Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Aujourd'hui, N. Sarkozy va présenter les grandes lignes d'un "Plan numérique 2012" avec un certain nombre d'engagements de campagne, dont nous allons parler avec vous tout à l'heure. Mais bien évidemment, on va commencer avec cette actualité qui est très forte, cette actualité qui est chaude, économiquement parlant, financièrement parlant. Et ce plan de l'Eurogroupe pour sauver les banques européennes. Il faut sauver les banques européennes, il y a besoin de les sauver ?
Les banques françaises, je ne sais pas, vous avez vu les déclarations de la ministre de l'Economie et des Finances qui dit que les banques françaises sont dans une situation plus saine que celles de nos partenaires. En tout cas, il fallait donner un signe extrêmement clair aux marchés, qui avait été donné dès Toulon par le président de la République, puisque dans son discours de Toulon il disait : "je ne laisserai aucune banque française menacer par la faillite". Donc, déjà, les digues, si je puis dire, avaient été dressées d'entrée. Ce qui est le plus important encore, c'est la coordination ; samedi, le G7, hier, l'Eurogroupe. Le message au monde entier, et notamment aux marchés, c'est de dire : nous ne laisserons plus aucune banque menacer de faillite ; ça veut dire qu'indirectement les dépôts des épargnants, des concitoyens, sont protégés, et ça veut dire surtout, la capacité maintenant de garantir ce qu'on appelle "les prêts interbancaires".
Les prêts qu'elles se font entre elles ?
Exactement. Et ça, c'est très important, même si le public ne le voit pas dans un premier temps.
Ça irrigue finalement l'économie, c'est ça ?
Exactement. Si les banques ne se prêtent plus entre elles, c'est un peu le moteur qui s'essouffle.
On dit : ce plan pourrait coûter 30... On a des chiffres qui circulent, 30 milliards, 100 milliards, puisqu'il est question aussi de nationaliser des banques ou d'entrer dans la participation, dans le capital des banques. Mais si nos banques vont si bien, ça va nous coûter zéro ?
La vérité c'est que je ne crois pas qu'il faille pour l'instant s'engager dans une bataille de chiffres. À partir du moment où vous donnez une assurance, parce qu'en fait, ce que font les Etats, c'est donner une assurance ; il y a des pays où on sait déjà que les Etats vont intervenir et faire des nationalisations partielles ou des entrées au capital. Pour l'instant en France, l'Etat donne une garantie ; il va dire simplement : je n'accepterai aucune faillite, et je couvre le crédit interbancaire. Ce qui permet aux banques de se prêter entre elles, premier temps, et surtout, ça permet aux banques de recommencer à prêter aux PME et aux particuliers. Et là, vous avez tout le passage de ce qu'on appelle "l'économie virtuelle" à l'économie réelle. Il faut absolument que l'économie réelle soit le moins touchée possible par ce qui est en train de se passer sur les marchés financiers.
On parle d'un accord de l'Eurogroupe, un accord des grands pays européens. Est-ce que ça veut dire que la France, nous Français, contribuables, on pourrait être amenés à sauver une banque allemande, par exemple, de la faillite, financièrement parlant ?
Tel que je l'ai compris hier, comme vous, ça n'est pas le schéma qui a été retenu, il n'y a pas une espèce de fonds européen qui aurait été créé. Tous les Etats se sont engagés à soutenir, chacun dans leur pays. (...)
Donc, c'est une ligne de conduite européenne ?
C'est une ligne de conduite et une coordination...
Cela veut dire chacun pioche dans le (...)
(...) Les Conseils de ministres exceptionnels qui ont été décidés le sont symboliquement le même jour dans plusieurs pays. Ce qui est important, c'est qu'on a là, les premiers exemples d'une espèce de gouvernance mondiale, avec le G7, et gouvernance européenne.
Mais en quoi c'est si important... Parce que, finalement, des plans de sauvetage il y en a eu plusieurs des plans de sauvetage : en Grande- Bretagne, en France, il y en a eu en Allemagne. Et puis là, finalement, ce qu'on comprend avec vous c'est que, il y a un cahier des charges européen, mais qu'ensuite chacun fera ce qu'il voudra. Donc, ce n'est pas finalement si européen que ça ?
Si, si, c'est très... si, c'est très important que les Européens aient parlé d'une seule voix, en présence, vous l'avez noté, du président de la BCE et du président de la Commission. Ce qui veut dire...parce que, de temps en temps, on a l'impression que les spéculateurs aiment jouer les Etats face aux institutions...
C'est pour le symbole plutôt ?
C'est plus que le symbole, c'est de dire : voilà, désormais, encore une fois, aucune banque ne sera laissée sur le côté ; nous garantissons le crédit interbancaire, et nous remettons...
Mais ça, N. Sarkozy avait déjà qu'il ne laisserait pas les banques françaises faire faillite ?
Oui, mais nous allons le faire tous ensemble, tous les pays de l'Union européenne, plus...Vous avez vu en plus que, la Grande-Bretagne qui n'est pas membre de la zone euro était là par G. Brown. Lequel, G. Brown, a joué une action remarquable il y a quelques jours au Royaume-Uni. On le disait chancelant, en perdition dans les sondages, etc. Vous avez remarqué avec quel pragmatisme il a dit : voilà, je remets de la liquidité et je garantis que je ne laisserai pas les banques tomber, et que je nationaliserai partiellement les banques.
Alors, tous ces plans, toutes ces annonces qui ont eu lieu la semaine dernière, avec également la baisse des taux directeurs des grandes banques centrales du monde entier, tout ça au même moment, on se disait : c'est historique, ça va être un vrai détonateur pour les marchés, pour les investisseurs. Et boum ! La Bourse s'effondre encore plus ! Pourquoi ce matin, là, à 9 heures, dans quelques minutes, la Bourse ne s'effondrerait pas ?
D'abord, parce que c'est la première fois, je crois...je ne sais pas ce qui va se passer, intuitivement comme tout le monde, je me dis : si les marchés ont un peu de rationalité, théoriquement cette fois-ci, ils doivent comprendre qu'il n'y a plus aucune raison de spéculer à la baisse. Mais vous savez, d'abord, il y a deux choses : les marchés ça peut être moutonnier à la hausse, et moutonnier à la baisse. Parfois, ça monte de façon exubérante, et personne ne sait expliquer pourquoi ; une autre fois ça baisse aussi de façon excessive, c'était probablement le cas. Et puis, il n'y a pas que de l'irrationalité. Vous avez aussi des spéculateurs à la baisse, comme il existe des spéculateurs à la hausse, mais qui se disent : c'est bien jouer de faire baisser les cours, ensuite, on peut redevenir des prédateurs. Là, le message qui a été donné c'est de dire : ne jouons plus à ces jeux-là. Nous, gouvernements, nous, Etats, nous allons jouer le rôle d'assureurs en dernier ressort. C'est intéressant de ce point de vue-là, d'un point de vue intellectuel, idéologique au bon sens du terme, de voir à quel point tout le monde est aujourd'hui d'accord pour dire : la régulation c'est important ; deuxièmement, l'Etat est quand même le garant en dernier ressort.
Si je vous dis cette phrase qui est, grosso modo, ce que l'on peut entendre aux Etats-Unis ou en Europe : "les financiers encaissent les bénéfices mais ils n'assument pas leurs erreurs". Finalement, le contribuable paye ou risque de payer pour les erreurs des financiers, qui, eux, ont encaissé des bénéfices pendant des années, est-ce que c'est moralement acceptable ?
Ce qui serait surtout moralement inacceptable, c'est de laisser notre système financier, et donc notre capacité à créer de la richesse et de la redistribuer s'écrouler, là, ce serait une catastrophe. Deuxièmement, très clairement, non, vous avez raison, ce n'est pas acceptable, et c'est d'ailleurs pour ça que dans tous les plans de sauvetage, la France notamment, mais pas seulement la France, a exigé le départ sans ce qu'on appelle "les parachutes dorés", d'un certain nombre de dirigeants qui avaient failli. Et vous avez vu que le président de la République l'a mis comme condition sine qua non au sauvetage de Dexia.
Est-ce que vous pensez vraiment, une fois cette crise passée - on connaît l'actualité, on voit comment cela se passe - une fois la crise passée, on n'en parlera plus et puis, on ne va pas vraiment réformer le système financier ?
Je ne le crois pas, je ne le crois pas. Parfois, vous savez, au sens de Gramsci, il y a des crises fondatrices ; il y a des moments où le monde se fait peur et on s'est fait très peur en ce mois de septembre, tout le monde a vu le gouffre potentiel. Je veux dire d'ailleurs, sans ajouter de l'huile sur le feu, l'immense responsabilité des Américains dans cette affaire, parce que la crise elle part quand même de Wall Street, elle part des Etats-Unis, et elle part des défauts de prudence, des défauts de régulation, comment dire, des outils trop sophistiqués des finances et de spéculation à terme mis en place par les Américains. Donc, les premiers à devoir réfléchir à ce qui s'est passé et à inventer très vite leurs propres outils de régulation, ce sont les Américains. Tout le monde a été touché, mais tout le monde n'est pas responsable au départ de la même façon.
Encore un mot de cette crise financière, avant de parler du Plan "Numérique 2012". Vous étiez socialiste, vous étiez responsable des questions économiques au PS. Qu'est-ce que vous pensez aujourd'hui de l'attitude, du comportement de l'opposition socialiste face à cette crise financière ?
D'abord, avant de parler du Parti socialiste, je veux dire à quel point je me sens à l'aise dans les discours que tient le président de la République sur le sujet. En 2000, j'étais rapporteur de le loi "Nouvelles régulations économiques" qui avait été conçu par D. Strauss-Kahn, à l'époque ministre de l'Economie et des Finances - c'est le moment où il a quitté le Gouvernement - et les discours que je tenais sur la nécessité de réguler le capitalisme. Cela veut dire quoi ? Considérer que le capitalisme est une machine à produire de la richesse et qu'il faut l'encadrer, le réguler, et lui permettre de redistribuer. Quand j'écoute le discours de Toulon du président de la République, je me retrouve parfaitement.
Et vous vous retrouvez dans l'attitude du PS aujourd'hui ou pas ?
Le PS est par définition ennuyé - et je peux le comprendre au fond - sur la régulation et sur l'action. En privé, les dirigeants du PS sont bien obligés d'admettre que le président de la République et le Premier ministre agissent bien, qu'ils prennent les bonnes décisions. Lorsque vous êtes dans l'opposition et qu'en plus vous avez un congrès, c'est difficile de dire : bah, vous savez, je trouve qu'ils agissent bien.
Et ce congrès, il faut le reporter ou pas ? Parce que finalement, toutes les motions, c'est-à-dire toutes ces propositions sur lesquelles on va débattre dans un mois au congrès de Reims, ont été conçues avant le début de la crise financière. Alors, certains disent : il faut le reporter. Vous, vous le reporteriez ou pas ?
Je ne suis plus là, et donc c'est difficile de donner mon avis. Je ne suis plus au PS, mais cela me paraît quand même compliqué à quelques jours du vote des militants, de dire : on annule tout et on recommence...
Le congrès est obsolète ?
Non, il n'est pas obsolète. De toute façon, sur le fond, c'était un congrès de pouvoir, de leadership. Il n'y a pas de ligne de clivage évident. Le PS est devenu réformiste, il peine à l'assumer totalement publiquement, mais il est réformiste pour l'essentiel.
"Internet haut début pour tous les Français", c'était un engagement de campagne de N. Sarkozy.
Absolument.
"Plan numérique 2012" - engagement de campagne de campagne - sera-t-il respecté ? On va voir avec vous dans quelques instants. (...) E. Besson est toujours notre invité sur RMC, le secrétaire d'Etat au Développement de l'Econome numérique. Vous avez préparé un Plan "Numérique 2012" avec de grands engagements de campagne de N. Sarkozy qui présente aujourd'hui ce plan dans les détails, et vous, plus précisément demain matin. On a déjà quelques éléments. Merci donc de nous les réserver. Il y avait un grand engagement de campagne, en tout cas en matière d'Internet, c'était 100 % des Français connectés à l'Internet haut débit. Il y a des toutes petites communes isolées où c'est un calvaire pour avoir l'Internet haut débit. Est-ce que c'est vraiment réaliste ? Les petites bourgades isolées, de mettre de l'Internet haut débit ?
Oui, oui, oui c'est réaliste, et le président de la République ce matin va dire comment. Il y a un lien avec la discussion qu'on avait juste avant. Quand vous regardez tous les grands pays industrialisés, certains investissent davantage dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication et en font un vecteur de croissance, un, entre guillemets "booster" de la croissance. Et c'est ce que le président de la République et le Premier ministre veulent faire avec le numérique. La Finlande, la Corée, les Etats-Unis et notamment la Californie tirent beaucoup plus parti de ce que l'on fait.
Pour reprendre l'exemple de la petite bourgade, en quoi c'est un vecteur de croissance ?
Mais parce que vous avez... Chez moi dans la Drôme, vous avez des viticulteurs qui vendent dans le monde entier grâce à leur site Internet. Avant, seul un grand producteur, un gros producteur pouvait accéder au supermarché ou à la vente à l'international. Désormais, vous pouvez avoir des stratégies dites de niche qui vous permettent d'aller très loin. Je dis d'ailleurs - et le président de la République en parlera - que de ce point-là, c'est l'une de nos faiblesses. Internet et globalement l'informatique, mais Internet est insuffisamment utilisé par nos TPE et par nos PME.
Mais vous allez forcer les fournisseurs d'accès Internet à aller dans toutes ces communes, jusqu'à présent pas intéressantes, financièrement parlant, en terme de rentabilité ?
Pas nécessairement les forcer. Vous allez voir les annonces du président ce matin. Il va dire comment le haut débit, et puis à terme, le très haut débit, mais dans un premier temps, le haut débit, va toucher l'ensemble des Français, d'abord en haut débit fixe, cela veut dire votre ordinateur à votre domicile, et ensuite le haut débit mobile parce que votre portable va devenir de plus en plus l'outil de connexion à Internet. Vous allez utiliser en permanence partout en France votre portable et il faut donc développer des infrastructures. Je veux dire de ce point de vue-là qu'en termes d'accélérateur de croissance, le haut débit et à terme le très haut débit - le très haut débit c'est la fibre optique et donc des données dix fois plus rapides - vont devenir un vecteur de croissance extraordinaire. Si on veut qu'il y ait des véhicules qui roulent - des véhicules ce sont des sites Internet, ce sont tous les services que propose Internet - il faut une qualité de routes et d'autoroutes qui soient grandes. Les routes c'est le haut débit, les autoroutes c'est le très haut débit.
Il y a la TNT aussi dans ce "Plan numérique 2012". Pourquoi la TNT puisque la TNT, ça y est, ça existe, BFM Télé en est la meilleure illustration. Qu'est-ce qu'on peut faire de plus en TNT ?
Respecter l'engagement de la France, et le Président va en parler ce matin, qui est que la France passe au tout numérique terrestre avant fin novembre 2011. Vous savez qu'il y avait des doutes chez les professionnels sur la capacité de la France à tenir cette échéance. Je crois que le Président va la réaffirmer.
Tous ceux qui n'auront pas de télé, avec un décodeur TNT à cette date-là, ne pourront plus...
Avec un adaptateur...
..Ne pourront plus la voir.
Oui, mais ça va être particulièrement bien préparé. Le Président va dire ce que sont les moyens que nous allons engager en communication, pour toucher les publics, les personnes dites sensibles, c'est-à-dire les personnes âgées ou les personnes handicapées, qui pourraient avoir un problème pour passer de l'hertzien, de l'analogique au numérique.
Pourquoi c'est important pour la croissance de développer la TNT ?
C'est doublement important. D'abord, parce que cela veut dire que les Français vont avoir 18 chaînes gratuites avec une qualité d'image que vous connaissez, qui est plus grande que pour la vieille télé, si je peux dire. Et puis, surtout, parce qu'au-delà de la TNT, cela libère des fréquences de très grande qualité. Les télévisions hertziennes ont utilisé une bande de fréquences dites basses, qui sont très, très intéressantes. Le Président va dire ce matin : voilà, ces fréquences en or, comment je compte les partager entre l'audiovisuel, la télévision mais aussi la radio, les télécommunications et les nouveaux services d'Internet. Internet va être absorbeur, si je puis dire, va être gourmand de fréquences, parce que pour entrer sur des sites de partage vidéo, pour échanger des données, pour échanger de vidéo, vous avez besoin de plus en plus de qualité de la bande pour pouvoir utiliser le meilleur de la technologie. [...]
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 octobre 2008