Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
François de RUGY, bonjour.
FRANÇOIS DE RUGY
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de la Transition écologique et solidaire. Je dirais Transition écologique et solidaire là aujourd'hui.
FRANÇOIS DE RUGY
Aujourd'hui en tout cas, la question énergétique, on doit l'avoir particulièrement en tête.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. On va beaucoup en parler. Un ministre sans cravate ce matin. Que se passe-t-il ? C'est rare.
FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez qu'au Japon il y a déjà de nombreuses années, il y avait des instructions données. Les ministres, les dirigeants d'administration ne devaient pas mettre de cravate pour montrer l'exemple au travail, d'alléger en effet la tenue vestimentaire pour s'adapter à ces canicules. Parce qu'on sait bien que l'effet pervers en quelque sorte, qui est tout à fait compréhensible, c'est de pousser les climatisations là où il y en a. Là où il y en a. Mais si on les pousse, on consomme encore plus d'énergie et en quelque sorte on aggrave le phénomène du réchauffement climatique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors des saisons estivales qui commencent plus tôt, qui finissent plus tard, qui sont plus intenses avec ces fortes chaleurs. Au fil des années, un nombre de jours de chaleur de plus en plus important, de canicule aussi. Chaleur, sécheresse liées au réchauffement climatique, c'est clair.
FRANÇOIS DE RUGY
La multiplication des phénomènes, des jours, le nombre de jours dans l'année et l'intensification du phénomène, c'est évidemment une des conséquences palpables du dérèglement climatique. Du réchauffement climatique. Là pour le coup, quand on parle de réchauffement climatique, c'est vraiment le cas. D'ailleurs souvent on dit : on veut limiter au niveau mondial à 1,5 degré. Beaucoup de Français peuvent peut-être se dire : qu'est-ce que ça change 1,5 degré de plus, 2 degrés de plus ? C'est là qu'on le touche du doigt, c'est dans ces moments-là. En fait ce qu'il faudrait avoir en tête, c'est plutôt la température du corps humain, la température qu'on mesure avec le thermomètre quand on a de la fièvre. En gros là, on est en train de passer de 38 à 40. Vous savez que quand on a 38 de fièvre, on peut encore tenir ; si on passe à 40, on est malade ; si on est à 41, il faut être hospitalisé. C'est ça le dérèglement climatique, c'est ça le réchauffement climatique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors évidemment urgence écologique, urgence climatique, la pollution de l'air par exemple. Quelles pourraient être les mesures prises ces prochains jours ou dans les prochains mois ou les prochaines années, François de RUGY ?
FRANÇOIS DE RUGY
Alors c'est vrai que là aussi, conséquence indirecte, les phénomènes de pollution de l'air sont aggravés si l'on ne fait rien. Lors des derniers épisodes de pollution de l'air, j'avais demandé au préfet de police de Paris de travailler sur des mesures plus efficaces. Et donc, je suis en mesure de vous dire ce matin que nous allons pouvoir annoncer, avec le préfet de police de, Paris un nouveau dispositif. 1 : Il y aura un déclenchement de la circulation différenciée beaucoup plus rapide. Dès que nous constaterons un jour où on atteint les seuils d'alerte, on déclenchera la circulation différenciée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout de suite ? Immédiatement ?
FRANÇOIS DE RUGY
Et par ailleurs, nous aurons aussi des mesures plus restrictives parce que la circulation différenciée aujourd'hui, elle n'élimine que quelques véhicules polluants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais ça c'est vrai pour Paris.
FRANÇOIS DE RUGY
Et en fonction de ce que nous pourrons d'ailleurs voir comme effet concret à Paris, bien sûr que cela devra concerner aussi d'autres villes de France qui sont très touchées par le phénomène. Alors vous savez que Marseille par exemple est une ville également très touchée. A Marseille, il y a une autre source de pollution de l'air qui est les bateaux. Les bateaux de commerce qui sont dans le port, qui font tourner leur moteur à l'arrêt pour produire de l'électricité. Nous sommes en train de changer cela en généralisant l'électrification. En gros, les bateaux pourront se brancher sur des prises de courant à quai et ne plus faire tourner leur moteur à l'arrêt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins rouler, moins voler. Moins rouler, moins voler c'est aussi l'objectif, non ? Je dis « moins voler » pourquoi ? Parce que les Pays-Bas veulent conduire l'Europe à taxer le transport aérien. Vous avez vu ça, vous le savez ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui. Nous menons d'ailleurs au niveau européen une bataille sur le sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce vous allez suivre ces demandes des Pays-Bas ?
FRANÇOIS DE RUGY
Mais la France sera même un des pays moteurs sur le sujet à l'échelle européenne. Autant à l'échelle franco-française, nous considérons que ça n'est pas efficace et que ç'aurait des effets évidents. On voit bien que les compagnies aériennes en quelque sorte iraient faire le plein de kérosène dans un pays voisin ; autant si nous le faisons à l'échelle de l'Union européenne, là nous avons un vrai levier d'efficacité sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre liées au transport aérien et puis, par ailleurs, nous évitons les concurrences déloyales. Et ensuite, nous voulons mener aussi cette bataille à l'échelle mondiale. Et je peux vous dire qu'avant le salon aéronautique du Bourget qui avait lieu la semaine dernière, moi j'ai rencontré de nombreux industriels de l'aéronautique et je leur ai dit : il va falloir faire cette transition ; ils me disent : nous sommes prêts. Ceux qui freinent aujourd'hui plutôt, ce sont les compagnies aériennes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais François de RUGY, La Haye, les Pays-Bas proposent de taxer le kérosène sur les vols intérieurs.
FRANÇOIS DE RUGY
Les vols intra-européens. Oui, oui, les vols à l'intérieur de l'Union européenne. Parfaitement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On taxerait le kérosène sur les vols intra-européens, on est bien d'accord.
FRANÇOIS DE RUGY
Aujourd'hui il y a zéro taxe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et on augmenterait le taux de TVA sur les billets.
FRANÇOIS DE RUGY
Alors ça, c'est un autre levier. On peut discuter des leviers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui fait qu'on taxerait le billet d'avion un peu plus.
FRANÇOIS DE RUGY
Aujourd'hui d'ailleurs en France…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les Pays-Bas le demandent. Vous êtes d'accord ou pas avec ça ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui. Mais non seulement nous sommes d'accord mais nous le faisons déjà. Pour ce qui concerne les taxes d'aéroport, la France est un des pays d'Europe où c'est le plus élevé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Taxes d'aéroport, mais je parle des billets.
FRANÇOIS DE RUGY
Non mais je vous le dis parce qu'un billet d'avion en Suède… Vous savez, on a beaucoup parlé de la Suède en disant : les gens ont honte de prendre l'avion en Suède paraît-il et que maintenant ils prennent le train. Bon. En Suède sur un billet d'avion de 100 euros, vous avez 30 euros de taxes. Sur un billet intérieur. En France, sur un Paris-Nice par exemple ou un Nice-Toulouse, vous avez 50 euros de taxes en France. Donc vous voyez qu'en France déjà le transport aérien est taxé sur les vols intérieurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
10 % de TVA sur les vols intérieurs. Sur les billets.
FRANÇOIS DE RUGY
Mais nous discuterons au niveau européen. Ce qu'il faut, c'est que tous les pays européens se mettent d'accord ou même si on y arrive… Moi je vais vous dire, même si on n'y arrive pas à 27…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous allez prendre une initiative, vous, la France ? Est-ce que nous, la France, nous allons prendre une initiative ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui. Ça fait partie des sujets que nous mettons dans la lettre de mission en quelque sorte, le mandat de la nouvelle Commission européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
FRANÇOIS DE RUGY
Mais là, c'est maintenant. C'est maintenant. Parce que vous avez vu d'ailleurs qu'au dernier Conseil européen, nous avons réussi à rassembler la quasi-totalité des pays d'Europe sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le kérosène exempté de toutes taxes, ce n'est plus tenable franchement.
FRANÇOIS DE RUGY
Ce n'est plus tenable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord.
FRANÇOIS DE RUGY
Ce n'est plus tenable. Ce n'est plus acceptable pour les Français comme, je pense, les Hollandais, comme les Allemands, les Suédois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment.
FRANÇOIS DE RUGY
Qui font des efforts sur leurs voitures particulières, qui font des efforts sur leur chauffage et l'effort il doit être partagé. On parle parfois de la transition juste ou de la transition écologique et solidaire : c'est le partage des efforts. Tout le monde doit faire une part de l'effort.
JEAN-JACQUES BOURDIN
François de RUGY, projet de loi énergie climat qui sera examiné à partir de demain à l'Assemblée nationale. Alors je regarde : émissions de gaz à effet de serre, on le sait, votre objectif c'est neutralité carbone en 2050.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord. Concrètement ?
FRANÇOIS DE RUGY
Concrètement, ça veut dire qu'en 2050, on ne pourra plus émettre plus de gaz à effet de serre que ce que la nature autour de nous en France est capable d'absorber. C'est-à-dire notamment les forêts qui sont capables évidemment d'absorber le carbone que nous produisons : il ne faudra pas en faire plus donc c'est un effort considérable. En gros, on considère que c'est diviser au minimum par 6 nos émissions de gaz à effet de serre par rapport à l'année de référence qui était 1990, alors que dans la précédente loi de 2015, on disait diviser par 4. Donc vous voyez que l'effort est amplifié.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, l'effort est amplifié. Baisse de 40 % de la consommation d'énergies fossiles d'ici…
FRANÇOIS DE RUGY
D'ici à 2030.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'ici à 2030.
FRANÇOIS DE RUGY
On rappelle plus de dix ans, là aussi c'est énorme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
40 %, comment allez-vous faire ? Comment allons-nous faire ?
FRANÇOIS DE RUGY
Il faut agir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ?
FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez, moi je ne raconte pas d'histoires aux Français en disant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
40 %.
FRANÇOIS DE RUGY
On va baisser les gaz à effet de serre mais il n'y a rien à changer. Vous savez au Parlement, vous parliez de l'Assemblée nationale, je vois malheureusement des députés qui disent : il faut avoir une ambition plus forte, mais quand il s'agit des moyens ils sont toujours pour faire moins. Donc en l'occurrence, là il faut être clair. Les deux sujets en France, c'est le chauffage, les émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage - chauffage au fuel notamment mais aussi chauffage au gaz - mauvaise isolation. Et puis c'est les transports et, dans les transports, c'est la voiture. Et donc c'est pour cela que nous voulons vraiment développer de façon intensive voitures hybrides…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'avion, j'y reviens.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, mais les émissions de gaz à effet de serre de l'aviation en France, c'est à peine 5 % des émissions de gaz à effet de serre des transports. Donc vous voyez que même par rapport à l'ensemble des émissions, c'est moins de 5 %. Donc il faut quand même aussi dire la vérité aux gens : les efforts, il faut les faire dans tous les domaines.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors les transports, le transport routier.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rien ne bouge, je ne vois rien bouger.
FRANÇOIS DE RUGY
Alors c'est que vous ne regardez pas y compris les statistiques, monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment, comment ? Est-ce qu'il y a moins de camions qui circulent sur nos routes ou nos autoroutes ?
FRANÇOIS DE RUGY
Il y a moins de carburant consommé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a moins de carburant consommé ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui. L'année dernière, 3 % de baisse de carburant et même sur les véhicules utilitaires, 3,5 %. Donc ça, c'est concret. Parce que là, si vous voulez, on n'est pas simplement dans ce qu'on pourrait faire d'ici dix ans, on est dans ce que l'on fait déjà. Les Français font déjà des efforts. Soit parce qu'ils achètent des voitures ou les entreprises des camions qui consomment moins ; soit parce qu'ils roulent moins et qu'ils rationalisent un petit peu leurs déplacements. Et ça, ça produit des effets et il faut continuer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le carburant a été cher, c'est une des raisons.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, mais on nous avait dit que les Français n'étaient pas capables de s'adapter. Au contraire, moi je salue les efforts fournis par les Français et je dis les efforts payent donc il faut poursuivre. Et je dis il faut poursuivre. On ne va pas raconter aux gens : maintenant c'est bon, il n'y a plus rien à faire. Ce qu'un certain nombre de gens disent parce que, vous savez, on entend beaucoup les gens qui disent : on n'en fait pas assez. Mais il y a plein de gens qui disent à l'Assemblée nationale, au Sénat mais aussi partout sur les territoires, qui disent : on en fait trop, ça va trop vite, vous y allez trop fort, il faut au contraire ralentir le rythme sur l'écologie en général et sur le climat en particulier. Quand on est dans la canicule, vous savez, ce n'est pas 3 jours avant la canicule, on a l'alerte météo. Mais 3 jours avant la canicule, ce n'est pas là qu'on peut se dire : tiens, on va agir sur l'effet de serre. Donc il faut le faire dans la durée, il faut le faire en permanence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que dans les transports, vous n'allez pas ralentir le rythme si je puis dire. Mais les poids lourds en transit, toujours rien, toujours pas de taxes, toujours pas… Je ne sais pas, moi, de vignette. Mais non… Si ou pas ?
FRANÇOIS DE RUGY
Si. Vous savez très bien que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'autre jour, j'étais avec Elisabeth BORNE qui m'a dit : on réfléchit.
FRANÇOIS DE RUGY
Ministre des Transports.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre des Transports. Ça fait quand même un an que j'entends dire : on réfléchit. Vous réfléchissez beaucoup mais il est temps d'agir. Alors sur les poids lourds, qu'allez-vous décider ? En transit, je parle des poids lourd sen transit.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui. Sur la question des poids lourds, vous savez très bien qu'il y a quelques années, il y avait une taxe poids lourds avec des portiques qui existent toujours d'ailleurs sur certaines autoroutes. Et malheureusement, à la suite notamment des Bonnets rouges et d'autres, le projet a été purement et simplement abandonné. Gros gâchis, gros gâchis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord. Ça a couté un milliard d'euros.
FRANÇOIS DE RUGY
Non mais vous savez qu'on a ce passif parce que personne n'envisage de remettre cette taxe poids lourds avec ces portiques qui pourtant était intelligente et permettait justement de taxer les poids lourds en transit qui pour certains ne font que traverser la France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
FRANÇOIS DE RUGY
Moi, j'étais un des seuls… Je suis un Breton et c'était en Bretagne que la contestation était la plus forte. Nous avons envisagé et travaillé sur un autre mode qu'on appelle la vignette. C'est-à-dire que ce n'est plus des portiques, c'est une vignette que vous payez et que les poids lourds français pourraient se faire rembourser sur la base des taxes qu'ils payent déjà sur les carburants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que cette vignette va être mise en place ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est ce sur quoi nous travaillons concrètement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc une vignette…
FRANÇOIS DE RUGY
Ça ne se fait pas d'un claquement de doigt…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord.
FRANÇOIS DE RUGY
Mais ça pourrait très bien être dans le budget pour 2020. C'est un sujet qui est sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans le budget pour 2020, il y aura une vignette…
FRANÇOIS DE RUGY
Il y a des discussions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que les poids lourds en transit ou pas paieront. Pour les transporteurs français la vignette, le prix de la vignette, sera remboursé. C'est cela ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est un mécanisme un peu compliqué mais qui permet de ne pas pénaliser les transporteurs routiers français qui payent déjà des taxes sur les carburants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que tout camion qui traversera la France en transit paiera une vignette.
FRANÇOIS DE RUGY
Vous voyez que je suis… La canicule se fait sentir même dans vos studios.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, elle se fait sentir mais moi je veux une réponse là, François de RUGY.
FRANÇOIS DE RUGY
Sur cette question du transport par camion, c'est évident qu'on ne peut pas rester dans le système et dans la situation actuelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans le prochain budget, une vignette. On est bien d'accord ?
FRANÇOIS DE RUGY
Attendez, monsieur BOURDIN. Nous sommes en train de préparer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez réfléchi.
FRANÇOIS DE RUGY
Bien sûr. Nous sommes en train de préparer le budget au sein du gouvernement et vous savez qu'il sera présenté en septembre, donc c'est imminent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous souhaitez que ça soit inscrit. Vous le souhaitez ?
FRANÇOIS DE RUGY
Moi, je souhaite que cette question de la contribution – c'est ça le sujet – la contribution du secteur du transport par camion à la lutte contre l'effet de serre d'une part et au financement des infrastructures de transport d'autre part, nous avancions. Je vous le redis : 75 % des investissements de transport sont pour le transport ferroviaire. Ça, on le fait déjà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous souhaitez que cette…
FRANÇOIS DE RUGY
Vous disiez tout à l'heure : qu'est-ce que vous faites ? On travaille déjà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, très bien. Vous souhaitez donc que cette vignette soit… L'instauration de cette vignette soit inscrite dans le budget.
FRANÇOIS DE RUGY
Mais il faut aussi que les acteurs du transport se bougent - excusez-moi de le dire comme cela, c'est le cas de le dire - que les acteurs du transport se bougent. On ne peut pas avoir quelque chose comme ce qu'on a à Rungis. Moi je le dis aussi. Parce que là à ce qu'on a à Rungis, ce n'est pas que le transport routier. Il prend des parts de marché au train parce que ce serait comme ça, ce serait naturel. C'est parce que l'opérateur ferroviaire n'a pas fait le travail qu'il fallait depuis des années pour rénover ces wagons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera maintenu ce train d'ailleurs ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est ce sur quoi nous travaillons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il sera maintenu ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui. Y compris s'il le faut en faisant appel à un autre opérateur ferroviaire que la SNCF qui n'a pas été à la hauteur sur ce sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très bien. Les passoires thermiques. Alors là, je suis propriétaire. Dans votre loi, il y a discussion là autour des passoires thermiques. Je suis propriétaire, je vends un bien – appartement ou maison - qui est une véritable passoire thermique. Dans l'idée, l'acquéreur pourra utiliser 5 % du produit de la vente pour effectuer des travaux. C'est bien cela ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est l'idée en effet qui a été adoptée par un amendement de députés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je prends un exemple : 200 000 euros le bien, on met de côté 5 % du bien, jusqu'à 5 % du bien. 10 000 euros. Ces 10 000 euros sont confisqués, le temps que le nouveau propriétaire…
FRANÇOIS DE RUGY
Sont mis de côté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sont mis de côté. Le temps que le nouveau propriétaire les utilise pour améliorer…
FRANÇOIS DE RUGY
Pour faire des travaux d'isolation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà. Rénover énergétiquement ce bien. Vous appuyez cette mesure ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est un dispositif concret qui part d'un constat simple. En France, vous avez 800 000 ventes de logements par an, de logements privés hors logements neufs. Et donc sur les 800 000, vous en avez 100 000 qui sont ce qu'on appelle des passoires thermiques. C'est-à-dire dans le classement, pour les Français qui ont déjà vu un diagnostic de performance énergétique, le DPE qui est obligatoire avant une vente, c'est les classes F et G, c'est-à-dire les logements vraiment qui sont très mal classés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
FRANÇOIS DE RUGY
Bon. Que pour ces logements-là, l'acheteur et le vendeur se mettent d'accord. Le vendeur, lui, il puisse dire… Pardon, l'acheteur puisse dire au vendeur : écoutez, votre maison, votre appartement c'est intéressant mais enfin je constate qu'il va y avoir des travaux à faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a des travaux notamment de rénovation thermique.
FRANÇOIS DE RUGY
Peut-être pas simplement la peinture pour que ce soit plus joli mais aussi l'isolation et donc ça va avoir un coût. A ce moment-là, dans le cadre de la transaction, l'acheteur et le vendeur disent : d'accord, il y a une certaine somme qui est mise de côté chez le notaire et lorsque l'acheteur va…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera voté.
FRANÇOIS DE RUGY
Et lorsque l'acheteur va faire des devis, va faire des travaux, il pourra utiliser cette comme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera voté. Enfin, vous souhaitez que ce soit voté.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, c'est ce qui a été voté à l'Assemblée, en commission…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En commission, oui.
FRANÇOIS DE RUGY
Et la séance plénière va commencer à l'examiner demain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Alors, d'autres voulaient aller plus loin. D'autres voulaient interdire la location…
FRANÇOIS DE RUGY
Mais je tiens à dire que c'est une démarche très pragmatique, puisque sait de toute façon au fur et à mesure des ventes. On ne dit pas : à partir de telle date il sera interdit de vendre une maison qui aurait, qui serait une passoire thermique ou etc., ou il faudrait la rénover avant. Avant, certains l'avaient envisagé ça, on voit bien que ça ne marche pas. Donc c'est au fur et à mesure des ventes, on profite en quelque sorte, quand on achète une maison ou un appartement, souvent on fait des travaux, donc là c'est d'avoir une certaine somme d'argent qui puisse être utilisée pour faire des travaux d'isolation. Sachant que vient à côté de cette somme d'argent, les aides, les l'Etat ou des collectivités locales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, d'autres députés voulaient interdire la location des passoires thermiques.
FRANÇOIS DE RUGY
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes d'accord avec ça ou pas ?
FRANÇOIS DE RUGY
Moi je vois bien…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous soutenez ces amendements-là ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est une idée là aussi qui permet de traiter un autre problème, qui est celui des passoires thermiques à la location, à la vente, et à la location. J'ai même ramené le tableau de chiffres, vous voyez il y en a un certain nombre de catégories, et en l'occurrence là j'ai simplement, dans ce tableau, les passoires thermiques qui sont occupées par des ménages en situation de précarité énergétique, c'est-à-dire des ménages à revenus modestes, et il y en a 3,8 millions, donc c'est un sujet sérieux. Le nombre de logements concernés. Après nous avons des logements différents et nous avons notamment constaté qu'il y avait plus de 500 000 logements qui sont occupés par des ménages en situation difficile mais qui sont aussi propriété de ménages en situation difficile. Donc c'est-à-dire que c'est des petits propriétaires, qui n'ont pas beaucoup de revenus par ailleurs, et donc il faut regarder, avant de voter une mesure d'interdiction, même dans 10 ans, il faut quand même regarder concrètement si ces propriétaires ils peuvent faire des travaux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous êtes opposé à cette idée ou pas ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non, moi sur le principe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pourriez l'appuyer ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non mais, attendez, sur le principe je ne vais pas y être opposé, c'était au programme d'Emmanuel MACRON en 2017…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on pourrait interdire à la location, on pourrait interdire la mise en location de certaines passoires thermiques.
FRANÇOIS DE RUGY
Ce que je dis, c'est qu'il faut bien regarder avant, avant de prendre des mesures d'interdiction…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si on regarde bien avant…
FRANÇOIS DE RUGY
Ce que les propriétaires peuvent faire. Vous avez des propriétaires qui ont les moyens de rénover, ça ils doivent le faire. Ceux qui n'ont pas les moyens, avant de leur dire : vous ne pourrez plus louer votre bien, c'est-à-dire, qu'est-ce qui va se passer dans ce cas-là ? Ils vont retirer le logement du marché, ils ne vont pas faire les travaux, ils vont le retirer du marché de la location.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends.
FRANÇOIS DE RUGY
Ils vont même peut-être en quelque sorte, excusez-moi de l'expression, virer le locataire qui est dedans et arrêter de louer leur logement. Là on n'aurait rien gagné, parce que le but c'est à la fois de loger le maximum de gens, vous savez qu'en France on est quand même dans une situation de crise du logement dans la plupart des grandes villes, et par ailleurs d'améliorer bien sûr l'efficacité énergétique des logements. Baisser les factures des locataires ou des propriétaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aide à la rénovation énergétique recentrée sur les ménages les plus modestes ?
FRANÇOIS DE RUGY
C'est par ailleurs la réforme que nous sommes en train de conduire, que les moyens que nous mettons notamment à travers un crédit d'impôt, d'abord soient transformés en une prime, c'est-à-dire l'intérêt c'est quoi, c'est que vous touchez l'argent dès que vous déclenchez les travaux, alors qu'avec le crédit d'impôt il faut faire la demande et souvent vous avez le remboursement un an et demi après.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est pour quand ça ?
FRANÇOIS DE RUGY
Ça, ça serait là aussi dans le budget pour 2020, et donc c'est quelque chose que nous mettrions en place en 2020 et 2021.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 2020, 2021, ces aides seront recentrées sur les ménages les plus modestes.
FRANÇOIS DE RUGY
Et en effet de regarder les gestes en quelque sorte d'isolation, qui ont le maximum d'efficacité d'une part, et d'autre part aussi avec, d'aider les Français qui en ont le plus besoin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisque vous parlez des Français qui en ont le plus besoin, parlons de l'eau. Est-ce que vous confirmez que les foyers les plus modestes bénéficieront bientôt d'un chèque eau.
FRANÇOIS DE RUGY
Alors c'est une mesure qui est envisagée dans un autre texte de loi, donc là je ne vais pas m'exprimer sur un sujet qui n'est pas dans cette loi énergie climat. Là aussi vous savez c'est une idée qui est ancienne, et c'est toujours la même, c'est de protéger les Français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous confirmez qu'elle sera proposée au vote.
FRANÇOIS DE RUGY
Ce sera au Parlement d'en décider, moi là aussi je…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera dans le projet de loi.
FRANÇOIS DE RUGY
Ah non mais attendez, ça ce sont ce qu'on appelle des fuites dans la presse, c'est des fuites d'eau dans la presse, en l'occurrence moi je m'en tiens à ce qui est dans les textes lorsqu'ils sont présentés. Ce texte n'est pas encore présenté, donc je ne vais pas commenter quelque chose sur la base de fuites, et par ailleurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça serait normal, ça existe pour le… Le chèque énergie, ça existe. Le chèque eau pourrait être l'équivalent.
FRANÇOIS DE RUGY
Il y a des collectivités qui ont déjà fait ce qu'on appelle des tarifs sociaux de l'eau, c'est-à-dire qui disent, parce que vous savez que l'eau en France, l'eau potable c'est une compétence locale, une compétence décentralisée, et c'est très bien ainsi, et donc la seule question c'est de savoir s'il y a une règle nationale qui encadre le fonctionnement des, soit des régies, soit des entreprises qui par délégation gèrent l'eau potable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question. Le prix de l'électricité, est-ce qu'il y aura une nouvelle hausse avant la fin de l'année ?
FRANÇOIS DE RUGY
La Commission de régulation de l'énergie doit délibérer pour savoir s'il y a nécessité d'avoir un ajustement au mois d'août, comme c'est le cas tous les ans, sur la base du coût des réseaux, etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez dire non ? Vous ne pouvez pas dire non.
FRANÇOIS DE RUGY
Mais de toute façon ce sera quelque chose de très modeste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi modeste ?
FRANÇOIS DE RUGY
Pas du tout dans la hausse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très modeste c'est moins de 1 %.
FRANÇOIS DE RUGY
Je laisserai la Commission de régulation de l'énergie… Oui, c'est de cet ordre-là ? Je laisserai la Commission de régulation de l'énergie s'exprimer, dire son mode de calcul. Mais en l'occurrence ce n'est pas du tout ce que nous avons subi au 1er juin. Moi vous savez, je n'avais pas caché les choses, y compris avant les élections européennes on avait dit des choses, Dieu sait, on en a souvent parlé ici, partout, mais là aussi il faut regarder la réalité en face. Il y a les coûts de production qui doivent être couverts, les coûts aussi d'investissements dans le réseau, et puis d'autre part il y a le fait de protéger les Français durablement contre la facture, la hausse de la facture énergétique dans son ensemble, et ça je le fais y compris dans la loi énergie-climat, puisque, engagements pris, engagements tenus, moi je me suis battu pour que le mode de calcul qui s'était appliqué au 1er juin eh bien qui a dérivé dans le temps, eh bien ils soit révisés pour que maintenant les évolutions des tarifs régulés de l'électricité, soient beaucoup plus modérées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci François de RUGY.
FRANÇOIS DE RUGY
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 juin 2019