Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Le bon casting pour ce Gouvernement, ce nouveau Gouvernement, ce Fillon 2 ?
R.- Je crois que c'est un Gouvernement extrêmement opérationnel, immédiatement opérationnel et qui présente l'avantage de la diversité, je veux dire la diversité dans tous les sens du terme : la diversité des parcours, la diversité des générations, la diversité des origines...
Q.- Mieux qu'à l'Assemblée nationale ?
R.- Oui parce qu'on a fait mieux à l'Assemblée nationale, notamment pour les femmes, mais on peut faire encore mieux. Et aussi d'ailleurs, ce que je regrette un petit peu, c'est la moyenne d'âge de l'Assemblée nationale qui n'a peut-être pas encore suffisamment baissé. Je crois que partout, dans toutes les institutions, les entreprises, toutes les organisations, quand il y a une mixité, c'est bien plus créatif, c'est bien plus riche, c'est bien plus prometteur. De ce point de vue-là, le Gouvernement est effectivement prometteur.
Q.- Nouveau ministre de l'Economie des Finances et de l'Emploi, C. Lagarde. Cela vous plait ? Enfin, ça vous plaît... Vous la connaissez bien C. Lagarde ?
R.- C'est une bonne nouvelle pour notre pays parce qu'il faut que les téléspectateurs et les auditeurs comprennent que la politique économique, aujourd'hui, est amenée à prendre en considération beaucoup de données internationales. Or, C. Lagarde a le mérite d'avoir une culture internationale extrêmement grande : elle est bilingue anglais-français, ce qui est également un grand avantage ; et puis, il faut le savoir, c'est quelqu'un qui connaît le monde de l'entreprise et qui sait à quel point l'entreprise est au coeur de toute croissance économique.
Q.- Bien, on va entrer dans le vif du sujet, dans les débats qui commencent à agiter la société française. Regardons d'abord ce qui va être présenté en Conseil des ministres tout à l'heure, notamment les droits de succession. Bonne mesure ?
R.- Moi je crois qu'il faut encourager la transmission et surtout il faut donner des signaux aux Français comme quoi, dans notre pays, on peut s'enrichir si chacun peut s'enrichir et transmettre à ses enfants, s'il le souhaite.
Q.- Les heures supplémentaires - je ne vais pas revenir en détail sur l'exonération des charges prévue, exonération aussi de l'imposition, ces heures supplémentaires... L'abattement sera plus élevé pour les entreprises de moins de 20 salariés, normal ?
R.- Jusqu'à présent, le dispositif qui était prévu risquait d'être, au contraire, pénalisant pour les entreprises de moins de 20, alors que ces petites entreprises sont probablement le coeur de ce qui va être la croissance future de notre pays. Donc il faut les encourager, il faut les stimuler et il est normal effectivement qu'elles aient un coup de pouce pour grandir. Moi je voudrais dire que d'une manière générale, ce dispositif sur les heures supplémentaires est extrêmement encourageant. Savez-vous que le volume d'heures travaillées en France en 2006 était exactement le même que celui de l'année 1990 ? Alors qu'il y a eu plus d'un million d'emplois créés de plus par rapport à cette année 90. Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire qu'il est évident que notre pays doit travailler plus s'il veut rester un pays riche, un pays prospère.
Q.- Ce ne sont pas les salariés qui demanderont à faire des heures supplémentaires, c'est le patron qui proposera ? Evidemment.
R.- Non. Vous savez, en pratique, les choses ne se passent pas comme ça. La question est de savoir, quand vous êtes patron d'une PME, est-ce que vous pouvez ou pas prendre cette commande ? Et, bien souvent, vous vous limitez parce que c'est une commande qu'il faut produire immédiatement, parce que le client demande une livraison rapide. Vous vous limitez parce que les heures supplémentaires, jusqu'à aujourd'hui en tout cas, coûtaient tellement cher, que finalement, on ne pouvait pas profiter de cette commande.
Q.- Donc, le patron n'embauchera pas pour profiter de cette commande ?
R.- Non parce que ce sont des cercles vertueux qu'il faut créer. Plus l'entreprise... ce n'est pas le patron qui prend la commande, c'est l'entreprise, c'est une équipe. Et je vais vous dire, vous savez, les salariés sont bien plus heureux quand ils voient le carnet de commandes rempli, que quand ils voient un carnet de commande se vider, ça c'est une catastrophe pour tout le monde. Plus on prend des commandes, plus on donne du travail également à d'autres, c'est-à-dire aux sous-traitants, aux partenaires. C'est un cercle vertueux qu'il faut ainsi encourager et développer. C'est comme un jeu d'engrenage si vous voulez : si une équipe travaille plus, elle va provoquer du travail en plus pour une autre équipe et ainsi de suite. Je crois que de ce point de vue-là, les mécanismes prévus pour les heures supplémentaires sont, à mon avis, extrêmement intéressants, positifs.
Q.- Est-ce que ça va créer de l'emploi ?
R.- Je le pense.
Q.- On fait le pari de l'activité : plus il y aura d'activité, plus il y aura d'emplois créés, c'est le pari tenté ?
R.- Ce n'est pas un pari, c'est aussi di bon sens, plus chacun travaille, plus il a l'occasion de créer des nouveaux emplois pour d'autres. Vous savez, si vous-mêmes, vous travaillez un peu plus chaque jour, eh bien il est probable que vous aurez besoin d'un assistant de plus, etc., etc.
Q.- La TVA sociale ? S. Dassault a une idée pour remplacer la TVA sociale, il propose un prélèvement sur la chiffre d'affaires des entreprises, c'est une bonne ou une mauvaise idée ça ?
R.- Ce qui est une excellente idée, c'est qu'il y ait un débat sur ces sujets-là. Mais pour cela, il faut expliquer quelles sont les questions. Il y a deux questions. La première question, c'est : veut-on que notre économie soit plus compétitive ? Je crois que tout le monde est d'accord pour dire "oui" à cette question. Et la deuxième question : comment fait-on pour trouver de moyens de financer une protection sociale qui est chaque jour un peu plus coûteuse ?
Q.- Oui, on va y revenir.
R.- Ces deux questions sont liées car aujourd'hui, l'essentiel de la protection sociale est financé sur le travail fait par les entreprises, par les salariés des entreprises et le poids de ce financement est tel qu'il écrase, si vous voulez, la compétitivité des entreprises. Donc nous sommes, là, au contraire de ce que je disais tout à l'heure, dans un cercle vicieux, c'est-à-dire un cercle qui appauvrit les possibilités de création de richesse du côté des entreprises et qui d'autre part, ne garantit pas le financement de la protection sociale. Alors face à cela, il y a plusieurs solutions qui peuvent être envisagées : la TVA sociale en est une...
Q.- Vous êtes favorable à la TVA sociale ?
R.- Je suis favorable au débat. Figurez-vous qu'en économie, les choses sont compliquées et moi j'estime que les Français doivent participer à ce débat, ils doivent pouvoir dire s'ils sont favorables ou pas à ce mécanisme, en connaissance de cause. Mais pour ça, il faut leur expliquer, ce n'est pas en une semaine entre deux tours d'élections législatives qu'on prend le temps d'expliquer quelque chose d'aussi complexe.
Q.- On pourrait organiser un référendum sur cette question-là, par exemple ? Je ne sais pas je...
R.- Non, on ne va pas se mettre à faire des référendums sur tout, mais vous voyez, on a bien su il y a un peu plus de deux ans, organiser un débat public sur la dette, et ça a été très important, les Français ont compris la gravité de la situation.
Q.- On l'a un peu oubliée la dette, on l'a un peu oubliée ces derniers temps non ?
R.- Je ne crois pas, attendez ; cela fait combien de temps que le Gouvernement est en place, cela fait combien de temps que le président de la République est élu ? On ne va pas, en quelques semaines, transformer radicalement des orientations qui ont été prises depuis plus de 20 ans et probablement dans un mauvais sens. Donc c'est un paquebot qu'il faut savoir réorienter progressivement.
Q.- Je reviens à l'idée de S. Dassault : c'est une bonne ou une mauvaise idée, le prélèvement sur le chiffre d'affaire des entreprises ?
R.- C'est une idée qui est intéressante mais qui pourrait être très embêtante pour la productivité des entreprises.
Q.- Alors toujours la TVA sociale, on parle donc de baisser les cotisations patronales, pourquoi ne pas baisser les cotisations salariales ? Je sais que le Gouvernement réfléchit.
R.- Exactement, je crois qu'il faut étudier toutes les modalités possibles d'application de cette TVA sociale et mesurer pour chaque hypothèse. Il peut y avoir une hypothèse : on allège les cotisations patronales. Il peut y avoir une autre hypothèse : on allège les cotisations salariales. Il peut y avoir une hypothèse mixte : on allège en partie les cotisations patronales et en partie les cotisations sociales. Il faut les étudier et faire des modélisations ; quel va être l'impact ? Mais ceci dit, je crois que c'est un abus de considérer qu'il y a d'un côté les cotisations patronales - ce n'est pas moi chef d'entreprise qui sort ça de ma propre poche - et de l'autre les cotisations salariales. En réalité, ce sont des cotisations qui sont payées par l'entreprise dans les deux cas. Et le salarié regarde bien son salaire net. Mais la question est de savoir si, oui ou non, on peut baisser le taux du travail en France par une modification, non pas totale mais partielle en tout cas, du financement de la protection sociale.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 juin 2007