Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à LCI le 15 mai 2019, sur le projet de loi sur "l'école de confiance" l'instruction obligatoire à 3 ans et la réforme de l'école maternelle.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


PASCALE DE LA TOUR DU PIN
On va parler d'école à présent, bonjour Monsieur le ministre, Jean-Michel BLANQUER.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Merci d'être avec nous sur le plateau, ministre de l'Education nationale, vous avez beaucoup d'actualité aujourd'hui. D'abord votre projet de loi, qui a commencé à être débattu au Sénat, qui elle est critiquée par certains syndicats, on va en parler avec vous, et puis il y a aussi Parcoursup ce soir, 19h00, il y a près de 900.000 lycéens, notamment, qui attendent les premiers résultats. D'abord ce projet de loi qui suscite tellement de débats, vous étiez déjà venu ici, nous en avions déjà parlé, on a l'impression que les choses n'avancent toujours pas, vous dites que c'est un texte profondément social, qui va créer les conditions de l'existence d'un ascenseur social, vous n'êtes pas entendu, semble-t-il, il y a beaucoup de crispation, mais quels points bloquent encore ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
J'invite chacun à regarder les débats que nous avons, ils sont intéressants, ils ne sont pas aussi conflictuels que ce que les médias peuvent en dire, je pense qu'il y a des points qui peuvent même faire consensus. Quand on dit l'instruction obligatoire à 3 ans, que veut-on dire ? On veut tout simplement dire que l'école maternelle est extrêmement importante et qu'il faut que tous les enfants y aillent. Avec cette loi, il y a 25.000 enfants qui aujourd'hui ne vont pas à l'école maternelle, qui iront à l'école maternelle. C'est très simple, c'est très social, c'est très positif, et ça va dans le sens de l'histoire de notre école qui est, évidemment, l'école de la République, qui réussit à scolariser tous les enfants et va même chercher les plus défavorisés quand ils ne vont pas à l'école maternelle, alors que nous savons que l'école maternelle est essentielle dans la vie. Vous avez d'autres mesures qui sont très importantes, vous avez par exemple le pré-recrutement, consiste à proposer à des étudiants, dès septembre prochain, de pouvoir travailler dans les établissements, non pas pour remplacer les professeurs, comme l'ont dit certains commentaires très caricaturaux, mais au contraire pour aider dans les établissements, surveiller, aider aux devoirs, et ainsi, d'abord gagner une rémunération, ce qui est important sur le plan social, mais aussi se préparer progressivement à ce que c'est que la vie scolaire, et donc ensuite, éventuellement, devenir professeur quelques années plus tard. Eh bien tout ceci c'est, d'abord profondément social, c'est en réalité assez simple, je n'y peux rien si certains commentaires complexifient à l'infini, et puis si on essaye de faire croire des choses qui ne sont pas exactes, on a dit beaucoup de choses fausses, j'essaye de rétablir certaines vérités, et pour ceux qui ont envie d'approfondir il faut regarder les débats qui ont lieu au Sénat actuellement.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Vous parlez d'ascenseur social pour l'école, c'est-à-dire que votre projet va permettre effectivement un ascenseur social, parce que vous pensez que l'école aujourd'hui ne permet plus effectivement de s'en sortir ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Notre société est un petit peu bloquée aujourd'hui, on voit bien qu'il y a plusieurs indicateurs qui nous montrent des inégalités sociales, et évidemment le premier outil de lutte contre les inégalités sociales c'est l'école, et il est donc très important, d'abord, de réussir le début, c'est pourquoi j'ai toujours dit que l'école primaire était ma première priorité, c'est pour ça qu'on crée des postes à l'école primaire en France, c'est pour ça qu'on a des mesures spécifiques, et pour les territoires les plus défavorisés, et pour le monde rural en général. Donc, dans les territoires les plus défavorisés, urbains et ruraux, c'est le dédoublement des classes de CP et de CE1, dans les territoires ruraux c'est la mesure annoncée par le président de la République, où on ne fermera plus d'école primaire, et notamment d'école primaire rurale, sans l'accord du maire, tout ceci, tout ceci c'est des mesures très concrètes, et nous avons en plus effectivement, avec le discours du président de la République au mois de mai, une perspective dressée, qui est magnifique pour l'école primaire, puisque notamment, à l'horizon du quinquennat, vous n'aurez pas plus de 24 élèves par classe, en grande section de maternelle, en CP et en CE1, dans toute la France, quels que soient les territoires. Ce sont de très belles perspectives, et c'est le moment où, clairement, nous affirmons cette force de l'école primaire pour faire en sorte que tous les enfants sortent de l'école primaire en sachant lire, écrire, compter, et respecter autrui.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Alors pourquoi ça coince avec certains syndicats, certains enseignants ? Je voudrais vous faire écouter les mots du secrétaire d'Ile-de-France SNUIPP-FSU, il avait une question à vous poser.

JEROME LAMBERT, SECRETAIRE ILE-DE-FRANCE SNUIPP-FSU
Monsieur le ministre, ça fait maintenant 2 mois qu'une très large majorité d'enseignants, de parents d'élèves, se mobilisent, contre votre méthode, contre votre loi, sur l'ensemble du territoire, quand est-ce que vous allez, enfin, entendre nos revendications et retirer votre loi, et arrêter de propager de fausses rumeurs, des bobards, à longueur de temps ?

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Il dit bobards parce que c'est un terme que vous avez-vous-même employé pour démentir la disparition des directeurs d'école et de certains établissements en zone rurale. Que lui répondez-vous ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Je réponds, d'abord il n'y a aucun élément de fond dans cette intervention, rien, il dit « nous protestons », vous voyez quelques dizaines de personnes derrière lui, il dit « nous protestons, donc retirez votre loi. » C'est une singulière conception de la démocratie. Cette loi, comme il se doit, est passée devant l'Assemblée nationale, elle passe devant le Sénat, j'accepte des amendements, je discute, j'écoute, j'ai d'ailleurs écouté les syndicats, certaines mesures ont fait l'objet de discussions avec les syndicats, très longues, pour arriver à ce résultat, c'est le cas par exemple du pré-recrutement, et ce que je regrette, parce que j'ai déjà vu ce monsieur intervenir, c'est que, oui, en effet, il fait partie de ces personnes qui disent des choses fausses sur la réalité de cette loi. Ça fait partie des gens qui disent que les directeurs d'école vont être supprimés, c'est totalement faux, au contraire, nous voulons renforcer les directeurs d'école. Il y en a d'autres qui disent que les écoles maternelles vont être supprimées, c'est faux, nous renforçons l'école maternelle. Il y en a qui disent que l'école primaire rurale est menacée, c'est le contraire, nous prenons, pour la première fois, ce n'est pas arrivé depuis extrêmement longtemps, des mesures qui garantissent à l'école primaire rurale une existence en lien avec les maires. Donc tout ceci… si vous voulez, vous ne pouvez pas sans arrêt dire des choses fausses sur la loi, et dire « retirez une loi », sur laquelle vous dites des choses inexactes, si vous voulez. Voilà ma réponse, tout simplement, et je veux qu'on parle de ce que contient la loi, et pas de ce que des personnes comme lui disent de la loi.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Un mot de Parcoursup. Ce soir à 19h00, donc il y a près de 900.000 inscrits sur la plateforme d'orientation, qui vont découvrir les premières réponses à leurs souhaits d'admission dans l'enseignement supérieur. Est-ce que la procédure a été améliorée un peu par rapport à l'année dernière, où près de la moitié des candidats s'étaient retrouvés, vous vous souvenez, sans aucune réponse positive sur tous leurs voeux, en tout cas dans un premier temps ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui… regardez, c'est un bon exemple. L'année dernière, il faudrait réécouter tout ce qui s'est dit sur Parcoursup l'année dernière à la même époque, et le même genre de personnes disaient que nous allions à la catastrophe, et que c'était antisocial. Résultat des courses, on a affecté 30.000 étudiants de plus l'année dernière grâce à Parcoursup par rapport au système précédent, il n'y a plus aucun tirage au sort, contrairement à ce qu'il y avait eu dans le système précédent. Ça a été profondément social, on a par exemple affecté plus de 20 % de bacheliers professionnels en plus, en BTS, même chose pour les bacheliers technologiques en DUT, même chose pour les élèves des académies de Créteil et de Versailles qui ont été davantage dans des universités de Paris, donc, les indicateurs sociaux de Parcoursup ont été très positifs. Mais si vous écoutez la petite musique de certaines organisations, vous croyez toujours qu'il y a de la régression, même quand il y a du progrès. Donc, oui, le système Parcoursup a vocation à progresser en permanence, et notamment nous nous sommes engagés à avancer le calendrier pour que tout le monde puisse avoir une réponse au mois de juillet au plus tard, et donc bien sûr il y a une amélioration d'une année sur l'autre, c'est le principe même de ces systèmes, de s'améliorer d'une année sur l'autre, mais chacun a droit à une affectation, et donc chacun aura une affectation.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Il y a un peu plus de monde cette année, 90.000 inscrits supplémentaires, tout le monde aura de la place dans l'enseignement supérieur ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, c'est vrai, vous avez raison, il y a ce sujet, c'est un peu, d'une certaine façon Parcoursup, voilà le résultat de certains de ses succès, c'est-à-dire que ça devient une plateforme attractive, y compris pour des personnes qui ont eu le bac, ou qui ne l'ont pas cette année, mais lors d'années précédentes, donc il y a plus de personnes inscrites sur le système, mais le système répondra.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Un mot aussi des européennes, je voudrais qu'on aborde ce thème avec vous Monsieur le ministre, on le rappelle, c'est le 26 mai. Je voulais savoir comment vous arrivez à vous engager dans la campagne, on vous a vu notamment dans le Lot-et-Garonne pour soutenir la campagne européenne de La République en marche, vous avez même tweeté avec votre propre compte. LCI donne – alors les sondages, vous allez me dire effectivement c'est aléatoire – mais pour l'instant le Rassemblement national devant La République en marche. Vous pensez que la tendance peut s'inverser ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, parce que je pense que les Français sont en réalité attachés à l'Europe dans leur grande majorité, ils savent ce que nous devons à l'Europe, ils savent aussi que nous sommes dans une période très particulière, nous sommes dans un moment historique, géopolitique, très compliqué, avec des puissances montantes, ou des puissances comme les Etats-Unis et la Chine qui cherchent à nous imposer des normes, d'autres pays qui sont parfois menaçants, dangereux, dans ce monde-là nous avons besoin d'une Europe forte, non pas pour diminuer la France, mais pour renforcer la France. Et nous en avons besoin sur bien des sujets, c'est le cas de l'environnement, qui est un thème central de cette liste, mais c'est vrai aussi pour d'autres sujets, comme les miens d'ailleurs, puisque nous voulons tripler le système Erasmus, donc nous voulons plus de mobilité des élèves, le faire plus au bénéfice des lycéens professionnels. Vous savez, nous sommes en train de faire une grande réforme du lycée professionnel en ce moment même, et de l'apprentissage, cette réforme doit nous permettre de donner beaucoup plus de valeur au travail manuel, aux métiers d'avenir, eh bien ceci, évidemment, peut s'épanouir davantage dans une Europe forte, parce que, par exemple, on pourra faire, donner plus d'expérience à ces futurs professionnels formés dans nos lycées.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Mais est-ce que, au final, est-ce que vous ne pensez pas, peut-être, que les électeurs, lorsqu'ils se rendront aux urnes, ce sera une sorte de référendum pour ou contre Emmanuel MACRON ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a toujours ce risque, bien entendu, et il faut éviter ce risque, puisqu'il ne faut pas se tromper d'échéance, en même temps il est évident que le président de la République a été élu comme président de la République avec de très fortes convictions européennes, nous sommes tous, au gouvernement, évidemment, avec ces convictions chevillées au corps, parce que nous pensons que c'est bon pour notre pays, donc ce n'est certainement pas un référendum pour ou contre le président de la République, mais c'est un moment clé pour affirmer l'Europe, et il évident que la liste Renaissance est celle qui porte un programme très concret en la matière. Là aussi j'invite tout le monde à lire le programme, c'est 79 propositions très concrètes, on n'est pas dans du blabla, on n'est pas dans de pures injonctions, je ne suis pas sur ma chaise en train de dire l'Europe, l'Europe, l'Europe, c'est vraiment des choses très concrètes, sur l'environnement, l'emploi, la formation, la défense, la maîtrise des flux migratoires, autant de sujets essentiels, qui font l'objet de propositions très concrètes.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Si La République en marche perd, le 26 mai ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors perdre c'est quelque chose de relatif…

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Si le Rassemblement national l'emportait devant ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien ce serait une très mauvaise nouvelle, bien sûr, que vous dire de plus ! Il ne faut pas que ce soit le cas, il faut donc se mobiliser, il faut non seulement aller voter Renaissance le 26 mai, mais il faut aussi inciter autour de soi à voter Renaissance.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Et puis une dernière chose, Monsieur le ministre, nos confrères d'Europe 1 parlent d'affiches qui vont sortir ce week-end avec Emmanuel MACRON qui sera présent sur ces affiches de campagne, vous confirmez cette information ?

JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je n'ai pas cette information, je n'en sais rien.

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Emmanuel MACRON en tout cas, qui a dit qu'il s'engageait pleinement dans cette campagne des européennes. Merci beaucoup Monsieur le ministre d'être venu ce matin sur le plateau de la matinale LCI.

JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mai 2019