Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur l'avenir du partenariat entre la France et les pays du Maghreb, Paris le 20 mars 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Monsieur le Ministre d'Etat, Monsieur Pierre Joxe,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Président de l'Institut du Monde arabe, Cher Dominique Baudis,
Monsieur le Président du Conseil français du Culte musulman, qui va venir dans un instant,
Cher Dalil Boubakeur,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,


Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui au Quai d'Orsay de nombreux et fidèles acteurs des relations entre la France et le Maghreb. On se rencontre très souvent depuis maintenant plusieurs mois, sur le même sujet, que sont les relations entre notre pays et le Maghreb. Nées de l'histoire et façonnées par notre ouverture sur la Méditerranée, nos relations avec le Maghreb sont profondes, uniques et constituent à mes yeux un capital exceptionnel pour la France d'aujourd'hui et de demain. C'est la raison pour laquelle, dès mon arrivée au Quai d'Orsay, j'ai souhaité faire de notre relation avec le Maghreb l'une des priorités de notre politique de voisinage et mis en place un groupe de travail chargé de faire des propositions concrètes en faveur d'un partenariat renforcé avec le Maghreb. Je tiens d'ailleurs ici à remercier la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement (DGCID) et la Direction Afrique du Nord-Moyen Orient et en particulier leurs directeurs, Messieurs Philippe Etienne et Jean-Félix Paganon, pour leur implication et leur engagement. Sans eux, nous n'aurions pas réussi à faire les propositions que nous faisons aujourd'hui. Je tenais à les en remercier.

Aujourd'hui, je veux évoquer devant vous l'avenir de notre partenariat, un partenariat qui me tient à coeur, et dont je suis persuadé qu'il est la clef de l'avenir pour la Méditerranée occidentale et pour le développement harmonieux de nos sociétés.

Le Maghreb, c'est d'abord notre voisinage immédiat, c'est une population riche de près de 100 millions d'habitants, où la jeunesse est majoritaire et qui représente un formidable réservoir de croissance. Ma dernière rencontre avec le ministre des Investissements algérien, ici, autour de quarante chefs d'entreprises français, l'a prouvé. Les taux de croissance de l'année écoulée en témoignent puisqu'ils s'échelonnent, selon les pays, entre 5 et 8%. Ce sont des pays avec lesquels nous entretenons un dialogue politique riche et nourri, indispensable à la concertation internationale. C'est aussi un ensemble géographique dont nous sommes les premiers partenaires dans presque tous les domaines, qu'il s'agisse de coopération, d'aide publique, d'échanges commerciaux ou d'investissements. Je rappelle que nos échanges économiques avec le Maghreb atteignent vingt milliards d'euros par an. C'est enfin le lieu privilégié - pour moi ceci est le plus important - d'échanges humains particulièrement denses favorisés par la présence sur notre sol de plusieurs millions de personnes d'origine maghrébine et d'importantes communautés françaises dans les Etats du Maghreb.

L'un des défis auxquels cette ambition veut répondre consiste à créer les conditions d'un dialogue continu et renforcé entre nos peuples et nos sociétés, notamment en créant une circulation naturelle des hommes et des idées au-delà de la Méditerranée. D'hier à aujourd'hui, bien des personnalités ont contribué à façonner ce creuset commun et à faire naître cette "pensée des deux rives" chère à Jacques Berque. Des artistes comme Delacroix, Matisse, ou Majorelle côtoient toute une génération de jeunes peintres ; dans ce même espace se croisent André Gide et Albert Memmi, Albert Camus et Kateb Yacine, Jacques Berque et Fouad Laroui, Paul Morand et Tahar Ben Jenoun, le père Charles de Foucault et Mohammed Arkoun, Henry de Montherlant et Abdel Wahab Meddeb, en même temps qu'une foule de créateurs, d'entrepreneurs, de cinéastes et d'humoristes. Et d'ailleurs, qu'ils soient illustres, comme Assia Djebar, membre de l'Académie française, ou comme les sportifs de génie que sont El Guerrouj et Zidane, ou qu'ils soient anonymes comme les soldats qui ont aidé à la libération de notre pays ou les ouvriers qui ont contribué à sa reconstruction, nous leur rendons à tous le même hommage.

Nous devons être fiers d'avoir en France, aujourd'hui, un outil exceptionnel du dialogue entre les deux rives de la Méditerranée : je veux parler de l'Institut du monde arabe dont je salue ici le Président. Je sais que l'on peut compter sur le profond attachement de Dominique Baudis au Maghreb pour faire vivre cette relation, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs. Je suis certain que cet Institut, dont le rayonnement a dépassé les frontières de la France et de l'Europe, restera un outil de premier ordre dans les relations culturelles et surtout dans le dialogue entre nos pays. Je pense ici aux expositions à destination du grand public, mais aussi aux colloques et aux conférences de très haut niveau scientifique ou autres qui y sont organisées. Je vous remercie de votre présence, Monsieur le Président.

Face aux effets de la mondialisation, face aux déséquilibres profonds de la planète en matière de santé, d'éducation ou d'environnement, face aux risques de divorce entre les cultures, la relation entre la France et le Maghreb veut se fonder sur un nouveau pacte de confiance et sur une communauté de valeurs politiques.

Ce défi suppose trois types de réponses, trois séries de démarches qui sont, à mes yeux, complémentaires : des réponses nationales et bilatérales, évidemment, mais aussi des réponses à l'échelle de tout le Maghreb, et, enfin, la création et le renforcement de pôles d'excellence, dont l'attractivité et le rayonnement s'étendent au-delà de ses frontières.

Je voudrais vous présenter les quatre grandes priorités qui sont au coeur de cette ambition renouvelée : d'abord la relance du français dans les pays du Maghreb, le développement de partenariats durables dans le domaine de la formation et la recherche, la définition d'une ambition audiovisuelle partagée, enfin le renforcement des relations entre nos sociétés civiles et le développement des instruments de dialogue politique.

1. La langue française est naturellement l'un des éléments fondamentaux de cet espace partagé. Elle est plus répandue au Maghreb qu'il y a trente ou cinquante ans, notamment grâce aux médias. A la faveur de la globalisation de l'information, la francophonie s'est profondément transformée et englobe désormais la moitié des habitants du Maghreb. C'est un outil de promotion sociale et d'intégration dans le marché du travail, aussi important pour nos entreprises que pour la jeunesse de ces pays.

Je voudrais remercier ici l'ensemble des acteurs qui m'ont permis de mettre en place une initiative ambitieuse de relance de la formation initiale et continue des maîtres au Maroc, en Algérie et en Tunisie, par la création de "pôles pédagogiques de référence" dans chacun de trois pays, sur le modèle des "Instituts Universitaires de formation des maîtres". Ce sont plusieurs milliers d'enseignants de français qui seront ainsi formés, au service du dialogue et de la communication entre nos peuples. Ces pôles ont également pour but de favoriser un environnement culturel francophone dans des domaines aussi divers que le livre, l'image et les nouvelles technologies.

Loin de se substituer aux langues du Maghreb, cette francophonie s'inscrit dans le respect du plurilinguisme et entend encourager des approches complémentaires avec la langue arabe, dans tous les domaines d'expression, celui de la formation professionnelle comme celui de l'audiovisuel. L'intérêt de cette démarche consiste aujourd'hui à passer d'une "communauté d'identité" à une "communauté de contacts et d'échanges", comme le rappelle Dominique Wolton. Je suis en effet persuadé que les aires linguistiques sont des amortisseurs de la violence et des "passeurs" entre les continents ; en ce sens, je n'entends pas faire de la francophonie un instrument de puissance et de domination, mais un outil de dialogue et de communication. Cette promotion de la langue française se veut d'ailleurs ouverte sur l'Europe avec le Collège académique des Universités francophones euro-maghrébin (CAUFEM), qui permettra de former une communauté vivante d'universitaires et de chercheurs.

2. Il est également fondamental de participer à la formation des futures élites du Maghreb : les étudiants d'aujourd'hui seront nos partenaires de demain.

Je considère essentiel de soutenir les Etats du Maghreb dans leurs efforts pour réformer et moderniser leur système éducatif et en particulier la recherche et l'enseignement supérieur. Le nombre croissant d'étudiants pose aujourd'hui la question de l'intégration de ces jeunes diplômés sur le marché de l'emploi, alors que les projections soulignent une forte hausse de la demande. Pour la seule Tunisie, on passerait de 40.000 diplômés par an, en 2004, à 100.000 diplômés en 2014. Remplir cette exigence, c'est faire le choix du développement, de la croissance et de l'emploi pour l'ensemble du bassin méditerranéen. C'est dans cet esprit que la France a proposé son appui aux filières professionnelles de l'Enseignement supérieur, notamment aux filières courtes, pour répondre à ce défi et au manque de cadres intermédiaires indispensables à la compétitivité de l'économie. C'est aussi dans cet esprit que des pôles d'excellence dans l'enseignement supérieur sont créés en lien avec le monde économique, comme l'Ecole supérieure des Affaires d'Alger (ESAA), que j'ai eu l'honneur d'inaugurer en avril 2006. Mais permettez-moi de le dire, nous sommes encore trop timorés et il faut multiplier les initiatives dans ce domaine. Des discussions prometteuses sont actuellement en cours avec les autorités algériennes pour la création de partenariats entre nos Grandes écoles ou nos universités et les établissements d'enseignement supérieur algériens. Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée pour remercier l'ensemble de ces établissements, le lycée Louis Le Grand, l'Ecole Centrale, l'Ecole Normale Supérieure, les Ponts et Chaussées, et bien d'autres encore pour avoir répondu à ma demande avec tant de disponibilité et d'enthousiasme.

De la même façon, j'ai considéré qu'il était fondamental de développer des réseaux de chercheurs entre la France et les pays du Maghreb. Cette relation transversale mérite d'être encouragée. Ainsi la création récente d'un réseau structuré associant nos mathématiciens et ceux de la Tunisie, du Maroc et de l'Algérie, s'inscrit dans cette promotion de l'excellence dans le domaine scientifique. J'ajoute que ce pôle devra agréger des scientifiques des autres pays que sont la Libye et la Mauritanie. Une initiative comparable va d'ailleurs être engagée par les physiciens qui organisent, en avril 2007, à Oujda au Maroc, un congrès Nord-Sud sur l'enseignement de la physique, avec l'objectif, notamment, de mettre en place une école pré-doctorale de physique au Maghreb. Tous ces chercheurs de haut niveau formeront demain une communauté de savoirs et de compétences franco-maghrébins et euro-méditerranéens, qui sera un atout extraordinaire pour nos économies et nos échanges.

De même, le projet d'appui à la recherche en sciences humaines et sociales, lancé en 2005 pour 3 ans et confié à la Maison des Sciences de l'Homme, vise lui aussi à créer une communauté vivante de chercheurs - historiens, démographes, sociologues, économistes - au service d'une meilleure compréhension mutuelle.

3. Au-delà de la formation et de l'éducation, il importe aussi de privilégier une culture de l'image commune ainsi que la multiplication des projets en matière audiovisuelle. Dans une société de l'image mondiale et de la globalisation de l'information, c'est là, me semble-t-il, que se joue aujourd'hui la principale bataille. C'est par l'image, en effet, que se forment aujourd'hui les représentations du Nord et du Sud. C'est par une ambition partagée en matière audiovisuelle que nous parviendrons à tisser un authentique dialogue entre les cultures et surtout à toucher le plus grand nombre.

Plusieurs chaînes françaises sont diffusées au Maghreb comme TV5 Monde ou la nouvelle chaîne internationale, France 24, sans compter les chaînes privées que nous voulons faire parvenir par bouquets satellites à prix réduits.

Et c'est spécifiquement pour le Maghreb que Media Overseas, filiale pour l'international du groupe Canal +, travaille à l'élaboration d'une offre télévisuelle satellitaire, française et diversifiée. Media Overseas est déjà partenaire de Maroc Télécom dans le cadre du bouquet ADSL commercialisé au Maroc depuis juillet 2006. Il comprend une cinquantaine de chaînes, dont trente françaises, et des contacts ont été pris en Tunisie et en Algérie pour une diffusion à l'échelle de la région répondant aux attentes du public maghrébin.

Je voudrais également donner l'exemple de la chaîne Médi 1 Sat, nouvelle illustration du partenariat franco-marocain, si cher à Sa Majesté le roi du Maroc ainsi qu'au président de la République. Lancée en décembre 2006, le ministère des Affaires étrangères l'a soutenue avec constance financièrement et en contribuant à la formation des journalistes.

En Tunisie, enfin, j'ai encouragé l'organisation du Festival de télévision de Djerba, dont la deuxième édition devrait se tenir en novembre de cette année. Il s'agit, me semble-t-il, d'un projet phare qui a pour ambition de favoriser les échanges culturels et économiques entre tous les professionnels du monde de l'image des deux rives de la Méditerranée. Sans une culture de l'image partagée, sans une politique audiovisuelle, nos pays ne pourront construire la société de l'information sur laquelle doit se fonder tout dialogue politique. L'audiovisuel, nous en prenons tous conscience chaque jour davantage, est aujourd'hui l'une des "nouvelles frontières" de la connaissance et l'un des instruments les plus puissants pour rapprocher les cultures et les peuples. Je pense qu'au niveau international, une des grandes informations des huit derniers mois, c'est le fait qu'Al Jazeera ait décidé de lancer une version en anglais, et que BBC World ait décidé de lancer une version en arabe. C'est un élément majeur du dialogue des cultures et des civilisations.

4. Je souhaiterais enfin évoquer le rôle de la coopération décentralisée et de la société civile.

L'implication très forte au Maghreb des collectivités territoriales françaises et de nombreux élus locaux français doit être soutenue et amplifiée par le soutien du ministère des Affaires étrangères. J'entends faire en sorte que les collectivités soient des acteurs majeurs de ce partenariat renforcé et je souhaite saluer ici nos villes, nos départements et nos régions, pour le travail exemplaire qu'elles accomplissent sur le terrain. Je pense en particulier à la Région PACA, aux villes de Marseille, de Bordeaux, de Paris, de Saint-Denis ou de Saint-Etienne et à bien d'autres encore. Je connais aussi le rôle important et efficace joué par les Français d'origine tunisienne, marocaine ou algérienne dans cette coopération. J'ai d'ailleurs demandé à mes services de mieux associer leurs initiatives à nos propres dispositifs pour en faire des partenaires à part entière du ministère.

Parallèlement, j'ai proposé que nous redoublions d'efforts afin de renforcer les relations entre nos sociétés civiles, en encourageant les partenariats et les jumelages entre ONG, entre universités, entre hôpitaux - par exemple des partenariats entre l'hôpital de Toulouse et certains hôpitaux algériens sont à l'étude. Je pourrais citer, par exemple, le partenariat entre l'hôpital Salah Azayez de Tunis et le Cancéropôle du Grand Sud Ouest, ou le travail réalisé par des ONG comme Solidarité laïque ou la Touiza. Ce ministère s'attache, de son côté, à promouvoir cet aspect, notamment à travers les "programmes concertés" présents au Maroc et en cours de définition pour l'Algérie. L'enjeu est bien de créer un partenariat égal et équilibré, fondé sur la densité et la continuité des relations. La réussite du forum civil franco-marocain en témoigne, grâce notamment au dynamisme de mon ami Jean Roatta que je salue ici, tout comme les groupes d'impulsion économique animés par des chefs d'entreprises des deux rives.

En matière de circulation, qui est un enjeu essentiel, je me suis particulièrement investi pour permettre notamment à nos consulats de recevoir dans de meilleures conditions les demandeurs de visas. La levée de l'obligation de consultation Schengen pour les Algériens a ainsi permis d'harmoniser leur situation vis-à-vis du Maroc et de la Tunisie. J'ai personnellement demandé d'accroître la délivrance de visas de circulation pour ceux qui concourent à la vitalité de nos relations : les hommes d'affaires bien sûr, mais aussi les journalistes, les intellectuels, les chercheurs, les artistes.

Par ailleurs, la France est prête à accompagner les pays du Maghreb dans leurs progrès en matière de démocratisation et de respect des Droits de l'Homme Cette dimension constitue aujourd'hui l'un des éléments de notre dialogue politique avec tous nos partenaires. Ce respect est, je crois, tout à fait complémentaire des exigences de la lutte anti-terroriste, cet autre défi stratégique qui nous rapproche du Maghreb et dont nous ne devons pas sous-estimer l'importance cruciale. Cette lutte nécessite de notre part un renforcement de la coopération, notamment sur des questions comme le financement du terrorisme, le crime organisé, les trafics de toutes sortes. Il faut garder à l'esprit que la réponse au défi de la sécurité requiert une approche globale et concertée, où les volets politique, économique et même culturel doivent être associés au volet strictement sécuritaire.

En matière d'immigration, le Maghreb est un acteur-clef dans la concertation entre Européens et Africains, rendue nécessaire par l'ampleur des enjeux : sécurité bien sûr, mais aussi lutte contre les pandémies et aide au développement. C'est au Maghreb que les deux premières conférences multilatérales sur la question ont eu lieu, à Rabat, en juillet 2006, et à Tripoli, en novembre dernier. Ces conférences ont permis de jeter les bases d'une réflexion internationale sur ces questions. Les pays du Maghreb sont devenus aujourd'hui des pays de transit pour les flux migratoires sub-sahariens. La migration illégale constitue aujourd'hui l'un des défis stratégiques auxquels nous sommes tous ensemble confrontés : une réponse globale suppose un partenariat solide, construit dans la confiance. Par ailleurs, je considère que nous avons beaucoup à partager et à échanger avec les Etats du Maghreb sur l'Afrique, dans un contexte de vrai partenariat, parce que ces pays se sont beaucoup investis sur le continent africain.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, je suis persuadé que la relation entre la France et le Maghreb ne doit pas se résumer à un tête-à-tête. Elle doit être ouverte et s'insérer naturellement dans le partenariat euro-méditerranéen. Et je voudrais saluer le travail de François Gouyette, depuis de nombreux mois, sur ce sujet. Nous retrouvons régulièrement nos interlocuteurs du Maghreb dans les enceintes euro-méditerranéennes, qu'elles soient informelles ou institutionnelles, comme le processus de Barcelone. Les pays du Maghreb, qui sont particulièrement dynamiques au sein du partenariat euro-méditerranéen, doivent nous aider à promouvoir la dimension méditerranéenne au sein de la politique de voisinage de l'Union européenne.

Je voudrais souligner tout particulièrement la place de l'enceinte informelle, dite du "dialogue 5+5", qui est la seule, autour de la Méditerranée, à pouvoir réunir non seulement les ministres des Affaires étrangères du Nord et du Sud de la méditerranée, mais aussi ceux de l'Intérieur, de la Défense ou des Affaires sociales. Ce dialogue, qui a récemment adopté l'idée française d'un Collège de défense commun, ne cesse de s'enrichir de nouveaux formats. Je reprendrais volontiers à mon compte l'idée, proposée par l'Algérie en 2004 à Oran, d'une rencontre entre médias des pays membres du "5+5". Celle-ci serait certainement de nature à faire surgir un dialogue fécond, en matière de communication.

Il ne s'agit pas d'une relation Nord-Sud déséquilibrée, mais d'une relation entre pairs, d'une relation qui mise sur l'intégration de la rive Sud. La France sera heureuse de s'associer à toute initiative susceptible de favoriser la coopération Sud-Sud. Le transfert de compétences que l'on attend souvent du Nord devient un atout formidable lorsqu'il sait s'enrichir de tous les talents et de toutes les initiatives venus du Sud. Des domaines tels que l'environnement, l'énergie, l'eau, les transports, les télécommunications, les nouvelles technologies de l'information et tout ce qui touche à l'économie du savoir, se prêtent justement à des projets partagés. Ceux-ci peuvent prendre la forme de "coopérations renforcées", recommandées par l'Europe, avec des formats différents selon le sujet. S'il devait voir le jour, un projet tel que celui de la route transmaghrébine, traversant les cinq pays du Maghreb, serait, Messieurs les Ambassadeurs, un formidable symbole.

Car, en dépit de leurs spécificités, de leurs sensibilités propres, voire de certains antagonismes, comme le conflit non résolu du Sahara occidental, les sociétés de ces pays sont plus proches les unes des autres qu'on ne l'imagine. Sait-on qu'un million d'Algériens a visité la Tunisie en 2006 ?

Cette intégration doit être encouragée. Au demeurant les projets affluent : banque maghrébine du commerce extérieur, zone maghrébine de libre-échange, union maghrébine des employeurs... L'idée a été également avancée d'une possible coordination des politiques économiques maghrébines dans les secteurs de l'agriculture, des infrastructures ou des ressources en eau. Nous n'avons pas besoin de grands économistes pour nous dire ce qu'il faut en penser, car je suis sûr que c'est l'avenir. La richesse et la diversité de ces propositions est le meilleur témoignage du dynamisme des sociétés au Maghreb.

Pardon d'avoir été un peu long. Mais je voulais profiter de cette rencontre pour donner à la fois quelques pistes qui me viennent à l'esprit, et surtout aussi, peut-être, essayer de voir comment, concrètement, nous pouvons maintenant les développer, Cher Secrétaire général.

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je suis convaincu que les pays du Maghreb sont dans un moment décisif de leur développement. Partout, des réformes audacieuses et profondes ont été engagées ; partout comme vous le savez, les défis à relever sont considérables. La France entend tout simplement être aux côtés de ses partenaires du Maghreb pour faire de cette région un espace de paix, de stabilité et de prospérité. C'est pourquoi nous devons être ambitieux. Les priorités que j'ai présentées aujourd'hui témoignent de notre volonté d'être disponible pour ce grand rendez-vous avec le Maghreb, Mais il me semble qu'il nous faut être encore plus ambitieux. Je me souviendrai toujours des discussions avec Sa Majesté sur les grands travaux actuellement au Maroc : on me disait que les Français ne se sont pas pressés pour être présents sur ces grands chantiers, à la différence des Américains ou des Espagnols. Lors de mon entretien avec le président Bouteflika, la même remarque m'a été faite. Nous devons donc réfléchir à cette chance que représente aujourd'hui la croissance de la Tunisie, de l'Algérie et du Maroc.

Car nos pays sont intimement liés, nos relations uniques et notre horizon nécessairement commun. Le Maghreb fait pleinement partie de l'identité de la France ; il est une richesse dans notre projet de société, grâce notamment à ces millions de Français d'origine maghrébine, trait d'union naturel entre les deux rives. Au cours de mes nombreuses soirées avec Yazid Sabeg et François Touazi, que je salue ici, je me suis souvent dit : "quel gâchis de ne pas profiter de ces millions de Français d'origine maghrébine qui sont autant de traits d'union pour nous tous". Lorsqu'on voit aujourd'hui la configuration de l'Union européenne et celle du Maghreb, quel choix géostratégique ! Je viens de parler du français, mais je pourrais également parler de la croissance, de la culture partagée et, surtout, de ces millions de personnes qui sont en France.

J'ai voulu faire en sorte que le ministère des Affaires étrangères, avec ses compétences, ses savoir-faire, son réseau, soit un moteur de ce lien privilégié. Monsieur le Ministre d'Etat, vous avez de grandes responsabilités au sein de la République. Vous continuez d'en avoir et vous êtes président de l'Association France-Algérie. Il est important à nos yeux que vous poursuiviez votre action. La réussite ou l'échec des pays du Maghreb sera demain la réussite ou l'échec de la France. Ne nous y trompons pas : le Maghreb doit être un espace prioritaire de notre action, et, au-delà, une priorité de l'Union européenne en Méditerranée.

Je vous en remercie.


Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mars 2007