Interview de M. Edouard Philippe, Premier ministre, à Europe 1 le 15 mars 2019, sur la possible candidature de Nathalie Loiseau aux élections européennes, le pouvoir d'achat, l'assurance chômage et la maîtrise des dépenses publiques.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

Bonjour Monsieur le Premier ministre.

EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE
Bonjour.

NIKOS ALIAGAS
Merci d'avoir accepté notre invitation. Votre premier mot, ç'a été la température au Havre mais j'ai une autre question avant d'entrer dans l'actualité, avant de commenter avec nos journalistes, avec nos auditeurs ce qui se passe en France aujourd'hui. Est-ce que vous êtes du matin ?

EDOUARD PHILIPPE

(rires du public)

NIKOS ALIAGAS
Merci. Merci beaucoup. Qu'est-ce que vous faites ? Quand un Premier ministre se réveille, il lit une note de ce qui s'est passé la nuit ? Il lit la presse ? Qu'est-ce que vous faites ?

EDOUARD PHILIPPE
Le matin, je travaille souvent tôt le matin et j'ai parfois un petit peu de mal à parler tôt le matin. Il y a beaucoup de Français qui sont plus du soir que du matin. Moi ça m'arrive d'être un peu plus du soir que du matin. Mais ce je suis je suis heureux d'être avec vous quand même ce matin.

NIKOS ALIAGAS
C'est un plaisir pour nous aussi. Mais vous vous rentrez tout de suite dans l'actualité quand vous vous réveillez ? Vous faites un petit tour de piste ? On vous prépare une revue de presse de la nuit ou des choses comme ça ?

EDOUARD PHILIPPE
Oui. Quand j'arrive au bureau, j'ai en effet toute une revue de presse et puis surtout, j'essaye de profiter de mes matinées assez tôt le matin pour lire les notes qui m'ont été préparées la veille ou l'avant-veille et les regarder avec un esprit frais et organisé.


NIKOS ALIAGAS
On va passer un petit moment ensemble. Une interview pour évoquer l'état de la France, votre vision du pouvoir, votre ressenti aussi après presque deux ans passés à Matignon. Il y aura aussi des questions des auditeurs qui sont dans la salle, de nos journalistes aussi, Audrey CRESPO-MARA pour l'interview politique. Voilà les grandes lignes. Vous êtes prêt, on commence ?

EDOUARD PHILIPPE
On est parti !

NIKOS ALIAGAS
Allez, le journal de 07 heures 30. (…)

Le journal de 07 heures 30 :
Sujet sur les fusillades contre des mosquées en Nouvelle-Zélande

NIKOS ALIAGAS
Vous avez vu, vous avez entendu cette information ce matin, Monsieur le Premier ministre ?

EDOUARD PHILIPPE
Oui, c'est la première dépêche qu'on m'a passée à mon réveil. Mais au moment où on me l'a passée, je n'avais pas encore le nombre de morts déclarés. J'ai bien entendu la déclaration du Premier ministre néo-zélandais qui faisait état d'une des journées les plus sombres de l'Histoire du pays, ce qui laissait à penser qu'effectivement le bilan serait lourd. Et si les chiffres que vous venez d'évoquer sont confirmés, ils sont effectivement à la fois impressionnants et à bien des égards terrifiants.

NIKOS ALIAGAS
Vous avez vu les images du terroriste qui se filmait en direct sur les réseaux sociaux ?

EDOUARD PHILIPPE
Non. Non, non, je ne les ai pas encore vues. (…)

Sujet sur Nathalie LOISEAU, candidate pour être tête de liste aux Européennes

NIKOS ALIAGAS
Vous avez regardé le débat, Monsieur le Premier ministre ?

EDOUARD PHILIPPE
Je ne l'ai pas regardé parce que j'avais d'abord une réunion qui s'est terminée tard et ensuite des rendez-vous. Donc je n'ai pas eu l'occasion de regarder mais, évidemment, j'ai suivi ensuite sur Twitter les réactions. J'ai vu quelques extraits et puis j'imagine qu'on va beaucoup en parler.

NIKOS ALIAGAS
Elle vous avait informé de sa volonté d'être tête de liste ?

EDOUARD PHILIPPE
Oui. Je savais que Nathalie LOISEAU, qui est une ministre qui est une excellente ministre, qui connaît remarquablement bien ses dossiers, qui a un sens politique très fin et qui est aussi une femme extrêmement déterminée et combattante s'intéressait beaucoup à cette élection et à ce combat. Je n'aime pas tellement le terme parce qu'il donne le côté guerrier à la politique.

NIKOS ALIAGAS
Cet enjeu.

EDOUARD PHILIPPE
A cette question de l'élection européenne et aux enjeux de l'élection européenne. Donc je ne suis évidemment pas surpris par sa décision et je pense que c'est une bonne nouvelle. C'est une bonne candidature. Après, vous savez, dans cette affaire ce que nous souhaitons, c'est faire une liste de rassemblement au-delà des familles politiques telles qu'elles existent. Et donc, la meilleure façon de faire une liste de rassemblement, c'est d'avoir un fonds de campagne et c'est ce qu'a dit le président de la République dans sa tribune, qui est capable de susciter le rassemblement, et puis des candidats qui sont l'incarnation de ce rassemblement. Donc on va construire cette liste dans cet esprit ; c'est une bonne nouvelle.

NIKOS ALIAGAS
Vous aurez l'occasion d'aller plus loin tout à l'heure dans l'interview politique sur ce dossier et sur l'Europe notamment avec Audrey CRESPO-MARA à 08 heures 15. (…)

NIKOS ALIAGAS
Vous écoutez Europe 1 le matin ?

EDOUARD PHILIPPE
Ça m'arrive. Ça m'arrive.

NIKOS ALIAGAS
Ça vous arrive mais vous écoutez Jean-Michel APHATIE, j'en suis sûr.

EDOUARD PHILIPPE
Ça m'arrive souvent.

JEAN-MICHEL APHATIE
Sinon il ne serait pas venu.

NIKOS ALIAGAS
On parle de quoi ce matin, Jean-Michel ?

JEAN-MICHEL APHATIE
Eh bien nous allons parler précisément du Premier ministre et de sa responsabilité dans le déclenchement du mouvement des gilets jaunes.

NIKOS ALIAGAS
Axel de TARLE ?

AXEL DE TARLE
Et moi je vais parler du pouvoir d'achat des retraités. Vous avez vu que c'est la requête numéro un selon le sondage Odoxa ce matin sur le Grand Débat publié dans Le Figaro.

NIKOS ALIAGAS
APHATIE, TARLE dans un instant sur Europe 1 pour cette matinale spéciale avec le Premier ministre Edouard PHILIPPE. A tout de suite. (…)
- Comme tous les jours notre matinale avec Jean-Michel APHATIE sauf qu'aujourd'hui on est en direct depuis le Studio Bellemare et en public avec les auditeurs et les auditrices d'Europe 1. Et sauf qu'aujourd'hui pour cette émission en direct, nous avons le plaisir d'avoir le Premier ministre Edouard PHILIPPE. Jean-Michel APHATIE, c'est à vous.

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes, Monsieur le Premier ministre, bonjour…

EDOUARD PHILIPPE
Bonjour.

JEAN-MICHEL APHATIE
Le président… le Premier ministre, pardon…

EDOUARD PHILIPPE
Ça commence fort !
(rires du public)

NIKOS ALIAGAS
Le président du gouvernement.

JEAN-MICHEL APHATIE
J'ai été trop vite.

EDOUARD PHILIPPE
Je vois ça, je vois ça.

JEAN-MICHEL APHATIE
C'est sympathique. Vous êtes le Premier ministre d'une France immobile ou du moins d'une France immobilisée par le mouvement des gilets jaunes, ce que nous n'avions jamais connu, et c'est depuis le déclenchement de ce mouvement que nous sommes plongés dans une forme de psychanalyse collective dont c'est aujourd'hui le dernier jour et c'est pour cela que nous sommes très heureux de vous recevoir aujourd'hui. Tout est de votre faute, Monsieur le Premier ministre. Les 80 kilomètres/heure, c'est vous et c'est la première raison de la colère. Beaucoup de gens ont dit que si au tout début du mouvement vous aviez retiré la taxe carbone de l'essence, le mouvement n'aurait jamais pris cette ampleur. Donc tout est de votre faute, Monsieur le Premier ministre, et ce n'est pas moi que le dis. Ce sont des amis, des confidents du président de la République qui rapportent cela. Peut-être en privé le président de la République a-t-il eu l'occasion de vous le dire, mais cela peut être vous ne le direz pas à nous, mais ceci m'amène à vous poser la question suivante. Avez-vous au début du mouvement des gilets jaunes, Monsieur le Premier ministre, manqué de jugement politique ou votre jugement a-t-il manqué de pertinence ? Et je ne vous pose pas cette question pour refaire le passé parce que ça n'a aucun intérêt, mais plutôt pour comprendre votre état d'esprit aujourd'hui et en mesurer l'évolution. Avez-vous manqué de pertinence dans votre jugement politique sur les gilets jaunes, Monsieur le Premier ministre ?

EDOUARD PHILIPPE
D'abord, il faut toujours faire preuve d'une humilité qui est… Elle n'est pas toujours partagée dans les fonctions que j'occupe mais elle est toujours nécessaire. Et je peux parfaitement admettre l'idée que sur un certain nombre de sujets, l'interprétation qu'on fait à un moment donné se révèle une semaine, dix jours, trois mois après un peu différente. Ça m'arrive à moi. Je suis bien persuadé, monsieur APHATIE, que ça vous arrive à vous.

JEAN-MICHEL APHATIE
Je vais faire preuve d'humilité.

EDOUARD PHILIPPE
Et je suis bien persuadé que ça arrive chez tous ceux qui nous écoutent ce matin. Et je suis de ce point de vue-là pas différent. La deuxième chose que je peux vous dire avec la même franchise que celle que vous utilisez pour votre chronique, c'est que nous avions la conviction que le pays était dans une situation de très grande sensibilité. Qu'à n'importe quel moment pouvait se déclencher un événement.

JEAN-MICHEL APHATIE
On n'en connaît jamais la forme bien sûr.

EDOUARD PHILIPPE
On n'en connaît jamais la forme. J'étais incapable de prédire que ce serait… Mais c'est tellement vrai que j'ai eu l'occasion de dire publiquement et bien avant le début des gilets jaunes, monsieur APHATIE. Je l'ai dit en juillet à Aix-en-Provence dans un discours qui a d'ailleurs surpris à l'époque. A l'époque on m'a dit : « Mais pourquoi est-ce que vous dites ? » J'ai dit : « Mais parce que c'est vrai. »

JEAN-MICHEL APHATIE
Nous en avons perdu la mémoire.

EDOUARD PHILIPPE
Eh bien oui, mais ça arrive, et moi, je n'en ai pas perdu la mémoire parce que je le crois profondément. Et j'ai toujours pensé aussi, monsieur APHATIE, que le pays était dans une situation de grande sensibilité, de grande fragilité à certains égards, de très grandes attentes et que ��a ne justifiait certainement pas le statu quo mais, au contraire, la transformation et l'action publique. Ces convictions, c'est toujours les miennes.

JEAN-MICHEL APHATIE
Les 80 kilomètres/heure, du coup, vous vous faites à l'idée que c'est fini, que c'est une mesure sur laquelle il faudra revenir pour redonner un peu plus d'esprit positif à nos concitoyens, notamment à ceux qui vivent en zone rurale ?

EDOUARD PHILIPPE
Qu'est-ce que vous en pensez, vous ? Est-ce que vous avez vu le résultat de la mise en oeuvre de cette mesure et des autres d'ailleurs qui sont contenues dans le plan ?

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'êtes pas décidé à l'abandonner alors. Vous n'êtes pas décidé à l'abandonner.

EDOUARD PHILIPPE
Non. Quand vous prenez des décisions publiques, vous pouvez les prendre pour être toujours populaire.

JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.

EDOUARD PHILIPPE
Il y a plein de gens qui ont fait ça pendant très longtemps. Ça n'a pas très bien marché en vérité, monsieur APHATIE. Où vous pouvez essayer de les prendre alors même que vous savez qu'elles ne sont pas forcément populaires et parce que vous pensez qu'elles sont justes et parce que vous êtes déterminé à dire : « Prenons-les. Voyons. Démontrons qu'elles sont bonnes ou qu'elles ne sont pas bonnes et ensuite, le cas échéant, corrigeons. » C'est ce qu'on a dit sur le 80 kilomètres/heure et j'observe que les faits montrent que quand on a installé cette mesure, les résultats en termes d'accidentalité, en termes de mortalité sur les routes, ont été bons. Pardon, ils n'ont pas été bons : ça a été les meilleurs enregistrés en France. Il n'y a jamais eu aussi peu de morts sur les routes. Eh bien, ça compte aussi dans le débat public. Alors évidemment, si vous faites de la politique pour dire systématiquement ce que les gens ont envie d'entendre ou ce qui est le plus facile, eh bien vous pouvez espérer être un peu populaire. J'ai vu très longtemps des gens être fascinés par la question de leur popularité. Je ne crois pas que ça ait servi le pays.

NIKOS ALIAGAS
Le Premier ministre Edouard PHILIPPE en direct sur Europe 1 ce matin. En répondant aux questions de Jean-Michel APHATIE, on a compris : on ne revient pas sur les 80 kilomètres/heure. Axel de TARLE ?

AXEL DE TARLE
Autre mesure phare, bonjour Monsieur le Premier ministre… Moi, je voulais revenir sur la question du pouvoir d'achat des retraités et notamment la désindexation des retraites. Parce qu'on parle là de 16 millions de Français qui constatent que tout augmente : le loyer, l'électricité, l'essence. Tout augmente sauf leur retraite qui est bloquée. D'ailleurs je le disais à l'instant, on voit ce matin que c'est la requête numéro un à l'issue de ce grand débat, la désindexation des retraites. Donc première question, est-ce que vous allez à nouveau réindexer les retraites sur l'inflation, ce qui semble logique la plus élémentaire ? Et puis deuxième question. Vous parliez à l'instant du courage en politique : est-ce qu'au fond, en matière de retraite, la vraie réforme courageuse, celle qui permettrait de garantir des retraites décentes et de faire des économies, est-ce que ce ne serait pas de faire ce que font tous nos voisins, c'est-à-dire de reporter l'âge de départ à la retraite ?

EDOUARD PHILIPPE
Alors il y a deux questions différentes.

AXEL DE TARLE
Oui, mais il y a le courage et puis il y a le détail qui agace 16 millions de Français.

EDOUARD PHILIPPE
Oui, j'entends. D'abord la question sur la désindexation. On avait prévu cette mesure pour deux ans et on l'avait fait adopter pour deux ans. Elle a finalement été corrigée notamment par le Conseil constitutionnel qui a dit : « On ne peut pas s'engager pour deux ans. Il faut le faire simplement pour une année. Et si vous voulez le faire l'année suivante, il faudra le redécider. » Je le dis parce que c'est l'état du droit et c'est la vérité. Moi j'entends la question et j'entends parfaitement, pour le coup, les remarques qui sont formulées par tous ceux qui touchent notamment les petites retraites. Alors c'est toujours difficile de dire qu'est-ce que c'est qu'une petite retraite, mais c'est vrai que pour beaucoup de nos concitoyens qui touchent des petites retraites, cette désindexation qui fait que le pouvoir d'achat est un peu rogné, il faut bien le reconnaître, est une préoccupation, est une vraie préoccupation. Et j'entends aussi un certain nombre de voix qui disent : « Dans ce cas-là, faisons en sorte pour l'année 2020 de réindexer, en tout ou partie, mais de réindexer notamment les petites retraites. » Je me suis fait le défenseur tout à l'heure du courage en politique et de la détermination. Faire de la politique, c'est aussi écouter et moi j'entends ce message. Donc on peut regarder comment c'est possible.

AXEL DE TARLE
Mais pas pour tout le monde. Uniquement pour les petites retraites. Moins de 2 000 euros.

EDOUARD PHILIPPE
On peut aussi se poser la question de savoir s'il n'est pas utile de prendre une mesure pour ceux qui en ont le plus besoin. Donc voilà, je pose ça et c'est une question. Il y aura une appréciation parlementaire. J'y suis assez sensible et je peux le prendre en compte. Voilà, c'est une façon de répondre à votre question. Sur la question du travail plus longtemps, ça c'est une question en France, passionnante à mon avis, qu'il faut se poser mais dont on sait qu'elle a une sensibilité et qu'elle est susceptible d'entraîner des réactions d'une violence…

AXEL DE TARLE
Nous avons les retraites les plus longues de l'OCDE. Est-ce qu'on peut continuer à faire exception ?

EDOUARD PHILIPPE
Je vous dis que c'est une question qu'il est légitime de se poser. Et d'ailleurs, j'entends qu'elle est posée. J'ai entendu hier Xavier BERTRAND évoquer ce sujet. J'entends un certain nombre de responsables politiques ou économiques dire qu'il y a un sujet qui me semble devant nous, et je le dis ici, qui est le sujet pas simplement du financement des retraites, qui est le sujet du financement de la dépendance. Ça n'a rien à voir avec les retraites mais ça a beaucoup à voir avec l'allongement de la vie. Il demandera la prise en charge de la dépendance ; des investissements dans des infrastructures, des investissements massifs ; la revalorisation des métiers qui permettent justement de prendre en compte et d'accompagner nos seniors, nos aînés ; la formation de ces gens donc des moyens financiers considérables. On peut se poser la question de savoir si un jour pour dégager ces moyens financiers, l'équilibre ce sera de dire : « Travaillons un peu plus longtemps pour faire en sorte que la dépendance soit totalement prise en charge. » C'est des questions que peut-être un jour le débat public français va devoir aborder. Moi je pense qu'il faut se les poser. Vous voyez, je suis prudent dans ma réponse parce que c'est un vrai débat de politique publique qui intéresse tous les Français et qu'il ne faut pas trancher avant de l'avoir posé et c'est une vraie bonne question.

NIKOS ALIAGAS
On va continuer à poser des questions, Monsieur le Premier ministre, avec vous. Vous êtes notre invité ce matin. Merci à Axel de TARLE pour « Le zoom éco ». Matinale spéciale en public depuis le studio Pierre Bellemare. Edouard PHILIPPE reste avec nous jusqu'à neuf heures. On parlera de l'Europe, de l'actualité politique, Nicolas CANTELOUP aussi ce matin. A tout de suite. (…)

CELINE DA COSTA
Matinale spéciale en public depuis le studio Bellemare. Nikos ALIAGAS avec votre invité, le Premier ministre Edouard PHILIPPE.

NIKOS ALIAGAS
Et les auditeurs qui applaudissent, la rédaction, le Premier ministre et tous les intervenants et les auditeurs qui prennent la parole dans cette émission, Monsieur le Premier ministre, avec tout d'abord Christine. Christine qui est avec nous et qui est prof de lettres dans la région d'Orléans. Quelle est votre question au Premier ministre, madame ?

CHRISTINE, PROFESSEUR DE LETTRES
Bonjour Monsieur le Premier ministre.

EDOUARD PHILIPPE
Bonjour madame.

CHRISTINE
Une question simple que beaucoup de Français se posent. On ne comprend plus rien à la communication du gouvernement concernant les impôts. On a l'impression que ça va un petit peu dans tous les sens. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire à propos des décisions qui seront prises bientôt dans ce sens et vers quoi on se dirige ? Comment on peut baisser les impôts si on ne baisse pas les dépenses ?

EDOUARD PHILIPPE
Alors, d'abord je ne sais pas si c'est ce que vous pensez, mais en tout cas je voudrais aller dans le sens que je crois déceler dans votre question. C'est-à-dire dire qu'en effet les impôts sont en France et depuis très longtemps à un niveau qui est effectivement très élevé. Ce n'est pas scandaleux qu'il y ait des impôts. Ça paye des services publics. J'ai compris que vous étiez professeur de lettres, on a besoin de professeurs. On a besoin de les payer et on a besoin d'impôts pour les payer. Il faut faire attention quand on dit que les impôts sont trop élevés, les services qui vont avec peuvent être extrêmement utiles, peuvent être extrêmement importants. Donc je n'ai pas de problèmes là-dessus. Mais ce qui est vrai, c'est quand même qu'on a des impôts très élevés en France et qu'il y a un moment où ça nuit à notre compétitivité économique, à notre pouvoir d'achat à certains égards et puis où les Français le disent. On a bien entendu qu'ils le disaient donc il faut essayer de les baisser. Et moi je m'inscris dans cette logique, qui a d'ailleurs été affirmée par le président de la République pendant sa campagne, de vouloir baisser les prélèvements obligatoires. C'est-à-dire les impôts, les taxes, tous les types de prélèvements obligatoires. Et c'est assez facile à concevoir et à dire, et ensuite c'est assez difficile à faire pour deux raisons. Non mais attendez, là aussi on peut se dire les choses. Pour deux raisons.

NIKOS ALIAGAS
Allez-y.

EDOUARD PHILIPPE
D'abord parce qu'on est un pays qui est déjà très endetté. Ça vient de loin, ça s'est accumulé pendant le temps. Mais enfin aujourd'hui, moi je suis Premier ministre, je constate que la dette publique est importante. Elle est presque d'environ 100 % du PIB. C'est une dette importante. On peut la payer, on n'est pas en banqueroute, on n'est pas en faillite du tout même. On reste un pays riche, un pays prospère mais enfin néanmoins, c'est un sujet. Evidemment réduire les impôts quand vous avez une dette qui est déjà très élevée, c'est un petit sujet. Et puis deuxièmement, plus significatif, tout le monde est d'accord pour baisser la dépense publique qui est une bonne façon ensuite d'expliquer pourquoi est-ce qu'on baisse les impôts. Enfin tout le monde est d'accord quand on le dit à ce niveau de généralité.

CHRISTINE
A ce niveau, oui.

EDOUARD PHILIPPE
Parce que quand on va dans le détail, y compris ceux qui sont les thuriféraires de la baisse de la dépense publique, ceux qui vous expliquent qu'il faut y aller. Eh bien à chaque fois qu'on vient avec une mesure parce qu'on identifie un mécanisme qui ne fonctionne pas bien et qu'on peut baisser la dépense publique, à chaque fois ceux-là ils viennent vous voir en vous disant : « Mais ça ne va pas mieux. Mais vous êtes fou de vouloir baisser là parce que c'est très utile, parce que c'est très important » Moi je ne découvre pas ça. Mais je le vis et je suis fasciné par l'incroyable facilité que peuvent avoir certains à dire : « Il faut réduire la dépense publique » et l'incroyable fragilité qu'ils démontrent lorsqu'il faut le faire. Et je peux vous en prendre un exemple qui est un exemple tiré dans le champ politique mais qui est assez fascinant. Au moment de la campagne présidentielle 2017, à droite vous avez un candidat, François FILLON, qui dit : « Les contrats aidés, ça ne marche pas, ça ne marche pas bien. Ça n'est pas totalement inutile mais ça ne marche pas bien. Il faut les supprimer complètement. » Il le dit et avec lui son camp. Et il dit : « On va passer de… Il y en avait environ 400 000 en 2016- 2017, on les supprime. » Bon. Nous on arrive, on dit : « Effectivement, ça ne marche pas très bien. » Effectivement, ça ne marche pas très bien. « On ne va pas les supprimer mais on va les réduire assez fortement à 200 000. » Ceux-là mêmes qui six mois avant vous disaient : « Il faut y aller, il faut les supprimer » disent : « Mais comment osez-vous faire ça ? » Donc ce que je veux dire, c'est que politiquement j'observe que baisser la dépense publique, c'est rarement populaire et c'est souvent difficile. Et pourtant c'est indispensable, et pourtant on essaye de le faire. C'est pour ça que moi, j'essaye de faire en sorte que la progression de la dépense publique soit faible, plus faible que la croissance, pour que la part des dépenses publiques dans la richesse nationale diminue. C'est long, il faut faire les choses de façon cohérente dans le temps et c'est assez indispensable et c'est possible.

NIKOS ALIAGAS
Christine, le Premier ministre a répondu à votre question. Vous êtes donc prof de lettres près d'Orléans.

CHRISTINE
Merci.

NIKOS ALIAGAS
Vous vous y attendiez à la difficulté de l'exercice du pouvoir, Edouard PHILIPPE ?

EDOUARD PHILIPPE
Je n'ai jamais pensé que c'était facile.

NIKOS ALIAGAS
Quand on devient Premier ministre, c'est quoi la chose…

EDOUARD PHILIPPE
D'ailleurs je préfère dire à tous ceux qui nous écoutent que s'il y en a qui pensent que c'est facile, ils se plantent.

NIKOS ALIAGAS
Mais qu'est-ce qui vous a le plus choqué quand vous êtes arrivé ? Là effectivement, vous nous avez parlé de paradoxe. Qu'en réunion avant tout le monde veut et puis finalement dans l'exercice du pouvoir, c'est plus compliqué. C'était quoi la chose la plus difficile pour vous à titre personnel ?

EDOUARD PHILIPPE
Ce qui est très compliqué, c'est qu'au fil du temps se sont sédimentées des procédures, des réglementations, des habitudes, des usages qui font que lorsque vous essayez de modifier quelque chose, vous vous heurtez… Bien, vous vous heurtez à un système qui peut, au fond, donner le sentiment qu'il est bloqué à certains égards. Et c'est aussi pour ça que quand vous voulez changer quelque chose, il faut avoir une détermination qui est une détermination considérable. Parce que sinon ça coince tout de suite. Dès que vous voulez modifier quelque chose, ça coince.

NIKOS ALIAGAS
Donc il faut aller jusqu'au bout même si c'est impopulaire.

EDOUARD PHILIPPE
Non. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas… Il ne faut pas imaginer qu'en se disant que si on bouge un petit truc par-là et puis on bouge un petit truc par-là ça va produire des effets. Ça n'est pas vrai. Et d'ailleurs, je dis en souriant et en regardant monsieur APHATIE, on a déjà vu ça. Le quinquennat de François HOLLANDE, il a été caractérisé par… On faisait des petits gestes par-ci puis des petits gestes par-là puis on espérait que les choses allaient changer. Puis elles allaient plutôt moins bien. Donc transformer le pays, c'est accepter l'idée, prendre le risque y compris le risque de l'impopularité, d'effectivement essayer de changer les choses. Ce n'est pas facile mais ce n'est pas non plus impossible. Parce que je voudrais dire à nos concitoyens : il faut quand même être plein d'espoir. Notre pays, il se transforme. Il y a des politiques publiques qui fonctionnent bien. Et donc on arrive à faire des choses.

NIKOS ALIAGAS
On sort quand même de quatre mois difficiles avec les gilets jaunes. Vous êtes d'accord, ça a été très dur.

EDOUARD PHILIPPE
Bien sûr.

NIKOS ALIAGAS
Dans quel état est la France aujourd'hui ? Parce que vous avez consulté, vous avez écouté et aussi vous avez été confronté à une réalité et à la violence aussi de cette expression populaire dans la rue. Vous avez eu peur, Monsieur le Premier ministre ?

EDOUARD PHILIPPE
Peur ?

NIKOS ALIAGAS
Oui.

EDOUARD PHILIPPE
Non. Pourquoi j'aurais eu peur ?

NIKOS ALIAGAS
Quand ça a été très tendu.

EDOUARD PHILIPPE
Non, je n'ai pas eu peur. J'ai considéré, et je crois que tout le monde a considéré, que la situation était une situation qui était sérieuse. Je n'ai pas eu peur au sens où les institutions de la Vème République sont très solides. Que le professionnalisme de tous ceux qui garantissent l'ordre public et la sécurité publique est absolument remarquable. Et aussi parce que peut-être après une période de tâtonnements, j'ai vu l'ensemble des forces, quasiment l'ensemble des forces politiques, des forces syndicales, des associations dire : « Attention, on est en train de dériver. » Et d'une certaine façon, si le grand débat national a été un grand succès en termes de mobilisation, en termes de calme dans les réunions, on y reviendra peut-être, ce n'est pas simplement parce que le gouvernement a décidé de le faire. C'est parce que l'ensemble des Français, des organisations syndicales et formations politiques ont dit : « Il ne faut pas être dans la manifestation violente, il faut être dans le débat public pour trouver des solutions. » Donc non, moi je n'ai absolument pas eu peur mais je sais que nous vivons dans un pays où les attentes de changements sont considérables et les conservatismes puissants en même temps.

NIKOS ALIAGAS
Avant le journal de 08 heures, je voudrais vous poser une question quant à votre ministre de l'Intérieur. Est-ce que vous avez vu que dans la presse people, il a été photographié, paparazzé ? C'était un samedi de manifestations des gilets jaunes vraisemblablement tard dans la nuit. Est-ce que c'est préjudiciable pour le Ministre de l'Intérieur, le premier flic de France, de se retrouver dans les magazines people, Christophe CASTANER ?

EDOUARD PHILIPPE
Ecoutez, moi je ne lis pas la presse people. Je n'ai aucun commentaire à faire sur la vie privée de Christophe CASTANER et le Ministre de l'Intérieur a toute ma confiance.

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez reçu hier soir pour lui en parler dit-on.

EDOUARD PHILIPPE
Eh ben non, là vous vous trompez, monsieur APHATIE. Europe 1 a une fausse information.

NIKOS ALIAGAS
C'est une fake news ?

EDOUARD PHILIPPE
Non, non. Je l'ai vu hier soir avec d'autres ministres pour la réunion que j'évoquais tout à l'heure.

JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne lui en avez pas parlé ?

EDOUARD PHILIPPE
Je parle avec Christophe CASTANER de tout mais je ne l'ai pas convoqué.

JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous en avez parlé ?

EDOUARD PHILIPPE
Mais vous pensez que le Ministre de l'Intérieur et le Premier ministre, ils ne se parlent pas de tout ? Evidemment qu'ils se parlent, donc évidemment qu'on a parlé mais je…

NIKOS ALIAGAS
Mais vous ne…

EDOUARD PHILIPPE
Eh bien si, je vous ai dit : je n'ai pas de commentaires à faire sur la vie privée de Christophe CASTANER.

JEAN-MICHEL APHATIE
Excusez-moi, ce n'est pas du tout poursuivre vraiment sur la vie privée parce que moi non plus elle ne m'intéresse pas. Mais ce n'est pas comme ça qu'est placé le débat, c'est en termes d'exemplarité. Un ministre de l'Intérieur un soir de manifestation, est-ce que c'est sa place d'être dans une boîte de nuit ? Et puis, est-ce qu'il y a des questions autour de sa sécurité ou pas ?

EDOUARD PHILIPPE
Moi, je crois qu'il n'y a pas de questions autour de sa sécurité et, encore une fois, je vous ai répondu.

JEAN-MICHEL APHATIE
Et l'exemplarité ?

EDOUARD PHILIPPE
Enfin, monsieur APHATIE, si la question c'est : « Est-ce qu'il est interdit… » Enfin, bon, voilà. Non, pardon, je trouve ces questionnements, parce que je vois bien que vous me dites : « Non, je ne m'intéresse pas à la vie privée », mais en fait ça y vient.
(rires du public)

EDOUARD PHILIPPE
Vous voyez, non mais c'est… Moi, je n'ai pas de commentaires à faire sur la vie privée de Christophe CASTANER. Aucun.

NIKOS ALIAGAS
On l'entend. On l'entend, Monsieur le Premier ministre. A ne pas manquer dans le journal de 08 heures puisqu'aujourd'hui c'est une matinale spéciale depuis le studio Pierre Bellemare avec Edouard PHILIPPE, le grand débat national : quel ressenti et quels enseignements après deux mois de réunions et d'échanges. On va partir à Arras dans le Pas-de-Calais interroger les citoyens qui y ont participé. A tout de suite.

(…)

Sujet sur la participation citoyenne

LIONEL GOUGELOT
Effectivement parce que cette mise en garde, tous les participants la partagent, la colère sera encore plus forte si les réponses du président de la République ne sont pas à la hauteur des attentes. Alors Monsieur le Premier ministre Edouard PHILIPPE, qu'est-ce que vous pouvez dire ce matin pour les rassurer ?

EDOUARD PHILIPPE
D'abord je ne peux pas faire des annonces sur les réponses que va apporter le gouvernement ou le président de la République aux aspirations qui sont exprimées, pour une raison simple, c'est que le grand débat a permis l'expression de tellement de choses – plus de 10.000 réunions, 1.700.000 contributions envoyées sur le site Internet – qu'il y a une phase de… si j'ose dire, pardon de le dire comme ça de façon peut-être triviale, de digestion. Il faut qu'on entende, qu'on exploite, qu'on mette sur la table tout ce qui a été dit, les accents toniques qui ont été dits dans ce débat. Et ça prend un petit peu de temps, il faut le dire de façon très tranquille. D'ailleurs le grand débat, les réunions se terminent aujourd'hui mais il n'est pas fini…

NIKOS ALIAGAS
Ça peut continuer ?

EDOUARD PHILIPPE
Ce week-end, il y a les conférences citoyennes régionales avec les Français tirés au sort, qui vont pouvoir élaborer un certain nombre de choses et donner un certain nombre de positions communes sur ce qu'ils ont entendu. Et puis il y aura au début du mois d'avril un débat parlementaire pour que les forces politiques, les partis politiques puissent exprimer ce qu'ils souhaitent dans le cadre de ce grand débat. Donc il n'est pas complètement achevé. Mais ce qui est vrai dans ce qui vient d'être dit et ce à quoi moi je suis très sensible, c'est l'importance qui a été affirmée d'une association, d‘une participation des citoyens à la prise de décision publique. Et ça reste à inventer, pourquoi ? Parce qu'au niveau local, on sait plutôt bien le faire. Moi quand j'étais maire et tous les élus, quel que soit à droite, gauche, ça n'a aucune importance, mais les élus savent ça, ils savent que… les élus locaux pour transformer leur ville, il faut associer les concitoyens à la prise de décision. Et ce qu'on arrive à faire au niveau local, on n'arrive pas suffisamment à le faire au niveau national. Et là, on doit inventer des choses nouvelles.

NIKOS ALIAGAS
On vous a entendus et on remercie Lionel GOUGELOT, auteur de cette enquête dans le Nord de la France.
(…)

VINCENT HERVOUET
Monsieur le Premier ministre, il y a depuis la chute annoncée de Baghouz des milliers de jihadistes qui se sont rendus aux forces syriennes. D'abord combien est-ce qu'il y a de Français ?

EDOUARD PHILIPPE
On a un nombre de Français connu là-bas, mais au fur et à mesure que la libération et le combat contre Daesh se déroule, on en découvre. Donc le chiffre évolue progressivement au fur et à mesure où on identifie un certain nombre de Français qui ne l'avaient pas été jusqu'à présent.

VINCENT HERVOUET
Combien ?

EDOUARD PHILIPPE
Je ne peux pas communiquer de chiffre sur le nombre de Français au jour où je vous parle, mais je peux vous dire de façon très claire quelle est ma position sur ce qui doit advenir de ces Français. Ces Français, ils ont quitté la France, ils ont rejoint des zones de combat pour devenir des combattants. Ce faisant, ils ont – au regard du droit français et au regard du droit local – commis des crimes. Ils doivent répondre de ces crimes, ils doivent être jugés sur place et s'ils sont déclarés coupables, punis. Je le dis parce que la doctrine de la France, c'est que ces combattants doivent être jugés sur place et punis là où ils ont commis leurs crimes. En Irak c'est déjà le cas, en Syrie ça doit être le cas.

VINCENT HERVOUET
Vous n'êtes pas pressés de les récupérer la majorité des français non plus, on le comprend très bien, il y a de la prudence là-dedans, mais est-ce que ce n'est pas la politique de l'autruche parce qu'un jour ou l'autre, ces gens-là reviendront, ils ne vont pas rester éternellement au loin, hors d'état de nuire. Et j'ajoute qu'il y a des enfants, des petits enfants, des mineurs et après tout élevés par des mères fanatisées et à la garde de miliciens kurdes, ce n'est pas forcément plus efficace que les services de la justice, pénitentiaire, de l'aide à l'enfance pour les rééduquer quand même !

EDOUARD PHILIPPE
Oui, mais vous voyez bien que c'est difficile de répondre globalement à la question que vous posez, d'abord parce qu'il peut arriver que… d'abord parce que… est-ce qu'on parle d'enfants qui ont 1 an, 2 ans…

VINCENT HERVOUET
Les petits !

EDOUARD PHILIPPE
Ou 16 ans. Les petits…

VINCENT HERVOUET
La majorité.

EDOUARD PHILIPPE
Et donc le choix que nous avons fait, la doctrine que nous mettons en oeuvre, c'est les combattants doivent être jugés et punis sur place, s'agissant des enfants – notamment des très jeunes enfants qui ne peuvent en rien être tenus responsables des actes de leurs parents – bien entendu nous regardons au cas par cas avec les associations humanitaires. S'il y a des demandes, comment est-ce que nous pouvons régler la situation, mais nous le faisons au cas par cas, nous le faisons au cas par cas, exactement d'ailleurs d'une certaine façon, c'est assez intéressant, pour prendre en compte ce que vous avez dit au début de votre propos, parce que je crois que si globalement la France a appris quelque chose des 8 années qui viennent de s'écouler, c'est qu'elle devait être très déterminée et très prudente dans les affirmations qu'elle prononçait. Mon objectif c'est de faire en sorte – ça a été l'objectif formulé par le président – de faire en sorte que Daesh soit battu sur place. Cet objectif, il est en passe d'être achevé, c'est une bonne nouvelle. Et mon deuxième objectif, c'est de garantir la sécurité des Français et c'est à cet aune-là que se placent toutes les décisions que nous prenons en la matière.
(…)

AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Edouard PHILIPPE.

EDOUARD PHILIPPE
Bonjour.

AUDREY CRESPO-MARA
Sur la plateforme du grand débat, à la question « quel impôt faut-il baisse en premier », c'est la TVA qui arrive en tête. Le gouvernement pourrait-il baisser la TVA ?

EDOUARD PHILIPPE
Là encore, j'entends le souci de baisser les impôts, la TVA ou un autre mais de baisser les impôts. Deux remarques, d'abord la TVA c'est un impôt qui obéit à une réglementation européenne, il faut donc qu'on le fasse en bonne intelligence et en bon accord avec nos partenaires européens. Ce n'est pas un non mais c'est une contrainte qu'il faut avoir en tête. Deuxième remarque, baisser la TVA ça peut s'entendre, mais il faut que ça profite à ceux qui le demandent et pas aux intermédiaires. Pourquoi je dis ça ? Parce que si on baisse la TVA sur un certain nombre de produits et que la baisse de la TVA est intégrée dans les marges des entreprises ou des distributeurs, parce que je vois un certain nombre de distributeurs de la grande distribution dire : pourquoi est-ce qu'on ne baisserait pas la TVA sur tel ou tel produit si c'est pour que ce soient les intermédiaires, la grande distribution qui prend cet avantage, alors non, pas d'accord.

AUDREY CRESPO-MARA
Vous faites allusion à Michel-Edouard LECLERC qui, ce matin, suggère de lever la TVA sur le bio, bonne idée ?

EDOUARD PHILIPPE
Développer le bio très bonne idée, mais si baisser la TVA sur le bio ça se traduit par une marge accrue pour la grande distribution, que ça ne va pas dans la poche du producteur et que ça ne va pas dans l'avantage du consommateur eh ben pas d'accord.

AUDREY CRESPO-MARA
Xavier BERTRAND propose lui de supprimer la TVA sur 100 à 200 produits alimentaires de première nécessité. Vous pourriez retenir cette proposition ?

EDOUARD PHILIPPE
Là aussi, on a des taux qui sont déjà différenciés pour les produits de nécessité ; et pour certains on a des taux qui sont très bas…

AUDREY CRESPO-MARA
Et la supprimer totalement sur les biens de première nécessité ?

EDOUARD PHILIPPE
La supprimer, moi je… la supprimer ça veut dire comment est-ce qu'on compense ce coût pour les finances publiques et est-ce que cet avantage va bien aux consommateurs. D'ailleurs Xavier BERTRAND que j'ai écouté avec attention le dit lui-même, il dit : on pourrait supprimer la TVA pour les produits de première nécessité, mais il faudrait s'assurer auprès des producteurs, des distributeurs, bref ! De l'ensemble de la chaîne de valeurs économiques que l'avantage n'est pas pour eux mais pour le consommateur final. Je lui souhaite bien du plaisir pour garantir ça, bien du plaisir.

AUDREY CRESPO-MARA
Vous nous dites que vous voulez baisser les impôts, mais alors comment se fait-il que vos ministres multiplient les propositions pour les augmenter, je vous fais une petite liste : Gérald DARMANIN proposait de supprimer des niches fiscales ; Bruno LE MAIRE suggérait de taxer les fortes plus-values immobilières ; Marlène SCHIAPPA a même envisagé de rétablir. Vous avez décidé de taxer les plus riches ?

EDOUARD PHILIPPE
Non, encore une fois je le redis, je pense que globalement nous devons baisser les prélèvements obligatoires…

AUDREY CRESPO-MARA
Donc ce que disent vos ministres, ils disent l'inverse…

EDOUARD PHILIPPE
Non, non…

AUDREY CRESPO-MARA
Ils suggèrent qu'il faut taxer les plus riches !

EDOUARD PHILIPPE
Non et comme vous êtes très intelligente, vous savez que ça n'est pas exactement la même chose. Parce que ce que disent un certain nombre de ministres, c'est qu'ils pensent qu'on peut baisser globalement les prélèvements obligatoires, baisser certains impôts et en augmenter d'autres et au global les baisser. Sauf qu'aujourd'hui, compte tenu du niveau de prélèvement obligatoire, compte tenu de la sensibilité dans notre pays, dire ça c'est déjà s'exposer à la critique que vous venez de formuler sur le thème : ça veut dire qu'ils veulent augmenter les impôts. Moi je crois que les impôts doivent baisser, je pense qu'ils sont à un niveau suffisamment élevé, beaucoup trop élevés à certains égards et donc qu'il faut les baisser. E. surtout, et surtout je ne voudrais pas qu'on croit que le seul instrument, le seul sujet de transformation de notre Etat, de notre pays c'est la fiscalité.

AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous entendez les Français, ils demandent plus de justice fiscale, est-ce que vous trouvez injuste de rétablir l'ISF par exemple ?

EDOUARD PHILIPPE
J'entends l'appel, l'aspiration à la justice fiscale, le partage d'ailleurs, je dis comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire parce que je le crois profondément que l'ISF a été transformé en impôt sur la fortune immobilière par cette majorité, après que le président de la République et la majorité se soient engagés à le faire, parce que l'ISF tels qu'il existait présentait plus d'inconvénients qu'il n'offrait d'avantages.

AUDREY CRESPO-MARA
Donc il est exclu de le rétablir clairement ?

EDOUARD PHILIPPE
Mais ce n'est parce que je viens de vous dire, je vous dis qu'il présentait plus d'inconvénients…

AUDREY CRESPO-MARA
Donc quand même !

EDOUARD PHILIPPE
Que d'avantages et que c'est pour ça qu'on l'a transformé en IFI. Et je pense que nous avons bien fait de le faire, je pense que si on veut faire payer les riches, la bonne solution ce n'est pas de les faire partir, mais c'est du bon sens. Quand on a créé l'impôt… il a existé l'impôt sur la fortune immobilière, il a existé, il a conduit des gens qui payaient beaucoup d'impôts, qui avaient beaucoup de patrimoine à partir de France. Donc, moi si on me dit « la justice fiscale c'est de faire en sorte que les riches payent des impôts en France, mais faisons-les venir en France plutôt que de les faire partir, ça me semble du bon sens.

AUDREY CRESPO-MARA
Une plus forte imposition des plus riches, c'est aussi ce que demande celui qui est à la tête du premier syndicat de France Laurent BERGER, il est parfois de bon conseil. Dès novembre, il vous avait proposé de sortir de la crise des gilets jaunes par le dialogue en organisant une grande conférence nationale. Est-ce que vous regrettez aujourd'hui d'avoir refusé la main qu'il vous tendait ?

EDOUARD PHILIPPE
En vérité je n'ai pas refusé la main qu'il tendait, j'ai dit – au moment où les gilets jaunes comme on appelle ce mouvement s'est – engagé que ce qu'attendaient les gilets jaunes et les Français ça n'était pas une grande conférence qui serait arrivée comme ça et qui, en réunissant les organisations syndicales, les organisations patronales, aurait réglé tous les problèmes, ça n'est pas ce que les Français souhaitaient à ce moment-là. Ça n'empêche que j'ai des discussions avec Laurent BERGER, ça n'empêche que nous avons des négociations en cours avec les organisations syndicales et après le grand débat qui n'a pas été le débat des organisations syndicales avec le gouvernement, mais bien la capacité pour chaque Français de s'exprimer directement, il faudra qu'on entre dans une phase de travail avec nos partenaires, avec les organisations syndicales, patronales, avec les associations, avec les forces politiques, bien entendu. Mais je pense qu'il est beaucoup plus utile que cette phase de travail intervienne après que les Français ont exprimé directement ce qu'ils veulent, plutôt qu'en disant : les organisations syndicales, les associations qui représentent les Français alors qu'elles ont les mêmes difficultés en termes de représentativité, puissent s'arroger l'exclusivité de la représentation des Français.

AUDREY CRESPO-MARA
Parce qu'à l'époque, on a pu penser en novembre, quand Laurent BERGER vous faisait cette proposition, vous aviez réussi à réformer le Code du travail à la SNCF au pas de charge, vous aviez peut-être l'impression que le débat était une perte de temps à ce moment-là, non ?

EDOUARD PHILIPPE
Non, je n'ai jamais pensé ça, je pense qu'il faut réussir à tenir un équilibre entre l'écoute, la consultation, la négociation et la prise de décision et la mise en oeuvre. Et j'ai vu trop de moments où on se faisait plaisir en disant « ben on va… » et puis on n'avançait pas. Donc il faut essayer de garder les deux, on l'a fait sur les ordonnances travail, on l'a fait sur d'autres dossiers, je continuerai à le faire parce que je crois que notre pays, il demande fondamentalement des décisions et des transformations.

AUDREY CRESPO-MARA
Et justement vu…

EDOUARD PHILIPPE
Gouverner ce n'est pas laisser partir Les choses au fil de l'eau.

AUDREY CRESPO-MARA
Vu l'ampleur qu'a pris le débat, le pays s'attend à de grands changements. Une déception des Français est-elle inévitable, n'est-elle pas inévitable et redoutable ?

EDOUARD PHILIPPE
Elle est évitable, l'objectif ça n'est pas du tout d'être dans le déceptif, il y a beaucoup d'attentes qui sont formulées. Ça veut dire que c'est difficile de répondre immédiatement à toutes ces attentes.

AUDREY CRESPO-MARA
Avez-vous les moyens financiers de répondre à toutes ces attentes à toutes ces revendications ?

EDOUARD PHILIPPE
Vous devriez poser la question de la façon suivante : avons-nous les moyens, ce n'est pas moi…

AUDREY CRESPO-MARA
C'est vous qui prenez les décisions !

EDOUARD PHILIPPE
Mais non, ce n'est pas de gouvernement, c'est la France et je ne prétends pas les prendre tout seul. Mais la France a-t-elle les moyens de financer ce dont elle a envie. Ça c'est des bonnes questions…

AUDREY CRESPO-MARA
Et alors la réponse ?

EDOUARD PHILIPPE
Eh ben ! Pas tout parce qu'elle est déjà un pays très endetté, parce qu'elle est déjà un pays dans lequel… et que donc ça exige des choix. Et j'insiste là-dessus, c'est très facile de formuler des attentes sur le thème : il faut baisser les dépenses publiques, il faut accélérer la transition écologique, il faut…, c'est vrai, je le crois profondément. Ce qui est difficile, c'est de dire à quoi on renonce pour faire ça. Gouverner c'est choisir et choisir c'est privilégier certains choix et renoncer à certains autres quand c'est difficile. Et c'est ça qui est intéressant dans le débat avec les associations, avec les organisations syndicales et patronales, c'est comment est-ce qu'avec elles on va pouvoir décider ce qu'il faut faire en priorité et, donc, ce à quoi le cas échéant il faut renoncer. Vous voyez, je ne suis pas dans la facilité, j'essaie d'expliquer à nos concitoyens – qui le savent parfaitement parce qu'ils le vivent tous les jours – qu'il faut faire des choix et que ces choix sont difficiles.

AUDREY CRESPO-MARA
L'une de nos auditrices vous interrogera tout à l'heure sur les actions des jeunes pour le climat. L'an dernier, Nicolas HULOT a été votre ministre, cette année sa fondation attaque l'Etat devant la justice. Vous sentez-vous trahi ?

EDOUARD PHILIPPE
Non, je ne me sens absolument pas trahi et je comprends l'impatience, qu'elle soit formulée par Nicolas HULOT ou par les jeunes qui vont défiler. Elle est très légitime cette impatience et je vais vous dire à certains égards, je la partage beaucoup. Après la question c'est : comment est-ce qu'on fait avancer les choses, est-ce qu'on le fait avancer en attaquant l'Etat qui… c'est vrai, un certain nombre de gouvernements auparavant fixé parfois des objectifs très ambitieux, est-ce qu'ils se sont donné les moyens d'atteindre ses objectifs très ambitieux ? Je peux vous dire que loin s'en faut. Moi je n'essaie pas d'être dans le spectaculaire et dans les annonces formidables, j'essaie de faire de la transformation et de la transition écologique réelle. Et j'observe que nous avons pris un certain nombre de décisions qui s'inscrivent parfaitement dans ce sens, avec Nicolas HULOT d'ailleurs et il peut parfaitement les assumer. Quand nous avons dit que nous allions interdire la production d'énergie à base de charbon en France, ben voilà ! Nous le faisons, nous sommes en train de le faire. Lorsque nous nous engageons sur la réduction des émissions de CO2, nous le faisons. Donc encore une fois il n'y a pas le choix, la transition écologique il n'y a pas le choix, notre planète n'a pas le choix, donc on doit y aller. Après on peut discuter sur : est-ce qu'il faut y aller très vite ou est-ce qu'il faut y aller un peu moins vite parce que si on y va très très vite, on va renoncer à un certain nombre de choses et ça ne va pas être acceptable. Mais il n'y a pas le choix, bien sûr qu'on doit y aller, bien sûr qu'on doit y aller.

AUDREY CRESPO-MARA
Et je vous laisse en reparler avec notre auditrice. Merci Edouard PHILIPPE.

EDOUARD PHILIPPE
Merci beaucoup.
(…)

NIKOS ALIGAS
Et nous devons nous donnons la parole aux auditeurs ce matin pour cette émission spéciale.
Bonjour Jean-Philippe !

JEAN-PHILIPPE
Bonjour !

NIKOS ALIGAS
D'abord, vous avez presque 60 ans et vous êtes à la recherche d'un emploi. Votre question au Premier ministre ?

JEAN-PHILIPPE
Bonjour Monsieur le Premier ministre. Ma question porte sur la réforme de l'assurance chômage. Quelles sont les pistes d'économies privilégiées par l'exécutif et où en sont les discussions avec les partenaires sociaux ?

EDOUARD PHILIPPE
Alors d'abord, mon sujet, c'est moins les économies, la transformation du système, ce n'est pas une réforme, ce n'est pas une transformation qu'on fait pour gagner, entre guillemets, ou pour économiser de l'argent ; c'est plutôt une réforme qu'on fait pour favoriser le retour au travail. C'est la première chose. La deuxième chose, sur les négociations, nous avons demandé aux organisations syndicales et aux organisations patronales de discuter ensemble en leur indiquant la direction dans laquelle on voulait aboutir. Elles ont commencé les discussions, elles nous ont même demandé du temps en plus parce qu'elles considéraient qu'elles pouvaient aboutir à un accord et puis, finalement, elles n'ont pas abouti à un accord, elles ont fait le constat qu'elles ne se mettraient pas d'accord et donc le gouvernement reprend la main et va devoir, lui, trouver les éléments de la réforme. Ça, c'est la deuxième réponse et la troisième réponse, ce qu'on souhaite faire, c'est faire en sorte que la précarité ne soit plus la norme. Aujourd'hui, le nombre de contrats précaires est considérable ; on ne veut plus que ce soit la norme. Donc on veut avancer dans un système où les entreprises n'auront pas d'avantages lorsqu'elles choisiront de faire des contrats courts à répétition mais, au contraire, où elles seront, le cas échéant, pénalisées. On veut faire le système, on l'a évoqué, parfois, vous l'avez peut-être entendu du bonus-malus, c'est-à-dire faire en sorte que ceux qui recrutent en CDI et qui s'organisent, à secteur donné, dans le même secteur pour faire en sorte qu'il y ait le moins possible de précarité puissent avoir un avantage et que celles qui jouent sur la précarité, qui coûte très cher au système, qui d'abord humainement est très pénible et qui coûte très cher au système puissent être , elles, en l'occurrence pénalisées. On veut aussi faire en sorte de transformer un peu l'indemnisation des cadres, en faisant attention parce que les cadres, ils ont cotisé. L'assurance, c'est un droit, ce n'est pas le sujet, on ne va pas leur couper les indemnisations chômage mais on veut faire en sorte que parce qu'il y a un très faible chômage des cadres avec des petites variations et notamment en fonction de l'âge, vous avez dit tout à l'heure …Nikos a dit que vous aviez une soixantaine d'années …

JEAN-PHILIPPE
Presque, dans un mois …

EDOUARD PHILIPPE
…dans un mois, pardon !

JEAN-PHILIPPE
Ça compte !

EDOUARD PHILIPPE
Non mais c'est un sujet, vous le savez parfaitement, c'est un sujet, c'est plus difficile de retrouver un emploi, y compris quand on est cadre, y compris dans un secteur porteur à 60 ans que ça ne l'est à 40 ou à ou à 35 ans.

NIKOS ALIGAS
Vous avez été cadre, Monsieur ?

JEAN-PHILIPPE
Je suis cadre.

EDOUARD PHILIPPE
C'est typiquement ce que je veux dire mais on peut faire une transformation du système de l'indemnisation des cadres qui permet de favoriser le retour à l'emploi. Le chômage des cadres, aujourd'hui en France, Nikos, c'est 3,5%.

NIKOS ALIGAS
Ça représente combien ?

EDOUARD PHILIPPE
C'est-à-dire, il y a un très faible taux de chômage des cadres, tant mieux , il faut s'en féliciter mais on peut du coup peut-être avoir des règles d'indemnisation qui facilitent le retour plus rapide et incitent au retour plus rapide à l'emploi en faisant attention et notamment aux questions d'âge parce que moi, j'y suis très sensible et je sais que la situation dans laquelle vous vous trouvez, elle n'est pas comparable à celle d'un cadre qui aurait 25 ans, 30 ans ou 35 ans, qui se trouve, qui se trouverait au chômage ou qui serait en recherche d'emploi.

NIKOS ALIGAS
Mais ce n'est pas un peu démagogique, Monsieur le Premier ministre, puisque que de toute manière …

EDOUARD PHILIPPE
Je ne crois pas, non !

NIKOS ALIGAS
…ça représente 0,02% des personnes indemnisées, surtout des cadres qui ont cotisé énormément ?

EDOUARD PHILIPPE
Oui et moi, ce que je dis, c'est qu'on doit pouvoir trouver un système qui fait que …Il arrive qu'un certain nombre de cadres dans une situation où il n'y a pas de chômage de cadre retrouvent un emploi dans les deux derniers mois de leur indemnisation. On doit pouvoir essayer de trouver un système plus performant pour revenir vers l'emploi plus vite, ce qui est bon pour les personnes, bon pour le monde économique et bon pour le système de l'assurance chômage.

NIKOS ALIGAS
Pour le système dans sa globalité. Ce n'est pas une question, juste vous cherchez dans quel domaine d'activité ?

EDOUARD PHILIPPE
Dans le domaine de l'industrie pharmaceutique !

NIKOS ALIGAS
Voilà si vous avez du boulot pour Yannick (sic), vous pouvez nous écrire sur notre site Europe1.fr.

JEAN-PHILIPPE
Est-ce que je peux faire un petit complément ? J'ai parlé d'économies puisque c'est un petit peu ce qu'il y avait dans la lettre de cadrage que vous avez remise aux partenaires sociaux. Le but du jeu, c'était quand même de faire une économie de plus d'un milliard par an sur trois ans ?

EDOUARD PHILIPPE
Oui mais ce n'est pas un gros mot. Pourquoi ? Parce que le système de l'assurance chômage, il n'est pas équilibré, il y a 35 milliards de dettes dans le système de l'assurance chômage. Comme en ce moment on crée des emplois, le chômage diminue ; j'aimerais qu'il diminue plus vite ; j'aimerais qu'on crée encore plus d'emplois mais on est dans un moment de croissance avec des créations d'emplois, un chômage qui diminue. On peut aussi se poser la question de savoir comment est-ce qu'on arrive mieux à équilibrer le système, à favoriser le retour au travail de toute une partie de la population, à faire en sorte que le travail paye systématiquement plus que le non-travail et aussi à réduire notre dette parce que c'est l'intérêt, c'est notre intérêt, c'est surtout l'intérêt de nos enfants, il faut y penser.

NIKOS ALIGAS
Le Premier ministre Édouard PHILIPPE qui répondait à la question de Yannick (sic) 60 ans, auditeur d'EUROPE 1.

EDOUARD PHILIPPE
Bientôt 60 !

NIKOS ALIGAS
Bientôt !
(…)

DAVID ABIKER
Ça renvoie au rapport annuel publié avant-hier par le Défenseur des droits Jacques TOUBON qui dresse un tableau plutôt catastrophique des services publics en France, il faut faire vite ce matin, alors ma question est toute simple, Edouard PHILIPPE, est-ce que Jacques TOUBON habite le même pays que vous et fréquente les mêmes services publics que vous ?

EDOUARD PHILIPPE
Oui, la réponse est oui, on habite le même pays, il parle bien de la même chose, et si vous parlez des difficultés d'exercice dans l'hôpital du Havre, je les connais bien, j'ai été président de cet hôpital pendant longtemps, et je vois très bien ce dont il s'agit, et ce n'est pas propre à l'hôpital du Havre, c'est vrai dans beaucoup d'hôpitaux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons débloqué des moyens supplémentaires, et supérieurs à ce qui s'est passé depuis 10 ans, pour aider les hôpitaux…

DAVID ABIKER
Catastrophique ou pas, Edouard PHILIPPE ?

EDOUARD PHILIPPE
Non, je ne dirais pas catastrophique, je dirais difficile mais pas catastrophique, parce qu'on reste bien soigné dans les hôpitaux français, parce qu'ils sont capables d'accueillir une partie très large de la population dans de bonnes conditions, mais ils peuvent être dans des situations très tendues s'agissant des urgences, on sait qu'il y a des domaines dans lesquels les urgences sont redoutablement tendues, la psychiatrie ne fonctionne pas comme elle devrait, donc bien sûr qu'il y a des problèmes. Je ne dirais pas que c'est catastrophique, je dirais qu'on peut les régler, que ça prend du temps, que ça exige des moyens, c'est vrai, mais pas seulement des moyens, des transformations d'organisation, un bien meilleur travail avec la médecine libérale, et notamment avec la médecine de ville, bien meilleure coordination. On voit le projet de loi Santé qui est déposé par Agnès BUZYN, il va dans le bon sens. Les décisions que nous avons prises, s'agissant de la suppression du numerus clausus, pour avoir plus de médecins, que ce qu'on a fait depuis 30 ans, ce sont des bonnes mesures, donc ça va dans le bon sens. Donc je pense qu'on va réussir à faire face à cette difficulté, j'en suis même assez sûr. Moi je suis fondamentalement confiant pour l'avenir du pays, et je voudrais dire, mais ce n'est pas votre question, que l'exercice le plus difficile dans une matinale, outre le fait de se lever, c'est la revue de presse, je suis toujours impressionné par les gens qui savent faire des bonnes revues de presse, parce que, arriver à synthétiser tout ce qui se dit sur des sujets assez différents, c'est un sacré exercice.

NIKOS ALIAGAS
Il s'appelle David ABIKER, et c'est tous les jours sur Europe 1, et c'est le Premier ministre qui apprécie les revues de presse ce matin sur notre antenne. Restez avec nous, Edouard PHILIPPE, dans quelques instants la question d'une auditrice, c'est Aurélie, à tout de suite.
(…)

NIKOS ALIAGAS
Ce matin on partage avec vous une matinale spéciale en direct et en public depuis le studio Pierre Bellemare ici à Europe 1 rue des Cévennes, avec le Premier ministre, qui est arrivé très tôt, qui a pris son petit café en coulisse, et le voici jusqu'à 9h00, et avant de retrouver Nicolas CANTELOUP, Edouard PHILIPPE répond à la question d'une auditrice, Aurélie, avec nous ce matin, on vous écoute.

AURELIE
Bonjour Monsieur le Premier ministre.

EDOUARD PHILIPPE
Bonjour Madame.

AURELIE
Bonjour Nikos. J'ai une question de santé publique à vous poser, qui me tient à coeur parce que je suis moi-même concernée, j'ai pris la décision en fin d'année dernière d'aller faire congeler mes ovocytes en Espagne, afin de préserver ma fertilité, en vu, par la suite, d'aller faire une PMA, une Procréation Médicalement Assistée. C'est une décision qui n'est pas évidente à prendre, c'est quelque chose de très lourd, c'est un traitement qui n'est vraiment pas évident, ça a un coût aussi, qui n'est pas négligeable, et aller faire cette démarche à l'étranger rajoute quelque chose, un poids, une pression supplémentaire.

NIKOS ALIAGAS
Un stress.

AURELIE
A l'heure actuelle c'est illégal de faire ça en France, pour ma situation, c'est-à-dire une femme, célibataire, qui n'a pas de problèmes de santé. Donc ma question est la suivante, enfin mes deux questions, pourquoi la congélation d'ovocytes n'est toujours pas légale en France, alors que c'est légal dans de nombreux pays, donc ça c'est la première question, et la deuxième, pourquoi la PMA pour toutes les femmes n'est-elle toujours pas à l'Assemblée, toujours pas votée, en sachant que c'était une promesse faite lors de la candidature de Monsieur le Président Emmanuel MACRON ?

EDOUARD PHILIPPE
Vous avez raison, c'est un engagement qui a été pris par le Président, et moi, mon job, si j'ose le dire comme ça, c'est de faire en sorte que les engagements qu'il a pris soient tenus, et c'est la raison pour laquelle on devrait présenter, je pense au mois de juin, en Conseil des ministres, un projet de loi qui traite de ces questions, et de beaucoup d'autres, qui s'inscrivent dans le cadre des lois de bioéthique, qui sont des questions qui sont, pour certaines… aucune n'est simple, en vérité, mais pour certaines on peut se faire un avis facilement, pour d'autres elles sont tellement complexes qu'il faut accepter l'idée d'avoir un débat et de les étudier dans le temps. Donc on va présenter ce projet de loi au mois de juin, en Conseil des ministres, c'est l'objectif que je me suis fixé, en ce moment il y a un gros travail, à l'Assemblée, qui ne se voit pas, avec les parlementaires de la majorité, à l'occasion de conférences que nous organisons pour qu'il y ait des échanges avant même que nous présentions le projet de loi en Conseil des ministres, une fois qu'il aura été présenté en Conseil des ministres il sera débattu à l'Assemblée nationale et au Sénat, j'espère que ça pourra se faire le plus rapidement possible, mais je sais aussi, d'expérience, que les débats parlementaires, ou plus exactement la procédure parlementaire, fait que ces questions peuvent prendre du temps. Mais, je vous le dis, on est en 2019, le projet de loi sera déposé au milieu de l'année 2019, et l'examen, à l'Assemblée nationale et au Sénat, interviendra ensuite en fonction du calendrier parlementaire, et je n'ai aucune envie de botter en touche, ces sujets-là sont complexes, pour beaucoup d'entre eux, mais ils correspondent à des questions que nous devons nous poser, et que nous devons trancher.

NIKOS ALIAGAS
Mais ça peut se faire ?

EDOUARD PHILIPPE
Et j'ai entendu la question que vous posiez sur la PMA s'agissant, non pas la congélation d'ovocytes, mais de la PMA, et moi je suis bien déterminé à faire en sorte que les engagements pris par le Président de la République en la matière soient tenus.

NIKOS ALIAGAS
Donc avant l'été ?

EDOUARD PHILIPPE
En Conseil des ministres, avant l'été.

NIKOS ALIAGAS
Le Premier ministre a répondu à votre question Aurélie ?

AURELIE
Oui, oui.

NIKOS ALIAGAS
Merci beaucoup.

(…) La revue de presque de Nicolas CANTELOUP.

NIKOS ALIAGAS
Ça fait quoi de voir physiquement Nicolas CANTELOUP en train de vous imiter, Monsieur le Premier ministre ?

EDOUARD PHILIPPE
Ça tend un peu au début, et ça détend après.

NIKOS ALIAGAS
Il paraît que vous imitez aussi, on m'a dit que vous aviez ce talent, ou pas ?

EDOUARD PHILIPPE
Oui, mais on ne se compare pas à un maître.

NICOLAS CANTELOUP
C'est toujours ce qu'il dit de moi.

NIKOS ALIAGAS
Non, mais c'est vrai, vous imitez, ou c'est… ?

EDOUARD PHILIPPE
Non, mais vous n'en saurez pas plus.

NIKOS ALIAGAS
D'accord, merci beaucoup. J'aurais essayé.

(…) Sommaire de l'émission de Wendy BOUCHARD

NIKOS ALIAGAS
On sera là dans quelques minutes, puisque nous allons vous saluer, mais auparavant je voudrais demander au Premier ministre, s'il fallait faire un bilan après deux années à Matignon, on dit souvent que Matignon c'est l'enfer, qu'on ne fait pas de cadeaux au Premier ministre, que ça pleut de partout et qu'il faut tenir jusqu'au bout. Au bout de 2 ans, quel est votre bilan personnel ?

EDOUARD PHILIPPE
Ce n'est pas du tout un enfer. Je ne dis pas que c'est facile, et c'est vrai qu'on ne lui fait pas beaucoup de cadeaux, et après tout il n'est pas là pour ça, donc ce n'est pas grave, mais ce n'est pas du tout l'enfer, c'est même, je vais vous dire, assez honteux de parler d'enfer de Matignon.

NIKOS ALIAGAS
Pourquoi ?

EDOUARD PHILIPPE
Parce que, d'abord on l'a choisi, personne n'est forcé…

NIKOS ALIAGAS
On vous a choisi.

EDOUARD PHILIPPE
Oui, d'accord, on m'a choisi, on m'a proposé, et j'ai dit oui, on ne l'impose à personne d'être Premier ministre, et ensuite parce que c'est un tel honneur de servir son pays, d'essayer de faire de son mieux, sans vouloir être parfait, en sachant qu'on ne l'est jamais parfait, mais en essayant de faire de son mieux, que ça n'a rien d'un enfer. Il y a des gens qui, en France, se lèvent beaucoup plus tôt que moi, ont des métiers qui sont beaucoup plus pénibles, dans des situations qui sont beaucoup plus tendues et inquiétantes, c'est indécent de parler d'enfer. C'est un métier, d'abord ce n'est pas un métier, c'est un mandat, il commence, il a une fin, c'est exigeant, c'est parfois compliqué, mais c'est un très grand honneur de pouvoir servir son pays dans cette façon et d'essayer de faire de son mieux.

NIKOS ALIAGAS
Qu'est-ce que vous avez appris sur la France, dans l'exercice du pouvoir ?

EDOUARD PHILIPPE
Qu'elle est grande, mais je le savais, mais je le constate.

NIKOS ALIAGAS
Qu'elle est dure à gérer aussi ?

EDOUARD PHILIPPE
Oui, peut-être, que bien souvent elle ne dit pas assez ce qui fonctionne bien, pour… et pourtant c'est important, il y a plein de choses qui fonctionnent remarquablement dans notre pays. Il y a plein de services publics, mais il y a des entreprises formidables, des acteurs culturels exceptionnels, des associations qui font oeuvre de solidarité et… Hier j'étais au Salon du livre – pardon, je suis un peu long, mais – hier j'étais au Salon du livre, j'ai vu une association qui essaie d'encourager les enfants, d'où qu'ils viennent, quel que soit leur milieu, qui essaie de les encourager à écrire, à essayer d'écrire des romans, des nouvelles, ce n'est pas spectaculaire, mais ils font un travail qui est exceptionnel, exceptionnel. Il faut voir la tête des enfants, leurs yeux quand ils se rendent compte qu'ils peuvent faire des choses, qu'on leur donne confiance, ils peuvent faire des choses. Il y a des trucs formidables en France, on est dans un pays extraordinaire, avec des difficultés, avec des situations parfois très difficiles, bien sûr, je ne le nie pas du tout…

NIKOS ALIAGAS
Il faut écouter aussi, voilà, ceux qui se plaignent et ceux qui…

EDOUARD PHILIPPE
Mais il faut, aussi, qu'on ait une forme de mentalité battante et conquérante, parce qu'on peut réussir des choses, voilà, c'est aussi… c'est pour ça que j'ai confiance, c'est pour ça que je suis plein d'espoir.

NIKOS ALIAGAS
Qu'est-ce que vous retenez de cette matinale, Monsieur le Premier ministre, les moments forts pour vous ? A part Nicolas CANTELOUP.

EDOUARD PHILIPPE
Ecoutez, à part ça c'est… non, non, mais bien sûr Nicolas CANTELOUP, mais ça, ça ne surprend personne. Non, je trouve que c'est intéressant de pouvoir échanger à la fois avec des observateurs de la vie politique qui ont un regard acéré, mais qui ont aussi, d'une certaine façon, dans un monde à eux, et puis nos concitoyens qui viennent, qui posent une question, et qui peuvent, là aussi, prendre la parole et essayer d'engager un débat, je trouve ça intéressant, et puis de pouvoir réagir dans le flux continu sur les éléments d'actualité, sur la revue de presse, merci beaucoup.

NIKOS ALIAGAS
Merci d'avoir été notre invité ce matin pour cette matinale spéciale, Edouard PHILIPPE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mars 2019