation salariale dans les branches. Il sera maintenu pour l'avenir dans le cadre de votre sous-commission. Je crois nécessaire de ne pas perdre l'expérience et le capital acquis au cours de ces 9 derniers mois. Les informations et les données collectées et analysées dans le cadre de cette opération seront actualisées régulièrement et pourront alors servir de base à la poursuite de ce travail de veille associant les partenaires sociaux. Mon objectif est d'être en mesure de pouvoir réagir rapidement en alertant les partenaires sociaux et d'éviter ainsi de laisser la situation conventionnelle se dégrader à nouveau en terme d'obsolescence des grilles de salaire et de classification.

Parallèlement à cette pérennisation du système de suivi installé en mars, j'ai demandé au directeur des relations du travail de mettre en place un dispositif de veille et d'alerte pour les branches de moins de 5.000 salariés.
Nous n'avons en effet examiné jusqu'à présent que les 274 principales branches. Cette veille sera étendue à l'ensemble des branches dans le cadre de la sous-commission. Il appartiendra aux partenaires sociaux de nous saisir de la situation de ces branches qui leur paraissent les plus préoccupantes. Sur cette base, leur situation sera analysée en détail et pourra être suivie des mêmes mesures que celles que nous avons mis en place ces derniers mois.

J'observe que, dans certains cas, les difficultés de négociation tiennent largement à la structure même du champ conventionnel concerné. Le dialogue social, pour être pleinement efficace, exige tout à la fois des champs conventionnels clairs et cohérents et des interlocuteurs disponibles et impliqués. Ces exigences ne sont pas toujours au rendez-vous soit du fait de chevauchements conventionnels, soit parce que certaines branches sont trop étroites pour garantir une animation effective de la vie conventionnelle, soit - et à l'inverse- parce que d'autres branches fédèrent des activités multiples et très diverses.
Dans tous les cas, cette situation nuit à la vitalité et à la qualité de la négociation collective de branche. C'est évidemment le cas en matière de salaires ou de classification.

Aussi je crois nécessaire de constituer, dans le cadre de la sous-commission des accords de la CNNC, un groupe de travail réunissant les partenaires sociaux afin d'identifier les principales difficultés tenant au champ conventionnel. Au vu de ses travaux, et dans le respect des prérogatives de partenaires sociaux, des clarifications, par le biais notamment de la procédure d'élargissement, pourraient intervenir.

Nous devons aussi renforcer notre information statistique sur les salaires réels dans les branches. Le bilan établi par la DRT ne comporte pas d'éléments en la matière, en l'absence de données disponibles. Ce sont pourtant des informations indispensables pour les partenaires sociaux qui ont en charge l'élaboration des grilles salariales.
J'ai donc demandé au directeur de la Dares d'accélérer la mise en place et l'exploitation d'un dispositif de suivi trimestriel des salaires réels dans les branches. Les premières données seront disponibles début 2007. Elles constitueront un élément d'information précieux et nouveau pour les partenaires sociaux.

Ces lignes d'action me paraissent de nature à garantir une meilleure effectivité de la négociation salariale de branche.

Mais la question des salaires ne se limite pas naturellement à la seule négociation de branche. Celle-ci se contente de fixer un cadre à la négociation d'entreprise et à l'évolution des salaires réels. C'est à ce titre que j'ai d'ailleurs fait de la relance des négociations de branche une priorité.

De fait, la négociation salariale dans le secteur privé relève prioritairement de la responsabilité des partenaires sociaux : c'est à eux qu'il appartient de fixer le montant et la structure des rémunérations dans les entreprises.

Pour ce qui le concerne - à savoir la fixation du SMIC-, le Gouvernement a d'ores et déjà pris ses responsabilités : ces trois dernières années se sont traduites par une forte augmentation du SMIC (+5,5 % en juillet dernier) afin d'assurer la convergence des "multi-SMIC", contribuant de la sorte à soutenir le pouvoir d'achat de ces catégories de salariés.

Sur ce sujet, lors de la réunion de la CNNC du 27 juin, j'ai demandé au directeur des relations du travail un rapport sur le SMIC. Je n'oublie pas cet engagement. Un pré-rapport vous sera adressé dans les tous prochains jours. Je souhaite que vous puissiez faire part au DRT de vos observations sur ce document afin qu'il puisse les intégrer dans son rapport définitif.

Au-delà de ce qui relève de l'Etat, j'attends des partenaires sociaux qu'ils prennent aussi leurs responsabilités.

Pour l'heure, à cette dynamique du SMIC, s'ajoute ces derniers mois des évolutions plus favorables du pouvoir d'achat des salaires. Les tendances esquissées en début d'année se sont bien confirmées. La relance de la négociation salariale depuis mars n'y est pas étrangère.

Après un creux conjoncturel lié à une situation économique morose, le pouvoir d'achat des ménages est en effet reparti à la hausse : +0,5 % en 2003, +1,6 % en 2004 et +1,9 % prévu pour 2005.

Cette amélioration tient pour une part importante à l'évolution des salaires. L'inflexion à la hausse du salaire moyen de base est sensible depuis le début de l'année. Au troisième trimestre 2005, la progression annuelle du salaire moyen dans le secteur privé est de 2,8 %. Cette augmentation est la plus forte enregistrée depuis 1993. Le salaire horaire des ouvriers est encore plus dynamique : + 3,1 % sur un an.

La progression des salaires nets dans notre pays tend donc désormais à se rapprocher de son rythme de croisière. Cela tient au redressement de la croissance et à l'amélioration de la situation de l'emploi. Car l'évolution des salaires dans le secteur marchand reste largement liée à l'évolution de l'activité.

Le Gouvernement est naturellement prêt à accompagner la démarche des entreprises.

Il le fait en favorisant l'activité économique. Il le fait en revalorisant la prime pour l'emploi.

Il le fait en poursuivant le travail engagé sur le temps partiel. Nous avons rencontré à plusieurs reprises les partenaires sociaux, tant au niveau interprofessionnel que dans les branches les plus concernées. Nous avons dans ce cadre identifié les « bonnes pratiques » permettant d'améliorer la qualité des emplois et devant être mieux diffusées. Des négociations de branche devraient s'engager dans les semaines à venir dans des branches particulièrement concernées comme la grande distribution alimentaire.

Il le fait enfin en mettant en place de nouveaux outils permettant d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés.

Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit la possibilité pour les entreprises de verser à l'ensemble de leurs salariés un bonus exonéré de cotisations sociales pouvant aller jusqu'à 1.000 euros. Cette possibilité est néanmoins conditionnée à la signature préalable d'un accord de salaire (de branche ou d'entreprise). Cette condition est essentielle tant pour prévenir toute substitution du bonus aux salaires que pour inciter à la conclusion d'accords salariaux.

Le Premier ministre a également souhaité que soient mise en œuvre une meilleure prise en charge des coûts de transport des salariés. Pour cela, les leviers fiscaux et sociaux seront mobilisés. Nous vous saisirons prochainement sur cette « prime transports » qui sera inscrite à l'ordre du jour de la négociation annuelle obligatoire 2006 des entreprises.

Nous allons également - et le Premier ministre l'a confirmé le 12 décembre- mettre en chantier une réforme de la participation. Il ne s'agit pas bien sûr d'assimiler salaires et participation financière. Mais, dans une économie sans cesse plus concurrentielle, toujours plus internationalisée, elle participe à la politique globale de rémunération des salariés en facilitant la redistribution des profits. En 2003, ce sont 53 % des salariés qui avaient accès à un mécanisme de participation financière. La prime moyenne par salarié s'établissait à 1.830 euros, ce qui représente un complément de revenu équivalent à 6,5 % du salaire.

J'ai la conviction que la logique de participation est, peut-être aujourd'hui encore plus qu'hier, une idée moderne. Je présenterai, avec Jean-Louis Borloo et en lien avec Thierry Breton, un projet de loi pour moderniser, approfondir et surtout mieux diffuser les dispositifs existants. Ce texte sera examiné au cours du premier semestre 2006. Naturellement, ce texte sera élaboré en concertation avec les partenaires sociaux, notamment au travers du Conseil supérieur de la participation, pour examiner ensemble comment mieux associer les salariés à la création de richesse par les entreprises.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les points que je souhaitais porter à votre connaissance cet après-midi en appui à ce premier bilan de la négociation salariale dans les branches.

Depuis le mois de mars, un important travail a été accompli. Il a commencé à produire des résultats. Mais ceux-ci restent encore à mes yeux insuffisants.

Nous devons encore progresser d'ici le 15 mars. Je m'y emploierai personnellement. Mais j'en appelle aussi à l'esprit de responsabilité de chacun dans cette opération.