Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur le Brexit, à Paris le 21 mars 2019.

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Circonstance : Conseil européen

Texte intégral

Le Président de la République : "Ecoutez, nous allons commencer un Conseil européen à un moment extrêmement important pour évidemment notre projet avec d'abord une discussion sur le Brexit. La Première ministre Theresa May a demandé qu'en cas de vote positif du Parlement britannique une prolongation purement technique. Nous allons en discuter mais je suis évidemment tout à fait ouvert à ce qu'il y ait une prolongation technique qui doit être la plus courte possible en cas de vote positif. Ensuite, il nous faut être clairs, clairs vis-à-vis de nous-même, vis-à-vis de nos amis britanniques et de nos peuples. La première chose, l'accord de retrait, cela fait deux ans que nous le négocions. Il ne peut pas être renégocié. La deuxième chose, c'est qu'en cas de vote négatif britannique, nous irions vers un no-deal. Nous le savons tous. Et c'est absolument essentiel d'être clairs dans ces jours et dans ces moments. Parce qu'il en va du bon fonctionnement de l'Union européenne, nous ne pouvons pas avoir de prolongation, je dirai excessive, qui viendrait entacher notre capacité à décider et à agir. Nous devons respecter le choix du peuple britannique et nous devons aussi préparer la relation future à laquelle tenons et qui est importante, qu'il s'agisse de la relation entre les Britanniques et l'Europe comme entre les Britanniques et les Français.

Au-delà de ces discussions, nous aurons ce soir une discussion très importante sur la Chine et je me félicite de ce réveil européen. Depuis le début de mon mandat, j'appelle à ce qu'il y ait véritablement une prise de conscience et la défense d'une souveraineté européenne. Je dirai enfin sur des sujets aussi importants que la Chine nous l'avons. Le texte de la Commission européenne est à cet égard un très bon texte qui je crois dit beaucoup des enjeux et de tout ce qui est aujourd'hui à attendre et à faire, avec la Chine ou vis-à-vis de la Chine. Nous aurons cette discussion ce soir, j'y attache beaucoup d'importance. Nous avons ensemble à faire en matière de climat, en matière de multilatéralisme mais nous avons aussi des intérêts européens à protéger. Et puis nous aurons demain matin, là aussi une discussion importante sur la souveraineté européenne. Avoir une politique de commerce beaucoup plus juste et je dirai beaucoup plus efficace avec le principe de réciprocité en matière d'ouverture de nos marchés publics. Là aussi nous avons trop attendu sur ce point. Et puis réformer notre politique de concurrence pour l'adapter à cette mondialisation.

Donc vous voyez, c'est aussi un Conseil qui va nous permettre de parler du futur, de parler de l'Europe dans le monde ce qui est un sujet essentiel.


Q - Vous avez changé de position M. le Président sur le report puisque vous disiez il y a quelques mois que Londres pourrait enjamber les élections européennes. Cela n'est plus le cas ?

Le Président de la République :Nous aurons à discuter de la date de ce report et j'attends de voir aussi ce que Michel Barnier comme Donald Tusk et l'ensemble des services juridiques nous diront. Je dis simplement que s'il y avait un report, il ne peut être que technique. Mais nous ne pouvons pas avoir une situation ou de manière durable sans visibilité, sans projet, sans majorité politique. Nous serions amenés à prolonger la situation actuelle. Mais nous sommes obligés de nous adapter à ce qui est une crise politique britannique. A partir du moment où les Britanniques ne dégagent aucune majorité positive sur aucun projet, il serait irresponsable de notre part de dire qu'on accorde des prolongations autres que purement techniques sans savoir ce qu'ils veulent en faire. Pas de prolongation pour renégocier un accord de retrait, cela fait deux ans que nous le renégocions. Pas de prolongation s'il n'y a pas une majorité claire pour donner un mandat sur la relation future. Et donc il faudrait un changement politique profond pour qu'il y ait autre chose qu'une prolongation technique.

Q - De quel style ?

Le Président de la République : Mais il appartient aux Britanniques de nous le dire. Nous ne pouvons décider qu'à partir de ce qui nous est donné. Mais je crois que cette clarté, c'est aussi celle au moment où nous nous parlons, qui s'impose compte tenu de la situation qui est la nôtre. A la fois pour respecter le vote des Britannique et pour protéger le projet européen et aussi l'intérêt de tous les autres Européens.

(...)

Le Président de la République : Non, je suis quelqu'un d'extrêmement patient, de respectueux, respectueux de l'ensemble de nos souverainetés. Et je pense qu'il est très important dans ce moment-là de monter que les dirigeants européens respectent et entendent le choix des peuples quand ils s'expriment et défendent l'intérêt de leur peuple tout au long du projet. Donc je pense qu'il nous faut être cohérent. On ne peut pas faire comme si les Britanniques il y a maintenant près de trois ans n'avaient pas voté « non », n'avaient pas voté en faveur du Brexit. Ce serait irresponsable et irrespectueux à l'égard de la souveraineté britannique. Mais nous ne pouvons pas aussi négliger notre propre souveraineté, la défense de nos intérêts, et du fait que nos peuples, eux, ont choisi un projet européen pour qu'il avance, qu'il protège leurs intérêts et qu'il puisse défendre les Européens dans la mondialisation.

Q - Monsieur le Président, sur l'heure d'été, les pays Bas réfèrent l'heure d'hiver, est-ce qu'on va revenir à ça quand [inaudible]

Le Président de la République : : C'est un débat qui va se poursuivre, vous dites cela parce que je pense, le printemps arrive et les changements sont imminents. Tout cela viendra au bon moment. Mais ce n'est pas le sujet de discussion de ce conseil. Cela viendra. Je pense qu'il faut veiller à ce qu'on ait une unité. C'est quand même bon d'être harmonisés sur ce point de la vie courante.

Q - M. le Président, qu'est-ce qu'il se passe si …

Le Président de la République : Non écoutez, je n'ai pas de jugement à porter, je dis simplement qu'il y a une crise politique qui doit trouver son issue, il appartient aux Britanniques de l'apporter. Nous, nous devons en tout cas en tant que dirigeants européen être clairs. Mais je n'ai pas de commentaires ou d'appréciations, la Première ministre a été claire ce matin je l'ai entendue, elle souhaite qu'il y ait un vote, un choix rapide, qui soit définitif, de manière imminente.

Q - Mr. Président, can we talk off the table : what do you think of the speech of the Prime Minister ? Do you think she could be blamed [inaudible] ?

Le Président de la République : Look, I'm not here to comment any other political system, I'm just here to say we do respect the vote of British people, we do respect what the Prime Minister and the Parliament are making, but we have to be clear : we can discuss and agree on an extension if this is a technical extension, in case of a “yes” vote on the agreement we negotiated for two years. In case of a “no” vote, I mean, directly, it will guide everybody to a no deal for sure. This is it. I have no other comments at this stage.

Nous sommes prêts pour toutes les situations, et évidemment la France s'est préparée sur le plan juridique et pratique à toutes les situations car nous connaissons l'agenda, et nous avons aussi vocation à protéger nos intérêts, nos frontières et nos concitoyens. Donc nous sommes prêts techniquement à toutes ces solutions.

Q - Vous n'avez pas parlé des petites entreprises ?

Le Président de la République : Nous sommes aux côtés évidemment des petites entreprises françaises, des citoyens français, de l'ensemble des secteurs d'activité. Je sais l'angoisse qui existe en particulier chez nos pêcheurs, et je veux ici les rassurer : nous serons à leurs côtés pour leur apporter des réponses très concrètes en cas de difficultés, mais si je puis dire, le Brexit n'est pas le choix fait par la France mais celui fait par le peuple britannique. Nous pouvons le déplorer, le commenter, mais nous avons eu le temps de nous préparer, juridiquement, techniquement. Nous sommes là, l'Etat français sera aux côtés de ses entreprises et de ses concitoyens. Nous sommes aussi très attachés aux Européens et en particulier aux Britanniques qui vivent en France, et nous avons donc pris toutes les dispositions pour que les choses soient prêtes. Il y a maintenant une part d'inconnu, c'est ce que le Britanniques seront capables de décider dans les prochains jours et les prochaines semaines. Mais nous, nous devons être clairs avec nous-mêmes en tant que Français, et au niveau européen faire en sorte là aussi que le projet européen puisse se poursuivre et que l'Europe soit forte".


source https://ue.delegfrance.org, le 26 mars 2019