Conférence de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la position de la France à l'égard de l'Irak et l'avenir des relations franco-irakiennes, Bagdad le 20 août 2007.

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Circonstance : Voyage de Bernard Kouchner en Irak du 19 au 21 août 2007 : conférence de presse à la présidence de la République, à Bagdad le 20

Texte intégral

Je suis moi-même très fier et très honoré et très touché par l'invitation du président de la République, M. Talabani, et par ce qu'il vient de dire de nos liens profonds et anciens, des liens entre la France et l'Irak, de mes liens personnels avec toutes les communautés irakiennes. Je suis heureux d'avoir pu répondre à son invitation et d'affirmer ici, à Bagdad, une fois de plus notre disposition, notre proximité et la permanence de nos liens avec toutes les communautés irakiennes. Je suis venu pour les écouter, comme le président Talabani vient de le dire.

(...)

Ce que vient de dire le président de la République est très important. La France n'a pas eu les mêmes positions que les Etats-Unis d'Amérique. Quelles que soient les appréciations sur le passé, votre question est très importante.

J'étais heureux d'entendre le président répondre que l'avenir de ce pays pour lutter contre la violence et pour rétablir la paix et la démocratie peut passer par les Nations unies. La France approuve ce chemin, approuve la résolution qui a été votée il y a quelques jours et nous l'assisterons dans ce sens. Nous approuvons aussi la politique de voisinage avec les trois groupes qui ont été formés et qui se sont déjà réunis à Aman, à Damas et à Téhéran. Tout cela nous semble aller dans le bon sens.

J'ai beaucoup discuté avec le ministre Zebari du rôle que pourrait jouer la France, membre permanent du Conseil de sécurité dans l'élargissement de ce processus.

Je vous rappelle qu'hier, nous sommes passés aux Nations unies et nous avons déposé une gerbe de fleurs pour le quatrième anniversaire de la mort de nos amis, Sergio de Mello, Jean-Sélim Kanaan, Nadia Younes, Fiona Watson et 18 autres qui étaient les guerriers de la paix que je tiens à saluer, comme je tiens à saluer la présence ici du groupe des diplomates français, de l'ambassadeur de France et du travail merveilleux qu'ils accomplissent.

Q - Vous avez dit que vous étiez ici pour écouter les différentes parties irakiennes, y a-t-il des choses qui vous ...

R - Monsieur, pour être franc avec vous, pour être clair, je voudrais d'abord vous dire que l'Irak est un grand pays. Un pays qui a toujours été, depuis longtemps en tous cas, l'ami de la France et qu'on ne peut pas s'intéresser à la politique mondiale et à la politique au Moyen-Orient sans s'intéresser à l'Irak et sans essayer, avec les Irakiens, de trouver des solutions.

Je vous le répète, nous n'avons pas été en complet accord avec la politique menée depuis 2003 dans ce pays. La France avait exprimé son opinion. Cette page est derrière nous. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de souvenir, qu'il n'y a pas des positions qui furent antagonistes. Maintenant, tournons-nous vers l'avenir. Ecouter les Irakiens, leur affirmer que la solution à leurs problèmes doit être irakienne, écouter toutes les communautés, préserver la souveraineté, préserver l'intégrité et la démocratie en Irak, pour la France, c'est essentiel.

Si trois communautés, et les autres, mais les trois principales, les sunnites, les chiites et kurdes sont capables de s'entendre ici, c'est très important pour le Moyen-Orient, pour la région, pour le reste du monde. Nous sommes prêts, ayant accompli un certain nombre de réflexions, après vous avoir entendus, à participer à ce mouvement. La France est prête. Et cette solution passera, nous l'espérons, par une participation plus grande de l'Organisation des Nations unies.

Q - (...)

R - Rien n'est plus important que cette question. Je vous le dis, dans cette partie du monde, on n'a pas le goût suffisant pour la démocratie. On n'a pas le goût suffisant pour la cohabitation des religions. On n'a pas le goût suffisant pour la cohabitation des communautés. C'est l'exemple que doit donner l'Irak. La violence à laquelle vous ne pouvez pas vous habituer, nous ne nous y habituons pas. Vu de loin, cette violence est horrible. Des innocents meurent tous les jours. Des attentats aveugles frappent les populations, quelles quelles soient, toutes les communautés maintenant. C'est inacceptable. Et ce n'est pas accepté par vous-même.

On dirait qu'il y a comme une fatalité dans cette région qui fut la Mésopotamie, dans cette région où les coups d'Etat se sont succédé. L'intérêt, le grand espoir placé dans ce gouvernement, dans la présidence de mon - pas vieil ami - mais grand ami, M. Talabani, c'est que justement la démocratie puisse s'installer et le refus de cette violence. La France est prête mais il faut entendre les communautés, et qu'elles participent à cette lutte contre la violence. Comment ? Je n'ai pas de solution miracle. Je sais que certains caressent des idées de grande conférence. Nous examinerons tout cela.

En tous cas, notre volonté, c'est d'être à côté de ce grand pays indispensable à l'équilibre, indispensable à la naissance, à la consolidation de la démocratie dans cette région tellement importante.


Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 août 2007