Déclaration de Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur l'accord de partenariat entre l'Union européenne, Euratom et l'Arménie, à l'Assemblée nationale le 8 juillet 2019.

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Circonstance : Discussion d'un projet de loi à l'Assemblée nationale

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat global et renforcé entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part (nos 1567, 1799).

- Présentation -

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes. Il vous est proposé d'examiner le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat global et renforcé entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part.

Des liens d'amitié profonds et anciens unissent notre pays à la République d'Arménie. L'examen de ce projet de loi intervient à un moment charnière pour l'avenir de l'Arménie, un an et demi après la « révolution de velours » du printemps 2018, qui a donné lieu à une transmission pacifique du pouvoir à Erevan. Avec la ratification de ce projet de loi, il s'agit de réaffirmer la solidité de ces liens et notre volonté de les approfondir encore.

Cet accord dit « global et renforcé » marque une avancée pour la coopération entre l'Arménie et l'Union européenne. Nous devons nous en réjouir, car cette avancée n'allait pas de soi. Cet accord a en effet été négocié à la suite du refus de l'Arménie de conclure un accord d'association avec l'Union européenne, du fait de sa décision souveraine de rejoindre l'Union économique eurasiatique. La nouvelle appartenance de l'Arménie à l'union douanière eurasiatique rendait en effet impossible la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne, un tel accord prévoyant toujours la création d'une zone de libre-échange.

C'est à notre initiative, plus précisément à la demande du Président de la République lors de son déplacement en Arménie du 11 au 13 mai 2014, que l'Union européenne est parvenue à sortir de cette impasse, en proposant à l'Arménie de conclure un accord revêtant une formule singulière, inspirée de l'accord conclu en 2015 avec le Kazakhstan, afin qu'elle puisse concilier ses orientations stratégiques avec sa volonté d'approfondir ses relations avec l'Union européenne. L'accord global et renforcé dont la ratification est aujourd'hui soumise à votre autorisation est le fruit de cette histoire.

Le texte qui nous intéresse aujourd'hui est donc moins ambitieux qu'un accord d'association classique, puisqu'il ne comprend pas de volet relatif au libre-échange. Il n'en est pas moins exhaustif et approfondi, « global et renforcé » ainsi que le précise à juste titre sa dénomination exacte. Avec sept titres, près de 400 articles, douze annexes, deux protocoles et une déclaration commune, l'accord prévoit une coopération à très grande échelle dans tous les domaines : politique et économique, mais aussi juridique, financier, commercial, social et culturel.

Comme souvent pour les accords conclus par l'Union européenne avec ses partenaires de l'Est, la pierre angulaire du présent texte est le soutien à la démocratie et à l'État de droit. Ces valeurs sont évidemment au coeur du projet européen. Il est donc normal qu'elles figurent en bonne place dans un accord de coopération.

Elles sont aussi au coeur des préoccupations des citoyens arméniens, qui ont montré avec énergie et dignité, lors de la révolution du printemps dernier, leur détermination à faire de ces principes une réalité concrète dans leur pays.

Ce texte ne prévoit pas d'accord de libre-échange, mais il modernise de façon considérable le cadre des relations entre l'Arménie et l'Union européenne, sur le plan économique et commercial – il ne l'avait pas été depuis 1996.

En facilitant les échanges et les investissements, en réaffirmant l'attachement aux principes du commerce international et de l'Organisation mondiale du commerce – OMC –, en assurant une meilleure protection de la propriété intellectuelle, en renforçant la transparence en matière d'accès et d'attribution des marchés publics, cet accord a pour ambition de développer une coopération économique étroite entre l'Arménie et l'Union européenne, au bénéfice de toutes les parties.

Mais les domaines couverts par l'accord vont au-delà des seuls aspects politiques et économiques – nous l'avons dit. Il prévoit ainsi le rapprochement des législations et l'accroissement de la coopération dans des domaines comme l'environnement, le climat, l'énergie, les transports, la culture, mais aussi la recherche et l'innovation. Je sais l'importance que vous attachez à l'ensemble de ces sujets. Ce texte fait écho à vos encouragements : nous avons été attentifs, tout au long des négociations, à ce que les dispositions de l'accord soient conformes aux intérêts de l'Arménie, de l'Union européenne et des États membres, dans le respect des législations nationale et européenne.

Pour la France, cela impliquait d'abord un niveau de vigilance élevé en matière de protection de nos indications géographiques, alors que les appellations « cognac » et « champagne » sont utilisées indûment en Arménie depuis le milieu du XIXe siècle – ce n'est pas une anecdote.

La solution trouvée dans l'accord est le fruit d'un important travail de pédagogie, pour sensibiliser nos partenaires arméniens à la démarche des marques et indications géographiques. L'accord organise très précisément les étapes qui conduiront à l'extinction définitive de l'utilisation indue de ces appellations en Arménie, et nous serons bien évidemment attentifs au respect de ces étapes et des échéances fixées.

M. Christian Hutin. Très bien !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Autre sujet auquel nous avons accordé une importance toute particulière : les dispositions relatives à la sûreté de la centrale nucléaire de Medzamor et à son amélioration. L'accord encadre la poursuite de l'exploitation du réacteur nucléaire et définit les moyens d'atteindre des niveaux élevés de sûreté et de sécurité nucléaires, dans l'attente de la fermeture définitive du réacteur, prévue par l'accord.

Permettez-moi de préciser enfin l'absence totale d'incidence de cet accord en matière de mobilité. Comme vous le savez, les processus de libéralisation des visas sont très spécifiques et relèvent d'une méthodologie propre, distincte de l'accord de coopération qui vous est présenté aujourd'hui.

En conclusion, l'enjeu de la ratification de l'accord est triple. Il s'agit d'abord de réaffirmer avec force notre soutien à la démocratie et au développement économique et social de l'Arménie, un an et demi après la révolution pacifique qui a mis en lumière les aspirations démocratiques du peuple arménien. Je sais que vous êtes nombreux, dans cette assemblée, à partager cette préoccupation, notamment grâce au dynamisme de votre groupe d'amitié, et à souhaiter témoigner de notre solidarité avec l'Arménie dans sa transition vers un État pleinement respectueux des valeurs européennes de l'État de droit, de la démocratie, de la liberté, de la lutte contre la corruption mais aussi de la prospérité et de la modernité économique et sociale.

M. Christian Hutin. Et ça progresse !

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Deuxièmement, cet accord permet de réaffirmer l'engagement de la France en faveur d'une politique européenne forte et ambitieuse dans son voisinage, notamment oriental. Nous ne devons pas oublier que si l'Union européenne connaît aujourd'hui la paix, ses environs immédiats demeurent en proie à des crises persistantes et déstabilisatrices, anciennes comme nouvelles. La France ne ménage pas ses efforts pour contribuer à la stabilité de l'est de l'Europe : dans le Caucase, la France demeure pleinement mobilisée pour la résolution du conflit du Haut-Karabagh, en tant que coprésidente du groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

En Ukraine, comme vous le savez aussi, nous travaillons activement, en particulier avec nos partenaires allemands, à une relance des négociations en format Normandie. Le 21e sommet UE-Ukraine aura lieu très prochainement, le 8 juillet, suivi d'une première réunion des sherpas diplomatiques le 12 juillet. On peut enfin citer une relance du groupe de contact trilatéral de Minsk, afin de faciliter le règlement de la crise dans le Donbass.

Concernant la Moldavie, qui traversait, il y a quelques semaines encore, une grave crise politique, j'ai été la première ministre étrangère à recevoir, en dehors de la Moldavie, le ministre des affaires étrangères, Nicolae Popescu. Le nouveau gouvernement auquel il appartient est désormais reconnu de tous comme légitime, à la suite de la transition pacifique avec le précédent.

Troisièmement, cet accord contribue également à la consolidation de nos relations bilatérales. Nos relations politiques avec l'Arménie sont excellentes. Nous devons maintenant travailler ensemble, avec nos partenaires arméniens, pour renforcer nos relations économiques.

En 2018, la France se situait déjà au troisième rang des fournisseurs européens du pays. L'accord global et renforcé constitue une opportunité pour nos entreprises de renforcer leur présence en Arménie et d'accompagner ce pays dans la transition économique, notamment numérique, que M. Pachinian appelle de ses voeux.

Telles sont, madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appelle l'accord de partenariat global et renforcé entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République d'Arménie, d'autre part, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation – et dont je ne doute pas qu'il recueillera de votre part un soutien large et entier. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)


source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 juillet 2019