Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur la politique économique du gouvernement, à l'Assemblée nationale le 11 juillet 2019.

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Circonstance : Débat d'orientation des finances publiques à l'Assemblée nationale

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le ministre de l'Action et des Comptes publics, cher Gérald,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les Députés,


Heureux de vous retrouver, avec Gérald Darmanin, pour ce débat d'orientation sur les finances publiques, qui me donne l'occasion de tracer devant vous les orientations économiques et budgétaires du Gouvernement.

La meilleure manière de tracer ces orientations est de répondre à quelques questions structurantes pour notre économie.


1. Quelle est la situation économique de la France ?

La croissance française est solide malgré un ralentissement marqué et préoccupant de la croissance mondiale – qui s'explique par les tensions entre la Chine et les Etats-Unis et par un ralentissement du commerce mondial – et un ralentissement particulier dans la zone euro.

A ce stade, nous estimons notre croissance à 1,4 % en 2019 contre 1,3 % pour la zone euro et 0,8 % en Allemagne. Ces prévisions sont proches de celles des principaux instituts de conjoncture. Comme chaque année, nous réévaluerons ces prévisions le cas échéant, lors de la présentation du projet de loi de finances, à la lumière des dernières données disponibles.

Le chômage est au plus bas depuis 2009. Nous avons créé plus de 500 000 emplois depuis 2017. Nous avons créé 26 000 emplois dans le secteur industriel. Pour la première fois depuis 15 ans nous créons des emplois dans l'industrie.

La conjoncture économique est inédite. Elle est caractérisée par une inflation basse, par une croissance mondiale faible, et par un niveau des taux d'intérêts qui est bas et même négatif sur le court et moyen terme.

C'est une situation nouvelle qui pourrait s'installer durablement.

Vous me permettrez quelques remarques sur cette situation.

Première remarque : ces taux bas ont des conséquences sur le financement de la dette française et sur la charge de la dette, qui va temporairement baisser. Mais dans un contexte de ralentissement de l'activité, la réduction des recettes fiscales l'emporte sur la réduction de la charge de la dette. Je tiens donc tout de suite à écarter une illusion : il n'y aura aucune cagnotte budgétaire liée à la diminution des taux d'intérêt.

Deuxième remarque : les taux bas ont ouvert un débat sur l'opportunité d'un endettement supplémentaire. C'est une idée proposée notamment par Olivier Blanchard.

Ce raisonnement est valable pour des Etats qui réduisent leur dette depuis des années. Ce n'est pas un raisonnement valable pour un pays comme la France, qui a vu sa dette publique augmenter de 30 % entre 2007 et 2017. Elle avoisine maintenant les 100 % de notre produit intérieur brut. Nous ne nous guérirons pas de notre dépendance collective à la dette par plus de dette.

Je veux donc être très clair : nous continuerons notre politique de réduction de la dette. Nous assumons un rythme de réduction plus lent compte tenu du ralentissement de la conjoncture. Mais notre objectif reste le même. La dette est un poison lent : peut-être plus lent en raison des taux bas, mais un poison malgré tout.


2. Quels choix de politique économique ?

Premier choix : nous maintenons notre politique de l'offre. Nous avons fait ce choix en 2017, nous le maintenons. C'est la stabilité qui confortera les premiers résultats que nous constatons déjà.

Je vois trois éléments essentiels à cette politique.

La bascule du CICE en allègement de charge pérenne en 2019. Elle représente un gain de 20 milliards d'euros en 2019 pour toutes les entreprises.

Nous baissons l'impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises. Son taux sera porté à 25 % en 2022 pour toutes les entreprises. C'était un engagement du président de la République pendant sa campagne présidentielle, il sera tenu.

Et l'impôt sur les sociétés baissera pour toutes les entreprises, sans exception, dès 2020.

- Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros, le taux passera de 33,3 % à 31 %.
- Pour les autres entreprises, la baisse déjà entamée se poursuit : le taux passera de 31 % cette année à 28 % en 2020.

Cette politique fiscale est un des éléments clé pour notre attractivité. Je rappelle que nous sommes désormais le pays le plus attractif pour les investissements étrangers industriels et en matière de R&D en Europe. Elle est clé pour notre compétitivité, il était temps pour nos entreprises de bénéficier d'un impôt sur les sociétés équivalent à celui de leurs concurrents européens. Cela leur permettra d'investir davantage et de mieux se battre dans la compétition mondiale.

Au total, les impôts baisseront de 13 milliards d'euros pour nos entreprises sur le quinquennat.

Troisième éléments essentiel pour l'offre française, nous maintenons les grands équilibres de notre politique en faveur de l'innovation. Le fonds pour l'innovation de rupture a déjà permis de financer 5 grands défis, dont 3 sur l'intelligence artificielle. Et nous continuerons nos efforts en matière de formation et de qualifications avec Murielle Pénicaud et Jean-Michel Blanquer. Ces efforts sont vitaux pour l'innovation.

Notre second choix économique, c'est celui de la meilleure rémunération du travail. Nous devons répondre à la crise sociale qui a traversé notre pays. Cette crise était une crise de la rémunération du travail.

Au-delà des mesures annoncées le 10 décembre par le président de la République, nous avons décidé une baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros pour 17 millions de Français dès le 1er janvier 2020.

Cette baisse s'ajoute à la revalorisation de la prime d'activité, à la prime de fin d'année défiscalisée, à la défiscalisation des heures supplémentaires, la suppression de toute taxe sur l'intéressement et la participation, et à toutes les mesures que nous avons prises depuis deux ans pour mieux rémunérer le travail.

En tout, ce sont 27 milliards d'euros d'impôts en moins pour les ménages sur l'ensemble du quinquennat. Avec les 13 milliards d'euros d'impôts en moins pour les entreprises, c'est une baisse de 40 milliards d'euros sur le mandat. C'est une baisse historique des impôts, qui nous permet de rompre avec 10 années d'augmentation massive de la pression fiscale sur les ménages comme sur les entreprises.


3. Quelles sont les conséquences en termes de finances publiques ?

Le rétablissement des finances publiques reste notre objectif et notre ligne stratégique. Le désendettement de la France est une nécessité pour notre indépendance politique et pour notre bonne santé économique sur le long terme.

Le déficit public va continuer de baisser. Il va passer de 2,3 % hors CICE cette année à 2,1 % en 2020. Il est nettement sous la barre des 3 %, que nous respectons depuis le début du quinquennat. Je rappelle que notre pays n'avait pas connu de déficit inférieur à 3 % pendant 10 ans.

La baisse de l'impôt sur le revenu en 2020 sera en partie financée par une baisse des niches fiscales sur les entreprises, comme le président de la République l'avait annoncé. Il n'est pas illégitime de réduire certaines niches au moment où toutes les entreprises voient leur taux d'impôt sur les sociétés baisser.

* Première niche concernée : le Gazole non routier

Nous avions déjà abordé ensemble la question du Gazole non routier l'année dernière. Je pense que nous devons reconnaître nos erreurs sur ce sujet : un manque de concertation, un manque d'accompagnement, une suppression trop rapide du tarif réduit.

Nous proposons cette fois-ci une suppression mieux concertée : j'ai mené des concertations avec l'ensemble des acteurs, nous avons missionné, avec Gérald Darmanin, l'Inspection Générale des Finances et le Conseil général de l'économie afin d'évaluer secteur par secteur l'impact de la mesure, mais aussi une suppression mieux accompagnée et plus progressive.

Le tarif réduit de GNR sera supprimé en trois ans et contribuera au verdissement progressif de notre fiscalité. La première hausse interviendra seulement en juillet 2020 afin que tout le monde y soit préparé, soit dans exactement un an. Je précise également que ni les agriculteurs, ni le transport ferroviaire ne seront touchés par cette suppression du tarif réduit.

La suppression de ce tarif réduit permettra de dégager 900 M€ à terme, et un peu plus de 200M€ dès 2020.

Nous proposons également des mesures d'accompagnement et de compensation : avec une clause générale de révision des prix, des mesures d'incitation financière pour acquérir du matériel moins polluant et des mesures de soutien aux industries exposées à la concurrence internationale.

La question du GNR n'est pas uniquement budgétaire. Elle est bien sûr écologique.

La méthode que nous avons utilisée doit être un exemple. Chacun est convaincu qu'on doit aller dans cette direction. Mais les acteurs demandent du temps : il faut être ambitieux dans le calendrier de la transition mais jamais brutal, toujours accompagner et toujours concerter.

* Deuxième dispositif fiscal : le mécénat

Le mécénat d'entreprise connaît une croissance dynamique : les dons et le nombre de mécènes sont en nette augmentation. Il n'est pas question de fragiliser cette dynamique. Mais force est de constater que certaines entreprises profitent aujourd'hui de certains effets d'aubaine : le rapport publié l'année dernière par la Cour des comptes les a pointés du doigt.

Le Gouvernement présentera donc des mesures pour contenir l'avantage fiscal que les grandes entreprises tirent du mécénat. Franck RIESTER et Gabriel ATTAL annonceront les modalités précises de cette mesure à l'issue des concertations qu'ils conduiront avec les entreprises mécènes et les établissements et associations bénéficiaires.

* Troisième niche : le Crédit impôt recherche

Le CIR est un pilier de notre politique d'innovation. Il permet de rendre notre territoire beaucoup plus attractif. Un ingénieur français est deux fois moins cher qu'un ingénieur américain. Il n'est en aucun cas question de le remettre en cause. Le CIR est sanctuarisé et le restera. Mais nous pouvons rendre le CIR encore plus efficace, et je remercie le rapporteur général Joël Giraud pour ses propositions sur ce sujet.

Ce qui est le moteur de l'innovation, ce sont les ingénieurs et les investissements, bien plus que les dépenses de fonctionnement. Nous suivrons donc les recommandations de la Cour des Comptes, qui propose de ramener les frais de fonctionnement à un taux compris entre 40 et 46 %. Le taux sera de 43 % et permettra de dégager un rendement de 200 M€ dès 2021.

Au total, le montant des réductions sur les niches fiscales – en incluant une évolution de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) dont Gérald Darmanin vous précisera les modalités – sera de l'ordre de 600 millions d'euros en 2020 et d'1,4 milliard d'euros à partir de 2021.


4. Enfin, notre stratégie nationale se prolonge naturellement dans une stratégie européenne et internationale pour relancer la croissance.

Pour relancer la croissance en Europe et plus particulièrement dans la zone euro, j'ai proposé une stratégie à nos partenaires européens. Elle repose sur trois piliers.

- Des réformes structurelles dans les pays qui doivent gagner en compétitivité. La France a mené ces réformes et continuera à les mener.
- Le respect des engagements européens en matière de finances publiques.
- Des investissements supplémentaires pour les pays disposant d'un excédent budgétaire, pour lutter contre le ralentissement de la croissance mondiale et de la zone euro.

C'est notamment le cas de l'Allemagne, qui doit utiliser ses excédents pour investir dans les infrastructures et dans l'innovation. C'est dans l'intérêt de l'Allemagne et c'est dans l'intérêt de tous les pays européens.

Enfin, je tiens à rappeler l'implication constante du président de la République, auprès des chefs d'Etat du G7 et du G20, pour réduire des tensions commerciales qui affectent la croissance mondiale et qui ne font que des perdants.

Voilà les éléments que je tenais à partager avec vous en ouverture de ce débat d'orientation des finances publiques. Je passe maintenant la parole à Gérald Darmanin.


Je vous remercie.


+source https://www.economie.gouv.fr, le 15 juillet 2019