Texte intégral
AMELIE PERRIER
On connaissait la gauche caviar, il faudra maintenant parler de la REM homard, ces homards servis au dîner de François DE RUGY, alors président de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, le ministre de la Transition écologique sur le gril s'engage à rembourser chaque euro contesté. Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour.
AMELIE PERRIER
Vous êtes l'invité du Grand Entretien ce matin de France Inter. Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse. On veut d'abord savoir si vous soutenez François DE RUGY ou si vous condamnez ce train de vie fastueux, à l'époque où il était président de l'Assemblée nationale ?
GABRIEL ATTAL
Il y a des images qui ont choqué, qui ont choqué assez largement, moi-même j'ai été élu sur une circonscription en 2017, aujourd'hui je suis au gouvernement mais j'ai reçu des messages, des questionnements d'habitants de ma circonscription. Et le choix qui a été fait par François DE RUGY et par le Premier ministre hier, c'est de regarder tout dans le détail et d'apporter des justifications point par point. Il a commencé à le faire François DE RUGY, on voit qu'il y a une succession de révélations ou d'informations qui sont communiquées par voie de presse, ce qui ne rend pas évident les choses pour répondre. Il a commencé à le faire et évidemment, il va falloir continuer à le faire. Il y a une inspection diligentée par le secrétaire général du gouvernement qui va démarrer aujourd'hui, qui va regarder dans le détail les dépenses, qui va regarder dans le détail ce qui a été fait, qui va déterminer si tout s'est fait dans les règles, si toutes les dépenses concernaient bien le mandat, les fonctions et si ce n'est pas le cas…
AMELIE PERRIER
Mais Gabriel ATTAL, même si tout est dans les règles, si rien n'est frauduleux, vous voyez bien quand même que les images sont désastreuses pour la politique, pour l'exemplarité que vous prônez !
GABRIEL ATTAL
Je l'entends parfaitement, d'abord moi je comprends parfaitement que ça puisse choquer évidemment des Français qui ont du mal à finir le mois. Mais globalement…
AMELIE PERRIER
Vous demandez des sacrifices aux Français aujourd'hui !
GABRIEL ATTAL
Bien sûr, et globalement plus largement. Et puisque vous parlez d'images désastreuse de la politique, oui c'est sûr et c'est sûr quand on est par ailleurs un jeune engagé en politique pour qui c'est les premières responsabilités politiques électives, ça fout un peu les boules quand même de se dire que ça renvoie à cette image et que ça va alimenter l'idée que finalement, tous les politiques ils se gavent aux frais du contribuable, voilà, alors que ce n'est pas le cas…
AMELIE PERRIER
Là, c'est compliqué de penser le contraire quand même !
GABRIEL ATTAL
Bien sûr, mais ce n'est pas le cas !
AMELIE PERRIER
Les homards, le sèche-cheveux doré à la fin…
GABRIEL ATTAL
Bien sûr, j'entends, j'entends parfaitement et c'est pour ça qu'il va y avoir des explications point par point et qu'il y aura des décisions…
AMELIE PERRIER
C'est une exception François DE RUGY ?
GABRIEL ATTAL
Moi je ne veux pas rentrer là-dedans, il était président de l'Assemblée nationale, encore une fois on sait que président de l'Assemblée nationale il y a des fonctions de représentation, de diplomatie qui existent, voilà. Donc moi le fait que… grande gastronomie française puisse être mobilisée pour des dîners, on reçoit un ambassadeur, on reçoit des ministres étrangers, des présidents d'Assemblée étrangers, ça sur le principe ça ne me choque pas, ça fait partie d'une diplomatie gastronomique. La question qui est posée c'est : est-ce que dans le cadre de dîners qui sont visiblement des dîners de…
AMELIE PERRIER
Plus informels !
GABRIEL ATTAL
Plus informels de travail, est-ce que c'est adapté ? C'est ça la question qui est posée aujourd'hui. A l'évidence ça ne l'est pas, voilà.
AMELIE PERRIER
On a vu la chef de cabinet de François DE RUGY qui a démissionné, est-ce que ce n'est pas de nouveau les fusibles que l'on fait sauter à la place des ministres ?
GABRIEL ATTAL
C'est la décision qui a été prise par François DE RUGY, moi je n'ai pas à la commenter, c'est une décision qu'il a prise avec sa directrice de cabinet. Il y avait eu des révélations là aussi et il a jugé…
AMELIE PERRIER
Elle est partie parce qu'elle a occupé un logement à vocation sociale. Aujourd'hui, on apprend que François DE RUGY lui aussi a bénéficié d'un logement à vocation sociale, il doit partir lui aussi aujourd'hui ?
GABRIEL ATTAL
J'ai lu ça effectivement dans la presse hier, il a répondu immédiatement, il a même répondu avant que l'article soit publié puisqu'il avait été informé. Il a fait le choix de faire une transparence, voilà ! Donc moi je… j'ai même été regarder, il publie les mails qu'il a échangés avec l'agence immobilière, l'annonce immobilière, le contrat de location pour dire que soit ça n'est pas un appartement à vocation sociale, soit il n'a jamais été informé, en tout cas c'était au prix du marché comme il dit. Tout ça, ça va être regardé de toute façon. Ce qui est très difficile dans ces situations où des révélations, des informations se succèdent c'est d'essayer de garder l'espace de quelques jours, parce que c'est quelques jours une inspection et c'est en quelques jours qu'on regarde, une forme de sérénité si je peux dire pour ne pas réagir à chaud en permanence à chaque information qui sort. Donc voilà, c'est…
AMELIE PERRIER
Donc pour l'instant, il doit rester au gouvernement !
GABRIEL ATTAL
Il y a une inspection qui est en cours, même plusieurs inspections je crois et c'est ces inspections qui diront si les choses ont été faites dans les règles ou pas.
AMELIE PERRIER
Et si tout a été fait dans les règles, malgré cette image désastreuse, il peut rester au gouvernement ?
GABRIEL ATTAL
Ce n'est pas à moi de le dire et ce n'est pas à moi d'en juger.
AMELIE PERRIER
Gabriel ATTAL, l'actualité politique de cette semaine a été également marquée par l'investiture de Benjamin GRIVEAUX. Là aussi, la majorité est un peu remise en cause à cause de ce processus de nomination, d'investiture pour les municipales à Paris de l'an prochain. Ça paraît très opaque, alors que vous preniez – vous, la République en marche – une autre démocratie plus transparente !
GABRIEL ATTAL
D'abord, c'est le mode d'investiture qu'on a toujours eu à la République en marche, y compris pour les élections législatives, de passer par une Commission nationale d'investiture qui est tout sauf opaque, puisqu'on connaît les membres. C'est des membres qui sont représentatifs de la pluralité, la diversité du mouvement. Il y a des marcheurs de terrain, il y a des référents du mouvement départementaux qui n'ont aucune fonction élective, il y a des élus, il y a même des anciens élus, il y a un panel, il y a des auditions, il y a des échanges avec les différents candidats et il y a une décision, donc c'est tout sauf opaque. Moi j'ai fait partie d'un parti politique avant, j'étais militant au Parti socialiste et j'ai vu ce que c'étaient des procédures qui pouvaient apparaître comme pseudo-démocratiques où on était investi par un vote des militants ; et j'ai vu les dérives que ça pouvait entraîner. Il faut se dire les choses, aller chercher le plus de cartes possibles pour faire élire à l'investiture quelqu'un, voilà, c'est des choses qui se voient. Donc moi, je pense qu'il n'y a pas de système parfait, en l'occurrence ce qu'il faut c'est 1) qu'il y ait une transparence sur les procédures et il y a une transparence sur les procédures d'investiture à la République en marche ; et ensuite il faut que ces procédures, elles permettent d'investir la personne qui est là mieux à même de porter un projet et de gagner dans chacune des villes en l'occurrence pour les municipales, c'est ça qui est fait.
AMELIE PERRIER
Et l'adversaire de Benjamin GRIVEAUX, c'est Cédric VILLANI qui ne veut pas se rallier à sa candidature, pas avant le mois de septembre a-t-il dit hier soir. Du coup, vous ne comprenez peut-être pas cette réaction, il aurait dû se rallier ? ?
GABRIEL ATTAL
D'abord, je ne parle pas d'adversaire, on peut être concurrent dans un parti pour avoir l'investiture…
AMELIE PERRIER
Concurrent…
GABRIEL ATTAL
Oui, mais il faut faire attention aux mots, il n'y a pas d'adversaire, je veux dire on est tous membres de la République en marche…
AMELIE PERRIER
Mais pour l'instant, il ne se rallie pas, il n'est pas dans le même camp que Benjamin GRIVEAUX.
GABRIEL ATTAL
Vous savez moi, je connais un peu Cédric VILLANI, on a siégé ensemble à l'Assemblée nationale. C'est quelqu'un de profondément entier et c'est pour ça que j'ai assez peu de doutes sur le fait qu'à terme, peut-être dans quelques semaines, peut-être dans quelques mois, il soutiendra le candidat qui a été investi. Et c'est pour ça que je ne suis pas non plus surpris parce qu'il est entier, qu'il s'est investi à fond dans sa campagne, qu'objectivement il a fait une belle campagne, qu'il a fait un beau meeting la semaine dernière. Qu'aujourd'hui à chaud, ça soit un peu difficile pour lui tout à coup de dire : je tourne la page et puis c'est comme ça. Donc moi je l'entends aussi, donc je ne lui jette absolument pas la pierre et je suis assez confiant sur le fait que tout le monde se retrouvera assez rapidement.
AMELIE PERRIER
Et si ça ne se passe pas comme ça, Cédric VILLANI doit être exclu ?
GABRIEL ATTAL
Moi je ne brandis par un quelconque bâton ou quoi que ce soit. Encore une fois moi, je ne me place pas dans cette optique-là, j'ai très peu de doutes sur le fait que Cédric VILLANI soutiendra Benjamin GRIVEAUX.
AMELIE PERRIER
Gabriel ATTAL, vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse. Vous avez en charge le SNU, le Service national universel, pour la première fois 150 jeunes du SNU vont défiler pour le 14 juillet, c'est ça, vous voulez les mettre en avant ?
GABRIEL ATTAL
Absolument, oui, il s'agit de reconnaître…
AMELIE PERRIER
C'est les tout premiers !
GABRIEL ATTAL
Leur engagement, il y a eu une phase pilote du Service national universel, c'est un engagement de campagne du président de la République qui vise à instaurer dans notre pays un rite de passage pour la jeunesse, autour des valeurs de la République, autour d'une notion qui tient à cœur au président, au Premier ministre qui est celle de l'engagement. S'engager, c'est donner ce qu'on a de plus précieux, c'est-à-dire un peu de son temps au service d'une cause à laquelle on croit. Ça peut être dans une association, ça peut être chez les pompiers, ça peut être dans la réserve, ça peut être dans un corps européen de solidarité. Et ce Service national, il a vocation de montrer à tous les jeunes toutes les possibilités qui existent pour s'engager et surtout, tout ce qu'ils peuvent apporter à la société en s'engageant. Il y a 2.000 jeunes qui ont été volontaires…
AMELIE PERRIER
C'était une phase de test, là vous allez rendre une note, c'est ça ?
GABRIEL ATTAL
Pour cette phase pilote. Et donc ces jeunes, il fallait aussi reconnaître cet engagement et c'est pour ça que le président de la République a décidé qu'ils puissent défiler au 14 juillet dimanche. Ils vont déployer un grand drapeau français sur la place de la Concorde.
AMELIE PERRIER
Et là, vous voulez généraliser à toute une tranche d'âge ce SNU, vous allez rendre une note au président de la République dans les jours à venir, avec des pistes pour généraliser, en quoi ça va consister ?
GABRIEL ATTAL
Absolument. L'engagement du président de la République, c'est un Service national universel qui concerne tout le monde…
AMELIE PERRIER
Qui sera obligatoire pour tous les jeunes ?
GABRIEL ATTAL
Et qui est obligatoire pour toute une classe d'âge de chaque année. Il y a un rapport qui avait été remis avant ma nomination par le général MENAOUINE, qui avait travaillé sur ce dossier, qui proposait une généralisation en 2026. Et le président de la République, dans sa conférence de presse en sortie du grand débat, a dit qu'il souhaitait qu'on aille beaucoup plus vite et qu'on soit beaucoup plus ambitieux sur la montée en puissance. Et donc là, je travaille à des scénarii qui permettent d'aller plus vite et de monter plus rapidement en puissance. Je ne peux pas vous faire aujourd'hui d'annonces de date par définition, parce que j'y travaille et que c'est le président, le Premier ministre qui va arbitrer dans les prochaines semaines.
AMELIE PERRIER
Vous avez travaillé aussi à un chiffrage, à un coût ?
GABRIEL ATTAL
Là-dessus oui, évidemment on travaille à un coût.
AMELIE PERRIER
On annonce 1 milliard 600 millions !
GABRIEL ATTAL
Oui… enfin ! Vous savez, il y a beaucoup de chiffres qui ont circulé depuis 2 ans, pendant la campagne des présidentielles…
AMELIE PERRIER
On en est où alors ?
GABRIEL ATTAL
Certains avaient même avancé des chiffres de 7 milliards, 10 milliards pour expliquer que c'était infaisable parce que ça coûtait très cher. Si on prend le coût pour 2.000 jeunes sur cette phase pilote et qu'on transfert entre guillemets sur 800.000 jeunes, on est autour de 1 milliard 5, peut-être qu'on sera en dessous puisque par définition quand il y a plus de jeunes, il y a des économies d'échelle et par ailleurs, on va être plus performants dans nos organisations, plus efficaces. C'est pour ça qu'on a fait une phase pilote, parce qu'on est pragmatique, économes de nos moyens. Mais ce que le président de la République a toujours dit et moi ce que je crois profondément, c'est que c'est aussi un investissement. Quand on met en place un bilan de santé complet pour tous les jeunes à 16 ans, qu'on détecte des pathologies, ça a été le cas sur 2.000 jeunes dans cette phase pilote, qui potentiellement se seraient aggravées, auraient coûté plus cher à la Sécurité sociale, on fait des économies. Quand on a ce moment de brassage qui permet à des jeunes, qui sont décrocheurs ou qui sont en voie de devenir décrocheurs, c'est-à-dire de quitter le système scolaire sans diplôme, sans qualification et parfois à passer plusieurs années dans l'errance, on produit aussi une économie pour la collectivité. Un décrocheur en accompagnement, il y a beaucoup d'accompagnements pour les décrocheurs, en moyenne ça revient à 237.1000 euros sur la durée du décrochage par jeune. Donc là si on y arrive et honnêtement, ce que j'ai vu dans cette phase pilote est très encourageant, par le partage entre les jeunes, par l'exemple que les jeunes se donnent, par les professionnels qui sont aussi dans ce service national qui peuvent échanger avec les jeunes, par les différents bilans qui sont faits sur leur orientation, sur leurs compétences, si on arrive à réduire le nombre de décrocheurs, en plus de faire du bien à ces jeunes pour leur orientation et leur émancipation on produit aussi des économies pour la collectivité. Et je pense que ça, c'est intéressant de le regarder aussi à moyen et à long terme.
AMELIE PERRIER
Vous aviez dit que ce Service national universel n'était pas un service militaire, c'est un service civique. Mais aujourd'hui on entend des critiques quand même, on dit que c'est un peu trop autoritaire, un peu trop martial, un peu trop de militaire, il y a notamment une tribune des coprésidents de la FCPE qui disent que c'est trop militaire.
GABRIEL ATTAL
Ben moi ! Ce que je constate, c'est qu'il y a une confusion parfois dans notre pays chez certains entre le militarisme et le patriotisme. Aimer son drapeau, chanter La Marseillaise ce n'est pas réservé aux militaires, heureusement d'ailleurs. Quand il y a une Coupe du monde dans les stades de foot, on chante La Marseillaise, alors on n'est pas obligé de le faire, c'est certain mais on chante La Marseillaise et personne n'est taxé de militariste. Donc je pense qu'il faut faire la part des choses, ce n'est pas un service militaire parce qu'il n'y a pas de maniement des armes, que l'objectif ce n'est pas de former des générations entières qui peuvent devenir soldats, on a professionnalisé l'armée depuis que Jacques CHIRAC a suspendu le service militaire, on n'a pas besoin de ça. Il y a des militaires qui participent à l'encadrement et aux interventions dans les centres, et ils apportent beaucoup aux jeunes. Les militaires ils ont des choses à apporter sur leur expérience aussi auprès de la jeunesse, les militaires ils accompagnent chaque année des jeunes chez les cadets de la Défense, chez le Service militaire volontaire, le Service militaire adapté Outre-mer, donc ils ont des choses à apporter. Et ce qui est intéressant, c'est qu'autour des jeunes il y a dans ce Service national des personnes issues de l'Education populaire, des personnes issues des armées et des personnes issues de l'Education nationale et que cette hybridation, elle s'est très bien faite. Ils ont beaucoup partagé y compris ensemble au service des jeunes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juillet 2019