Déclaration de Mme Christelle Dubos, secrétaire d'Etat à la santé, sur l'accès aux droits sociaux et la lutte contre la pauvreté, Paris le 5 février 2019.

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Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat sur l'accès aux droits sociaux.

La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie de débattre aujourd'hui de l'accès aux droits sociaux et j'ai bien entendu vos remarques.

Certains d'entre vous connaissent peut-être mon histoire personnelle, mon passé professionnel dans le secteur social, où j'ai oeuvré vingt ans en faveur de l'insertion des plus exclus.

C'est forte de ce passé, et de la mission que j'assure désormais au ministère des solidarités et de la santé, que je voudrais vous dire, en quelques mots, à quel point cette notion d'accès aux droits est structurante. Elle l'est pour la pensée en matière sociale et pour sa mise en oeuvre sur le terrain.

Elle est un angle majeur de l'action publique en matière de lutte contre la pauvreté.

Suite à la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, on pourrait même dire qu'elle en est devenue la pierre angulaire.

L'article 1er de cette loi disposait en effet que la loi tendait à « garantir sur l'ensemble du territoire l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, et la protection de la famille et de l'enfance ».

Il y avait là une inflexion importante, voire plusieurs. Tout d'abord était exprimée l'idée que la lutte contre la pauvreté n'avait rien d'optionnel : c'était un devoir, celui de répondre à des droits. Ensuite, l'accès à ces droits devait être effectif, réel, et non théorique comme il l'est trop souvent. Enfin, la lutte contre la pauvreté convoque obligatoirement un ensemble de politiques sectorielles complémentaires : c'était le début des approches interministérielles.

Ces inflexions ont été confirmées par les lois suivantes, notamment celle de 2008 créant le RSA. Les idées, lorsqu'elles ont suffisamment de force, peuvent guider une très profonde évolution des pratiques. Celle d'une société inclusive a ainsi réorienté durablement notre vision et notre approche du handicap.

Je crois que celle de transformer la lutte contre la pauvreté en politique d'accès effectif aux droits fondamentaux était de cette nature, de cette puissance.

C'est désormais une ligne-force, un impératif constant de notre action, particulièrement au sein du ministère des solidarités et de la santé.

Vous avez choisi d'axer votre débat autour de l'accès aux droits sociaux. Ces derniers sont de plusieurs ordres, et ma typologie ne sera pas exhaustive : les droits sociaux de nature monétaire – je pense aux prestations de sécurité sociale de nature universelle ou distribuées sous conditions de ressources, aux minima sociaux comme le revenu de solidarité active ou l'allocation pour les adultes handicapés, aux aides au logement ou à la prime d'activité –, les droits et services essentiels, qui ne sont pas forcément de nature monétaire – le droit à la santé ou à une couverture maladie universelle.

Pour assurer l'accès aux droits, les défis ne sont évidemment pas les mêmes selon la nature des dispositifs, et les solutions non plus.

La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée par le Président de la République en septembre dernier, a posé à plat, clairement, les nombreux freins à l'accès aux droits. Elle a aussi permis de rassembler les idées, les solutions, et d'en dresser une feuille de route, que je voudrais vous exposer brièvement.

Bien entendu, l'accès aux droits fait immédiatement penser à son contraire : le non-recours aux droits. Ce non-recours, difficile à appréhender, diffère selon les prestations.

Il étonne encore, tant les idées reçues sur notre système social renvoient davantage au spectre exagéré de la fraude qu'à la réalité bien ancrée du renoncement aux droits.

Mme Amélie de Montchalin. Tout à fait.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Et pourtant…

Ce renoncement aux droits procède de diverses origines, mais il en est une que nous connaissons particulièrement bien : la complexité de notre système de prestations monétaires. Nombre de travaux l'ont démontré, dont l'excellent rapport de 2018 de la députée Christine Cloarec et de Julien Damon relatif aux conditions à remplir pour établir une juste prestation. Il a rappelé que la complexité de notre système de prestations sociales n'était pas en soi illégitime : historiquement et par définition, elle est d'abord liée à la nécessité d'adapter le montant des aides à la diversité des besoins et des situations.

Mais cette complexité est parfois superflue et surtout, elle peut être dangereuse.

Elle crée des trappes à pauvreté en n'incitant pas à reprendre une activité. Les allocataires ne sont en effet pas toujours en mesure de savoir si la reprise d'un emploi améliorerait réellement leur situation financière. Elle mine l'adhésion à notre modèle de solidarité en laissant penser qu'il est aisé de cumuler de multiples revenus sans travailler.

M. Sébastien Jumel. C'est terrible d'entendre cela ! Pourtant, il suffit de traverser la rue !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Et les efforts de pédagogie engagés depuis de nombreuses années pour expliquer les difficultés, bien réelles, rencontrées par les ménages ne parviennent pas à gommer cette vision faussée.

Cette complexité représente un coût certain pour nos finances publiques…

M. Sébastien Jumel. Un pognon de dingue !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. … puisqu'elle est à l'origine de nombreuses difficultés de gestion et de surcoûts conséquents.

M. Sébastien Jumel. Pognon de dingue ! L'humiliation de classe est permanente !

Mme Caroline Fiat. Et l'évasion fiscale ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Enfin, et surtout, elle explique le non-recours important à certaines prestations. Ces constats sont connus. Ils sont désormais largement partagés.

Je voudrais maintenant vous parler de solutions.

Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, nous avons engagé un vaste chantier de la modernisation de la délivrance des prestations sociales, poursuivant ainsi plusieurs objectifs extrêmement concrets. Tout d'abord, calculer les prestations à partir des ressources les plus récentes des personnes. Ensuite, favoriser les échanges d'informations entre les organismes de la sphère sociale et de la sphère fiscale, pour alléger au maximum les déclarations des bénéficiaires.

Mme Amélie de Montchalin. Très bien !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Enfin, nous ne demanderons à terme qu'une seule déclaration pour un maximum de prestations, en cohérence avec l'objectif du « Dites-le nous une fois ».

Ce chantier, très ambitieux sur le plan des systèmes et des flux d'informations, nous le mènerons à terme avant la fin de 2020.

Il s'articulera avec plusieurs autres dispositifs complémentaires, car aucun moyen ne doit être négligé et tous les besoins doivent être pris en compte, y compris ceux – sans doute prioritaires – de nos concitoyens qui ne souhaitent ou ne peuvent effectuer toutes leurs démarches en ligne. C'est tout le sens des recommandations du dernier rapport du Défenseur des droits.

Le numérique n'est pas la solution à tout. C'est pourquoi nous déployons, dans le cadre de la stratégie pauvreté, des dispositifs qui ont fonctionné et ont fait leurs preuves. Je pense en particulier aux « rendez-vous des droits » des caisses d'allocations familiales. Ce sont des rendez-vous individuels, pendant lesquels les personnels des CAF prennent le temps de faire le tour des droits des foyers.

Nous n'allons pas nous arrêter là sur le chemin qui nous permettra d'aller encore plus loin dans la simplification et l'accès aux droits.

Le Président de la République a annoncé la création du revenu universel d'activité sous conditions de ressources, fusionnant le plus grand nombre possible de prestations, par une loi qui sera votée en 2020.

Cette réforme doit permettre de mieux répondre à cinq impératifs : l'impératif de dignité, pour permettre à ceux qui n'ont pas ou peu de revenus professionnels d'être adéquatement protégés ; l'impératif d'équité, pour garantir l'égalité de traitement aux personnes se trouvant dans des situations équivalentes ; enfin, l'impératif de responsabilité, autour d'un contrat d'engagement réciproque rénové entre l'État et les bénéficiaires, pour que chacun soit accompagné vers l'activité ; l'impératif de transparence pour permettre aux allocataires de prévoir l'évolution de leurs revenus et les inciter à reprendre une activité ; enfin – et cela rejoint évidemment l'objet de votre débat –, l'impératif de simplicité d'accès pour lutter contre le non-recours aux droits.

Je porterai politiquement ce chantier majeur, ainsi que son corollaire nécessaire : la refonte de nos politiques d'accompagnement et d'insertion à travers la constitution d'un véritable service public de l'insertion.

Car la prestation ne va pas sans l'accompagnement vers l'emploi et l'activité. C'est pourquoi nous réformerons parallèlement l'insertion, car notre système n'est pas satisfaisant. Nous allons raccourcir les délais d'orientation, simplifier et densifier les parcours d'accompagnement, qui sont trop souvent des parcours du combattant. Nous suivrons en cela nombre de recommandations du rapport très riche et complet de Claire Pitollat, que je suis heureuse de saluer, et de Mathieu Klein.

Permettez-moi de vous dire un mot de la façon dont je vais conduire ce chantier important de la création du revenu universel d'activité. Elle va demander un effort très intense de définition technique et de concertation, tout au long de l'année 2019.

Concrètement, Fabrice Lenglart a été nommé rapporteur général et pilotera les travaux techniques. Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, conduira une concertation institutionnelle et citoyenne très large, pour le ministère de la santé et des solidarités, avec toutes les parties prenantes concernées, à partir d'avril 2019. Les personnes concernées et les associations de lutte contre la précarité et l'exclusion seront évidemment associées.

Mesdames et messieurs les députés qui participez au débat d'aujourd'hui, je ne peux que vous lancer un appel : j'invite toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à participer à la concertation à venir et me tiens personnellement à leur disposition.

Bien d'autres sujets pourront être abordés, comme par exemple les axes de la stratégie pauvreté portant sur l'accès à la santé, donc l'accès à une complémentaire santé. Vous le savez, nous simplifions en effet l'accès à la couverture complémentaire dès 2019 ; et nous créerons le 1er novembre 2019 la CMU-C étendue contributive, pour lisser les effets de seuils et améliorer le recours aux droits. Nous aurons toutefois, je pense, l'occasion d'aborder divers autres points au cours du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes. La parole est à Mme Christine Cloarec.

Mme Christine Cloarec. J'associe à ma question mes collègues Aurore Bergé et Thomas Mesnier. La lutte contre le non-recours aux droits sociaux est une question de justice sociale et de justesse des droits.

Justice sociale, car il s'agit bien d'accès aux droits. Il ne suffit pas de le proclamer, il faut en organiser l'accès et l'accessibilité.

Justesse des droits, car il s'agit de servir les droits, tous les droits, rien que les droits.

Depuis la loi d'orientation contre les exclusions de 1998, l'accès aux droits est devenu une priorité de la lutte contre la pauvreté. La lutte contre les non-recours figure, quant à elle, parmi les objectifs assignés à la protection sociale.

Des travaux pilotes sur le non-recours ont été publiés dès les années 1990 par la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF. La création d'un Observatoire des non-recours aux droits et services, l'ODENORE, fondé par Philippe Warin, fait référence.

Le rapport de 2016 de Mme la députée Gisèle Biémouret et de M. le député Jean-Louis Costes, comme celui que nous avons remis, Julien Damon et moi, en septembre dernier au Premier ministre, montrent que seules des initiatives locales tentent aujourd'hui d'apporter des réponses concrètes dans la lutte contre le non-recours…

M. Régis Juanico. Hélas !

Mme Christine Cloarec. …et que ce phénomène reste peu évalué par les organismes gestionnaires et responsables de l'accompagnement, donc peu quantifiable.

De nombreux travaux ont traité des causes du non-recours, mais peu d'évaluations sont menées et peu de solutions ont été mises en oeuvre. Les causes du non-recours sont multiples : non-connaissance, non-réception ou non-demande.

Pour lutter contre ce phénomène, deux chantiers s'imposent : la réforme des prestations, d'une part, afin de rendre les dispositifs plus simples, plus réactifs et plus contemporains ; la réforme de l'accompagnement, d'autre part.

Comme les députés Gisèle Biémouret et Jean-Louis Costes, nous avons fait plusieurs propositions, dont quelques-unes sont communes aux deux rapports : définir une méthodologie commune de mesure du non-recours et de ses possibles conséquences budgétaires ; associer des personnes concernées à l'élaboration des formulaires de demandes de prestations ; informer, dès le collège, sur les droits sociaux et la protection sociale ; intégrer dans la formation des travailleurs sociaux les modules d'enseignement sur l'accès au droit ; réviser la gouvernance et l'application des principes d'un guichet unique, d'un référent unique et d'un dossier social unique ; enfin, mettre en place une convention d'objectifs et de gestion interbranches sur l'accès aux droits.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous indiquer les solutions concrètes que vous envisagez de mettre en oeuvre en réponse à ces préconisations visant à accroître et à améliorer l'accès aux droits ? Qu'en est-il de la généralisation des initiatives locales qui ont fait leurs preuves ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Vous avez conduit, avec Julien Damon, des travaux sur la juste prestation. J'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, et je tiens à le réaffirmer ici : vos travaux ont beaucoup nourri nos réflexions, et je vous renouvelle nos remerciements.

Concrètement, ces travaux nous ont permis de définir un chemin de modernisation. Le Gouvernement a ainsi repris à son compte un grand nombre de vos recommandations. J'en citerai simplement quelques-unes, que nous nous attachons actuellement à mettre en oeuvre, et d'autres déjà appliquées.

S'agissant du système de prestations monétaires, je citerai l'harmonisation progressive des périodes prises en compte pour déterminer l'éligibilité aux prestations, de manière à envisager une plus grande automaticité de l'ouverture de droits ; le soutien au développement du Portail national des droits sociaux – PNDS – ; la simplification, enfin, des procédures d'accès aux prestations.

Grâce au renforcement des échanges d'informations entre organismes de la sphère sociale et de la sphère fiscale, les allocataires n'auront plus à formuler, d'ici la fin de 2020, qu'une seule demande initiale, au moyen d'une déclaration unique préremplie, pour bénéficier du maximum des prestations auxquelles ils sont éligibles.

S'agissant de la réforme nécessaire de l'accompagnement, de nombreuses pistes ont été reprises dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté et sont en cours de déploiement.

Ainsi, l'idée de réaliser un bilan général de toutes les expériences et expérimentations autour des référents uniques et des référents de parcours : ce bilan a donné lieu à la production d'un référentiel partagé entre les départements et l'État, qui fixe de grands objectifs pour la généralisation de ces expérimentations.

Autre piste, la mobilisation de fonds nationaux destinés à soutenir les actions d'insertion conduites par les départements. L'État s'engage actuellement aux côtés de chacun d'eux par des contrats spécifiques. Au total, 135 millions d'euros seront consacrés cette année à la contractualisation, et 200 millions à l'horizon 2022.

Nous faisons également en sorte de réduire à moins d'un mois le décalage entre le premier versement du RSA et le premier entretien visant à organiser cet accompagnement. Cela fait partie des objectifs auxquels sera adossée la contractualisation avec les départements.

Je suis par ailleurs à votre disposition, madame Biémouret, pour échanger aussi sur votre rapport.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire Pitollat.

Mme Claire Pitollat. La France est une république sociale. Ce principe constitutionnel incarne le modèle social français, au coeur duquel se trouve la solidarité de tous les Français. Ce modèle social unique cimente notre nation. Beaucoup nous l'envient, et il faut rappeler sa valeur et sa force au moment où certains sont si prompts à fustiger les dépenses sociales de notre pays.

Malheureusement, depuis une vingtaine d'années, on constate que l'accès aux droits sociaux n'est plus universel. C'est le développement du non-recours : un droit, une aide instituée par les pouvoirs publics et financée par l'État et les collectivités territoriales, mais qui n'est pas perçue par son ayant-droit.

Ce phénomène est désormais bien identifié. Complexité des procédures, barrières numériques et linguistiques, lenteur et manque de pertinence de l'accompagnement proposé entraînent un non-recours massif aux droits sociaux. Je voudrais insister ici sur les 40 % de bénéficiaires du RSA qui n'ont aucun accompagnement six mois après le premier versement.

Le non-recours ne concerne donc pas uniquement la prestation, mais aussi l'accompagnement. On ne peut espérer lutter contre la pauvreté et réduire les effets des accidents de la vie – ce pour quoi le RSA a été pensé – sans un accompagnement individualisé, intense et précoce. Il faut donc un accompagnement humain à toutes les étapes, y compris après le retour à l'emploi.

Le non-recours n'est pas une fatalité. La montée en puissance de la nouvelle prime d'activité l'a montré, il est efficacement réduit par la simplicité des procédures et l'information des bénéficiaires.

Les lieux d'accueil doivent donc être multipliés, les travailleurs sociaux mieux formés, et les différents acteurs – CAF, Pôle emploi, centres communaux d'action sociale, départements, associations – doivent nouer un dialogue permanent.

Nous devrons en tenir compte pour faire réussir le futur revenu universel d'activité prévu par la stratégie de lutte contre la pauvreté. Madame la secrétaire d'État, comment le Gouvernement compte-t-il assurer un accompagnement effectif quelle que soit la porte poussée par l'ayant-droit ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Je tiens tout d'abord à vous remercier pour les travaux que nous avez conduits avec Mathieu Klein sur l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Vos réflexions ont activement nourri le chantier que nous avons engagé au titre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Vous savez qu'elle traduit l'engagement du Président de la République de mener une politique déterminée de sortie de la pauvreté par le travail ou l'activité. C'est une politique qui renforce les engagements des personnes concernées, comme ceux des pouvoirs publics, avec un objectif clair : aucun accompagnement social sans perspective d'accès à l'emploi ou à l'activité.

Comment se satisfaire, en effet, de ce que 40 % des bénéficiaires du RSA ne soient pas orientés six mois après le premier versement de cette aide ? Tel est le sens de l'engagement porté par la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté : rompre avec le processus d'assignation qui empêche les bénéficiaires du RSA d'améliorer rapidement leur situation.

Les départements sont les acteurs majeurs de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Pour cette raison, la stratégie que nous portons promeut un modèle de contractualisation entre l'État et les départements : 30 millions d'euros seront consacrés en 2019 à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, puis 60 millions en 2020, jusqu'à atteindre 100 millions d'ici la fin du quinquennat. Les autres axes de contractualisation définis par la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté porteront ce montant à 200 millions d'euros par an en 2022.

Par ailleurs, vous le savez, nous déployons également l'offre d'accompagnement renforcé pour 300 000 demandeurs d'emploi par an à l'horizon 2022 : c'est la garantie d'activité. Elle vise une extension des modalités d'accompagnement socio-professionnel, afin de dépasser la rupture actuelle entre suivi professionnel et suivi social.(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. La question du non-recours aux aides sociales est légitime. Mais elle masque aussi une autre question plus essentielle : comment faire sortir les Français de la dépendance à ces aides sociales ?

Si elles sont un filet de sécurité en cas de coup dur, les aides sociales ne sont pas une fin en soi. La meilleure des politiques sociales, c'est celle qui donne du travail à tous les Français. Or vos efforts pour réduire le chômage – la première des priorités françaises – sont très en deçà de ce qui serait nécessaire, puisque vous ne vous attelez ni à la baisse massive des charges, ni à l'assouplissement réel du marché du travail.

Après le travail pour tous, il faut aussi un travail qui paie mieux. À cette revendication légitime, vous ne répondez pas non plus. L'augmentation des salaires ne se décrète pas ; elle ne peut consister à prendre aux uns pour donner aux autres, comme vous l'avez fait en augmentant la prime d'activité ou encore en décidant le transfert de CSG.

L'augmentation du niveau de vie ne peut s'obtenir qu'en établissant un terreau économique fertile, simplifié, moins fiscalisé, pour laisser aux entreprises la liberté de croître et d'améliorer ainsi la productivité nationale.

C'est par ce type de transformations qu'on répondra durablement aux colères qui s'expriment dans notre pays depuis maintenant trois mois. Il n'est pas étonnant que l'on ne s'en sorte pas, quand le débat de cet après-midi se cantonne à l'accès aux aides sociales, comme s'il s'agissait d'un produit de consommation qu'il faudrait mieux vendre grâce à un énième plan national concocté par la haute administration toute-puissante.

Ma question est donc simple : allez-vous enfin ouvrir la voie à une remise à plat de tout notre système social et administratif afin de simplifier durablement notre tissu économique et social ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté entend rendre efficace l'accès aux droits et aux services sociaux, en refusant la stigmatisation de la pauvreté. Ils s'agit d'oeuvrer à la simplification du maquis des prestations sociales, qui est un obstacle tant à l'accès aux droits – ce que l'on appelle le non-recours – qu'à la reprise d'une activité, les allocataires n'étant pas en mesure de savoir si la reprise d'un emploi améliorerait réellement leur situation financière.

Il s'agit ainsi de garantir à chacun son juste droit. En particulier, l'engagement porte aussi sur tous les droits connexes, notamment sur la question de la santé.

Permettez-moi également de rappeler la disposition concernant la prime d'activité. Cette mesure d'urgence économique et sociale a été votée en fin d'année dernière pour que les Français qui travaillent, mais qui ont de petits revenus, vivent mieux. Cela représente un investissement de 2,5 milliards d'euros.

La prime d'activité, on l'a vu, augmente. Plus de 750 000 demandes ont été formulées à l'heure actuelle, et 30 000 demandes sont enregistrées par jour. Cela montre que les Français aux revenus les plus modestes se saisissent du dispositif, car ils se rendent compte que cette prime conduit à un gain concret de pouvoir d'achat. La demande d'une prime d'activité permet également aux allocataires de la CAF de s'assurer que tous leurs droits sont ouverts et effectifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Rolland.

M. Vincent Rolland. Alors que la France consacre 3 % de son PIB aux dépenses sociales, près de 15 % de la population française demeure en situation de pauvreté. Pire encore, les prestations sociales ne bénéficient en moyenne qu'à deux personnes sur trois éligibles. Il y a donc un véritable problème d'accès aux droits sociaux, et on ne peut pas le résumer uniquement à un manque de moyens alloués.

Le numérique est aujourd'hui un outil d'information et de démarches administratives majeur. Le Gouvernement a annoncé qu'en 2022 l'ensemble de ses services seront dématérialisés, rendant ainsi les démarches en ligne obligatoires. Mais si internet et les nouvelles technologies peuvent simplifier le quotidien et être un levier de modernisation de l'administration, faisons attention à ce qu'ils ne contribuent pas à aggraver dans le même temps l'exclusion et les inégalités. Il y a un risque, dans les prochaines années, de voir la fracture numérique aggraver la fracture sociale.

Face à cette problématique, les collectivités locales font un énorme travail, malgré le désengagement de l'État, pour permettre aux citoyens en situation de fragilité d'accéder aux informations, grâce aux travailleurs sociaux, notamment.

Mais là encore, au-delà des moyens financiers, il convient de leur donner les moyens techniques de travailler : ils n'ont d'autre possibilité que de passer par les services robotisés d'assistance à distance et les sites internet, sans accès direct, alors même qu'il s'agit de traiter des dossiers par définition spécifiques et inhabituels.

Aussi, que compte faire le Gouvernement pour éviter que la numérisation ne creuse davantage la fracture sociale et territoriale ? Quelles dispositions peuvent être prises pour une meilleure articulation entre les services et les travailleurs sociaux des collectivités territoriales ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Cette question me donne l'occasion de rappeler très clairement qu'en matière de prestations de solidarité, il n'y a pas d'obligation d'effectuer en ligne les principales démarches administratives. Il ne s'agit à l'heure actuelle que d'une option.

Pour l'accès aux droits, le numérique est évidemment un atout dont nous nous saisissons dans le cadre du chantier de modernisation de la délivrance des prestations, en nous appuyant notamment sur le portail national des droits sociaux, pour mieux faire connaître ceux-ci, ou sur davantage d'échanges de données entre les sphères fiscale et sociale, pour favoriser la prise en compte des ressources les plus contemporaines, donc adapter au plus près de la situation des personnes et limiter les obligations déclaratives des bénéficiaires, selon le principe « Dites-le-nous une fois ».

Mme Marie-George Buffet. Vous supprimez les CAF et les CPAM !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Nous sommes bien entendu conscients de la fragilité particulière des publics en situation de précarité. Je suis très attentive à ce que le numérique ne soit jamais un frein dans l'accès aux droits.

M. Pierre Cordier. Ça, c'est la théorie !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Les organismes, en particulier les caisses d'allocations familiales, ne délaissent ni l'accueil physique ni l'accueil téléphonique. Ils consolident un maillage territorial adapté aux besoins de proximité, le cas échéant, avec d'autres partenaires comme les maisons de services au public, même si, bien entendu, des progrès restent à faire.

Des formulaires sur papier restent disponibles pour l'ensemble des demandes de prestation. C'est bien le cas pour la prime d'activité ou le RSA.

M. Pierre Cordier. Tout le monde n'habite pas dans les villes !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. La téléprocédure est ouverte, et facilite le recours pour une écrasante majorité d'allocataires. Elle ne fait cependant que s'ajouter à la possibilité de déposer physiquement sa demande, ou de l'envoyer par courrier.

Mme Marie-George Buffet. En Seine-Saint-Denis, il n'y a plus rien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Nous le savons, notre pays souffre aujourd'hui d'une importante fracture numérique.

Si l'utilisation d'internet peut permettre de répondre à bon nombre de situations et représenter un gain de temps et d'argent pour l'État comme pour les citoyens, il n'en reste pas moins que, selon France Stratégie, 14 millions de personnes éprouvent des difficultés face au numérique.

À l'heure où de plus en plus de démarches s'effectuent en ligne, et où l'information se trouve également sur internet, il est essentiel de prendre en compte cet aspect, si l'on veut lutter efficacement contre le non-recours aux droits sociaux.

Des publics spécifiques éprouvent davantage de difficultés que l'ensemble de la population, pour des raisons diverses. Ainsi, selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie – CREDOC –, un septuagénaire sur deux ne serait pas connecté, ainsi qu'un tiers des allocataires de minima sociaux et un quart des habitants des zones rurales.

Dans certains cas, il nous faut remédier à des problématiques d'équipement, tandis que, dans d'autres, c'est la maîtrise des outils qui est en cause : on parle alors d'illectronisme. Les réponses à apporter, différentes selon les publics visés, doivent nous permettre d'allier l'exigence d'efficacité de notre administration à celle d'un accompagnement humain des publics les plus en difficulté.

Dès lors, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous apporter des précisions quant aux solutions déjà mises en place par le Gouvernement pour lutter contre la fracture numérique dans le cadre de l'accès aux droits sociaux ? Comment ces solutions s'inscrivent-elles au coeur des territoires, notamment par le biais d'une collaboration avec les collectivités ? Comment les particularités des différents publics sont-elles prises en compte ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Madame la députée, vous avez raison de souligner la difficulté de connaître les personnes qui ne recourent pas à leurs droits. C'est l'un des points majeurs soulignés par le rapport de Christine Cloarec et Julien Damon : comment mieux connaître ces publics ? comment identifier de façon certaine les causes du non-recours ?

C'est aussi l'un des axes de la stratégie pauvreté, qui a été inscrit dans la convention d'objectifs et de gestion de la CNAF pour 2018-2022, le but étant de mieux mesurer le non-recours aux prestations sociales avec des progrès permettant par exemple le prélèvement à la source et la base ressources mensuelle.

J'ai évoqué également les pistes de réflexion sur les prestations, pour aller vers davantage d'automaticité et absorber la complexité de notre niveau sans l'imposer aux allocataires. Nous avons également des pistes pour renforcer l'accès aux droits par des accueils physique et personnalisé, pour procéder à une simplification structurelle des paysages de prestations monétaires par la création du revenu universel d'activité.

À ce sujet, madame de Montchalin, vous évoquez la question d'un point d'entrée unique. Une seule prestation, pour un seul point d'entrée, c'est bien la piste que nous mettrons en oeuvre. Je serai ravie d'échanger avec vous sur ce sujet.

S'agissant de la fracture numérique, nous savons que 13 millions de Français sont éloignés du numérique. Au-delà du seul ministère des solidarités et de la santé, le Gouvernement s'est mis en ordre de bataille pour promouvoir ce que l'on appelle le numérique inclusif, qui ne laisse personne de côté et vise notamment à permettre à chacun à être formé au numérique par des structures professionnelles référencées. Aussi, l'État s'est engagé dans le déploiement du pass numérique, avec les collectivités territoriales. Une enveloppe de 8 millions d'euros a été votée dans la loi de finances pour 2019.

Ce programme vise aussi à soutenir les collectivités territoriales, qui définissent et mettent en oeuvre des actions locales d'inclusion numérique. Enfin, l'État soutient des hubs de la médiation numérique à hauteur de 5 millions d'euros pour conseiller et outiller les acteurs locaux de la médiation numérique, et déployer des ateliers numériques partout sur le territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Le 31 janvier dernier, nous aurions pu discuter dans cet hémicycle du lancement d'une expérimentation du revenu de base dans le cadre de la proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés. Or la réponse, lapidaire, de la majorité et du gouvernement a été : « Circulez, il n'y a rien à voir. »

Pourquoi refuser un simple test, comme nous l'avons fait avec le programme « territoire zéro chômeur de longue durée » ou la garantie jeunes, deux expérimentations votées sous la précédente législature, qui ont été progressivement mis en place dans quelques territoires, puis évalués positivement après avoir prouvé leur efficacité sur le terrain, et, enfin, généralisés ? Pourquoi empêcher cette discussion ?

Tous ceux qui se sont exprimés sur cette proposition, y compris sur les bancs de la majorité, ont salué ce travail collectif, porté par dix-huit départements, qui a permis de recueillir plus de 15 000 contributions citoyennes, fruit d'un travail de plus de deux ans.

Ce débat a été confisqué : le grand débat national a lieu partout dans notre pays, sauf ici, au Parlement.

L'instauration d'un revenu de base permettrait pourtant des avancées incontestables : versé de manière automatique à ses bénéficiaires, il met fin au fléau du non-recours aux droits sociaux qui concerne 36 % des bénéficiaires potentiels du RSA et 27 % de la prime d'activité. Versé sous conditions de ressources avec un montant forfaitaire de base de 550 euros, qui varie en fonction de la composition du foyer, le revenu de base est dégressif et permet un complément de revenu aux travailleurs qui ne vivent pas décemment de leur travail – agriculteurs, artisans, ouvriers et employés à bas revenus, salariés à temps partiel.

Enfin, comme l'avait souligné Benoît Hamon, lorsque le revenu universel a fait irruption dans le débat des élections présidentielles, le revenu de base ouvert aux 18 à 24 ans, est un puissant outil de lutte contre la précarité et la pauvreté des jeunes. Le taux de pauvreté des jeunes de moins de 25 ans est le double de celui du reste de la population.

Pourquoi une telle frilosité vis-à-vis d'une innovation sociale majeure, le revenu de base, qui aurait pu constituer une réponse politique à la mobilisation des gilets jaunes ces dernières semaines, sur la question centrale du pouvoir d'achat ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Monsieur le député, je vous remercie de cette question, qui me permet de revenir rapidement sur le débat que nous avons eu dans cet hémicycle la semaine dernière, au sujet d'une proposition d'expérimentation territoriale visant à instaurer un revenu de base.

Tout d'abord, nous avons en effet des points de convergence avec les députés socialistes qui ont défendu cette proposition de loi. Outre que nous constatons la très grande complexité du système de prestations sociales, que j'ai évoqué précédemment, nous avons identifié une solution à travers la fusion de certaines prestations.

Cependant, nous avons aussi des points de divergence, que je n'ai pas cachés. Deux questions de fond subsistent. L'inconditionnalité du versement du revenu de base prévu par la proposition de loi n'est pas dans l'esprit du revenu universel d'activité porté par ce gouvernement, ni dans celui du RSA, actuellement en vigueur.

Cette proposition de loi préempte des options qui ne sont pas encore définies, comme l'ouverture aux droits. Quid, donc, des bourses des étudiants, des jeunes étudiants en formation ou en apprentissage, ou du lien avec le revenu fiscal des parents des jeunes pouvant prétendre au revenu de base ?

M. Régis Juanico. Le revenu de base est dégressif !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Par ailleurs, une question de méthode s'est posée. La proposition de loi ne tenait en effet pas compte des difficultés techniques liées au système d'information des caisses.

Mme Caroline Fiat. Il faut toujours que ce soit l'informatique !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Vous avez indiqué que les départements avaient une solution clé en main, qu'il suffisait d'expérimenter. Ce n'est pas tout à fait juste, vous le savez très bien. À ce stade, nous avons des divergences sur le fond, mais également sur les aspects techniques. J'en ai discuté avec les dix-huit présidents des départements, qui souhaitent expérimenter la nouvelle prestation. Je les ai reçus au ministère, et nous sommes convenus de continuer à discuter et à travailler ensemble.

Il me semble en effet évident que nous avons à travailler ensemble. Les dix-huit présidents ont conduit des travaux techniques, fouillés, ambitieux, dont nous tenons et nous tiendrons compte. Nous avons pris bonne note de leur volontarisme pour procéder à des démarches d'expérimentation.

Il est faux de dire que le Gouvernement brise les initiatives des collectivités. Il me suffira sans doute de rappeler que nous apportons 135 millions d'euros cette année aux départements, pour qu'ils retrouvent des marges de manoeuvre, et qu'ils puissent oeuvrer davantage en faveur de la lutte contre la pauvreté.

M. Pierre Cordier. Il manque 9 milliards pour l'aide sociale !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Ce montant s'élèvera à 200 millions en 2022, avec une enveloppe spécifique pour les appels à projets, laissant toute la place à l'innovation et la libre manoeuvre des départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme Caroline Fiat. Il faudrait 135 millions d'euros par département !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L'accès aux droits sociaux interroge l'efficacité de nos dispositifs d'aides en direction de nos concitoyens en difficulté. En dépit des efforts de simplification accomplis pour certaines aides, et malgré les efforts d'information réalisés, en particulier par les CAF, l'accès aux droits sociaux reste problématique pour nombre de nos concitoyens pourtant éligibles.

Sans doute certains dispositifs restent-ils trop complexes. Sans doute certaines démarches restent-elles fastidieuses, alors que les bénéficiaires potentiels sont déjà confrontés à de lourdes difficultés qui se cumulent.

Cette situation soulève d'autant plus la question de l'efficacité de nos politiques publiques, à l'heure où, parmi les revendications portées par le mouvement des gilets jaunes, figure la volonté légitime de pouvoir vivre dignement de son travail.

C'est notamment le cas des travailleurs pauvres qui nous est soumis. Un million de personnes seraient ainsi en emploi tout en disposant, après avoir comptabilisé les prestations sociales ou intégré les revenus de leur conjoint, d'un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. Les femmes, les ouvriers, les employés sont les plus concernés.

Pour leurs familles, en dépit d'un travail, l'accès au logement, à la santé, à la formation, aux loisirs, à la culture, est une difficulté quotidienne. Nous partageons tous ici une conviction : personne n'est au chômage par choix.

Pourtant, on a pu lire dans les cahiers de doléances que certaines personnes, ayant repris un emploi après une période de chômage, ont moins pour vivre. Suis-je récompensé de mes efforts, si l'emploi provoque la perte d'aides ou des droits connexes qui leur sont liés, alors que la rémunération elle-même reste modeste ?

Ce paradoxe est aussi une source d'incompréhension, qui mine notre cohésion sociale : s'il n'y a plus d'espoir par le travail, alors que celui-ci est une valeur essentielle dans notre société, que reste-t-il pour construire sa vie ?

Comment faire en sorte que les salariés les plus modestes puissent avoir accès aux aides, qui vont leur garantir les aspects les plus essentiels d'une vie sociale ?

Comment faire en sorte que l'accès à l'emploi, quand il se traduit par un temps partiel ou un revenu modeste, ne provoque pas une rupture brutale des aides dont la personne bénéficiait alors qu'elle était au chômage ?

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour accompagner les personnes qui, en dépit d'un emploi, restent sous le seuil de pauvreté ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. La création du revenu universel d'activité vise à répondre à deux impératifs : un impératif de transparence, pour permettre aux allocataires de prévoir l'évolution de leurs revenus et les inciter à reprendre une activité ; un impératif d'équité, afin de garantir l'égalité de traitement aux personnes se trouvant dans des situations équivalentes. Il s'agit d'un défi majeur.

Le Gouvernement a d'ores et déjà pris des engagements financiers importants en faveur des travailleurs modestes ou pauvres, selon le qualificatif que vous souhaitez employer.

Depuis le 1er janvier 2019, la prime d'activité a vu son montant augmenté et sa base élargie afin de bénéficier au plus grand nombre de Français. Cette mesure a ainsi permis à plus de 700 000 personnes supplémentaires de percevoir la prime d'activité. J'ai entendu l'opposition dans cet hémicycle parler de « miettes ». Expliquer à une mère ou à un père élevant seul son enfant et touchant 1 200 euros de salaire que 292 euros, ce sont des miettes, je ne le ferai pas. Le constat est clair : la prime d'activité permet aux ménages les plus modestes d'accroître leur pouvoir d'achat.

Si 62,2 % des nouveaux foyers éligibles à la prime d'activité n'ont pas encore demandé à en bénéficier, le nombre de dossiers déposés lors du seul mois de janvier est égal au nombre pour les deux ans écoulés. C'est la preuve que cette mesure répond à un besoin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Le Gouvernement a annoncé que la lutte contre le non-recours aux droits était une priorité du quinquennat. Il n'en est rien.

D'abord, vous menez une politique de l'ignorance. Les informations sur le sujet sont lacunaires. Certes, nous savons qu'une personne sur trois ne demande pas le congé paternité auquel elle pourrait prétendre ; la proportion est la même pour la couverture maladie universelle complémentaire – CMU-C – ou l'allocation chômage d'aide au retour à l'emploi ; plus de la moitié de nos concitoyens ne profitent pas du dépistage gratuit du cancer. Mais les connaissances dans ce domaine sont détenues par des organismes non ministériels auxquels vous vous attaquez. L'INSEE subit des contraintes budgétaires comme jamais il n'en avait connu. Les associations chargées des recensements ont perdu des centaines de salariés à cause de la suppression des contrats aidés. L'Observatoire des non-recours aux droits et prestations voit ses effectifs gelés du fait de votre liquidation programmée des recrutements dans l'enseignement supérieur et la recherche. Vous tentez délibérément de cacher l'état des lieux.

Votre politique repose sur le non-recours : lorsque vous avez remplacé le RSA activité par la prime d'activité, vous avez parié sur un taux de non-recours de 50 % pour pouvoir financer cette dernière. Or le nombre de personnes ayant réclamé la prime d'activité a été bien plus élevé que ce que vous attendiez, ce qui a conduit Gérald Darmanin à envisager la diminution de son montant. Dans vos simulations à Bercy, vous comptez sur l'oubli des plus pauvres pour équilibrer le budget. Et si ces derniers ont le bon sens d'exiger leur dû, vous leur présentez la facture !

Vous encouragez le non-recours lorsque vous supprimez 800 postes de conseillers à Pôle emploi, mais créez 200 postes de contrôleurs, chargés de traquer les allocataires. Moins d'accueil et plus de contrôles tatillons : voilà votre seule recette pour faire reculer le chômage, en transformant des demandeurs d'emploi en inactifs découragés ! Depuis la formation de votre gouvernement, 269 000 personnes ont été radiées pour un retard à un rendez-vous ou une erreur de vingt-quatre heures dans leur déclaration d'activité réduite.

Vous divisez le pays au profit de ceux qui ont déjà tout. Ceux qui ont reçu 4 milliards grâce à la suppression de l'ISF ne sont pas concernés par le non-recours : pour eux, le versement est automatique ! Nous demandons l'égalité pour les classes populaires et moyennes : versez automatiquement les aides auxquelles nos concitoyens ont droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Le renforcement de l'accès aux droits repose sur la responsabilisation des pouvoirs publics plutôt que des bénéficiaires potentiels. Pour ce faire, le Gouvernement entend travailler dans plusieurs directions : mieux mesurer le non-recours aux prestations sociales grâce aux progrès permis par le prélèvement à la source et la base ressources mensuelle ; moderniser la délivrance des prestations sociales en favorisant les échanges d'informations entre acteurs ; rendre automatiques les démarches ; parvenir à la juste prestation ; renforcer les services sociaux en installant des référents parcours dans tous les territoires afin de coordonner les différents intervenants pour les personnes accompagnées.

Dans cette optique, les moyens des caisses d'allocations familiales ont été augmentés de 20 % dans la convention d'objectifs et de gestion.

Nous ne cherchons pas à cacher quoi que ce soit, au contraire, nous voulons aller à la rencontre de ces invisibles, ces Français qui ne connaissent pas leurs droits afin de leur permettre d'en bénéficier. C'est tout le travail de data mining réalisé par les caisses d'allocations familiales en liaison avec les services du conseil départemental.

Il a été décidé d'agir par le biais de la prime d'activité, car le taux de recours était de 80 %, contre 60 à 70 % pour les autres prestations – les Français connaissent cette mesure puisqu'ils s'en sont saisis. Nous voulons aller chercher les Français et les accompagner vers leurs droits.

Dernier exemple de cette volonté : la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit un soutien aux services de santé au travers de la création de cent centres ou maisons de santé dans les quartiers prioritaires dans lesquels la densité en professionnels de santé est inférieure de 1,8 % aux zones urbaines.

Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Mes collègues l'ont rappelé, la fraude sociale ne représente en France que 3 % des fraudes détectées contre 95 % pour la fraude fiscale selon la Délégation nationale de lutte contre la fraude. Aussi, en préambule, j'appelle votre majorité à revoir ses priorités pour que cesse cette politique antisociale qui pénalise si durement nos populations et nos territoires les plus fragiles, et je pense ici en particulier aux territoires d'outre-mer. Il est encore temps de mettre enfin en place une vraie politique de justice sociale, fidèle aux idéaux portés par notre devise républicaine.

Pour entrer dans le vif du sujet, ma question porte sur l'accès aux droits sociaux dans nos territoires d'outre-mer, où une frange importante de la population ne survit – j'insiste sur ce terme – que grâce à ses droits sociaux.

En effet, vous le savez, longtemps après la création des départements d'outre-mer, la politique sociale est restée discriminatoire à leur égard. Et ce n'est que récemment que nous sommes arrivés à une situation de quasi-égalité de principe, même si on peut toujours s'interroger sur l'égalité réelle entre les familles ultramarines et celles de l'Hexagone, eu égard aux criantes carences relevées dans tous les domaines.

D'ailleurs, ces carences ont été soulignées en octobre 2018 par le Défenseur des droits. Celui-ci pointait les relations difficiles des ayants droit guyanais avec les organismes de protection sociale – caisses d'allocations familiales, direction générale des finances publiques, caisses générales de sécurité sociale, etc. –, notamment du fait des très longs délais d'instruction ou encore de l'absence totale de maillage du territoire en centres administratifs, alors même que la couverture numérique précaire et aléatoire du territoire rend impossible l'accès aux services dématérialisés pour une grande partie de la population, en particulier celle de l'intérieur qui est déjà très défavorisée.

Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous remercie de nous éclairer sur les pistes de travail envisagées par vos services afin de rendre effectif l'accès aux droits sociaux dans nos territoires d'outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. L'accès aux droits sociaux de nos concitoyens résidant en outre-mer ne diffère pas en droit du reste de la France, sauf à Mayotte pour certains aspects spécifiques.

Les caractéristiques de la population de certains départements d'outre-mer se distinguent de celles de la métropole, principalement du fait de la jeunesse ou du vieillissement de celle-ci.

Les prestations sociales remplissent une fonction d'amortisseur essentiel : 58,7 % de la population guyanaise perçoit une prestation versée par la CAF, soit 10 % de plus qu'au niveau national. Les enjeux majeurs auxquels est confrontée cette collectivité, tout comme le département de Mayotte, ne sont pas sans conséquence sur le RSA. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé, pour ces deux départements, de recentraliser cette prestation dans un souci de favoriser un accès plus juste et plus équitable aux droits. Le financement du RSA en Guyane et à Mayotte représente 170 millions d'euros pour le budget de l'État en 2019.

Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, les territoires d'outre-mer vont contractualiser avec l'État à hauteur de 13,5 millions d'euros en 2019, 20 millions en 2020 et 23 millions en 2021. À cela s'ajoutent toutes les autres mesures prévues dans cette stratégie qui ne reposent pas sur la contractualisation. Je pense en particulier aux mesures en faveur de la petite enfance, ou au développement des centres sociaux – il me semble qu'un centre social a été inauguré en Guyane il y a quelques jours.

Le montant de la prime d'activité est le même pour les habitants de Mayotte que pour les habitants des autres départements français. Enfin, je vous annonce que je me rendrai dans les territoires d'outre-mer dans quelques semaines.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Nous l'avons tous évoqué, le taux de non-recours aux aides sociales – environ 35 % pour le seul RSA-socle – montre bien les inégalités d'accès aux droits sociaux. Il témoigne d'un manque de visibilité et d'information sur les dispositifs existants, mais il traduit aussi des difficultés d'accès parfois purement matérielles.

En effet, aujourd'hui, la quasi-totalité des démarches s'effectuent en ligne. Or certains de nos concitoyens n'ont pas accès à un ordinateur, à internet, ou n'en maîtrisent pas l'usage. Il ne s'agit pas ici de remettre en cause la révolution numérique, mais de garder en tête que l'accompagnement ciblé des personnes dans ce domaine est un prérequis de nos politiques publiques, puisqu'il conditionne l'accès aux droits et la participation à la société.

Cet accompagnement est d'autant plus urgent que les services de l'État sont malheureusement parfois loin, voire absents, dans certains territoires. La fermeture des services publics éloigne encore plus les personnes déjà isolées et précarisées.

Madame la secrétaire d'État, dans quelle mesure le futur revenu universel d'activité prendra-t-il en compte les inégalités d'accès aux aides sociales, et en particulier les inégalités en termes d'usage ? Comment comptez-vous vous attaquer, en lien avec les collectivités locales, à la fracture numérique ? Comptez-vous rendre le versement de cette nouvelle prestation automatique ? Quelle sera la place dans le futur dispositif des départements qui jouent un rôle essentiel en matière d'accompagnement social ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – DREES – a publié le 24 avril un bilan des rendez-vous des droits, créés par les caisses d'allocations familiales pour lutter contre le non-recours aux prestations et aux aides sociales.

Instaurés depuis 2014, ces rendez-vous ont pour objectif d'améliorer l'information et l'accès aux droits sociaux. En ce qui concerne le RSA, ils permettent de parachever la demande, mais aussi d'informer le futur bénéficiaire sur les droits connexes qui y sont liés.

Par ailleurs, notre pays compte 1 241 maisons de services au public, créées à l'initiative des collectivités et soutenues financièrement par l'État. Nous devons aller plus loin et accompagner davantage encore les collectivités. Les services locaux, qui eux aussi bénéficient du soutien de l'État, tels que les centres communaux d'action sociale, les associations comme les Restos du coeur, ou les missions locales grâce à leur maillage du territoire, apportent également une réponse de proximité.

Je le répète, l'automatisation consiste à faire se rencontrer la sphère fiscale et la sphère sociale afin de préremplir les déclarations trimestrielles à l'horizon 2020 et, ainsi, à supprimer les erreurs dans les saisies des prestations.

Enfin, dans le cadre du service public de l'insertion et du revenu universel d'activité, nous mènerons des concertations avec les acteurs concernés, notamment les départements et les citoyens afin de trouver la solution adaptée à tous les Français.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Bilde.

M. Bruno Bilde. Si la révolte des gilets jaunes est née de la souffrance sociale, elle est aussi une réponse à la violence verbale. « On met un pognon de dingue dans des minima sociaux » : ces mots blessants, ce mépris indécent, cette vulgarité indigne de sa fonction, Emmanuel Macron les traînera comme un boulet jusqu'au dernier jour de son mandat.

Au-delà de la forme, cette doctrine macronienne est à côté de la plaque. Il faudrait réduire les aides sociales et contrôler davantage leur accès, sous prétexte que les dispositifs existants ne permettraient pas à « ceux qui ne sont rien » de devenir des « start-uper » richissimes et triomphants.

Pourtant, ce sont ces mêmes protections qui permettent notamment aux 123 000 bénéficiaires du RSA du Pas-de-Calais de maintenir la tête hors de l'eau.

Pourtant, ce « pognon de dingue » que vous refusez de consacrer sans condition aux Français, vous le déversez sans réserve et sans limite au bénéfice des migrants. Comment pouvez-vous augmenter de 13 % le budget « Immigration, asile et intégration » en 2019 et en même temps refuser une revalorisation du SMIC ? Comment pouvez-vous consacrer 1 milliard d'euros à l'aide médicale aux clandestins et en même temps accepter qu'un Français sur trois renonce à se soigner faute de moyens ?

Comment pouvez-vous financer l'insertion professionnelle des migrants et, en même temps, fliquer nos 6 millions de chômeurs ? Comment pouvez-vous développer le parc d'hébergement des clandestins (Exclamations sur les bancs du groupe FI) et, en même temps, ne rien faire pour nos 4 millions de mal-logés ?

Madame la secrétaire d'État, quand allez-vous mettre fin à cette préférence étrangère ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. Permettez-moi de rappeler, monsieur le député, que nous ne réduisons pas les aides.

Nous avons augmenté l'AAH de 10 %. L'État investit ainsi 2 milliards d'euros en faveur de ceux qui ne peuvent pas accéder à l'emploi en raison de leur handicap. Nous avons relevé le minimum vieillesse de 100 euros par mois. En outre, nous engageons 2,5 milliards d'euros pour accroître le montant de la prime d'activité. Nous recevons en ce moment des demandes supplémentaires à ce titre ; il devrait y en avoir 700 000, ce qui correspond à 3,5 millions de foyers. Accompagner ces publics, c'est un choix, une volonté politique.

Nous donnons aussi davantage de moyens aux départements, à savoir 135 millions d'euros dans le cadre de la contractualisation pour l'année 2019,…

M. Pierre Cordier. C'est très insuffisant !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. …afin qu'ils puissent accompagner efficacement les bénéficiaires du RSA, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Il s'agit également d'améliorer la prévention en matière de protection maternelle et infantile, ainsi que l'aide sociale à l'enfance, afin qu'aucun enfant ne se retrouve sans solution durable d'accompagnement et que l'avenir s'ouvre à chacun d'eux, à dix-huit ans.

Enfin, nous instaurons le 100 % santé, ou reste à charge zéro, et élargissons le nombre de bénéficiaires de la CMU complémentaire. Ainsi, une personne âgée pourra accéder à une mutuelle pour 1 euro par jour et bénéficier d'une meilleure prise en charge de son panier de soins. (Mme Cendra Motin et M. Brahim Hammouche applaudissent.)

Mme la présidente. Le débat sur l'accès aux droits sociaux est clos.


Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 8 février 2019