Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés,
Je constate aujourd'hui que c'est par les enjeux sociaux que la Présidence française commence la présentation de son programme devant le Parlement européen. C'est un symbole fort, et c'est pour moi l'occasion de vous dire que la dimension sociale sera un enjeu essentiel de la Présidence française. Dans le domaine social, la future Présidence se donne deux objectifs.
1. Le premier objectif est, après le déblocage des deux directives qui paralysaient le conseil, de lancer une dynamique qui permette de faire avancer des initiatives législatives nouvelles.
a) Sur les directives relatives au temps de travail et au travail intérimaire, la balle est désormais dans le camp du Parlement européen pour la seconde lecture.
Depuis 2002 et 2004, ces directives étaient bloquées au conseil, et ce blocage était devenu le symbole de l'enlisement de l'Europe sociale. Il fallait débloquer la situation pour sortir de la spirale de l'échec. Cela a été fait grâce aux travaux de la Présidence slovène, qui ont permis l'adoption d'un compromis à Luxembourg, le 9 juin dernier.
Ce compromis représente un progrès pour la situation des travailleurs en Europe.
- Avec la directive sur le travail intérimaire, d'une part, le principe de l'égalité de traitement au premier jour devient la règle en Europe : c'est un progrès pour les millions de personnes qui travaillent dans ce secteur.
- Avec le compromis sur le temps de travail, d'autre part, nous instituons des garanties encadrant l'opt out de 1993 mis en place sans restriction et sans limitation de durée : désormais, le texte prévoit un plafond de 60 ou 65 heures selon les cas contre une limite de 78 heures par semaine auparavant, l'impossibilité de signer l'opt out pendant les 4 semaines suivant l'embauche, et le contrôle renforcé de l'inspection du travail qui peut suspendre l'opt out en cas de menace sur la santé et la sécurité du travailleur. J'ajoute qu'une clause explicite de révision a été introduite. Enfin, je souligne que le compromis slovène permet de prendre en compte la spécificité du temps de garde, ce qui va aider beaucoup de pays, notamment dans le domaine de la santé.
Bien sûr, la révision de la directive sur le temps de travail est un compromis, et comme dans tous les compromis, il a fallu laisser de côté certains de nos objectifs initiaux. Je pense notamment à la suppression de l'opt out que la France défendait avec d'autres pays. Mais cette ligne était minoritaire et nous ne disposions pas du rapport de force suffisant pour l'imposer au conseil.
Il nous faut maintenant essayer d'éviter une conciliation. Bien sûr, il y a un écart important entre l'avis en première lecture du Parlement et la position commune du Conseil. Mais il faut que le Parlement considère qu'il y a urgence pour certains Etats à régler le problème du temps de garde, que le compromis slovène comporte des avancées pour les travailleurs et qu'il n'y a pas de majorité au Conseil pour supprimer l'opt out qui existe sans limitation depuis 1993.
Dans la perspective des débats que vous allez avoir, je voudrais en particulier appeler votre attention sur deux points :
- Sur la définition du temps de garde, l'objectif du Conseil est souvent mal compris. Il ne s'agit pas de remettre en cause les droits acquis des travailleurs, mais de permettre de sauvegarder les équilibres existant déjà dans certains Etats membres. Les débats au Parlement européen pourraient utilement éclairer les enjeux de cette nouvelle définition.
- Sur la clause de révision de l'opt out, nous devons aboutir sans faire de vainqueurs ni de vaincus car objectivement, le rapport de force ne le permet pas. Le compromis slovène prévoit la révision de la directive dans 5 ans. Tout reste donc ouvert et c'est pourquoi j'appelle à une trêve sur cette question de l'opt out.
Un dernier mot pour finir l'inventaire des textes discutés de longue date au conseil : je veux parler de la directive sur la portabilité des droits à pension de retraite complémentaires. Sur ce dossier, la Présidence slovène a accompli un travail remarquable pour essayer de faire converger les différents points de vue, sans succès. Dans ces conditions, la Présidence française a besoin de prendre le temps de la réflexion.
Enfin, nous apporterons aussi notre contribution à l'adoption du règlement d'application nécessaire à la mise en oeuvre du règlement de base de coordination des régimes de sécurité sociale, qui progresse régulièrement depuis deux ans.
b) En plus de ces dossiers anciens, la Présidence française aura à pousser un certain nombre d'initiatives nouvelles.
Je pense d'abord à la révision de la directive sur les comités d'entreprise européens, qui doit permettre de clarifier la définition de l'information et de la consultation, et surtout, de faire en sorte que les comités d'entreprise soient consultés avant les décisions de restructuration. Il s'agira donc d'une contribution importante au renforcement du dialogue social, sur des questions qui intéressent tout particulièrement les travailleurs. Je regrette bien sûr que cette révision n'ait pas pu se faire par la voie de la négociation entre partenaires sociaux. Mais je ferai en sorte que les discussions nous permettent d'arriver à un accord équilibré au conseil, si possible avant la fin de l'année. Par ailleurs, pour faire écho à ce dossier, j'organiserai une conférence sur le dialogue social transnational, qui aura lieu les 13 et 14 novembre à Lyon.
Je pense également à la directive relative à la lutte contre les discriminations, dont le Commissaire SPIDLA nous a annoncé qu'elle concernerait le handicap, l'âge, l'orientation sexuelle et la religion. Je sais que c'est l'option en faveur de laquelle le Parlement européen s'était exprimé, avec l'adoption du rapport d'Elizabeth LYNNE, et donc que je peux compter sur votre soutien. Mais je sais aussi que sur ce texte, les Etats membres votent à l'unanimité. La Présidence française fera de son mieux pour rechercher le consensus nécessaire. En lien avec ce dossier, elle organisera en outre, avec la Commission, un sommet européen de l'égalité des chances, qui aura lieu les 29 et 30 septembre à Paris.
Je pense enfin à plusieurs initiatives sur la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Nous attendons les orientations des partenaires sociaux sur la révision de la directive sur les congés parentaux. Et sur un sujet qui se prête autant à la négociation, j'appuierai bien entendu la mise en oeuvre des recommandations issues du dialogue social. Par ailleurs, la Commission a annoncé, dans son programme de travail, la révision de la directive de 1986 relative aux conjoints des travailleurs indépendants, la révision de la directive de 1992 relative au congé maternité, et l'ajout de dispositions relatives au congé paternité, au congé filial et au congé d'adoption. Je suis prêt à soutenir ces initiatives et à encourager un accord si la Commission nous fait une proposition en temps utile. En lien avec ces différents dossiers, j'organiserai, avec Valérie LETARD, une réunion informelle des ministres en charge de la parité et une conférence qui auront lieu les 13 et 14 novembre à Lille, et qui nous permettront d'aborder aussi la question de l'égalité de rémunération.
2. J'en ai fini avec la présentation du premier objectif que la Présidence française se donne en matière sociale. Je veux maintenant vous parler du second objectif, qui consiste à soutenir l'élaboration d'un projet social européen pour les années à venir, autour de quelques axes prioritaires.
a) Vous l'avez compris, je veux vous parler de la rénovation de l'agenda social européen.
Le 2 juillet, la Commission va publier une communication qui contiendra une série de propositions sur des pistes de travail pour les années à venir. La Présidence française arrive donc en temps utile pour proposer des orientations sur ces pistes de travail. Ce sera le sujet de l'informelle EPSSCO que j'organise à Chantilly les 10 et 11 juillet prochains, et aussi d'une conférence qui aura lieu le 12 novembre à Paris.
Au cours de ces différentes manifestations, nous voulons insister sur les quatre défis auxquels est confrontée l'Europe sociale : mondialisation, changement climatique, changement démographique, diversité croissante des sociétés européennes. Pour répondre à ces défis, nous proposons de mettre en avant quatre axes : le retour à l'emploi, la flexicurité, la solidarité sur le marché intérieur et la lutte contre les discriminations et la pauvreté.
Et nous voulons mettre en avant, pour chacun de ces axes prioritaires, des pistes d'action concrètes.
b) Le retour à l'emploi, la flexicurité et la mobilité, d'abord : ils constituent à mes yeux la première priorité de l'agenda social renouvelé.
Dans cette perspective, la Présidence française exploitera les conclusions de la mission européenne pour la flexicurité, co-présidée par Vladimir SPIDLA et Gérard LARCHER, qui effectue actuellement des visites de terrain associant les différents Etats membres.
Pour continuer la modernisation du marché du travail, la Commission envisage, dans le cadre de la rénovation de l'agenda social, des initiatives concernant l'évaluation des compétences et le fonds européen d'ajustement à la mondialisation. Elle pourra également promouvoir la mise en place d'un cadre européen pour la mobilité professionnelle, de façon à ce que les travailleurs mobiles ne soient plus pénalisés dans leurs droits et que les opportunités sur le marché du travail européen puissent vraiment profiter à tous.
Parallèlement, elle abordera le thème de la lutte contre le travail illégal, qui est le corollaire du renforcement de la mobilité. Deux conférences seront organisées sur ces sujets : l'une qui traitera du thème de la mobilité des travailleurs et de la portabilité des droits, les 11 et 12 septembre à Paris, et l'autre qui sera consacrée à la lutte contre le travail illégal, qui aura lieu à Marseille les 13 et 14 octobre.
c) La deuxième priorité de l'agenda social renouvelé me semble ensuite de mettre en valeur la dimension sociale sur le marché intérieur.
Dans cette perspective, la Présidence française essaiera de faire progresser le dossier des services sociaux d'intérêt général, dont je sais l'importance pour quantité d'acteurs européens. Des avancées ont été accomplies avec le protocole additionnel au traité de Lisbonne, le paquet Altmark, et l'exclusion du champ d'application de la directive services. Mais il y a encore, pour certains, des incertitudes à lever pour clarifier la situation juridique de ces services sur le marché intérieur.
La Présidence française s'efforcera d'organiser la poursuite du débat. En particulier, elle encouragera la Commission à établir une feuille de route fixant un certain nombre de rendez-vous obligés pour continuer la réflexion sur ce sujet. Dans ce but, j'organiserai le « second forum » sur les SSIG les 28 et 29 octobre à Paris.
d) Le troisième et dernier axe de l'agenda social pourrait être la lutte contre les discriminations et la pauvreté, dans nos sociétés où la diversité va croissant.
J'ai déjà parlé de la directive relative à la lutte contre les discriminations et du sommet européen sur l'égalité des chances. J'ai déjà parlé des initiatives législatives sur la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle et de la réunion informelle des ministres en charge de la parité.
Je veux encore souligner que la Présidence française apportera son soutien à la recommandation que la Commission présentera à l'automne sur l'inclusion active, et qu'elle s'efforcera de lui donner toute sa portée.
e) Enfin, à titre de conclusion, je voudrais mentionner un sujet qui est difficilement classable dans telle ou telle catégorie, mais auquel je tiens tout particulièrement : il s'agit de la responsabilité sociale des entreprises.
Notre objectif sera d'encourager la relance d'une démarche partenariale sur la RSE, c'est-à-dire d'une démarche associant, au-delà des seules entreprises, les partenaires sociaux et les ONG. Sur ce thème, j'ai demandé au Président du Conseil économique et social français, en lien avec la Commission et le Comité économique et social européen, d'organiser un colloque, qui aura lieu le 30 octobre à Paris.
Vous le voyez, le programme sera dense. Je souhaite qu'il nous permette d'envoyer un message très clair à tous les Européens : que l'Europe est source de progrès, économique et social, pour tous.
Je vous remercie.
Source http://www.ue2008.fr, le 4 août 2008