Texte intégral
T. Steiner.- Vous étiez hier avec N. Sarkozy dans les Landes, vous avez visité le centre de gériatrie de Dax où le Président a annoncé le plan Alzheimer. La France compte aujourd'hui plus de 850.000 personnes touchées par cette maladie, et les projections donnent 1.300.000 malades pour 2020. Quelles vont être, très concrètement, vos priorités dans ce domaine : la recherche, le dépistage, le soutien aux familles ?
R.- Il faut mener, dans ce drame qu'est la maladie d'Alzheimer, les trois choses de front. Bien entendu, soutien aux familles, parce que j'ai moi-même milité, et je milite toujours, dans une association qui s'occupe de personnes atteintes d'Alzheimer. L'Alzheimer c'est un drame, bien entendu pour le malade, qui voit arriver la maladie, qui sait ce qu'est cette maladie, mais bien sûr la désorganisation des familles est quelque chose de tout à fait dramatique. Nous avons d'ailleurs rencontré hier, avec le Président, des familles qui nous ont expliqué comment elles accompagnaient, grâce aussi à un environnement psychosocial, leurs proches. Mais en même temps, c'est une maladie, et c'est un processus qui n'est pas uniquement un processus dégénératif lié à la vieillesse. Il faut donc de la recherche. Moi, je ne baisse pas les bras : on pourra guérir de la maladie d'Alzheimer. Et puis, troisième volet : aux côtés de la prise en charge, de la recherche, tout ce qui est la prévention, la détection précoce. On l'a vu, hier aussi avec le Président, quand on détecte précocement la maladie, on peut avoir des thérapeutiques d'accompagnement qui mobilisent le malade sur le plan physique, sur le plan intellectuel et qui retardent la perte de conscience, la perte de soi-même. Donc, j'ai confié, nous avons confié, avec le président de la République, à J. Ménard, éminent médecin, scientifique, le soin de piloter ce comité Alzheimer qui va nous faire avant le 21 septembre, date de la journée mondiale d'Alzheimer, des propositions qui iront dans ces trois directions : recherche, accompagnement des malades et de leurs familles, prévention et détection précoce.
Q.- Sur la recherche, un rapport parlementaire publié il y a quelques jours sur la maladie d'Alzheimer, démontrait que l'Etat avait jusque là négligé cet aspect, la recherche. Est-ce que ce plan, ce nouveau plan - c'est le troisième en six ans - va réellement faire plus dans ce domaine ?
R.- Oui, il va faire plus de deux façons. D'abord, vous avez vu que nous avons fait un accompagnement massif dans l'enseignement et la recherche dans le budget 2008, mais que par ailleurs, si les plans ont, non pas échoué, peut-être, mais si les plans ont eu des résultats très modestes, c'est que les plans précédents n'avaient pas prévu de financement pour ces plans. Or, nous avons pris la question comme nous devons la prendre, c'est-à-dire il y a un plan sur recherche, accompagnement, prévention, mais nous avons également prévu les financements qui seront inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Q.- Pour financer, justement, ce plan Alzheimer et le plan cancer, N. Sarkozy a annoncé hier la mise en place d'une franchise des dépenses de santé. Cette franchise sera notamment de 50 centimes d'euro sur chaque boîte de médicament, et elle sera plafonnée à 50 euros par an et par assuré. Pour autant, un des premiers à réagir, hier, était B. Thibaut de la CGT, qui dit qu'on s'éloigne encore un peu plus des principes de la Sécurité sociale car, en gros, qu'on soit riche ou pauvre, on paiera la même chose, on en sera tous de notre poche.
R.- Je ne suis pas d'accord avec M. Thibaut qui a sans doute mal regardé les différentes modalités du plan. D'abord 50 euros plafonnés, 50 centimes par boîte de médicament, 50 centimes sur les actes paramédicaux, 2 euros sur les transports sanitaires ; il y a un certain nombre de personnes qui en sont exonérées, 10 millions au total : les plus faibles, les revenus les plus modestes, les femmes enceintes et les enfants, pour tenir compte, bien entendu, des familles. Franchement, je dis à B. Thibaut, je ne sais pas s'il a une personne atteinte d'Alzheimer dans sa famille, mais consacrer au maximum quatre euros par mois pour prendre en charge ce qui est un drame épouvantable, je suis sûre que chaque Français, chaque Française qui m'écoute est d'accord pour cela.
Q.- Pourquoi ne pas financer ce plan par un impôt ?
R.- Vous ne trouvez pas que dans notre pays il y a suffisamment d'impôts ? Non, nous ne voulons financer ce plan Alzheimer, avec le président de la République, ni par une augmentation des impôts, étant donné le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays, ni par une augmentation des cotisations, ce qui est aussi un prélèvement obligatoire. Nous voulons le financer par une démarche de responsabilisation. Et la responsabilisation elle est double, puisque nous appelons à la solidarité, bien entendu, vis-à-vis de personnes qui sont atteintes de cette maladie épouvantable. Et puis aussi, nous faisons cette franchise sur des postes de dépenses de maladies où l'on a observé un certain nombre de comportements de surconsommation. Prenons l'exemple des médicaments. Dans notre pays, on le sait bien, 90 % des ordonnances se terminent par une prescription - le taux n'en est que de 50 % dans un certain nombre de pays. Il y a 5 % des malades qui consomment plus de 250 boîtes de médicament par an. Donc, il y a un double effet de responsabilisation : prise en charge d'une maladie tout à fait invalidante pour les personnes et pour leurs familles, et peut-être un meilleur comportement de consommation.
Q.- Où en est la proposition de M. Hirsch, le Haut commissaire aux solidarités actives, d'un "bouclier sanitaire" ? C'est une usine à gaz ?
R.- Pas du tout. Nous étudions de façon très fine cette proposition, qui est tout à fait intéressante. Nous avons confié à deux spécialistes, B. Fragonard et R. Briet, un rapport de position de la problématique qui va nous être rendu le 31 août - donc très vite - et qui va étudier les modalités de mise en oeuvre de ce bouclier sanitaire, pour que le reste à charge dans les dépenses de santé soit modulé selon le revenu des personnes.
Q.- C'est-à-dire que le ticket modérateur et les franchises, tout ça mis ensemble, ne dépasse pas un certain pourcentage des revenus ?
R.- Voilà, exactement. Alors bien entendu, c'est un système extrêmement compliqué à mettre en oeuvre, on peut raisonnablement penser qu'il ne pourra pas être mis en oeuvre avant 2009. Or, la maladie d'Alzheimer, le cancer, créer, doubler les unités de soins palliatifs dans notre pays ce n'est pas quelque chose qui peut attendre 2009 ou 2010. Le président de la République l'a dit hier, il y a des choses qui seront faites tout de suite, dès 2008 : le financement cancer, soins palliatifs, Alzheimer, et la création de la cinquième branche, le cinquième risque, pour prendre en charge la dépendance.
Q.- La franchise médicale devrait rapporter à peu près 850 millions d'euros...
R.- Voilà, 850 millions d'euros, environ ?
Q.- Ce sera suffisant pour les ambitions qui sont les vôtres pour ce plan Alzheimer ?
R.- On n'a jamais assez, dans cette prise en charge de maladie, mais pour la première fois, un plan est accompagné des mesures de financement qui permettent son efficacité.
Q.- Et cette franchise médicale, sera-t-elle prise en charge par les complémentaires ?
R.- Les complémentaires, bien entendu, ont toute la possibilité - c'est la loi de la concurrence - de proposer à leurs adhérents ce qu'elles veulent. Nous allons bien entendu rentrer en dialogue avec les organismes complémentaires, assurances et mutuelles, pour voir, dans le cadre, par exemple, de contrats responsables, comment elles peuvent, elles aussi, aller dans cette démarche de responsabilisation. Mais bien entendu, les mutuelles et les assurances ont toute possibilité d'offrir le contrat qu'elles veulent à leurs mandants.
Q.- Tel que c'était présenté hier, la franchise médicale servirait à financer ce plan Alzheimer, le plan cancer. En même temps, ce système était annoncé de longue date pour réduire le déficit de l'assurance maladie... Ca sert à boucher le trou ou ça sert à financer des plans spécifiques ?
R.- Non, le déficit de l'assurance maladie est d'un tel niveau, vous l'avez vu - nous allons sur un déficit de plus de 6 milliards, et peut-être de 7 milliards en année pleine, en année calendaire, car nous ne voyons pas de ralentissement des dépenses. Nous avons, avec le Gouvernement, avec F. Fillon, lancé des réformes de grande ampleur qui seront à la mesure de ces problèmes de financement de la Sécurité sociale. Nous avançons sur quatre fronts : la question des recettes dans l'assurance maladie, avec le bouclier sanitaire ; le versement des prestations, avec la transformation des agences régionales de l'hospitalisation en agences régionales de santé ; l'optimisation des soins - je suis la ministre de la qualité des soins, et véritablement il faut que le système médecine de ville, hôpital, médico-social, trouve une véritable cohérence. Et enfin, la responsabilisation des malades et des assurés, et puis aussi une meilleure qualité des soins dans ce domaine, avec le dossier médical personnel qui était visiblement en panne.
Q.- Vous avez déjà annoncé un certain nombre de mesures, comme la limitation du tiers payant en pharmacie si les malades refusent les médicaments génériques. Il faudra encore serrer la vis ? Il faut s'attendre à d'autres mesures, prochainement, à l'automne ?
R.- Non, le plan d'urgence que nous avons proposé avec le Gouvernement permet d'affronter bien entendu l'année 2007. Et nous sommes en train de négocier les objectifs de dépenses d'assurance maladie dans le cadre du PLLFSS. Je souhaite avec le Premier ministre avoir un objectif à la fois ambitieux, et réaliste et c'est vers cela que nous marchons.
Q.- Madame Bachelot, vous vous êtes engagée à aider le Tour de France à se reconstruire. Vous nous promettez un Tour de France propre pour 2008 ?
R.- Toute la volonté des organisateurs, du Gouvernement, de la Fédération de cyclisme, de l'Agence française de lutte contre le dopage, que j'ai réunis lundi, pratiquement, quelques heures après la fin du Tour de France sur les Champs-élysées, toute la volonté de ces acteurs est tendue vers un Tour de France propre. Je suis allée sur l'étape du Tour de France, Grand Bornand-Tignes et bien entendu sur les Champs-élysées : il y avait plus de 800.000 personnes. Nous ne pouvons pas décevoir les personnes pour qui c'est leur Tour de France. C'est véritablement une fête de famille. Alors, nous allons...
Q.- C'est un gros chantier quand même de reconstruire le Tour ?
R.- Oui, c'est absolument un gros chantier, et c'est sans doute le périmètre ministériel que j'assume y trouve toute sa légitimité : ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports. Alors, nous allons aller dans plusieurs directions, que nous avons abordées avec les organisateurs, les responsables : reprendre le dialogue avec l'Union cycliste internationale, qui a montré que sa législation, ses procédures n'étaient pas sûres, étaient opaques. Il faut absolument, évidemment reprendre ce dialogue pour aboutir à des choses concrètes. Il y a aussi dans la législation française un certain nombre de manques, qu'il s'agit de pallier, la législation n'est sans doute pas suffisante. Il faut aussi bien organiser tout le travail de répression, mais une chose à laquelle je suis encore beaucoup plus sensible, c'est la prévention.
Q.- Vous comptez impliquer les laboratoires pharmaceutiques dans la lutte contre le dopage ?
R.- Oui bien entendu. Evidemment, aucun acteur ne peut être oublié. Mais permettez-moi de vous dire qu'il y a dans le dopage des substances absolument licites, et qui par ailleurs sont tout à fait utiles pour un certain nombre de maladies, et qui sont détournées de leur usage. Il faut donc informer les médecins, les jeunes très, très vite. On voit que la conduite dopante n'est pas réservée, hélas, aux sports de haut niveau, aux sports de performance, mais qu'on commence à se doper extrêmement jeune, dans des matchs ou des compétitions sans absolument aucun enjeu. C'est tout ce travail de prévention que je veux mener. J'ai d'ailleurs réuni un groupe de travail dès le début du mois de juillet sur ces questions pour mobiliser l'ensemble des encadrants sportifs et des médecins.
Q.- Vous vous êtes demandée à un moment, s'il ne fallait pas sacrifier l'édition 2008 pour prendre le temps ?
R.- Non. Jamais je me suis mise dans cet objectif. Parce que finalement, le Tour de France une fête populaire. On l'a vu beaucoup de sportifs qui sont propres déjà. Les méthodes de répression, de prévention ont déjà fait largement leur oeuvre. On a fait sur ce Tour des centaines de contrôles anti-dopage. Seulement quelques-uns, moins de dix, se sont révélés positifs. Donc c'est aussi toute cette démarche volontaire des accompagnants de l'organisation du Tour de France de monsieur Clerc et monsieur Prudhomme que je veux accompagner.
Q.- Madame Bachelot, vous partez en vacances ?
R.- Absolument.
Q.- Quelles sont les consignes qui ont été données aux membres du Gouvernement pour ces vacances d'été ?
R.- De ne pas partir loin et de suivre les affaires de près. Voilà.
Q.- On vous souhaite de bonnes vacances et merci d'avoir été avec nous ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 1er