Texte intégral
FREDERIC RIVIERE
Bonjour Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU, MINISTRE CHARGE DES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Le député Matthieu ORPHELIN, proche de Nicolas HULOT, a fait savoir hier après-midi qu'il quittait le groupe la République en Marche, invoquant notamment des avancées très insuffisantes sur les enjeux climatiques, écologiques mais aussi sociaux, précisant qu'il était l'un des cinquante qui se sont abstenus sur la loi anticasseurs mardi en première lecture. Qu'est-ce que révèle cette décision selon vous ?
MARC FESNEAU
Je ne sais pas ce qu'elle révèle. En tout cas, moi je la regrette parce que je pense que Matthieu ORPHELIN est un député qui, sur un certain nombre de sujets notamment ceux que vous avez évoqués, apporte une contribution utile. Après, je n'ai sans doute pas le même tempérament que lui. J'ai été député jusqu'à ce que je devienne ministre. Je pense que le temps politique…
FREDERIC RIVIERE
Vous avez d'ailleurs reçu – faisons une petite parenthèse – hier le prix du député de l'année 2018.
MARC FESNEAU
Oui, ce qui est assez sympathique de la part de vos confrères journalistes puisque désormais je ne le suis plus, mais il y avait donc un petit clin d'oeil assez amusant. Mais comme je suis ministre des Relations avec le Parlement, j'y vois comme aussi le salut au Parlement dans son ensemble. Ce que je veux dire par-là, c'est que je pense que le temps politique est un temps long parfois. On peut avoir le sentiment dans la vie publique - moi j'ai été élu local également - que parfois les décisions prennent du temps. Du temps pas simplement parce que les politiques ne prennent pas les décisions en temps et en heure mais aussi parce qu'il faut un temps pour que les choses soient mûries dans l'opinion. Et sur des sujets de la transition écologique et de la transition climatique, je pense qu'on a besoin d'accompagner les transitions et pas de prendre des virages qui soient trop violents, parce qu'on voit bien à quel point parfois pour les citoyens en particulier - et ça rejoint les préoccupations, je crois, de Matthieu ORPHELIN - ceux qui sont le plus en difficulté, ces transitions-là sont difficiles à prendre. C'est vrai qu'il y a une urgence climatique. Je partage absolument son point de vue et je crois que la majorité partage son point de vue.
FREDERIC RIVIERE
Mais il dit à ce sujet : « Nous ne sommes au bon rythme sur aucun des grands chantiers de la transition écologique. »
MARC FESNEAU
Je trouve - d'ailleurs il y a contribué lui-même - que sur un certain nombre de sujets, quand vous voyez en dix-huit mois ou vingt mois ce qui a été fait par cette majorité et par ce Gouvernement, il y a des décisions qui ont été prises. La fin des hydrocarbures ; la fermeture de Fessenheim ; une perspective sur le nucléaire qui est plus claire et plus aboutie et plus crédible, disons les choses comme elles sont ; la fermeture du projet, si je peux dire, de Notre-Dame des Landes ; un certain nombre de mesures en termes de transition énergétique. C'est vrai sans doute qu'il y a des choses qui peuvent aller plus vite, mais il me semble que d'une certaine façon, et c'est presque ça que je regrette le plus pour lui et pour nous, moi je ne renonce jamais à l'idée qu'on peut transformer la société. Et même si ça paraît un peu long à l'échelle d'une vie humaine ou à l'échelle du temps politique, je pense que…
FREDERIC RIVIERE
Lancer la pierre parfois devant l'évidence de l'impossibilité de réaliser ce que ce qu'on voudrait ne confine pas parfois un peu à l'absurde ?
MARC FESNEAU
Non. Non, ce n'est pas ça le sujet. Je pense que l'art politique, c'est l'art de combiner ce que serait un objectif très rapide. Et puis l'art du réel, c'est bien ça la difficulté permanente d'un homme politique, c'est la difficulté permanente dans la vie parce que parfois vous avez des objectifs et pour les atteindre, vous mettez un peu plus de temps que prévu. Donc il faut à la fois combiner cette urgence climatique qui est réelle et la mettre dans les esprits et, en même temps, essayer d'oeuvrer avec ce qui est possible. Parce que vous voyez bien que le modèle économique qui est le nôtre est un modèle dans le monde basé sur le carbone et qu'on n'en sort pas comme ça.
FREDERIC RIVIERE
Il reste donc, Marc FESNEAU, quarante-neuf députés de la République en Marche qui se sont abstenus mardi en première lecture sur la loi anticasseurs. C'est en particulier le fameux article 2 qui prévoit l'interdiction administrative de manifester qui leur pose problème. Est-ce que vous les avez déjà rencontrés ? Est-ce que vous les avez, oui, déjà rencontrés ou est-ce que vous allez les rencontrer ? Qu'est-ce que vous allez leur dire ?
MARC FESNEAU
Vous dites quarante-neuf ; enfin, c'est trois cent huit ou trois cent sept députés. Je ne trie pas les députés…
FREDERIC RIVIERE
Oui. Je parle de ceux qui se sont abstenus parce que les autres, a priori il n'y a pas de problème.
MARC FESNEAU
Non, mais ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de problème qu'il ne faut pas discuter avec eux, débattre avec eux, essayer d'avancer sur les textes. Moi je ne segmente pas les députés de la majorité, et d'ailleurs les députés tout court, en fonction de leur choix au vote. Il y a effectivement une cinquantaine de députés qui ont fait le choix de s'abstenir sur le texte tel qu'il avait été proposé par le Gouvernement Je rappelle, et c'est peut-être ça qu'il faudra qu'on améliore encore, mais il me semble que ce texte a déjà été profondément remanié par la majorité. Je vous rappelle que l'article 1 a été supprimé puis réécrit par la majorité.
FREDERIC RIVIERE
Sur le périmètre autorisé.
MARC FESNEAU
Sur le périmètre d'autorisation. Le débat qu'il y a sur l'article 2, c'est le débat d'est-ce qu'il n'y a pas un frein au travers de l'article 2 à la liberté d'aller manifester. Moi je crois que pas du tout. Il y a des garde-fous puisque c'est une décision de police administrative donc c'est une décision du préfet, mais qu'il y a des recours devant le juge administratif qui permettent de garantir et de faire en sorte que si jamais il y avait une décision qui était contraire à l'Etat de droit et aux libertés fondamentales elles puissent s'exercer. On l'a déjà fait dans un certain nombre d'autres actions, même si ce n'était pas les mêmes choses. Mais quand on a pris des dispositions contre les hooligans où on a interdit à des gens d'aller à des manifestations sportives, c'était d'une autre nature. Enfin ça s'est fait et ça s'est fait avec la capacité de recours qu'avaient ceux qui pouvaient être ceux qui étaient visés par ces mesures.
FREDERIC RIVIERE
Mais est-ce que vous croyez à la sincérité des inquiétudes qu'expriment ces cinquante députés, ces quarante-neuf désormais, ou est-ce qu'ils sont dans une forme de posture politique ?
MARC FESNEAU
J'espère et je ne crois pas. Je pense qu'on a besoin de clarifier les choses et de regarder avec eux et de réexpliquer devant eux ce que peuvent être les attendus de cette loi et de ce qu'elle vise. Elle vise à éviter que des gens dans des manifestations…
FREDERIC RIVIERE
Oui.
MARC FESNEAU
Elle ne vise pas à interdire des manifestations, personne n'a la volonté. Et vous n'avez vu à aucun moment, et même parfois on s'est fait reprocher l'idée qu'on laissait des gens manifester y compris en bloquant la circulation de… C'est une liberté fondamentale aussi de pouvoir circuler dans le territoire. Et on a vu lors du mouvement des Gilets jaunes des gens qui ne pouvaient pas circuler. On a laissé ces manifestations se faire. Simplement il y a des gens qui se sont adjoint à ces manifestations, ou qui parfois à l'intérieur des manifestations se sont laissés emporter par la violence. Ceux-là, il faut les mettre hors d'état de nuire lors des manifestations. Oui, c'est normal. Et donc, je ne crois pas que ce soit une posture, je ne vais pas leur faire ce grief-là, mais je pense qu'on a besoin à la fois de mesures de cette nature-là et de garantir les libertés fondamentales et c'est tout le travail qu'on fera avec eux d'éclaircissement.
FREDERIC RIVIERE
La Commission européenne a rejeté hier le projet d'alliance entre ALSTOM et SIEMENS. Le ministre de l'Economie et le Premier ministre n'ont pas caché non seulement une déception mais même quelque chose comme une forme de colère hier contre cette décision qu'ils ont considérée comme aberrante. Vous pensez que c'est une mauvaise nouvelle pour la majorité à quatre mois des élections européennes ?
MARC FESNEAU
Ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour la majorité, c'est une mauvaise nouvelle pour la France et c'est une mauvaise nouvelle pour l'Europe.
FREDERIC RIVIERE
Oui, mais c'était un projet porté par le Gouvernement.
MARC FESNEAU
Oui. Mais c'est un projet assez ancien, cette fusion ALSTOM-SIEMENS. Manifestement, on a besoin de revoir la doctrine et sans doute les textes. Le Premier ministre l'a rappelé d'ailleurs hier à l'Assemblée nationale. Manifestement, la lecture que fait la Commission européenne de la concentration excessive se fait sur l'espace européen alors que nous avons désormais dans ce domaine des concurrents par exemple chinois. Quand vous pensez que la décision s'appuie sur l'idée que nous n'aurions pas de concurrents chinois sur ce sujet, je crois que les Chinois, l'opérateur chinois dont j'ai oublié le nom, il produit plus de deux cents TGV ou équivalent TGV par an et nous, nous en produisons trente à quarante. Vous voyez bien qu'il y a quand même un opérateur dont on ne tient pas compte. Moi, je regrette que la décision de la Commission vise en fait à empêcher que le haut niveau européen puisse se mettre en situation de concurrence avec les autres.
FREDERIC RIVIERE
Mais pourquoi la Commission européenne réfléchit-elle à si courte vue alors ?
MARC FESNEAU
Parce que sans doute elle s'appuie sur des traités ou des textes qui sont plutôt dans l'espace européen sur ces regroupements-là en disant…
FREDERIC RIVIERE
Elle ne s'adapte pas du tout à la réalité du monde.
MARC FESNEAU
Il y a sans doute besoin d'adapter. Oui, il y a sans doute besoin d'adapter les doctrines de concurrence et de règles de concurrence de la Commission européenne avec ce qu'est la réalité de la concurrence, avec des géants qui se sont constitués d'un point de vue industriel au-delà de nos frontières.
FREDERIC RIVIERE
La Commission européenne est bête et disciplinée ? Elle regarde les textes et…
MARC FESNEAU
Je ne sais pas si elle est bête et disciplinée, ce n'est pas comme ça qu'on doit le juger. Mais manifestement les décisions qui sont prises ne sont pas en conformité avec la réalité économique et la réalité industrielle.
FREDERIC RIVIERE
La cote de popularité d'Emmanuel MACRON est remontée dans les sondages. Il a gagné six points. Est-ce qu'il s'agit selon vous d'un effet du débat national ?
MARC FESNEAU
En tout cas, je pense que les Français ont reconnu chez Emmanuel MACRON, chez le Premier ministre la volonté de débattre, la volonté de mettre sur la table un certain nombre de sujets. C'est sans doute cela qui explique les sondages. Après les sondages, il faut les regarder quand ils montent avec la même distance que quand ils descendent. D'ailleurs vous ne m'entendrez jamais dire autre chose. Simplement, c'est le signe aussi que cette volonté de renouer le dialogue, qui en fait au fond n'a jamais été rompu, mais en tout cas est quelque chose qui est peut-être plus visible pour les citoyens et a été perçu par eux et c'est une bonne nouvelle.
FREDERIC RIVIERE
Et parallèlement, un sondage révèle que soixante-dix-sept pour cent des Français trouvent la mobilisation des Gilets jaunes justifiée et qu'un tout petit peu plus de la majorité estime que la mobilisation doit continuer pendant le débat national. Est-ce qu'il y a dans ces deux éléments une forme de paradoxe ?
MARC FESNEAU
C'est tout le paradoxe français. C'est à la fois la volonté sans doute que nous continuions à porter un certain nombre de mesures et de réformes, puis la volonté aussi que le débat puisse se nouer et qu'il puisse y avoir une confrontation démocratique. Je dis bien une confrontation démocratique. C'est bien l'enjeu du débat. Et d'ailleurs la participation nombreuse des Français à ce débat est à saluer. Ça montre que ce pays avait besoin et a besoin en permanence de discuter. Et donc il y aura la sortie du débat puis la façon dont on continue, on pourra dialoguer, discuter avec les Français.
FREDERIC RIVIERE
Merci Marc FESNEAU. Bonne journée.
MARC FESNEAU
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2019