Texte intégral
CAROLINE ROUX
Bonjour.
LAURENT BIGNOLAS
Vous recevez le ministre Bruno LE MAIRE.
CAROLINE ROUX
Oui, le ministre de l'Economie. Alors, vous le savez, il a bataillé pour arracher la fusion entre SIEMENS et ALSTOM. Sauf surprise, le projet devrait être repoussé par la Commission.
-Jingle-
CAROLINE ROUX
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous espérez toujours un oui de la Commission européenne su le projet de fusion ALSTOM – SIEMENS, pour créer un champion du ferroviaire en Europe ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je crois que les jeux sont faits, et je le regrette profondément, parce que je considère d'abord que c'est une erreur économique, et que les critères qui ont été retenus par la Commission européenne n'étaient pas les bons. La Commission européenne nous dit : « Le marché européen n'est pas ouvert au géant chinois », je crois exactement le contraire, je pense que d'ici très peu de temps nous verrons arriver le géant chinois CRRC en Europe. Et puis je pense que c'est une faute politique, parce que le rôle de la Commission européenne, le rôle des institutions européennes, c'est de défendre les intérêts économiques et industriels européens. Et là, la décision que s'apprête à prendre la Commission européenne, va servir les intérêts économiques est industriels de la Chine.
CAROLINE ROUX
Vont à l'encontre des intérêts des Européens, c'est ça que vous dites.
BRUNO LE MAIRE
Ils vont servir objectivement les intérêts économiques et industriels de la Chine, puisqu'ils empêchent ALSTOM et SIEMENS, les deux champions de la signalisation et du ferroviaire, de fusionner pour avoir le même poids que le grand champion industriel chinois.
CAROLINE ROUX
Le tout, Bruno LE MAIRE, en respectant les règles, en respectant les règles de concurrence européennes, c'est ça qu'explique la Commissaire européenne à la Concurrence.
BRUNO LE MAIRE
Je pense Caroline ROUX, qu'il aurait pu y avoir une autre interprétation des règles européennes, et je conteste l'analyse technique qui a été faite de ce dossier par la Commission européenne. Mais je crois aussi qu'il faut se tourner vers l'avenir et refonder les règles de la concurrence européenne. Et nous allons faire avec mon homologue allemand Peter ALTMAIER, un certain nombre de propositions, dans les semaines qui viennent, pour refonder les règles de la concurrence et nous permettre d'avoir une politique industrielle beaucoup plus ambitieuse par rapport à nos grands concurrents américains ou chinois. Quelques propositions. Je propose…
CAROLINE ROUX
C'est très rare, vous avancez, très vite sur ce dossier, on peut y venir sur vos propositions…
BRUNO LE MAIRE
Juste quelques propositions, peut-être, Caroline ROUX…
CAROLINE ROUX
… mais c'est très rare que la Commission rejette des projets de fusion, c'est l'un des arguments qu'on a entendus cette semaine, peut-être que ce dossier n'était pas un bon dossier ?
BRUNO LE MAIRE
C'est un argument qui me semble très faible. Ce qui compte c'est aujourd'hui, ce n'est pas ce qui s'est passé il y a 2 ans, 3 ans ou 5 ans. Si on ne veut pas voir qu'il y a une accélération de la transformation économique du monde, si on ne veut pas voir qu'en quelques années la Chine a été capable de créer des géants dans tous les secteurs, l'Aérospatiale, la voiture, la voiture électrique, la conquête de l'espace, l'intelligence artificielle. Eh bien si on ne veut pas voir le monde tel qu'il est, nous risquons de nous retrouver démunis dans quelques années.
CAROLINE ROUX
Il y a une naïveté de la Commission ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il y a des règles qui sont obsolètes et qu'il faut les refonder, et que sur cette décision…
CAROLINE ROUX
Alors, comment on les refonde ?
BRUNO LE MAIRE
… des règles du XXème siècle se sont appliquées à une réalité industrielle du XXIème siècle. Moi, ce qui m'intéresse c'est qu'on puisse défendre nos intérêts économiques, industriels français et européens.
CAROLINE ROUX
Vous faites des propositions pour changer les règles.
BRUNO LE MAIRE
Quelques propositions très concrètes. Je propose que l'on retienne comme marché pertinent, celui où on analyse la concurrence, le monde entier est pas que l'Europe, parce que c'est dans le monde que se joue la concurrence, et pas que l'Europe. Je propose en deuxième lieu que le Conseil européen, c'est-à-dire les chefs d'Etat, puissent s'exprimer sur la décision de la Commission européenne en matière de concurrence, que ce ne soit pas uniquement une décision technique mais que les chefs d'Etat aient aussi leur mot à dire. C'est une deuxième proposition.
CAROLINE ROUX
Sur ce dossier en particulier, est-ce qu'il y a des voies de recours ou est-ce que vous considérez ce matin que le dossier est clos ?
BRUNO LE MAIRE
Ce sera aux industriels, à ALSTOM et à SIEMENS de voir s'ils veulent faire un recours contre cette décision, parce que c'est…
CAROLINE ROUX
Mais vous les soutiendriez le cas échéant ?
BRUNO LE MAIRE
Ah si jamais ils faisaient un recours, oui nous les soutiendrions, parce que je considère que cette décision est une erreur, qu'elle affaiblit l'Europe, mais maintenant il faut se tourner vers l'avenir et regarder comment refonder le droit de la concurrence européenne.
CAROLINE ROUX
Justement, sur la concurrence, le dossier HUAWEI. Qu'attendez-vous de la Commission, justement, sur le déploiement de la 5G en Europe, un bannissement de cet acteur chinois du marché de la 5G ? C'est un dossier qui vous inquiète ?
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas un dossier qui m'inquiète, mais c'est un dossier qu'il faut traiter. Le passage la 4G à la 5G change techniquement beaucoup de choses. Ça veut dire que les informations les plus sensibles, elles ne sont pas simplement dans ce qu'on appelle les coeurs de réseaux, elles sont aussi dans les pylônes, donc il faut protéger ces informations sensibles.
CAROLINE ROUX
Est-ce que c'est le rôle de la Commission, par exemple, là ?
BRUNO LE MAIRE
C'est d'abord le rôle de la France, et nous ferons dans les prochains jours, soit dans le projet de loi PACTE que je présente au Sénat, soit dans un autre texte législatif, des propositions pour renforcer notre sécurité face au déploiement de la 5G et aux risques technologiques qui vont avec. Le rôle de la Nation, c'est de protéger les intérêts économiques du pays. La 5G doit nous amener à prendre des décisions fortes dans ce sens.
CAROLINE ROUX
Un mot sur la fiscalité. Gérald DARMANIN a défendu l'idée d'un plafonnement des niches fiscales, pour qu'elles profitent dit-il aux classes moyennes et populaires. Est-ce que c'est le meilleur moyen de répondre à la demande de justice fiscale ? En gros est-ce que les niches c'est pour les riches ?
BRUNO LE MAIRE
Qu'on regarde l'ensemble des niches fiscales. Moi j'y suis tout à fait favorable, Gérald DARMANIN a raison de souligner qu'il y a 100 milliards d'euros de niches fiscales. Regardons toutes ses niches fiscales, et puis regardons l'occasion de ce Grand débat national, celles qui sont efficaces, et puis celles qui ne le sont pas, et celles qui ne le sont pas on peut parfaitement soit les supprimer, soit les limiter.
CAROLINE ROUX
Ce n'est pas exactement ce qu'il dit.
BRUNO LE MAIRE
Mais vers la fiscalité compliquée, je vole avec des idées simples. La première idée c'est que les impôts doivent baisser. Vous m'entendez Caroline ROUX, les impôts doivent baisser, c'est la première idée simple. Deuxième idée simple, pour que les impôts baissent durablement, il faut que la dépense publique baisse durablement, c'est une deuxième idée très simple, mais elle me semble tout à fait valable. Et puis, troisième idée…
CAROLINE ROUX
C'est si simple, mais ça fait des années qu'on n'y arrive pas Bruno LE MAIRE
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est peut-être pour ça qu'il faut rappeler sans relâche les idées simples : les impôts doivent baisser, pour qu'ils baissent durablement il faut que la dépense publique baisse durablement. Et puis une troisième idée toute simple : ne touchons pas à ce qui marche. Moi je suis très attaché aux services à la personne, je considère que les services à la personne et les aides qui sont apportées sont un immense succès. D'abord c'est un succès pour les personnes qui trouvent du travail grâce à ces aides, aux services à la personne, ça évite le travail au noir. Et en troisième lieu, ça me paraît important, ça soutient les gens qui travaillent, les familles qui travaillent, les personnes seules qui travaillent pour faire garder leurs enfants, pour les aider dans leurs travaux domestiques, c'est très important de préserver ces aides à la personne, j'y suis personnellement très attaché.
CAROLINE ROUX
Donc avancer avec prudence, voilà ce que vous dites ce matin. Mais est-ce que vous pensez qu'il va falloir malgré tout répondre à cette demande de justice fiscale ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, bien sûr qu'il faudra répondre à la demande de justice.
CAROLINE ROUX
Vous avez des outils pour cela, sans remettre l'ISF, sans toucher aux niches fiscales que vous venez d'évoquer ?
BRUNO LE MAIRE
Ça doit être le Grand débat qui doit nous faire des propositions. Je suis évidemment soucieux que nous mettions plus de justice fiscale, ça doit faire partie des sorties du Grand débat, mais je suis encore plus soucieux d'une chose, c'est que nous ayons un dispositif économique qui nous permette de créer plus de richesses. On parle très souvent la redistribution des richesses, on a déjà un système fiscal qui est très redistributif, on peut sans doute l'améliorer, mais la priorité comme ministre de l'Economie c'est qu'on crée plus de richesses, plus de prospérité, plus de travail, plus d'activité dans les territoires pour tous les Français.
CAROLINE ROUX
C'est dit. Mais qu'on réponde aussi à la colère qui s'est exprimée dans le pays. Taxer les plus-values réalisées lors de la revente des résidences principales, c'est une proposition qui a émergé du débat. Le président de la République a dit « c'est une bonne idée ». Vous dites aussi : « c'est une bonne idée » ? C'est une piste ?
BRUNO LE MAIRE
Evidemment. C'est une piste de travail. Du moment qu'on parle bien des résidences principales, à un niveau très élevé, parce que moi je me mets à la place des Français qui ont acheté une résidence principale 100, 15 000, 200 000 €, ils la revendent, ils font un bénéfice, on ne va pas taxer ce bénéfice, aujourd'hui il n'est pas soumis à l'impôt, il n'est pas soumis la taxation, je pense que c'est une bonne chose, au regard pour est très gros biens immobiliers où visiblement il a pu y avoir un avantage, qui peut être taxé, pourquoi pas, mais faisons attention aux Français, aux contribuables, nous sommes là pour baisser les impôts.
CAROLINE ROUX
Le conseil d'administration NISSAN a proposé mardi la nomination du nouveau président de Renault Jean-Dominique SENARD au poste d'administrateur laissé vacant par Carlos GHOSN. C'est un bon choix.
BRUNO LE MAIRE
C'est un bon choix et c'est la preuve surtout que dans cette transition, les choses avancent, il y a un nouveau président de PEUGEOT…de RENAULT, pardon, il y a un nouveau directeur général, maintenant le président de RENAULT va avoir une place au Conseil d'administration de NISSAN, tout ça fil après fil, retisse les liens entre RENAULT et NISSAN, consolide l'alliance, c'est aussi notre intérêt industriel.
CAROLINE ROUX
Merci Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Merci Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
C'est à vous Laurent.
LAURENT BIGNOLAS
Merci, bonne journée à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 février 2019