Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Emmanuelle WARGON, bonjour.
EMMANUELLE WARGON
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de la Transition écologique et solidaire. Nous allons parler de l'eau, comment faire parce que, évidemment avec la sécheresse, la canicule mais il n'y a pas que la sécheresse occasionnelle alors il y a les températures qui se réchauffent, les sols qui se dessèchent. Ça veut dire quoi ? Et puis les sous-sols, nos nappes phréatiques. L'eau, c'est essentiel. C'est l'or bleu comme on dit. On a besoin de préserver cette eau. Comment allez-vous faire ? Vous allez nous le dire. Mais j'ai juste un mot : est-ce que vous qualifieriez François RUFFIN de fasciste ?
EMMANUELLE WARGON
Je trouve que le mot est peut-être un peu fort, même si François RUFFIN est dans l'opposition permanente avec des méthodes qui sont parfois extrêmement contestables. Mais je trouve le mot peut-être trop fort.
JEAN-JACQUES BOURDIN
François de RUGY est allé trop loin, mot trop fort. Emmanuelle WARGON, vous êtes Secrétaire d'Etat auprès de François de RUGY, vous avez la franchise de le dire. Ça fait du bien d'ailleurs d'entendre ça. Emmanuelle WARGON, à tout de suite dans deux minutes pour parler de l'eau. (…)
- Emmanuelle WARGON est avec nous, Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de la Transition écologique et solidaire. Parlons de ce plan pour lutter contre les pénuries d'eau qui sera présenté tout à l'heure. Merci de venir avec nous pour en parler justement. Je vais donner simplement un chiffre. Le débit moyen des cours d'eau français devrait diminuer – écoutez bien ! – de 10 à 40 % à l'horizon 2050/2070 comparé à aujourd'hui. 2050, c'est dans trente ans. Dans 30 ans ! Vous vous rendez compte ? Le débit moyen des cours d'eau français. Alors quelles sont les mesures d'abord pour inciter les particuliers à consommer moins d'eau ? Quels sont les mesures que vous allez mettre en place ?
EMMANUELLE WARGON
Face aux chiffres que vous avez rappelés, Jean-Jacques BOURDIN, avec François de RUGY on a vraiment souhaité avoir un plan d'actions sur l'eau parce qu'on ne peut pas juste regarder la situation et se dire : « Ça va empirer. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
EMMANUELLE WARGON
Donc notre objectif, c'est de consommer 10 % d'eau en moins à cinq ans et 25 % d'eau en moins en quinze ans. Et pour faire ça, il faut proposer d'économiser l'eau. Donc ça veut dire mieux la partager avec les agriculteurs notamment et avec tous les usagers. Ça veut dire inciter les Français à prendre les bons gestes, à trouver les bons gestes pour l'eau avec des jeunes en service civique par exemple, qui vont pouvoir aider à faire de la sensibilisation. Ça veut dire aussi éventuellement changer la tarification de l'eau.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, je vais entrer dans les détails. Pour inciter le consommateur à consommer moins d'eau – pour inciter, je dis bien, le consommateur à consommer moins d'eau – les collectivités pourront mettre en place des tarifications variables en fonction de la consommation et des saisons. C'est-à-dire ?
EMMANUELLE WARGON
C'est-à-dire que l'eau qu'on consomme en base, l'eau qui sert simplement à vivre et à faire fonctionner la maison sera toujours au même prix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
EMMANUELLE WARGON
Mais lorsque vous commencez à consommer plus d'eau, c'est-à-dire lorsque vous consommez vraiment beaucoup, les derniers mètres cubes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Seront plus chers.
EMMANUELLE WARGON
Pourront coûter plus cher. Inversement, on va aussi mettre en place une tarification sociale de l'eau qui existait mais qui n'est pas complètement développée avec des chèques pour les plus modestes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez généraliser cette tarification sociale de l'eau.
EMMANUELLE WARGON
La tarification de l'eau, c'est la compétence des communes ou des intercommunalités. Donc on va leur proposer et les accompagner pour celles qui le souhaitent pour aller vers ce type de tarification.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ? C'est-à-dire ? Comment ça va se passer pour cette tarification sociale ?
EMMANUELLE WARGON
Alors la tarification sociale, on va essayer de trouver un mécanisme du type chèque eau, un peu comme le chèque énergie, qui va permettre de soutenir les ménages les plus fragiles pour être capables de payer leur facture d'eau. Donc ça c'est la partie sociale et solidaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, les ménages les plus fragiles.
EMMANUELLE WARGON
Et la partie progressivité, ça veut dire que quand vous consommez vraiment beaucoup d'eau, dans ce cas-là c'est que les derniers mètres cubes coûteront plus cher.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les derniers mètres cubes coûteront plus cher. C'est un tarif progressif en quelque sorte.
EMMANUELLE WARGON
Exactement. Mais on va aussi travailler sur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais là évidemment, vous allez tenir compte du nombre de personnes dans le foyer.
EMMANUELLE WARGON
Oui. Mais ça va être des expérimentations avec les collectivités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors qui va fixer ? Qui va fixer ? Ce sont les collectivités ?
EMMANUELLE WARGON
Ce sont les collectivités et c'est le début, donc ça ne va pas se produire demain ou après-demain. C'est un nouveau cadre qu'on va mettre en place qui est une manière de sensibiliser. Mais on va aussi protéger l'eau et essayer de mieux rendre l'eau à la nature. La protéger, ça veut dire protéger les captages. En fait, le Grenelle de l'environnement en 2009 avait identifié 500 captages prioritaires et puis en 2013, on en a identifié 500 de plus donc mille. Les captages, c'est là où on prélève l'eau pour les besoins de l'eau potable notamment. En fait, à partir de cette identification, on a des plans d'action mais seulement 500 sur les mille et ces plans ne sont pas évalués. Donc finalement, on s'est donné un objectif qui a maintenant dix ans et dix ans après, on n'est pas trop sûr de comment l'objectif est tenu. Donc là, dans les deux à trois ans, on va s'assurer que tous les captages ont un plan de protection et on va évaluer le plan de protection. Parce que c'est bien d'avoir un plan mais encore faut-il qu'il soit efficace. Protéger les captages, ça veut dire analyser et voir ce qu'il se passe dans les zones où l'eau rentre dans la terre pour rejoindre les nappes phréatiques ou les rivières. Ça veut dire accompagner les agriculteurs sur ces zones-là pour moins de pesticides par exemple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, voilà. Il faut réduire les épandages de produits chimiques à proximité de sources ou de nappes phréatiques.
EMMANUELLE WARGON
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment allez-vous faire ?
EMMANUELLE WARGON
Oui. Alors il y a de très beaux exemples. Je pense à EAU DE PARIS par exemple qui travaille avec ces agriculteurs en très grande banlieue parisienne pour financer de la transition vers le bio ou des cultures qui, sans être bio, consomment beaucoup moins de pesticides.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on pourrait donner… Est-ce que vous allez donner aux communes un droit de préemption sur les terres agricoles qui sont situées dans ces zones ?
EMMANUELLE WARGON
Oui. On va renforcer les moyens des communes à la fois en leur donnant la responsabilité formelle. Pour l'instant finalement, personne n'a la responsabilité de protéger les captages, ni l'Etat ni les communes. Et ensuite, on va leur proposer un droit de préemption. C'est-à-dire quand une terre sera à vendre, la commune pourra dire : « Moi, je souhaite l'acheter parce que c'est dans une zone de captage et donc j'ai absolument besoin de la protéger. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce qu'en France on a tant de retard dans l'utilisation, par exemple, des eaux de pluie ? C'est incroyable ! Je ne sais pas, pour laver sa voiture, pour remplir sa piscine, pour prendre une douche à l'extérieur, on pourrait utiliser l'eau de pluie.
EMMANUELLE WARGON
Parce que d'une certaine manière, on n'a pas été suffisamment confronté à la crise et que l'eau est encore une évidence. Mais c'est vrai qu'on ne consomme que 20 000 litres en France d'eau réutilisée. On est à 800 000 en Italie donc on a énormément de marge. On a des pays qui, parce qu'ils ont été confrontés plus vite à une crise de l'eau, réutilisent l'eau. On souhaite multiplier par trois la quantité d'eau réutilisée à partir des eaux de pluie ou des eaux dites non conventionnelles. Il y a plein d'expériences internationales, il suffit de s'en inspirer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis, Emmanuelle WARGON, il y a le gaspillage de l'eau. Le gaspillage ! Est-il vrai qu'on perd un litre d'eau sur cinq dans le réseau ?
EMMANUELLE WARGON
Alors c'est l'ordre de grandeur en France. On perd environ 20 % de l'eau dans les canalisations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais vous imaginez !
EMMANUELLE WARGON
On a des endroits dans lesquels malheureusement c'est bien pire. Je reviens de Guadeloupe où en Guadeloupe, on perd près de 60 % de l'eau dans les canalisations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non !
EMMANUELLE WARGON
Ce sont des questions d'investissement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles conséquences d'ailleurs ? Quelles conséquences en Guadeloupe ?
EMMANUELLE WARGON
Les conséquences, c'est qu'on a ce qu'on appelle des tours d'eau, c'est-à-dire des communes qui n'ont pas accès à l'eau du robinet quelques jours par semaine. Donc pour ça, il faut investir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que vous avez de l'eau le lundi, vous avez de l'eau le mercredi, vous avez de l'eau le vendredi puis vous devez attendre le lundi à nouveau pour avoir de l'eau.
EMMANUELLE WARGON
De l'eau courante, exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De l'eau courante. Non mais, imaginez en métropole…
EMMANUELLE WARGON
En France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En Guadeloupe, on est en France.
EMMANUELLE WARGON
C'est ce que je dis. En France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En France. On est en France et voilà ce qu'il se passe.
EMMANUELLE WARGON
Donc pour ça, il faut réinvestir dans le financement des canalisations. On a mis en place des prêts de la Caisse des dépôts qui s'appellent des aqua prêts qui sont des prêts à très longue durée et à taux très bas pour aider les communes à réinvestir. Il faut aussi surveiller tout ça de beaucoup plus près. En gros, l'eau, il faut qu'on s'en occupe. Il faut qu'on s'en occupe maintenant. Si on s'en occupe maintenant, on sera capable de s'adapter au changement climatique et donc de la baisse de notre ressource en eau.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et chaque maire - chaque maire - de la plus petite commune, même de la plus petite commune de France, doit penser à ça. Doit penser à la gestion de l'eau, doit penser à préserver ce bien précieux qui est un bien commun, l'eau, et qui malheureusement un jour manquera vraiment.
EMMANUELLE WARGON
Alors il y a de belles expériences. J'étais à Besançon vendredi et je suis allée aux Assises de l'eau de Besançon, la conférence de l'eau du Doubs. Et c'est le département qui a pris l'initiative il y a quelques années, avec tout un plan d'action avec les grandes intercommunalités pour mieux protéger les rivières, mieux protéger les plans d'eau, refaire tous ces investissements. Donc il y a plein d'endroits en France où on s'en occupe. Ce que nous souhaitons, c'est généraliser cette démarche, la piloter et la piloter avec toutes les parties prenantes : les associations environnementales, les agriculteurs, les industriels et bien sûr les Français. C'est une prise de conscience et un plan d'action.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien, merci beaucoup Emmanuelle WARGON, parce que c'est passionnant. Absolument passionnant. Merci d'être venue nous voir pour nous présenter ce Plan eau.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 juillet 2019