Interview de M Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à France 2 le 22 juillet 2019, sur les conséquences de la sécheresse pour l'agriculture et sur le traité de libre échange avec le Canada (CETA).

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Média : France 2

Texte intégral

JEFF WITTENBERG
Bonjour Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour.

JEFF WITTENBERG
Merci d'être avec nous ce matin, je le disais, vous êtes vous, le ministre des agriculteurs qui sont en première ligne face aux ravages de la sécheresse et de la canicule, donc qui va recommencer cette semaine. Vous annoncez ce matin un certain nombre de mesures, tout d'abord financières.

DIDIER GUILLAUME
Oui, je vais aller dans le Loir-et-Cher pour d'abord apporter de la solidarité aux agriculteurs. Je veux vraiment dire que le gouvernement et moi-même sommes à leurs côtés, ils traversent un moment terrible, un moment où les revenus ne sont pas là et en plus des sécheresses, des aléas climatiques se succèdent. C'est la canicule il y a quelques jours, canicule nouveau cette semaine…

JEFF WITTENBERG
Et sécheresse depuis de longs mois.

DIDIER GUILLAUME
Et sécheresse depuis longtemps et on ne voit pas l'eau arriver aujourd'hui. Donc il faut prendre un certain nombre de mesures. La première, mesure évidemment, c'est de leur dire que l'Etat sera à leurs côtés par des exonérations d'impôts, par des exonérations au prolongement de cotisations mais surtout, nous allons demander à l'Union européenne que les avances des primes PAC, des primes européennes soient augmentées, arrivent beaucoup plus fortes en octobre pour les aider le moment venu, le cas échéant, de pouvoir acheter du foin.

JEFF WITTENBERG
Quel montant ?

DIDIER GUILLAUME
C'est un milliard d'euros en plus qu'ils toucheraient, pourquoi, parce qu'aujourd'hui avec la sécheresse, les animaux ne peuvent pas aller dans les prés pour pâturer, pour brouter l'herbe, je m'excuse de parler technique et au quel cas ils sont obligés de garder leurs animaux dans les élevages et les animaux sont en train de taper dans le stock, si je puis m'exprimer ainsi, de manger la nourriture qui est déjà stockée des premières fauches.

JEFF WITTENBERG
Donc vous allez aider financièrement les agriculteurs sauf que vous venez de le dire, ce sera en octobre et Christiane LAMBERT, la présidente de la FNSEA, vous a déjà répondu sur les réseaux sociaux en vous disant, mais c'est tout de suite que les agriculteurs ont besoin d'argent et de trésorerie.

DIDIER GUILLAUME
Mais les agriculteurs ont besoin de revenus tout de suite évidemment, mais en ce qui concerne…

JEFF WITTENBERG
Certains sont, si j'ose dire, sur la paille aujourd'hui au mois de juillet et vous parlez d'octobre.

DIDIER GUILLAUME
Mais bien sûr, mais en ce qui concerne l'élevage, aujourd'hui dans les élevages, la paille est là pour faire les litières, le fourrage, le foin est là pour la nourriture des animaux, mais aujourd'hui les animaux mangent ce qui est en stock, ce qui devait être réservé à cet hiver, puisque l'hiver il n'y a pas de production. Or compte tenu qu‘aujourd'hui la sécheresse est là, c'est pour ça qu'il faudra les aider en octobre, d'acheter à nouveau du fourrage. Et puis surtout ce que nous venons de décider là, c'est de passer de 24 à 33 départements le nombre de départements où ils vont pouvoir faucher les jachères afin d'avoir du stock…

JEFF WITTENBERG
Ce qui est normalement interdit.

DIDIER GUILLAUME
Totalement interdit, afin d'avoir du stock d'aliments pour les animaux aujourd'hui.

JEFF WITTENBERG
Donc il y aura des dérogations, est-ce qu'il y aura aussi un système de solidarité, parce qu'on sait que dans certains départements on ne manque pas de fourrage ?

DIDIER GUILLAUME
Alors il faudra aussi cette solidarité évidemment, c'est pour ça qu'avec les chambres d'agriculture et le président ce matin, nous allons sur le terrain, pour appeler, mais vous savez les agriculteurs sont solidaires, ils le font déjà et moi je veux les en remercier. Mais faire en sorte qu'il n'y ait pas de spéculation, l'année dernière il avait déjà de la sécheresse, il y a eu de la spéculation. Pas forcément agriculteurs, ont attendu, ont gardé et puis ont vendu beaucoup trop cher, non.

JEFF WITTENBERG
Donc il y aura une obligation, ce sera un système obligatoire, pas incitatif.

DIDIER GUILLAUME
Non, ça ne peut pas être obligatoire, mais nous allons regarder département par département les chambres d'agriculture, les agriculteurs qui sont là pour ça vont essayer de mettre en place cette solidarité, elle est vraiment très importante. Vous savez, ce qui se passe là, c'est gravissime, cette sécheresse est très, très forte et ça met à mal l'alimentation pour les Françaises et des Français, parce que la production va ralentir.

JEFF WITTENBERG
Vous parliez de solidarité, est-ce que cette sécheresse exceptionnelle, elle est aussi fort qu'en 1976, il y a longtemps où on avait connu en France un impôt sécheresse, est-ce qu'on peut imaginer aussi un système de solidarité nationale cette fois pour aider les agriculteurs ?

DIDIER GUILLAUME
Non, je crois qu'il n'y aura pas d'impôt supplémentaire, les Français sont vaccinés, le président de la République l'a rappelé, pas de taxe, pas d'impôt supplémentaire, le gouvernement justement fait baisser les taxes les impôts, ce n'est pas pour en rajouter un. Mais il y aura la solidarité du gouvernement avec ce qu'on appelle les calamités agricoles, l'année dernière c'est près de 200 millions d'euros qui ont été apportés aux agriculteurs, ça sera encore le cas cette année, mais il faut vraiment veiller à ce que cette solidarité joue et les agriculteurs sont des gens solidaires.

JEFF WITTENBERG
Tout ça, c'est des mesures d'urgence mais des sécheresses, des canicules, il y en a de plus en plus, est-ce que vous réfléchissez par exemple à un moyen de s'adapter aux pluies, aux précipitations qui sont de moins en moins nombreuses mais de plus en plus violentes ? Est-ce que par exemple les retenues d'eau de pluie, eh bien aujourd'hui le système qui existe en France est suffisant ?

DIDIER GUILLAUME
Le problème, c'est bien cela, c'est qu'aujourd'hui on a des épisodes, ce qu'on appelle des épisodes cévenols par exemple, qui sont d'une violence inouïe. J'ai obtenu lors des dernières assises de l'eau, le fait que nous puissions à nouveau construire des retenues d'eau, retenue colinéaire ou autre, afin de faire quelque chose de tout ça. Vous savez le bon sens paysan, on ne peut pas regarder l'eau tomber du ciel pendant 6 mois et la chercher les 6 autres mois de l'année. Donc les 6 mois où l'hiver, l'eau tombe, il faut la collecter, il faut la stocker pour pouvoir après faire de l'irrigation. On reproche aux agriculteurs de dépenser beaucoup d'eau, c'est faux, les agriculteurs, l'agriculture française utilise 30 % de moins de aujourd'hui qu'il y a 10 ans mais on a besoin d'irriguer et on a besoin de… aujourd'hui on pourrait irriguer les prairies, les champs, les animaux pourraient brouter.

JEFF WITTENBERG
Didier GUILLAUME, la sécheresse fait souffrir les élevages, la canicule est une circonstance aggravante pour les animaux, notamment pour le transport des animaux, est-ce que vous allez prendre des mesures dans ce sens ?

DIDIER GUILLAUME
Oui alors l'Union européenne permet de prendre des mesures, je l'avais dit il y a de cela quinze jours ou trois semaines lors de la dernière canicule, interdiction de transporter des animaux pendant plus de 8 heures lorsque les températures sont élevées…

JEFF WITTENBERG
Ca, c'est ce qui existe.

DIDIER GUILLAUME
Ca existe et à partir de…

JEFF WITTENBERG
Et qu'est-ce que vous allez faire de plus ?

DIDIER GUILLAUME
A partir de demain, je prends un arrêté pour interdire le transport de tous les animaux entre 13h00 et 18h00 dans les départements placés en vigilance orange par Météo France. Il faudra s'adapter mais entre 13h00 et 18h00 là où c'est le plus chaud, aucun transport d'animaux vivants.

JEFF WITTENBERG
Et ça prend effet donc demain.

DIDIER GUILLAUME
A partir de demain pendant la période de canicule pour les départements en vigilance.

JEFF WITTENBERG
Un autre sujet, le CETA, le traité de libre-échange avec le Canada, Nicolas HULOT ce matin dans une tribune à France Info exhorte, je cite, les députés à ne pas signer, à ne pas ratifier le CETA, sa voix, celle de Nicolas HULOT s'ajoute à la longue liste de ceux qui refusent ce traité, sauf que lui, il parle en connaissance de cause, il était ministre il y a encore un an, il dit, vous n'avez pas obtenu dans ce CETA des garanties ni sur le veto climatique, ni sur les farines animales, ni sur les OGM et vous vous dites encore que c'est un bon traité ?

DIDIER GUILLAUME
Non, je crois que Nicolas HULOT a une position qui est respectable mais je pense qu'il fait une confusion. Il a commencé à discuter…

JEFF WITTENBERG
Vous êtes tout seul contre tous sur le CETA, au-delà de Nicolas HULOT.

DIDIER GUILLAUME
Non, non, pas du tout, vous allez voir dans le vote nous ne sommes pas seuls contre tous, pour le Mercosur, c'est une autre histoire. Le Mercosur aujourd'hui est un traité sur lequel nous allons regarder ce qu'il en est, sur le CETA, le président de la République a mis une commission indépendante qui a indiqué que les choses allaient, évidemment le Canada est un pays ami et moi je veux simplement rappeler à tous vos téléspectateurs que nous voulons exporter des produits de toutes sortes, manufacturés, agricoles, il faut aussi en importer. Nous sommes pour…

JEFF WITTENBERG
Pourquoi les paysans, les écologistes sont contre ?

DIDIER GUILLAUME
Je vais vous le dire, nous sommes pour le commerce international, pour les accords commerciaux à condition qu'ils soient régulés. Les agriculteurs ont peur que ça déstabilise le marché, mais en même temps lorsqu'on veut exporter, il faut être capable d'accepter d'importer. Pour l'import de viande bovine, ça concerne 23 fermes au Canada, 23 fermes, il n'y a aucune possibilité d'importer des animaux traités aux hormones, d'importer des animaux qui auront mangé des farines animales de ruminants, c'est dans le texte et il faudra le contrôler.

JEFF WITTENBERG
Je vous ai bien entendu, vous avez dit le Mercosur, ce n'est pas tout à fait la même chose, donc aujourd'hui il ne sera pas ratifié ?

DIDIER GUILLAUME
Non mais le Mercosur, c'est dans deux ans, donc on mélange un peu toutes les affaires. Aujourd'hui le débat sur le CETA, les gens parlent du Mercosur. Le Mercosur, ce sera dans deux ans, le président de la République a dit qu'il mettrait en place les commissions indépendantes pour les vérifier, pour le CETA aujourd'hui, moi ce que je peux dire comme ministre de l'Agriculture, en dehors du fait qu'il y aura des tarifs douaniers plus baissés pour des importations canadiennes, aujourd'hui le CETA. Nous sommes assurés que nous n'importons pas l'agriculture que nous ne voulons pas. C'est cela l'essentiel.

JEFF WITTENBERG
Eh bien vous l'avez dit en tout cas ce matin, merci beaucoup Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 juillet 2019