Texte intégral
Si vous le voulez bien, j'aimerais vous parler librement, vous parler avec mon coeur, vous dire ce que je pense et ce que je vais faire.
J'ai conscience de ce que peuvent avoir d'humiliants les discours rituels à huit jours d'une élection, où l'on vous dit que l'on vous aime. Et naturellement, on se demande ce qu'il y a de sincère dans cette déclaration d'amour opportune.
Je voudrais que vous sachiez, et j'ai ici des amis de longue date, que le sport fait partie de ma vie depuis que je suis tout jeune.
À 14 ans, j'allais à la Cipale à Vincennes, j'allais rêver parce que j'y voyais Daniel Morland, Quentin, Quintin. J'allais à la Cipale tout seul et je n'ai jamais oublié cela, jamais.
Puis, quand le Parc des Princes est arrivé, au milieu des années 70, j'y suis allé tout seul, j'ai acheté mon billet, je crois me souvenir que c'était un France - URSS Juniors. Nous n'étions pas extrêmement nombreux dans le stade, je n'ai jamais oublié.
Je n'ai pas non plus oublié le dernier match de l'équipe de France de football à Colombes. À Colombes, il n'y a pas eu que du rugby, il y a eu aussi du football. Et quand j'allais au stade, à l'époque, nous y allions le dimanche, je rêvais.
Je n'ai jamais oublié le supporter que je n'ai jamais cessé d'être. Vous me faisiez rêver. Je n'ai jamais été au stade, au vélodrome, aux Jeux olympiques. En 1972, j'étais à Munich, je n'avais aucun billet et c'est pour cela que j'y ai vu tous les matchs de hockey sur gazon, j'étais le seul spectateur... J'ai même vu l'haltérophilie !
Je m'en souviens très bien parce que c'était le début de l'histoire du judo. En 1972, à Munich, la France a obtenu 3 médailles de bronze : Mounier en léger, qui gagne sur ippon-seoi-nage, Coche en moyen et Brondani en mi-lourd.
Et ce n'est pas un collaborateur qui m'a préparé ça, parce qu'il lui faudrait 6 mois de recherches pour trouver ces informations. Mais ça, c'est ma vie !
Ce qui est curieux, c'est que j'ai toujours aimé le sport, et Jean-François Lamour sait bien que, depuis 5 ans, j'intrigue pour prendre sa place en vérité... Ce fut la maldonne entre Jacques Chirac, Jean-François Lamour et moi ! Au fond, la place que je voulais vraiment, c'était celle de Jean-François Lamour.
J'ai toujours aimé le sport comme spectateur, j'ai toujours été au stade. Mais j'ai toujours aimé le sport pour en faire. Et j'ai toujours aimé les femmes et les hommes, quel que soit le sport, parce que je leur trouvais des points communs, une capacité à rêver, à vouloir faire de leur vie quelque chose de plus grand que ce que cette vie était au départ. J'ai aimé les gens que le stress transcende, j'aime celui qui est capable de rentrer dans un stade en se disant : c'est ma vie, c'est ici que je veux être et je vais y aller à fond.
Puis, quand je suis devenu père, un certain nombre ici présents le savent bien, à 4 ans, mes enfants venaient au stade avec moi. Cela fait tout drôle de les revoir maintenant avoir la même passion du sport que moi. Mais ils aiment tous les sports. Ils ont des sports fétiches, mais ils aiment tous les sports, parce que lorsque l'on aime le sport, on aime tous les sports.
Bien sûr, on peut avoir des préférences, mais l'acte sportif, au-delà de la différence de vos disciplines, reste le même : c'est aller au bout de soi-même, s'élever au-delà de sa condition, donner du bonheur, lutter à armes égales, en tout cas on peut le souhaiter.
Ces valeurs sont les miennes et celles de ma famille.
Un grand journal sportif a bien voulu m'interviewer pour un article. Je leur ai demandé : pourquoi n'en faites-vous que sur moi ? Ils m'ont répondu : parce que ce serait injuste de le faire avec les autres, vous partez avec un avantage...
C'est vrai, je me souviens du Tour de France à l'époque où il y avait des équipes nationales : 1968, équipe de France C, capitaine Désiré Letort... Cela fait partie des bonheurs que l'on a dans la vie.
Si je suis président de la République, dans trois semaines si les Français me font confiance, je veux donner à nos compatriotes cette culture et cet amour du sport.
Je ne veux pas être avec vous parce que « ça fait bien ». Je ne veux pas être avec vous parce qu'une photo avec des sportifs, c'est mieux. Je veux être avec vous parce que vous êtes ma vie. Ma vie de spectateur, ma vie tout court.
Je n'imagine pas une année sans aller voir un match, sans me retrouver dans un stade, sans parler avec des sportifs, sans qu'ils m'expliquent dans le détail comment on s'entraîne, comment ça se passe et qu'est-ce que l'on ressent deux minutes avant.
J'ai l'impression que ma vie ressemble à la vôtre lorsque vous étiez au paroxysme de vos carrières. Il faut que je sois à la fois très fort et en même temps très sensible. Il faut que je sois à la limite de ce que l'on peut donner physiquement et donc au carrefour de toutes les fragilités. Ce qui est la définition exacte d'une femme ou d'un homme en forme.
Il faut que j'intègre l'idée que la meilleure façon de lutter contre le stress de la compétition, c'est d'avoir beaucoup travaillé à l'entraînement. L'entraînement ne prépare pas simplement, il rassure. Le champion qui rentre, qui se dit qu'il a plus travaillé que les autres, qu'il a fait tout ce qu'il fallait ; celui qui, au petit matin glauque, s'est retrouvé à faire des tours de piste, sait que, dans sa tête, il est plus fort, non par prétention ou arrogance, mais parce qu'il s'est préparé.
Dans l'aventure sportive, ce qui m'a le plus passionné, c'est la façon avec laquelle on se prépare à ce rendez-vous. Pas tant les dix secondes, les trois minutes ou les quatre-vingt-dix minutes du combat, mais ce qui se passe avant. Car je pense que la victoire se gagne avant.
Beaucoup de journalistes me demandent si je suis au second tour, si j'ai le trac en pensant au débat du second tour. Non, quand on se prépare depuis trente ans à un rendez-vous, on n'a pas le trac, on doit simplement se demander dans sa tête si on est prêt ou pas.
J'ai toujours voulu que ma vie soit une vie de passion, je la vis comme les grands sportifs que vous êtes et la nature ne m'avait pas donné les mêmes atouts.
Vraiment, je n'ai jamais compris quand tel ou tel jeune déclarait : cette année, mauvaise année, ils nous font trop jouer. En moi-même je me disais : celui-là ne sait pas encore qu'une carrière, ça s'arrête et que la vie est courte. Comment dire que l'on a trop joué de matchs, trop joué au tennis ou au football, alors que c'est un bonheur de se retrouver là.
J'aime le cycliste qui sait qu'il ne gagnera jamais le Tour de France, qui se dit qu'il va en baver, mais qui pourra dire à ses enfants et à ses petits-enfants que ça, il l'a fait, qu'il y était, qu'il l'a vécu.
Alors, il y a le programme sportif, le projet sportif et c'est capital. Mais cela n'a aucune importance par rapport à la culture sportive qui est la mienne.
Je veux rendre au sport la place qu'il mérite. Je ne veux que l'on se passionne simplement pour le sport quand il y a une Coupe du monde, qu'elle soit de football ou de rugby, quand il y a un Championnat du monde d'athlétisme ou quand un boxeur fait des exploits.
Je veux rendre sa place au sport dans notre société du 1er janvier au 31 décembre. Comment faire, comment y arriver ?
Je pense que tout passe par l'école. Je veux que l'on augmente les coefficients des épreuves de sport. C'est la seule façon de redonner au sport sa place. Ce n'est pas qu'une affaire de quantité, mais aussi de qualité.
Si les épreuves sportives continuent à avoir les plus petits coefficients, il ne fait pas s'étonner que les familles regardent le sport comme une anecdote.
Il y a eu un grand débat sur le mi-temps sportif. On passait d'une situation où l'on ne fait jamais de sport, à une situation où l'on en ferait à mi-temps. À l'arrivée, rien n'a été changé du tout.
Je veux qu'on laisse le choix, à toutes les familles de France, de l'école de son enfant. Choisir une école où l'on fera du sport, en doublant le nombre d'heures. Ou choisir une école où l'on fera un mi-temps sportif, même si son enfant n'a pas vocation à devenir professionnel.
Je conteste violemment l'idée que pour faire un mi-temps sportif il faut avoir l'espérance de devenir champion olympique ou professionnel. Il existe quantité de jeunes, dans des tas de familles, qui peuvent avoir envie de faire du sport autant que des autres matières, sans pour autant avoir l'espérance d'être un jour champion olympique ou d'être sélectionné en équipe de France.
Je veux que ce choix existe. À partir de ce moment-là, je veux que les établissements de mi-temps sportifs ne soient pas des fabriques à champions. Tant mieux si nous en avons, je n'ai jamais opposé sport d'élite et sport de masse, car l'élite est absolument nécessaire pour tirer l'ensemble du peuple vers un objectif et un rêve.
Mais je veux que le gosse qui n'a aucun talent pour le sport mais qui l'aime passionnément puisse en faire à mi-temps. Je n'avais aucun talent, j'adorais le sport et j'aurais aimé me retrouver dans un établissement où l'on me donne à faire du sport la moitié du temps.
C'est ainsi que nous redonnerons au sport la place qu'il mérite dans la société française. C'est possible et je le ferai.
Concernant la place des champions dans l'organisation du sport, je crois profondément que nos fédérations doivent être gérées différemment de ce qu'il en est aujourd'hui. Je veux m'en expliquer pour que personne n'en soit blessé.
Le sport est devenu une véritable industrie par les enjeux économiques et sociaux internationaux. Il faut sortir de la logique où l'on considère que, pour pouvoir diriger une fédération, il faut soit avoir des moyens personnels considérables et être dégagé de toute obligation professionnelle, soit être à un âge où l'on a le choix entre une retraite paisible ou une activité bénévole.
Je vous parle de ces questions parce qu'elles m'intéressent et parce que j'y ai réfléchi depuis longtemps.
Le sport ne peut pas avoir de tels enjeux et ne pas être professionnalisé dans sa gestion et dans son approche. Ce n'est pas parce que c'est du sport amateur que la question tourne autour du seul bénévolat. Ceux qui se dévouent pour le sport méritent d'en être récompensés. Comment ?
Je souhaite d'abord que les dirigeants des fédérations puissent être rémunérés pour le travail qu'ils font. Porter, diriger une fédération est un travail à temps complet qui mérite d'être rémunéré et pas par de petits arrangements. Par exemple, je suis le ministre du Budget qui a engagé le plus de rugbymen dans la douane. C'est bien pour le rugby, quant à la douane, ils ne lui ont pas fait beaucoup de mal.
Je connais Monsieur Lapasset, je l'apprécie, mais je veux que chaque fédération, dans chaque sport, puisse se donner les meilleurs pour les diriger. Et qui peut me dire que nous pouvons avoir les meilleurs pour incarner son sport si nous ne les payons pas ?
Quelle drôle d'idée que de voir l'argent rentrer dans le sport et considérer que les dirigeants, qui animent un sport, le portent, défendent son image et l'organisent, eux, n'ont pas vocation à être rémunérés. Que la rémunération d'un dirigeant ferait en sorte que l'enthousiasme de ce dirigeant ne serait pas aussi noble. C'est faux !
À la tête de nos fédérations, nous avons besoin de dirigeants professionnels, engagés et de qualité.
Et que soit faite une place spécifique aux anciens champions au sein des conseils d'administration de nos fédérations. Que celui qui a tout reçu de son sport, qui lui a tout donné, ne puisse pas s'investir dans le sport qui a été sa vie est un désastre.
Regardez ce qui se passe avec le judo, exemple que je connais bien et que l'apprécie beaucoup. Ils ont eu des hauts et des bas ces dernières années et retrouvent aujourd'hui les hauteurs. Mais comment ont-ils associé les Rouget, Coche et l'ensemble de ces grands champions ? Comment ont-il su exploiter la richesse humaine de tous ceux qui se trouvaient sur le tatami, qui avaient dépensé des dizaines de kilos de sueur dans les dojos, comme dirigeants, comme entraîneurs, comme directeurs techniques ?
C'est un exemple à suivre.
Je ne veux porter de jugement sur personne, chacun sait mon amour profond pour le cyclisme. Regardez la situation du cyclisme français, on ne peut pas considérer qu'elle soit spécialement enviable dans un pays qui aime profondément le vélo. Nous devons y réfléchir et leur donner les moyens de se développer. Il ne faut pas avoir peur de rémunérer les gens pour le travail qu'ils font.
Au sujet des bénévoles, nous sommes une société curieuse, trop indulgente avec ceux qui empoisonnent la vie des autres et pas assez généreuse avec ceux qui se dévouent pour les autres. On considère comme normal d'être bénévole pendant des années pour un petit club ou une fédération et que cette normalité ne soit pas récompensée.
Je veux que 10 ans de bénévolat à la tête d'un club ou d'une fédération soient récompensés d'un an de cotisation retraite. Je veux porter la valeur de celui qui se dévoue pour les autres en soit récompensé.
Je veux également que les jeunes étudiants, qui s'engagent dans un club, puissent bénéficier de 10% de point en plus au moment des examens.
Je veux qu'il n'y ait plus une seule grande école française sans une épreuve sportive obligatoire pour y rentrer.
Je veux que l'éducation nationale change ses valeurs. Fantastique ! on y développe des valeurs qui ne serviront pas dans le monde adulte.
Nous n'avons pas forcément tous des enfants qui soient des génies des études. Vous certainement, moi, disons que j'ai dû m'adapter... Je fais partie de ces parents qui quand le professeur vous reçoit commence par vous dire que votre fils est très intelligent. La première fois, je l'ai pris au 1er degré. À la seconde, j'ai compris que la suite allait être plus cruelle. On ne dit jamais au père du premier de la classe que son fils est très intelligent, on lui dit que ça va bien, qu'il n'y a pas de problème...
Mais les valeurs de charisme, de sens de l'équipe, de dévouement, d'aide aux autres, ces valeurs, qui sont celles de la vie, ne sont pas assez mises en exergue.
Donc on change la logique de l'école, en doublant le nombre d'heures, en augmentant les coefficients, en permettant aux familles de choisir un mi-temps sportif et en démontrant qu'avec un mi-temps sportif on peut quand même faire de grandes études, que non seulement ce n'est pas un handicap, mais que ça peut être une chance.
On donne les moyens aux fédérations de professionnaliser leur gestion.
On récompense les bénévoles dans tous les clubs amateurs si importants pour notre pays en leur donnant des points de retraite. Le bénévolat, ce n'est pas simplement une question d'argent, mais de considération. Pour que celui qui a consacré 20 ans à son club de sa région ne se dise à la fin de sa vie qu'en plus on ne lui a pas dit merci.
Mais cela vaut aussi pour les jeunes lors de leurs examens de passage.
Alors, à ce moment-là, on change du tout au tout l'organisation du sport dans notre pays. Et à ce sujet, j'aimerais vous dire un mot à propos d'un sujet qui vous préoccupe : le ministère des Sports.
Je veux prendre mes responsabilités et j'ai beaucoup réfléchi à cette question.
Naturellement, le mouvement sportif est attaché à un ministère des sports. D'ailleurs, c'est un grand classique français, chacun considère qu'il y a trop de ministres, mais chacun veut le sien...
Le rôle de la politique n'étant pas de nier les contradictions, mais de les surmonter. Il y aura donc un ministère des sports, dédié aux sportifs, mais je veux inscrire ce ministère dans un pôle de compétences où j'y mettrai également la santé.
Car je conteste l'idée que le sport soit associé à la jeunesse. Le sport, ce n'est pas que la jeunesse, c'est toute la France. Lier jeunesse et sports, c'est nier la pratique sportive.
Personnellement, je cours deux à trois fois par semaine, parfois quatre, il est rare que je rencontre un jeune, plus fréquemment ceux que je rencontre sont plus de mon âge. Parce que c'est à un certain âge qu'en réfléchissant, on s'aperçoit que l'on ne peut pas vivre sans le sport.
Quand on est jeune, on aime l'aspect ludique du sport, on aime le jeu, la compétition. C'est le sport, mais ce n'est pas tout le sport. À un certain âge, on aime le sport comme éthique de vie, pas en tant que compétition, ni comme jeu.
Il n'y a pas un jour où je sois parti courir en me disant que ça me faisait plaisir. Ce n'est pas un jeu, mais quand on revient, on est heureux.
Quand on est jeune, on est heureux avant, quand on est moins jeune, on est heureux après. L'essentiel, c'est que ça dure.
Je veux faire un pôle de compétences, où celui qui incarnera ce pôle, santé et sport, pourra avoir les moyens, il aura un délégué au sport et un délégué à la santé, où les arbitrages seront rendus par une personnalité politique de premier plan et où le sport ne sera pas un ghetto « jeunes et sports » en fin de liste.
Je veux que celui qui porte le sport puisse également débattre et porter d'autres enjeux comme celui de la santé. Quelle est la signification de mettre le titulaire de la santé d'un côté et celui du sport dans un autre ? À quoi sert le sport, s'il ne sert pas à améliorer, à porter, à développer la santé des Français et pas simplement des jeunes français ?
J'ajoute un point très douloureux, celui du dopage. Imaginez les progrès que nous ferons dans la lutte contre le dopage, c'est-à-dire contre les tricheurs, si nous mettons santé et sport dans un même pôle, c'est-à-dire que pour la première fois le ministre des Sports aura les manettes pour appuyer sur le ministère de la Santé pour obtenir des contrôles, une équité, une droiture.
Alors, à ce moment-là, on change tout et l'on « deghettoïse » le sport.
Je voudrais également parler de l'argent et dire à tous nos compatriotes que, pour moi, c'est la même chose que les goldens parachutes et les stock-options pour quelques-uns.
On oublie que la carrière d'un sportif dure peu de temps. On oublie qu'elle peut s'arrêter tout de suite, que la maladie, l'accident peuvent tout stopper d'un coup. Le sport et l'argent, cela ne me fait pas peur. Ceux qui contestent sont de l'extérieur.
Que les champions qui nous font rêver gagnent de l'argent, c'est normal, tout comme des chefs d'entreprises qui créent des riches en gagnent. Je ne souhaite pas revenir à une époque où tous les sports étaient pauvres. Car si tous les sports sont pauvres, que se passera-t-il pour le sport amateur ? S'il y a plus de moyens pour le sport amateur aujourd'hui, c'est parce qu'il existe un sport d'élite qui tire et amène des moyens.
Mais je veux que la France puisse lutter à armes égales.
Je le dis devant un président de club de football, moi, je n'ai pas de position idéologique sur l'entrée en bourse, je dis simplement : à quoi sert-il de faire des compétitions européennes si l'on empêche nos clubs de se battre à armes égales avec les autres ? Si l'on a des clubs qui ne sont pas propriétaires de leurs installations ?
Quelle drôle d'idée ! Nous sommes le seul pays au monde où l'on ne peut pas être propriétaire quand on est un club d'un équipement que l'on utilise toute l'année.
À quoi cela sert si l'on n'est pas propriétaire de son droit à l'image. À quoi cela sert si les règles fiscales et sociales font que les meilleurs joueurs français jouent ailleurs et habitent ailleurs ?
J'entends bien les critiques des uns et des autres, mais je ne reproche rien à celui qui trouve une solution pour s'en sortir. Je demande simplement que l'on réfléchisse à un système conduisant les meilleurs joueurs de l'équipe de France à ne pas jouer en France, conduisant à avoir une équipe avec des résultats exceptionnels et des clubs qui ne sont pas qualifiés, est-ce normal ? Peut-on considérer que c'est facile ? Doit-on rester dans de telles conditions ?
La question n'est pas de savoir si faire rentrer un club en bourse est bien ou pas, et nous avons eu une discussion passionnée avec Jean-François Lamour à ce sujet. La question est que nous sommes en Europe et qu'il faut harmoniser les règles fiscales, juridiques et les moyens donnés aux autres. Ou alors, on dit que l'on sort de l'Europe.
La question n'est pas de savoir s'il est bien que nos joueurs de tennis habitent Monaco, Miami ou la Suisse. La question est qu'ils sont confrontés à d'autres jeunes de la même génération et qu'il n'y a aucune raison que les seuls sportifs qui soient pénalisés soient les nôtres. Ou alors, ce n'est pas la peine d'espérer avoir des médailles et de dire, fantastique, nous avons les meilleurs champions si jamais on les voit jouer.
À l'époque de Saint-Étienne, de l'OM ou du PSG -qui lui aussi a gagné à une autre époque, notre époque- c'était extraordinaire. On se disait avec les copains à l'école : ce soir, il y a un match, on le loupera pour rien au monde ! À cette époque, on existait !
Pour moi, ce n'est pas une question de libéralisme, de droite ou de gauche, mais une question de bon sens. Si nous jouons la compétition, jouons la en donnant à nos clubs les moyens d'être compétitifs, ou alors ce n'est pas la peine. Si nous voulons gagner des médailles, faisons en sorte de pouvoir les obtenir.
C'est à partir de ce moment-là que je proposerai au ministre des Sports et de la Santé de conduire une action afin d'harmoniser les règles de la législation fiscale.
On me dit que nous ne pouvons pas faire pareil, que nous ne pouvons pas faire de statut dérogatoire pour les artistes, les sportifs, les savants, les créateurs, pourquoi ? Parce qu'ils sont fascinés par l'égalitarisme et le nivellement. Moi, ce ne sont pas mes valeurs.
Je n'accepte pas d'être dans un pays où un statut a décrété que le Professeur Montagné, ce géant qui a le premier isolé le virus du Sida était trop vieux. Cela fait 10 ans qu'il cherche au bénéfice de la recherche américaine... Ce n'est pas Montagné qui est trop vieux, c'est le statut qui est archaïque et c'est lui que je changerai pour qu'il puisse revenir.
La question n'est pas de faire des ponts en or aux sportifs français, mais de mettre à égalité vos fédérations, vos clubs et vos sportifs à égalité de conditions avec les autres. Voilà ce que je veux faire pour notre pays.
Et je veux en finir avec cette jalousie maladive qui n'est pas celle du peuple français, mais celle d'une toute petite élite qui au fond n'a rien compris aux vrais sentiments du peuple français qui respectent l'effort, le talent, la mise en danger.
J'étais récemment dans un centre de rééducation près de Rennes. Il y avait un beau garçon de 19 ans, espoir de l'équipe de France de rugby, qui s'est brisé le dos. Je l'ai vu sur une planche en train de se rééduquer.
En moi-même je me disais, si tout le monde voyait ce que je vois, on comprendrait qu'il n'est pas anormal d'en profiter un peu pendant sa carrière. Je le dis devant Philippe Streiff, je l'ai connu avec ses deux jambes, puis, quand il y a eu cet accident, j'étais là aussi.
Je suis désolé, mais ce n'est pas le métier de tout le monde, donc on ne peut pas avoir le même statut que tout le monde. Je sais parfaitement que pour vous il peut y avoir la blessure, la fin de la carrière et tout derrière qui s'écroule.
Voilà ce que je veux faire pour le sport français. Et voilà quelle est ma réponse au débat sur l'argent et le sport. Je ne veux pas d'hypocrisie et je ne veux pas que l'on soit mal à l'aise avec cela.
Et tant mieux que nos champions puissent construire une carrière, tant mieux s'ils gagnent de l'argent. Ce qui compte pour moi, c'est qu'on le mérite. Que chacun se dise : ce qu'il fait lui, je vais pouvoir le faire moi-même. Et ça change tout.
Je voudrais terminer en vous disant une ou deux choses qui me tiennent à coeur.
Je voudrais que le mouvement sportif et notamment les sportifs se prennent en main.
Ne revenons pas sur les Jeux olympiques, mais je voudrais quand même dire que la confiance faite à Sebastian Coe m'a bouleversé. J'adore l'athlétisme, sport olympique majeur, cet homme est pour moi une idole, ce qu'il a fait est exceptionnel. J'ai regardé cela de près. Ils ont tellement fait confiance au mouvement sportif qu'ils ont dit : c'est vous qui portez cela, c'est vous qui vous battez, c'est vous qui organisez.
Moi, je veux que l'on vous fasse confiance, y compris en vous donnant la possibilité d'échouer et d'en payer les conséquences. Mais c'est votre affaire et celle de personne d'autre.
À un moment donné, une grande nation sportive comme la France doit le prouver en vous confiant les responsabilités, à de vous en débrouiller, de faire l'unité et de trouver les meilleurs. C'est cela l'histoire des Jeux olympiques.
Je ne suis pas ici pour remettre en cause la politique, je suis un homme politique, mais il faut prendre des décisions, choisir, trancher. Quand un pays est candidat aux Jeux olympiques, c'est le mouvement sportif qui doit se prendre en main, doit désigner un responsable qui assume la responsabilité du total.
À l'arrivée, il y a la victoire ou l'échec, on sait qui a gagné et qui a perdu. Franchement, dans le truc si compliqué qu'on t'a imposé, c'était très difficile de mettre tout le monde d'accord. À un moment, il faut choisir et s'engager.
De ce point de vue, j'ai vu que deux candidats à la présidentielle voulaient boycotter les Jeux olympiques de Chine. Il ne manquerait plus que cela. Des choses stupides dans ma vie, j'en ai entendu, mais des comme ça, c'est du niveau olympique !
Les Jeux olympiques sont un événement planétaire et nous allons boycotter 1,3 milliard d'individus ? En leur demandant de sortir parce que nous n'habiterions pas la même planète ? Mais que voulons-nous ? Que la Chine se transforme comme la Corée du Nord ? C'est l'objectif ?
Les Jeux olympiques sont un espace de liberté. Les Jeux olympiques, c'était Munich, ils ont continué malgré la prise d'otages des athlètes israéliens et les morts. Parce que le sport et ces événements-là sont plus importants que tout, parce qu'ils font partie des petits bonheurs de la vie et que l'on n'a pas le droit de les sacrifier et de les rabaisser.
Quand il y a eu ces problèmes autour du Tour de France, avec l'affaire Festina, j'ai demandé à ce que l'on ne tue pas le Tour de France parce qu'il est plus grand que les problèmes qu'il connaît aujourd'hui. Et un mois de juillet sans Tour de France n'est pas un mois de juillet.
Mais oui, parfaitement, je n'ai pas oublié le café « le Plaisance », à l'époque nous n'avions pas la télévision là où nous étions, à Royan. À 3 heures de l'après-midi, j'allais voir l'étape au « Plaisance », évidemment, comme tous les Français.
Et ceux qui ne sont pas allés au « Plaisance » ne peuvent pas comprendre. C'est culturel, ça ne se rattrape pas. C'est un truc que vous vivez et que vous gardez toute votre vie. Si vous ne le vivez pas, vous ne pouvez pas le rattraper.
Les Jeux olympiques sont un espace de liberté, ils vont contribuer à ouvrir la Chine et naturellement, c'est de la pacification. Nous allons boycotter un événement sportif alors que le sport est un fédérateur entre les hommes de la planète, le sport sublime, dépasse les contradictions et les oppositions.
Dans notre planète, où il y a tant de conflits, tant de morts de douleur et de tristesse, nous allons boycotter un événement de paix et de joie ?
Mais c'est fantastique que les Jeux olympiques aient lieu à Pékin ! Les jeux olympiques, ce n'est pas simplement l'Europe, l'Occident. Tant mieux que ce soit l'Asie qui en soit l'organisateur.
Enfin, je crois tellement dans ce que je dis que vous prenez un grand risque parce que je le ferai. Pour moi, cela fait partie des choses non négociables, des retards qui ont été accumulés par société française.
Je suis ami avec des sportifs depuis mon plus jeune âge, cela n'a jamais changé. Ce n'est pas pour les élections, je n'ai pas besoin de lire une fiche pour savoir ce que vous avez fait, je le sais, j'ai tout en mémoire.
Mais je ne peux pas me poser cette question-là devant toutes ces foules, ces millions de gens qui espèrent. Ils ont été déçus. Et aussi amicaux que vous soyez à mon endroit, je suis sûr qu'un petit bout de votre tête se dit : Est-ce que l'on ne rêve pas ? Est-ce qu'il le fera vraiment ? Ou est-ce qu'une fois encore nous serons déçus ?
Je veux que vous sachiez que je n'ai pas le droit à l'échec. Je me mets dos au mur parce qu'il faut que l'on avance. Tout ce que je dis, je le ferai. Et, en plus, cela me fera plaisir de le faire.
Merci d'être venus.
Source http://www.u-m-p.org, le 18 avril 2007