Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
Et tout de suite tous les sujets santé et notamment ces parents de bébés nés sans bras qui interpellent la ministre de la Santé. Agnès BUZYN est l'invitée de la Matinale avec Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Soyez la bienvenue, Agnès BUZYN merci d'être avec nous.
AGNES BUZYN
Merci.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous traitez des sujets qui intéressent tous les Français. D'abord, la vague de froid qui traverse la France, Gabriel est peut-être parti mais il laisse des traces et des conséquences douloureuses, en particulier des centaines de personnes restent parait-il à la rue par manque de places d'hébergement. Est-ce que ça veut dire que le Plan hiver est déjà insuffisant ?
AGNES BUZYN
Nous savons qu'il faut sans arrêt augmenter le nombre de places, ça a été fait cette année, nous avons 150 000 places d'hébergement, c'est l'équivalent d'une ville comme le Havre, un peu plus même, et nous avons augmenté de 7 000 places pour le Plan grand froid cette année, le nombre de places disponibles par rapport à l'année dernière. Mais je crois qu'il faut toujours continuer à faire cet effort, il y a des besoins, notre priorité c'est qu'en fait les gens n'aient plus accès, enfin, n'aient plus besoin de ces hébergements d'urgence mais puissent avoir accès à un logement pérenne, c'est le Plan logement d'abord qui est aujourd'hui mené par Julien DENORMANDIE, le secrétaire d‘Etat, pardon, le ministre chargé du Logement, et Julien DENORMANDIE est en train de mettre tous ses efforts pour qu'en fait ces personnes aient accès à des logements pour la durée, par un hébergement d'urgence…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand vous dites pérenne, c'est-à-dire l'hiver, l'été, tout le temps, non, ou pendant les saisons.
AGNES BUZYN
Voilà, l'hiver, l'été, qu'ils aient un logement fixe à eux, c'est ça l'objectif su Gouvernement, ce n'est pas simplement de créer des places d'hébergement d'urgence, c'est de faire en sorte que ces personnes aient accès à un logement pour leur vie quotidienne, au quotidien.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais aujourd'hui on dit que le 115 est débordé, il y a des appels au secours de toutes les manières, et selon les…
AGNES BUZYN
Donc il y a une augmentation des capacités, mais ça ne suffit jamais.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les associations, à Toulouse il y a encore des exemples de villes, pas seulement Paris et la région parisienne, mais Toulouse, Lyon Nantes, et malgré le Samu social, au total il y a des deux, peut-être plus de 2 000 personnes qui dorment dans les rues et c'est anormal et malsain et injuste.
AGNES BUZYN
Le ministre était hier sur le terrain pour rencontrer les personnes sans abri. Il était dans un centre d'hébergement d'urgence, le gouvernement aujourd'hui met tout en oeuvre pour trouver des capacités supplémentaires pour que personne ne reste dans la rue et favoriser l'accès au 115, c'est souvent difficile, et je le dis, la priorité ce n'est pas seulement de créer des places d'hébergement d'urgence quand il fait froid…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais que ça dure.
AGNES BUZYN
Mais créer le logement d'abord, c'est-à-dire faire en sorte que chacun ait droit à un logement. Ça prendra un certain temps mais c'est ça notre objectif final.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La grippe, l'hiver on ne plaisante pas avec la grippe, j'ai appris avec une certaine surprise qu'elle a tué l'année dernière 14 000 personnes. Aujourd'hui on dit que cette année le virus ou les virus, il y en a deux, sont jugés dynamiques. Est-ce qu'on peut dire quand est le pic ou quels sont, ou quelles risquent d'être les conséquences ?
AGNES BUZYN
Alors, aujourd'hui la grippe a envahi tout le territoire métropolitain, donc toutes les régions sont aujourd'hui en phase épidémique, je ne sais pas si le pic est atteint, nous le verrons, parce qu'il faut attendre de savoir si le nombre de cas diminue, pour savoir si on a passé le pic épidémique. Mais aujourd'hui il y a une tension dans les hôpitaux, nous le savons, nous avons fait un effort particulier pour faciliter la vaccination antigrippale, vous savez on a ouvert la vaccination notamment dans les pharmacies…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est le dernier aujourd'hui, mais est-ce que le vaccin est efficace ?
AGNES BUZYN
Le vaccin est très efficace sur le virus qui circule actuellement. L'année dernière on avait vu qu'un deuxième virus avait circulé secondairement, nous le verrons, mais aujourd'hui le vaccin majoritaire couvre deux virus et donc normalement les gens devraient être couverts. Nous espérons en tous les cas qu'il y ait moins de morts que l'année dernière.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a beaucoup d'hospitalisations en ce moment.
AGNES BUZYN
Absolument, et nous faisons un effort particulier pour que les soignants se vaccinent, ça a été mon objectif cette année, parce ce que les soignants propagent le virus auprès des personnes âgées ou auprès des malades, et ça, ça n'est pas possible. Pour moi l'impératif c'est que les personnes qui sont proches des personnes âgées ou malades, soient vaccinées elles-mêmes pour faire barrière.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien. Vous dites « personnes âgées », il n'y a que les personnes âgées qui sont touchées ?
AGNES BUZYN
Non, les personnes qui doivent se vacciner sont les femmes enceintes, toutes les femmes enceintes doivent être vaccinées, les personnes obèses, diabétiques et les personnes âgées de plus de 65 ans.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et les jeunes ? Les jeunes, non, y échappent ?
AGNES BUZYN
Après, les jeunes c'est s'ils le souhaitent, et moi personnellement je ne suis pas jeune mais j'ai préféré me vacciner parce que quand on est ministre on ne s'arrête pas 8 jours de travail.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, et on dit que la grippe concerne cette année ou généralement 2 millions de Français, donc ce sont des chiffres énormes. Avec ces épidémies saisonnières, madame BUZYN, les urgences sont parait-il encore plus saturées et les urgentistes débordés. Et on aboutit quelques fois à des drames, celui de Mantes-la-Jolie, on vous l'a dit, on a retrouvé un homme de 62 ans mort sur le parvis de l'hôpital François Quesnay. La justice s'en est saisie. Vous, qu'est-ce que vous avez fait, qu'est-ce que vous demandez ? Est-ce que vous n'êtes pas surprise que l'on meurt devant un hôpital, que l'on meurt dans la rue ?
AGNES BUZYN
Alors, il y a toujours une enquête interne dans les hôpitaux quand il y a un décès, puisque normalement ces événements, ces cas dramatiques sont signalés à l'Agence régionale de santé et font l'objet d'une enquête interne. Donc ça s'est toujours fait, et puis par ailleurs il y a une enquête de justice. C'était quelqu'un qui avait un trouble lié à l'alcool et donc il faut savoir pourquoi il a quitté les urgences, pourquoi il n'y a pas eu surveillance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il a fugué.
AGNES BUZYN
Il a fugué, l'enquête est en cours, et moi j'attends mon enquête interne évidemment.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Enquête enquête. Une nouvelle affaire de bébés sans bras, dont parlaient tout à l'heure Romain et Clélie. Trois petites filles nées autour de Vitrolles dans les Bouches-du-Rhône, et vous avez déclenché une enquête il y a quelque temps, qui va donner ses résultats par-il au mois de juin, des enquêtes sur ce qui s'est passé dans l'Ain, le Morbihan, et si je m'en rappelle bien la Loire-Atlantique. Et les familles vous écrivent aujourd'hui pour vous dire à la fois leur colère, leur détermination, leur impatience. Qu'est-ce que vous faites de plus ?
AGNES BUZYN
D'abord il faut qu'elles sachent que j'ai évidemment la même impatience et la même détermination à comprendre ce qui s'est passé. Moi je comprends les familles, on a un enfant qui naît avec une malformation qui va durer évidemment toute sa vie, qui va qui créer un handicap, et je comprends que les familles souhaitent savoir. Donc ce à quoi je me suis engagée, c'est qu'il y ait d'abord un rapport sur la méthode, qui va m'être remis demain, en tous les cas au ministère, puisqu'il a fallu relancer une nouvelle enquête, je rappelle qu'il y avait déjà eu…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est trop long, c'est trop long.
AGNES BUZYN
Bien sûr que c'est trop long, mais il faut de la rigueur.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Disent-ils.
AGNES BUZYN
Non, bien sûr, mais il y a eu une première enquête il y a quelques années qui n'avait abouti à aucune compréhension de ce qui s'était passé. J'ai relancé une enquête plus large, avec une autre agence sanitaire, j'ai mêlé l'Agence de l'environnement et l'agence…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Indépendantes, je suppose.
AGNES BUZYN
Elles sont indépendantes. Les experts se sont mis d'accord sur le questionnaire, et c'est ça qui va m'être remis demain, et vont voir toutes les familles, et je m'engage à ce que toutes les familles soient vues et que cette enquête ait lieu en toute transparence.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous dites ce matin que vous essayez d'accélérer l'enquête, elle est faite dans des conditions indépendantes, et que vous allez recevoir les familles ou pas ?
AGNES BUZYN
Je ne peux recevoir les familles si elles le souhaitent, ça sera évidemment un moment d'échange important, mais je n'aurais rien d'autre à leur dire, à ce moment-là, que j'ai mis toute ma détermination à comprendre ce qui s'est passé. C'est pour ça que nous avons relancé l'enquête avec le ministre de l'Environnement et de l'Agriculture.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, est-ce que toute la vérité sera dite le moment venu…
AGNES BUZYN
Mais évidemment.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sur les causes, l'identification, est-ce que ce sont les médicaments, est-ce que c'est l'environnement ?
AGNES BUZYN
Monsieur ELKABBACH, quel intérêt, quel intérêt aurait un gouvernement à ne pas être transparent sur des causes qui en plus pour beaucoup de familles sont survenues il y a plusieurs années, voire il y a des dizaines d'années, donc nous allons être transparents, nous avons besoin de comprendre si nous voulons agir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Madame BUZYN, c'est à eux qu'il faut le dire, aux familles…
AGNES BUZYN
Bien sûr, je vals le leur dire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous le leur direz et c'est ce que l'on note ici ce matin. Peut-être une bonne nouvelle, j'ai envie de dire enfin, la prime d'activité de 100 € est en principe payée le 5 de chaque mois, cette fois-ci, est-ce qu'elle sera versée vraiment le 5 février, c'est-à-dire à temps ?
AGNES BUZYN
Oui, elle sera versée le 5 février, la prime d'activité que nous avons donc élargie et augmentée à la suite de la crise des Gilets jaunes, ça a été les annonces faites en décembre, nous avons voté une loi en décembre pour augmenter le nombre de bénéficiaires, nous attendons à peu près 1,2 million de foyers bénéficiaires en plus, et nous avons augmenté le plafond de cette prime. Aujourd'hui 660 000 personnes ont demandé la prime en janvier, 616 000 dossiers sont déjà traités et recevront la prime le 5 février, et donc normalement j'espère les 660, si nous arrivons à traiter la totalité des dossiers d'ici le 5 février, les Caisses d'allocations familiales et les agents font un travail extraordinaire, et de toute façon il n'est pas trop tard. Toutes les personnes qui peuvent en bénéficier…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que ça continue.
AGNES BUZYN
Bien sûr ça continue. Si aujourd'hui les gens veulent aller sur le simulateur, nous avons eu déjà 7 millions de simulations faites en ligne, aujourd'hui n'importe quelle famille peut aller sur le simulateur, et si elle a le droit à la prime, elle peut encore la demander en février et à ce moment-là elle la touchera le 5 mars. Donc c'est tous les 5 du mois…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
5 février, 5 mars, 5 avril, etc. etc.
AGNES BUZYN
Et on peut le faire tout au long de l'année, dès qu'on y pense.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les citoyens qui ont participé à l'émission de Cyril HANOUNA l'autre soir, avec Marlène SCHIAPPA votre collègue, ont réclamé la suppression de la TVA pour les produits de première nécessité, qui d'ailleurs sont en train d'augmenter de 10 % pour le Nutella, de 6 % d'autres…
AGNES BUZYN
Le Nutella n'est pas un produit de première nécessité, en tant que ministre de la Santé je préférerais même que…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est bien que vous le disiez, très bien que vous le disiez, il vaut mieux ne pas trop en consommer. Mais est-ce que vous soutenez cette mesure qui a immergé du dialogue avec les Français ?
AGNES BUZYN
Moi je la trouve intéressante, ça fait partie des mesures qui vont émerger certainement du grand débat, donc ça va être traités et traité sérieusement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous la soutenez ?
AGNES BUZYN
Oui, je trouve ça intéressant, ça existe dans d'autres pays et je pense qu'il y a effectivement des besoins indispensables pour des foyers, il faut favoriser l'accès à ces produits pour les foyers défavorisés. Je suis favorable, personnellement, à réduire la TVA en tous les cas pour certains produits, et je crois que le ministre en charge des Comptes publics est en train d'instruire ce dossier.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien. S'il reste dans le gouvernement. Vous n'avez pas d'indications si DARMANIN reste ou il s'en va, Gérald.
AGNES BUZYN
Non, je ne sais pas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il le dira bientôt, peut-être ici. Deux mesures, grâce aux 80 km, moins de morts et de blessés sur les routes. Est-ce que l'expérience est suffisamment réussie selon vous pour maintenir les 80 km ?
AGNES BUZYN
Alors aujourd'hui, on a vraiment des signaux très favorables, l'engagement qui avait été pris c'est que on ferait un bilan à 2 ans, donc on va faire des bilans régulièrement sur cette mesure. Le président de la République a ouvert la porte à une adaptation sur certaines routes, aménagements possibles.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aménagements, donc…
AGNES BUZYN
Après, si réellement ces chiffres sont confirmés sur la durée, je ne sais pas qui prendra la responsabilité de revenir à 90 km/h.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais parce que, quand on dit, on adapte ou on aménage, on dit ce sont les présidents des départements qui en seraient responsables, on voit très bien qu'ils seraient aussi coupables s'il y avait des morts, c'est est vachement sympa pour eux, non, si vous me permettez ?
AGNES BUZYN
Vous savez, ce n'est pas une culpabilité juridique, mais on est tous, tous des élus, et les ministres sont concernés par l'intérêt général. L'intérêt général c'est quand même de réduire le nombre de blessés graves et le nombre de morts sur les routes chaque année. Après moi je peux comprendre l'exaspération de certaines personnes qui vivent dans des milieux très ruraux où des routes sont pour eux très sûres parce qu'elles sont droites etc., je le comprends, travaillons tous ensemble à l'intérêt général, moins de morts et moins de blessés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui la ville de Sète organise avec le journal Le Monde un forum santé/sport. Depuis 3 ans le sport sur ordonnance est reconnu et certains attendent de votre pas un beau geste, un beau geste c'est toujours un financement.
AGNES BUZYN
Alors d'abord, en réalité ce qui est très utile pour les maladies c'est l'activité physique quelle qu'elle soit. Ce n'est pas forcément de faire une activité sportive, marcher, faire son ménage…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, ça vous coûte rien. Oui oui, c'est ça.
AGNES BUZYN
Non non, je ne dis pas que ça ne coûte rien, je ne dis pas que je cherche à dépenser moins, ce que je veux dire c'est qu'il faut que les gens comprennent que ce qui compte c'est de bouger, bouger quelle que soit la façon dont on bouge, marcher vite, faire du vélo, tout ça est très bon pour la santé.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes contre le syndrome du canapé.
AGNES BUZYN
Après nous travaillons réellement, il y a des pathologies, des maladies pour lesquelles il est prouvé que l'exercice physique, l'activité physique est réellement très bénéfique, elle peut même éviter parfois de prendre des médicaments. Et aujourd'hui nous travaillons à favoriser, y compris financièrement, l'accès à l'activité physique pour ces malades-là, pour éviter justement qu'ils ne prennent des médicaments.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Une question politique. Laurent WAUQUIEZ vient de désigner tête de liste LR pour les élections européennes, François-Xavier BELLAMY, qui est critiqué de toutes parts, et même dans son camp, soit pour des propos qu'il a tenus, et pour des gestes, des décisions, en particulier sur le mariage pour tous et sur l'IVG. Est-ce que vous avez un jugement, une appréciation, ou vous dites ça lui passera ?
AGNES BUZYN
Non, ça ne peut pas lui passer, ce sont ses convictions, et moi je ne comprends pas qu'on puisse être, se présenter comme tête de liste aux européennes, et dire : attention, ne tenez pas compte de mes convictions. Evidemment ses convictions, j'ose espérer pour lui qu'elles ne sont pas que personnelles et qu'il les porte et qu'il n'est qu'un seul homme. Donc c'est un message politique qui est envoyé, vis-à-vis d'un électorat que l'on choisit, qui à mon avis cherche à recruter des gens très conservateurs. Moi j'ai repris des propos de monsieur BELLAMY sur les préservatifs, il était contre une campagne de santé publique en faveur des préservatifs pour éviter le Sida ! Donc c'est vraiment d'un archaïsme, excusez-moi, qui date d'un autre siècle. Donc c'est un message politique, on ne peut pas dire : attention, voilà mon image publique et mes convictions sont celles-là…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il dit : « Je souhaite relever un peu le niveau du débat de la vie politique, il faut mettre de l'intelligence dans la vie politique », et il ajoute « je ne compte pas m'excuser d'être ce que je suis », vous lui dites…
AGNES BUZYN
Donc il fait un message politique…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
… « vous devriez changer ».
AGNES BUZYN
Non, je ne lui demande pas de changer ses idées personnelles, mais on ne peut pas dire « c'est personnel et ça ne concerne pas mon mandat politique ». Il a un mandat politique, ce sont ses idées, ce sont celles-là qu'il défend et il faut le savoir, ce sont des idées contre l'avortement, il veut y revenir, des idées même contre la contraception, il a évoqué le fait que des pharmaciens pourraient avoir une clause de conscience pour ne pas donner de contraceptifs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça vous blesse, ça vous choque, pas seulement politiquement.
AGNES BUZYN
Vous savez, plus on est radical en général, plus on s'attaque aux droits des femmes. Clairement le droit des femmes est remis en cause, et quand en plus on fait des propos contre une campagne de santé publique en faveur du préservatif dans notre pays, je crois que là, on dépasse les bornes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, ça c'est un réquisitoire, mais je dois préciser qu'il ne remet pas en cause la loi Veil.
AGNES BUZYN
Pas encore peut être, ou pas publiquement, en tous les cas je trouve que ces thèses-là se rapprochent de celles de Marion MARECHAL-LE PEN, je pense qu'il n'y a quasiment plus de barrières aujourd'hui entre cette partie-là des Républicains et le Front national, et je pense que bientôt ils n'auront de Républicains que le nom.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, vous avez le goût de la politique. S'il y avait des élections anticipées, vous vous présenteriez à des élections ?
AGNES BUZYN
Je pense qu'à un moment, quand on fait de la politique, il faut être élu, c'est une façon d'être légitime.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est une manière de dire « peut-être oui », mais ça ne veut pas dire qu'il y aura des élections anticipées, il faut attendre la fin du débat.
AGNES BUZYN
Non non, mais je pense que quand on veut faire de la politique, à un moment il faut se présenter devant des électeurs et si j'en ai l'occasion, je le ferai.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est intéressant de vous avoir, il y a tellement de sujets pour le modèle social de protection des Français. Le 13 février, le Conseil des ministres va donner le top départ de votre loi santé, il s'agit de remplacer le paiement des actes de santé chez les médecins et les hôpitaux. Comme dirait votre collègue Muriel PENICAUD « apparemment ça ressemble à un big-bang ».
AGNES BUZYN
Oui, c'est un big-bang. On passe à l'action. J'avais dit que mon objectif c'était de transformer le système de santé pour redonner du souffle aux hôpitaux, faire en sorte que la médecine de ville fonctionne mieux en proximité, donc c'est une loi en l'occurrence qui va favoriser l'accès aux soins partout en France, qui va redonner des investissements aux petits hôpitaux de proximité qui aujourd'hui souffrent en fait d'un manque d'attractivité et qui va redonner de l'argent aux hôpitaux publics puisque notamment dans le budget, nous avons voté plus de 400 millions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je croyais que vous vouliez surtout en finir au début avec cette course qui est absurde et coûteuse à l'activité, c'est-à-dire faire du chiffre avec quelques fois des soins inutiles pour être dans la règle et toucher ce que doit donner l'Etat.
AGNES BUZYN
Je veux redonner du sens à l'action des soignants. Aujourd'hui les soignants courent après une activité, quelle qu'elle soit, pour faire rentrer de l'argent à l'hôpital, ça n'est pas pour cela qu'un soignant s'engage auprès d'un malade, il veut du temps pour lui parler, il veut de la qualité et donc aujourd'hui nous allons changer le mode de tarification des hôpitaux, et des cliniques d'ailleurs, de tout le système de santé, pour favoriser d'autres pratiques, plus proches de ce que souhaitent les soignants en termes de qualité des soins, et éviter cette course à l'activité qui est…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça ce n'est pas tout de suite.
AGNES BUZYN
Il y a déjà dans la loi de santé, quelques expérimentations sur le diabète par exemple, mais nous allons les étendre progressivement, un rapport m'a été remis, nous allons constater…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jusqu'à la fin du quinquennat.
AGNES BUZYN
Oui, un rapport m'a été remis, en mars il y aura des décisions, dans deux mois. Là nous avons une phase de concertation avec les professionnels et les hôpitaux, dans deux mois nous passerons à la mise en oeuvre pratique de ce changement de tarification.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
2018 presque un milliard de déficit des hôpitaux publics, 2019 les prévisions c'est la même chose ?
AGNES BUZYN
Je ne peux pas vous le dire pour l'instant mais nous allons changer le mode de tarification, donc nous verrons.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Augmenter les moyens de l'hôpital public, c'est peut-être aussi un moyen d'éviter une rébellion des blouses blanches, il y en a assez avec les Gilets jaunes, les blouses blanches…
AGNES BUZYN
Ce n'est pas pour ça que… Ce n'est pas pour la rébellion…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pour l'éviter.
AGNES BUZYN
Monsieur ELKABBACH, j'ai passé 20 ans de ma vie dans l'hôpital public, ça a été ma vie professionnelle, en tant que médecin, je sais que vivent les soignants, je me suis moi-même rebellée contre la façon dont on était traité, et donc en tant que ministre aujourd'hui je sais exactement ce qu'il faut faire pour redonner du souffle et de l'espoir à nos soignants dans les hôpitaux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parmi les inégalités on dit le manque de médecins sur tout le territoire et on dit c'est la faute aussi, si on manque de médecins, au numerus clausus. On va s'en débarrasser un jour ?
AGNES BUZYN
C'est dans la loi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il disparaîtra ?
AGNES BUZYN
Oui, c'est dans la loi que je présenterai au mois de mars.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous participez au grand débat vous ?
AGNES BUZYN
Oui, je vais participer notamment ce week-end normalement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je vous remercie d'être venue.
AGNES BUZYN
Merci.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a beaucoup de choses à dire. Est-ce que vous savez comment on gomme cette défiance dangereuse des Français à l'égard de la démocratie, des institutions et de ceux qui les incarnent tous ?
AGNES BUZYN
Ce Grand débat est une chance inouïe pour notre pays.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A condition que les bonnes décisions soient prises.
AGNES BUZYN
Mais il y a déjà un engouement de débattre, de dialoguer, de s'entendre, d'écouter, de se parler, c'est déjà un premier point extraordinaire, ce qui montre l'envie de politique et de démocratie dans notre pays, nous allons tenir compte de ce qui remontera du Grand débat et nous prendrons les décisions après, par la suite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais s'il est déjà un changement de style, de méthode, et vous avez annoncé que vous recevrez vous-même les parents s'ils le veulent, qui sont concernés par les bébés sans bras…
AGNES BUZYN
Bien sûr.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venue.
AGNES BUZYN
Merci.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et je vous souhaite une bonne journée. Moi je voudrais ajouter une précision. Hier mon entretien exclusif avec le chancelier d'Autriche Sebastian KURZ, qui a 33 ans, réalisé à Vienne, a été brutalement interrompu, pour des raisons techniques, évidemment je le regrette profondément, vous pouvez retrouver cet entretien qui aide à comprendre l'état aujourd'hui de l'Autriche contemporaine dans l'Europe et c'est important au moment où les élections européennes vont se dérouler avec une campagne sans doute passionnée, vous le retrouvez sur le site Cnews.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 février 2019